Article mis à jour le 24 août 2022

Crimes et châtiment (suite)

Vacher refusa d’admettre l’abominable meurtre d’Olympe Buisson (9 ans), le 29 septembre 1890 (meurtre sadique que Vacher voulait nier, car il ne voulait pas être traité de “tueur d’enfants”). Mais, d’un autre côté, il avoua des crimes que le juge ne lui avait même pas attribués !
Celui d’Eugénie Delhomme (21 ans), violée, étranglée et mutilée le 19 mai 1894 ; celui d’Aline Alaise (16 ans), égorgée et éventrée le 23 septembre 1895 ; celui de Claudius Beaupied (14 ans), égorgé, violé et mutilé fin mai 1897 ; et celui de Louise Marcel (13 ans), étranglée, égorgée et mutilée le 20 novembre 1894.
La presse lui attribua alors d’autres meurtres commis dans les Vosges, celui d’une fillette de 9 ans, Adrienne Reuillard, le 18 mars 1897, étranglée et violée, et d’une adolescente de 14 ans, le 1er mai 1897, étouffée et violée. Vacher nia ses deux derniers meurtres.
Inexplicablement, il refusait d’admettre une quelconque responsabilité dans les crimes suivis de viols perpétrés sur des fillettes, alors qu’il reconnaissait les viols et les meurtres de garçons, d’adolescentes ou de femmes, comme si ces derniers étaient moins graves.

Le juge Fourquet reçu ensuite un courrier dans lequel le Procureur Général lui reprochait d’avoir fait publier la lettre de Vacher dans les journaux et, surtout, lui expliquait sa conviction que « l’auteur de cette lettre est, à ne pas en douter, un simulateur ou un fou ». Mais le juge Fourquet refusa d’entendre ce message qui lui conseillait de faire reconnaître par la Science la folie et l’irresponsabilité de Vacher pour l’enfermer dans un asile d’aliénés… où l’on s’empresserait de l’oublier.

Alexandre Lacassagne
Alexandre Lacassagne

Vacher fut longuement interrogé et examiné par des médecins, dont le célèbre Professeur Alexandre Lacassagne, qui le déclara sain d’esprit. Pour le médecin, sadique, mais pas fou, Vacher était responsable de ses crimes. On devait donc le condamner à la peine capitale.
Cela peut paraître surprenant de la part de cet éminent spécialiste, vu le comportement de Vacher : il souffrait de délire paranoïaque, se croyait persécuté par d’innombrables personnes et divaguait à longueur de journée. Mais le docteur Lacassagne n’était pas psychiatre. C’était un excellent docteur en médecine légal, il est l’un des fondateurs de l’anthropologie criminelle, science “en vogue” à l’époque (et contestée de nos jours). Il était spécialiste de la criminalité, mais pas des troubles mentaux. Il était un fervent partisan de la peine capitale.

De plus, à l’époque, les vagabonds et les pauvres étaient considérés comme une véritable plaie qui devait être éradiquée, et les autorités publiques, qui ne connaissaient que la répression, n’accordèrent aucune circonstance atténuante à Joseph Vacher.
La situation politique et sociale était instable. La criminalité atteignait un niveau alarmant. Les crises économiques et les scandales politico-financiers se succédaient… C’était pourtant une époque de progrès. La France dominait les autres nations dans le domaine des découvertes scientifiques et industrielles, auxquelles on faisait une confiance presque absolue. Les classes dirigeantes considéraient le pays comme supérieur, exceptionnel, alors qu’il se montrait méprisant et prétentieux, abreuvé de moralisme, de nationalisme et de colonialisme.
Joseph Vacher, le criminel, l’insensé, devait être « chassé » d’une société que certains pensaient parfaite. Et de la manière la plus radicale.

Il est donc probable que le professeur Lacassagne se soit laissé influencer par ses opinions politiques plutôt que de se concentrer sur les faits. Il a surtout vérifié les assertions du Juge Fourquet plutôt que d’examiner objectivement l’accusé. Dans son ouvrage sur Vacher, Jean-Pierre Deloux affirme même que le diagnostic du professeur Lacassagne reposait « entièrement sur des éléments relevés dans les procès-verbaux et non sur un examen objectif de l’inculpé ».

Le juge Fourquet continua d’interroger Vacher, qui resta muré dans son silence. Le juge avança telle ou telle hypothèse, et comme Vacher ne répondait jamais, le juge en conclut qu’il consentait…
Le 3 décembre, il mit fin aux interrogatoires, peu de temps avant que ne soit promulguée une loi sur l’assistance judiciaire qui pouvait remettre en cause la totalité de son instruction.
Le juge Fourquet désigna le professeur Lacassagne (alors directeur du laboratoire de criminologie de Lyon) et les docteurs Rebatel et Pierret (collègues de Lacassagne, tenants de l’anthropologie criminelle, et persuadés, eux aussi, que Vacher était “sain d’esprit”) comme experts commis à l’examen mental de l’inculpé.

Le procès de Vacher, de même que l’instruction qui le précéda, furent révélateurs du malaise de la justice face à la folie, du conflit entre la justice et la psychiatrie.
Le juge Fourquet ne chercha jamais à savoir si Vacher était ou non responsable de ses actes. Il devait payer. Le Docteur Lacassagne ne s’interrogea pas plus que le magistrat. Il rendit des conclusions cinglantes et parfois contradictoires.

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La presse nationale et provinciale envahissait la petite ville de Belley, et de nombreux curieux s’attroupaient devant la prison ou le palais de justice. Le juge passait son temps à essayer de convaincre les journalistes que Vacher n’était pas aliéné, et leur demandait de ne pas user des termes “fou”, “malade” ou “irresponsable” dans leurs articles.
Selon le juge Fourquet et ses trois médecins experts, Vacher n’était pas fou. Enfin, il ne l’était plus depuis que, quatre ans auparavant, le docteur Dufour l’avait laissé sortir de l’asile de Saint-Robert, « sain et responsable ».

Toutefois, le juge Fourquet n’avait pu obtenir les pouvoirs nécessaires pour instruire officiellement tous les crimes. Il ne put faire juger Vacher que pour l’assassinat de Victor Portalier, dans l’Ain, le seul qui fût dans son arrondissement.

Le procès de Joseph Vacher s’ouvrit le 26 octobre 1898 à Bourg-en-Bresse, en présence de la presse nationale, mais aussi britannique et américaine. Vacher entra dans le palais de Justice avec une pancarte sur laquelle on pouvait lire « J’ai deux balles dans la tête » et en chantant « Gloire à Jésus ! Gloire à Jeanne d’Arc ! ».
Durant trois jours, il se comporta comme un bouffon, comme un idiot, étonnant et terrifiant. Il eut des crises de rage, éructant, bavant, menaçant. L’avocat de Vacher tenta de sauver son client, attaquant l’acte d’accusation, contestant les expertises et la légalité des débats, se battant contre l’indifférence des jurés…
En vain. Vacher fut reconnu coupable de meurtres avec préméditation, sans aucune circonstance atténuante, à l’unanimité des douze jurés.

Joseph Vacher fut guillotiné le 31 décembre 1898, à 29 ans.
Il n’a jamais été jugé pour les autres crimes qui lui étaient reprochés, et qui n’ont donc jamais été officiellement “résolus”.

Les victimes de Joseph Vacher

(celles avouées et celles qu’a retenues le Juge Fourquet)

Joseph Amieux (10 ans)
Étranglé le 18 juillet 1884, à Eclose, dans l’Isère.
Son corps fut découvert 3 jours plus tard.

Une inconnue (environ 35 ans)
Fin 1888, à Joux, dans le Rhône, on découvrit le corps de cette femme dissimulé dans un petit bois, près d’un chemin, la tête sectionnée du cou.

Clémence Grangeon (14 ans)
Égorgée le 1er juillet 1888 à Chambérac, en Haute-Loire. Il semble qu’elle n’ait pas été agressée sexuellement.

Augustine-Mélanie Perrin (23 ans)
Étranglée le 30 juin 1890 à Moirans, dans l’Isère. Elle était prostituée et fréquentait les vagabonds.

Olympe Buisson (9 ans)
Égorgée, éventrée et mutilée le 29 septembre 1890 à Varacieux, dans l’Isère.

Eugénie Delhomme (21 ans)
Étranglée, égorgée, frappée, violée et mutilée, le 19 mai 1894 à Beaurepaire, en Isère.
(Ce meurtre fut le 1er avoué par Vacher)

Deux tentatives de meurtres sur des ouvrières agricoles les 17 et 18 juin 1894, à Beaurepaire, en Isère.

Tentative de meurtre sur un jeune garçon, près de Belley, dans l’Ain, en juillet 1894.

Louise Marce (13 ans)
Étranglé, égorgé, éventré et mutilée à Vidauban, dans le Var, le 20 novembre 1894.
(Meutre avoué par Vacher)

Les époux Honorat (septuagénaires)
Battus à mort à coups de barre de fer, le 6 décembre 1894, à Châteaudouble, dans le Var.

Tentative de meurtre et de viol d’une marchande d’oranges
À Dijon, en Côte-d’Or, le 14 avril 1895.

Adèle Morureux (17 ans)
Étranglée, égorgée, mutilée à Etaule, au Bois-de-Chêne, en Côte-d’Or, le 12 mai 1895.
(Meurtre avoué par Vacher)

Mme Morand (58 ans)
Étranglée, égorgée et violée à Saint-Ours, en Savoie, le 24 août 1895.
(Meurtre avoué par Vacher)

Victor Pourtalier (16 ans)
Égorgé, éventré, mutilé à Bénonces, dans l’Ain, le 1er septembre 1895.
(Meurtre avoué par Vacher)

Francine Rouvray (30 ans)
Égorgée près d’Autun, en Saône-et-Loire, dans la nuit du 6 au 7 septembre 1895.

Madeleine Martelat (64 ans)
Le crâne fracassé par une pierre le 22 septembre 1895, à Four, en Isère.

Une femme inconnue (septuagénaire)
Assassinée à Hauterive, dans la Drôme, fin septembre 1895.

Aline Alaise (16 ans)
Égorgée, éventrée à Truinas, dans la Drôme, le 23 septembre 1895.
(Meurtre avoué par Vacher)

Une femme inconnue (septuagénaire)
Assassinée à la Baume-d’Hastum, dans la Drôme, le 23 septembre 1895.

Pierre Massot-Pellet (14 ans)
Égorgé, éventré et violé à Saint-Etienne-de-Boulogne, en Ardèche, le 29 septembre 1895.
(Meurtre avoué par Vacher)

Marie Ageron (70 ans)
Égorgée, tête séparée du tronc et coeur arraché à Parnans, dans la Drôme, le 29 octobre 1895.

Tentative de viol et de meurtre de la jeune Alphonsine Derouet
Le 1er mars 1896, au Mans, dans la Sarthe.

Maria Clément (17 ans)
Assassinée à coups de pied, violée et noyée, à Reims, dans la Marne, le 24 août 1896.

Marie Moussier-Lorut (19 ans)
Étranglée, égorgée, mordue et violée à Busset, dans l’Allier, le 10 septembre 1896.
(Meurtre avoué par Vacher)

Mme Charlot (septuagénaire)
Le crâne fracassé, à Moux, dans la Nièvre, le 26 septembre 1896.

Rosine Rodier (14 ans)
Égorgée, éventrée et mutilée à Saint-Honorat, en Haute-Loire, le 1er octobre 1896.
(Meurtre avoué par Vacher)

Louradour (un jeune homme)
Au cours d’une rixe, à Brive, en Corrèze, dans les premiers jours de novembre.

Tentative de viol d’une jeune femme
À Brioude, en Haute-Loire, en décembre 1896.

Célestin Gautrain (40 ans)
Frappé à coups de pierre, à Lacaune, dans le Tarn, le 23 février 1897.

Adrienne Reuillard (9 ans)
Étranglée et violée à Belfort, le 18 mars 1897.

Geneviève Cadet (70 ans)
Égorgée, la tête sectionnée du tronc, à Condrieu, dans le Rhône, le 11 avril 1897.

Tentative de viol et de meurtre de Léonie Soyer (17 ans)
Saisie par le cou par un individu armé d’un tranchet à Greffigny, dans la Haute-Marne, le 26 avril 1897.

Tentative de viol et de meurtre de Blanche-Marie Humbert (16 ans)
A Daillecourt, dans la Haute-Marne, le 1er mai 1897.

Tentative de viol et de meurtre Jeanne Henrion (14 ans)
À Vrécourt, dans les Vosges, pas loin de Daillecourt, le 1er mai 1897.

Claudius Beaupied (14 ans)
Égorgé, éventré, mutilé et violé à Tassin-la-demi-Lune, fin mai 1897. Le corps a été découvert dans un puits, réduit à l’état de squelette.
(Meurtre avoué par Vacher)

Tentatives de viol dans la Drôme, l’Isère et le Puy-de-Dôme.

Pierre Laurent (13 ans)
Égorgé, mutilé et violé à Courzieu, dans le Rhône, le 18 juin 1897.
(Meurtre avoué par Vacher)

Mme Lagier (60 ans)
Éventrée à Volvent, dans la Drôme, dans la nuit du 4 au 5 juillet 1897.

Mme Laville (61 ans)
Assommée, violée, étranglée et égorgée, la tête séparée du tronc, à Coux, dans l’Ardèche, le 24 juillet 1897.

Mode opératoire

Les victimes étaient majoritairement du sexe féminin, soit des adolescentes, soit des veuves ayant environ 70 ans.
Selon Vacher, les meurtres des veuves étaient des “accidents” dus à son mauvais caractère, et pourtant, il les a parfois violées.
Toutefois, les préférences sexuelles de Vacher allaient aux garçons de 13 à 16 ans, qui ont tous subi des sévices sexuels.

Il agissait presque toujours de la même manière. Il saisissait sa victime par le cou, commençait à l’étrangler, puis l’égorgeait et, souvent, l’éventrait. Ensuite, il mutilait les parties sexuelles de ses victimes (seins ou parties génitales). Souvent, il les violait après le meurtre.

Il dissimulait vaguement le corps à proximité du lieu du crime ou les laissait en pleine vue.

La majorité des meurtres ont été commis entre le mois de mai et la première quinzaine d’octobre, correspondant à la période de plus grande activité agricole. Beaucoup de crimes se sont succédé à un intervalle ne dépassant pas un mois : on peut penser à des périodes de “crises” meurtrières.

Motivations

Il est possible que Vacher ait été fortement influencé par la mort de son frère jumeau, à un mois. Peut-être a-t-il pu penser que c’était là l’intervention de Dieu, qui l’avait sauvé, lui et non son frère, afin qu’il soit “le bras armé de la colère Divine”.
Joseph Vacher était très pieux et, à l’époque, il y avait un renouveau considérable de l’occultisme chrétien et du mysticisme.

“Les meurtres étaient peut-être la répétition obsessionnelle d’un meurtre premier dont le criminel se sent responsable tout en refusant la culpabilité et en la rejetant sur une force la dépassant. C’est aussi une manière d’auto-punition que de se condamner à répéter sans arrêt le même geste meurtrier sur des enfants innocents et purs, la grande majorité de ses victimes, qu’il s’ingénie à souiller.
Cela peut être également une manière de tuer son double ; voire une façon de venger un innocent en tuant d’autres innocents qui, pas davantage que le jumeau perdu, n’avaient de raison de mourir” (Vacher l’Éventreur, Jean-Pierre Deloux).

L’atavisme entre également en jeu. Contrairement à ce que le Professeur Lacassagne a pu affirmer, la famille de Joseph Vacher était loin d’être « saine de corps et d’esprit ».
L’une de ses sœurs était maniaco-dépressive, un oncle avait un comportement extravagant, une autre sœur est morte folle dans un asile d’aliénés, un frère courait en criant et en gesticulant à travers la campagne, sa mère avait des bouffées délirantes mystiques et son père avait des crises délirantes consécutives à des attaques de fièvre au point qu’on avait dû le ligoter sur son lit durant deux mois !

Joseph Vacher n’utilisa jamais l’épisode de la mort de son frère pour expliquer ses actes, mais se servit d’un autre incident de son enfance qui, selon lui, était à l’origine de tous ses maux.
À l’âge de 5 ans, il fut léché au visage par un chiot qui fut par la suite abattu, peut-être parce qu’il avait contracté la rage. Les parents de Joseph Vacher le forcèrent alors à avaler une mixture préparée par un sorcier du village (le vaccin de Pasteur n’existait pas encore). C’est à ce breuvage que Vacher attribua la cause de son comportement de bête enragée. « On m’a alors empoisonné le sang. C’est ma première irresponsabilité, la raison de tout ».
On ne peut savoir si ce remède laissa des séquelles, mais il est certain que Joseph Vacher contracta peu après la fièvre typhoïde, dont on sait qu’elle laisse à ceux qui en survivent des séquelles physiques et mentales.

Vacher a peut-être aussi était influencé par le discours d’un missionnaire qui fit un sermon sur les mœurs des “sauvages”, chez les Frères Maristes. Afin de prouver que ces “sauvages” étaient des créatures du Diable, le missionnaire raconta en détail les tortures qu’ils faisaient endurer lors des cérémonies d’initiation ou sur leurs prisonniers. Au lieu de l’apeurer, le récit excita le jeune Joseph Vacher et exalta son imagination. Parvenu à l’âge adulte, il est probable qu’il ait voulu réaliser ses fantasmes sanguinaires.

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Vacher avait des problèmes avec les femmes, avant même que sa troisième tentative de suicide ne lui laisse des séquelles physiques. À l’Armée, le seul homme qui ait été assez proche de lui témoigna n’avoir jamais vu Vacher avec une femme, même dans un café ou une maison close. Ses manières, le personnage qu’il se donnait, mélange de bigot et de sous-officier mal embouché et violent, faisait fuir les femmes.

Vacher, lorsqu’il découvrit que Louise Barrand le trompait, se mit à baver, hurler, crier des jurons. Il se tordit sur le sol et l’on eut le plus grand mal à le calmer. Revenu à la garnison, il menaça ses compagnons de les embrocher avec sa baïonnette. On parvint à le désarmer et on le porta à l’infirmerie. Le colonel le fit placer à l’hôpital où, pour se débarrasser de lui, les médecins lui accordèrent un congé de convalescence couvrant les quatre mois qui lui restaient à faire.
Mais, le 25 juin 1893, Vacher tenta de tuer Louise, puis de se tirer non pas une mais trois balles dans la tête.
Cela fut sans doute le détonateur de la sexualité sanguinaire d’un Vacher devenu fou de chagrin, ivre de dépit et de vengeance. Les graves lésions de l’oreille, qui ne manquèrent pas d’affecter son cerveau et son système nerveux, le firent basculer irrémédiablement dans la folie meurtrière.

Il existe des doutes concernant sa santé mentale et certains le considèrent encore comme un psychopathe manipulateur que le professeur Lacassagne serait parvenu à démasquer.
Toutefois, le docteur Pierre Bouvery (Lyonnais tout comme Lacassagne) a publié un ouvrage en 1963, “Aspects anthropologiques et sociopathiques de dix assassins guillotinés au 19ᵉ siècle dans la région lyonnaise”, dans lequel il dresse le profil psychologique de Vacher à partir d’éléments contemporains du criminel et de son autopsie : « Il semble en effet que l’on ait affaire à une psychose au long cours, évoluant sur un fond schizoïde, avec des phases de rémission après des bouffées délirantes de type paranoïde ».

De même, en analysant les meurtres de Joseph Vacher et en les comparant avec les portraits-robots psychologiques des “serial killers” réalisés par le FBI, on peut constater que Vacher était un tueur en série “désorganisé” : selon la “Behavorial Science Unit”, le criminel organisé planifie ses crimes, amène ses victimes sur le lieu du crime et tente souvent de cacher les corps de ses victimes.
Au contraire, le tueur désorganisé n’établit pas de plan, ne prémédite que rarement ses meurtres, fait preuve d’une violence soudaine et démesurée, et laisse ses victimes à la vue de tous. Le tueur désorganisé est très souvent un aliéné mental.

Le Docteur Michel Benezech, professeur de médecine légale à l’université de Bordeaux et psychiatre des hôpitaux, pense lui aussi que Joseph Vacher était un criminel psychotique irresponsable pénalement, avec une différenciation psychopathe / psychotique proche de celle des profils du FBI : Vacher a fréquenté des établissements psychiatriques sans y recevoir un traitement adéquat, il vivait seul et voyageait sans arrêt, il ne faisait preuve d’aucune préméditation et s’attaquait soudainement à des victimes de rencontre (il a failli, à plusieurs reprises, être appréhendé à cause de ce manque de prudence), il faisait preuve d’une grande violence envers ses victimes et les mutilait avant et après la mort, il souffrait d’hallucinations et de délires, il ne cachait pas le corps…

Citations

“Je suis un pauvre malade innocent, dont Dieu a voulu se servir pour faire réfléchir le monde, dans un but que nul humain n’a le droit de sonder” : Joseph Vacher.

“Il y a des moments où je n’étais pas maître de moi, et où je courrais comme un fou à travers le monde, droit devant moi, me guidant sur le soleil, et ne sachant où j’ai erré. Ce n’est pas ma faute si on m’a empoisonné le sang” : Joseph Vacher.

“A chaque fois, je suis pris d’une espèce de fièvre, d’un tremblement nerveux, je ne veux pas tuer, ni violer, mais il faut que je le fasse” : Joseph Vacher.

“J’embrasserai Jesus Christ tout à l’heure. Vous croyez expier les fautes de la France en me faisant mourir. Cela ne suffira pas, vous commettrez un crime de plus. Je suis la grande victime de cette fin de siècle” : Joseph Vacher, au prêtre qui lui demandait de confesser ses péchés avant de monter sur la guillotine.

Bibliographie

Vacher, l’éventeur
Résumé : le Rédacteur en chef de la revue Polar, directeur de diverses collections policières, reconstitue avec précision l’histoire de Joseph Vacher, mais aussi l’époque particulière où les meurtres ont eu lieu.
Critique : Un peu trop de détails sanglants et horribles, mais sans doute l’auteur voulait-il- faire sentir la violence barbare des crimes de Vacher. La confrontation entre Joseph Vacher et le Juge Fourquet est très bien expliquée, et l’on sent tout le poids des préjugés, des peurs et des carcans sociaux de l’époque, qui ont pesé dans la balance pour la faire pencher du côté de la guillotine plutôt que de l’asile.

Crime ou folie, un cas de tueur en série au XIXe siècle : L’affaire Joseph Vacher
Résumé : Le crime “fou” prouve-t-il la folie du criminel ? L’affaire Vacher (1897-1899), premier cas de tueur en série français avéré, illustre ce constat toujours d’actualité. Les trois discours explicatifs (du criminel, médical et juridique) sont questionnés dans leur préoccupation commune : Vacher est-il un monstre ou un insensé irresponsable de ses actes ?

L’assassin des bergères
Résumé : Rémi Cuisinier, né dans le département du Rhône, a écrit un ouvrage de référence comprenant, entre autres, de nombreuses illustrations, lettres et chansons d’époque, et qui replacent l’affaire dans son contexte historique, social et politique. Il décrit en détail chaque meurtre dans chaque village, les crimes avoués par Vacher et ceux dont on l’a soupçonné, l’enfance de Vacher, son procès et son exécution.

Joseph Vacher : Un tueur en série de la Belle Époque
Résumé : L’auteur a soigneusement épluché la presse de l’époque, mais aussi travaillé sur les archives : le dossier d’instruction, le rapport Lacassagne, les mémoires et textes écrits par Vacher en prison… Ce livre énonce une hypothèse : tout enfant, le petit Joseph aurait été violé par le garde-champêtre de son village. Traumatisé à vie, il reproduisait inlassablement, sur ses jeunes victimes, son initiale mutilation.

Vacher l’éventreur et les crimes sadiques
Résumé : L’éminent professeur Lacassagne donne sa version de l’affaire Vacher.
Critique : Le professeur Lacassagne donne effectivement sa version, très intéressante pour replacer le crime dans son époque… Il finit par se contredire lui-même. Il reproche aux médecins militaires de ne pas avoir envoyé Vacher à l’asile quand il n’avait encore commis aucun meurtre, mais lorsque Vacher est accusé de onze crimes horribles, Lacassagne le juge “sain d’esprit”.

Joseph Vacher l’éventreur
Résumé : “C’est l’ouvrage que lui consacra, après l’avoir contraint aux aveux, le juge d’instruction Emile Fourquet qui éclaire le mieux sa personnalité si étrange et sa croisade sanguinaire. Paru en 1931, devenu introuvable, le voici aujourd’hui réédité.”

Filmographie

Le Juge et l’assassin
Critique : Ce film de Bertrand Tavernier, sur un scénario de Tavernier et de Jean Aurenche, présente la confrontation de Joseph Vacher (appelé Bouvier, interprété par Michel Galabru) et du juge Fourquet (interprété par Philippe Noiret). Ce film rend parfaitement le jeu du chat et de la souris auquel se sont livrés Vacher et son juge, grâce à deux excellents acteurs.

Marc Renneville (directeur de Criminocorpus) présente la traque de Vacher l’éventreur, le premier tueur en série médiatique français. Il retrace l’enquête et interroge la réputation de premier profileur français attribuée au juge Émile Fourquet :

Liens

– Rémi Cuisinier : site de l’auteur de “L’assassin des bergères”, ouvrage de référence sur Vacher.
– Presse à la une : la belle époque du fait divers dans la presse illustrée
– La IIIe République modérée : site de Larousse
– La Belle Epoque sur Wikipedia
– Criminocorpus : Autour des archives d’anthropologie criminelle (1886-1914)
Criminologie, hygiénisme et eugénisme en France (1870-1914)
Joseph Vacher, premier serial killer français et vagabond, un article sur Levif.be

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