Article mis à jour le 15 octobre 2015

De toutes les horribles révélations présentées lors du procès du tueur en série russe Alexander Pichushkin, la plus dérangeante est sans doute l’épreuve qu’a subie Maria Viricheva, l’une des trois personnes ayant survécu à une agression de Pichushkin.
Il est apparu qu’en 2002, un officier de police moscovite a forcé Maria Viricheva à signer contre son gré une déclaration affirmant qu’elle n’avait pas été agressée, alors même que le petit ami de la jeune femme connaissait Pichushkin et aurait pu mener la police directement au tueur.

Alexander Pichushkin, surnommé le “Tueur au jeu d’échec” ou le “Maniaque de Bittsevsky”, a tué plusieurs dizaines de personnes avant d’être arrêté en 2006. Il a été condamné à la prison à vie en octobre 2007.
Le procureur Yury Syomin a engagé des poursuites judiciaires à l’encontre de l’officier moscovite, Konstantin Kalashnikov, pour « abus de position ». Mais ce dernier est introuvable : selon son épouse, il se serait réfugié en Ukraine.
« Ce qu’ils ont dit à la télévision n’est pas vrai » a affirmé Alya Kalashnikova à des journalistes russes. « Évidemment qu’il a enregistré cette agression correctement. Vous pensez vraiment qu’une personne travaillant dans la police depuis 30 ans aurait fait une chose aussi stupide ? »

Le Comité d’enquête a expliqué que les poursuites lancées contre Kalashnikov, qui travaillait dans le quartier de Zyuzino, à Moscou, ont été suspendues, car personne ne sait où se trouve exactement le policier.
On ne sait pas pourquoi, comme l’affirment le procureur, Kalachnikov aurait choisi d’ignorer l’histoire de Viricheva.
Mais les accusations portées contre lui soulignent une pratique très répandue dans la police : les officiers trafiquent leurs statistiques avec des délits facilement résolubles tout en refusant d’enregistrer les cas de vols à mains armées et d’agression, qui sont plus difficiles à résoudre.
Cette pratique vise à améliorer le pourcentage de crimes résolus enregistrés par un officier en vue d’obtenir un bonus ou une promotion.
« Il y a des critères – comme le nombre de crimes qu’un policier peut résoudre en un an – qui montrent si un policier est un bon élément ou un mauvais élément», a déclaré Yevgeny Vyshenkov, un ancien enquêteur de Saint-Pétersbourg et chef adjoint de l’Agence des enquêtes journalistiques.
« Si un policier résout un pourcentage élevé de crimes, il aura de l’avancement», dit Vyshenkov. « Si un policier comprend tout de suite qu’il ne sera pas en mesure de résoudre un crime, il ne l’enregistre tout simplement pas… Il est beaucoup plus facile d’investir un endroit où vous êtes sûr de trouver des toxicomanes ayant sur eux 3 grammes d’héroïne que de résoudre le vol d’une voiture ou d’un téléphone mobile. »

18 des victimes de Pichushkin
18 des 52 victimes de Pichushkin

Les problèmes dans l’enregistrement des crimes ne sont pas passés inaperçus chez les hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Le Ministre de l’Intérieur Rachid Nurgaliyev a même durement critiqué la police pour corruption et falsification lors de l’enregistrement de crimes.
Ce problème de manipulation des taux de crimes résolus est très répandue au niveau national, a affirmé Nurgaliyev. « Les données sur les crimes résolus sont falsifiées partout».
Le Ministère de l’Intérieur semble pourtant n’avoir pris aucune mesure pour remédier à ce problème…

L’officier Kalashnikov pourrait être condamné à 4 ans d’emprisonnement, s’il est arrêté. Sa voiture est recherchée et son téléphone a été mis sur écoute. « Dans ce cas, on n’est pas capable de fuir la loi pendant très longtemps», a affirmé Sergei Yarosh, chef du département des enquêtes de Chertanovsky.

Pichushkin, 34 ans, s’est vanté durant de son procès l’an dernier des meurtres de 63 personnes : il voulait tuer une victimes pour chaque carré d’un échiquier. Mais les enquêteurs n’ont trouvé les preuves « que » de 48 meurtres.
« Kalachnikov m’a permis de rôder plus longtemps», a dit Pichushkin au tribunal pendant son procès.