Article mis à jour le 20 septembre 2022

La majorité des gens pensent encore que les tueurs en série n’existent qu’aux États-Unis et que leur apparition inopinée dans d’autres pays est une erreur, une aberration de la nature.
Ils ont tort.
Les tueurs en série sont partout présents sur la planète. Toutefois, alors que les États-Unis ne représentent que 5% de la population mondiale, près de 80% des tueurs en série résident sur son territoire… Pourquoi ?

Les tueurs en série : uniquement aux États-Unis ?

Tous les continents, sauf peut-être l’Antarctique, ont connu des meurtres en série, mais certaines régions du globe sont certainement plus dangereuses que d’autres.
L’Amérique du Nord a “produit” près de 80% de tous les tueurs en série connus, dont la plus grande partie était actifs aux États-Unis. L’Europe, seconde, est loin derrière, avec 16% : les pays européens ayant le plus de tueurs en série étant la Grande-Bretagne (28% de tout le continent Européen), l’Allemagne (27%) et la France (13%).
Les nations du “tiers-monde” n’engendrent “que” 4% des tueurs en série connus, mais un récent accroissement de leur présence en Afrique du Sud et en Amérique du Sud va sans doute changer ces statistiques au 21e siècle.

Selon certaines études, le fait que les pays du “tiers-monde” possèdent moins de tueurs en série tient “aux disparités culturelles, au peu de moyens de communication et à la censure d’état imposée par des régimes totalitaires“… Ce qui signifie en fait que les tueurs existent, mais que l’on n’en parle pas : l’URSS a connu ce phénomène sous le régime Communiste.

Une chose est claire : les États-Unis, avec seulement 5% de la population mondiale, ont produit 76% de tous les tueurs en série connus au 20e siècle (près de 85% depuis les années 80). Et pourtant, les Américains ont vu apparaître les tueurs en série depuis peu de temps.
Locusta, l’Empoisonneuse romaine, était morte depuis 1400 ans lorsque Christophe Colomb a découvert l’Amérique. Erzebeth Bathory, Comtesse Hongroise, est morte trois ans après que la colonie de Jamestown se soit établie en Virginie. Mais les États-Unis allaient rapidement “rattraper leur retard”.

Le meurtre en série est un problème national aux États-Unis. Aucun des 50 états ne peut se vanter de ne jamais avoir été “affecté”, pas même l’Alaska. Mais certaines régions sont plus dangereuses que d’autres.
Les tueurs en série diffèrent de la “norme” des autres criminels américains, principalement en deux points : l’endroit où ils tuent et l’arme qu’ils utilisent. Durant ces dernières années, les statistiques ont montré que 40 à 45% de tous les meurtres “normaux” étaient commis dans les états du sud. Alors que les tueurs en série tuent sur tout le territoire américain : 25% dans le Sud, 24% à l’Ouest, 17% au Nord et au Centre.
Depuis 1900, les cinq états les plus dangereux (en termes de tueurs en série) sont :

  • la Californie (presque 10% de tout le pays)
  • la Floride
  • l’état de New York
  • le Texas
  • l’Illinois
cartes etats-unis

Pourquoi ?

La réponse semble reposer sur la logique. Les “terrains de chasse” favoris des tueurs en série géographiquement sédentaires comportent 5 des 7 états les plus peuplés des États-Unis, et 7 des 10 villes les plus peuplées.

En plus de la densité de la population, des villes comme New York, Los Angeles, Chicago, San Francisco et Miami ont toutes une réputation de villes “libérales” et tolérantes, où le sexe, la drogue et l’alcool sont monnaie courante. Toutes possèdent également des communautés florissantes de prostituées et d’homosexuels qui sont fréquemment les proies des tueurs en série.

Dans la société américaine, très mobile, ces villes attirent la grande majorité des sans-papiers, des jeunes fugueurs et fugueuses et des starlettes égarées. Ces villes sont aussi celles qui connaissent le plus de crimes violents.
Un climat doux et une agriculture florissante amènent des milliers (si ce n’est des millions) de travailleurs immigrés et de clandestins vers la Californie, la Floride et le Texas chaque année : d’autres proies “faciles” pour les tueurs en série.

Et ailleurs ?

En dehors des États-Unis, les dix dernières années nous ont fait découvrir avec surprise de nombreux tueurs en série dans l’ancien bloc soviétique et en Afrique du Sud. Il a même été suggéré que l’Afrique du Sud, avec une population totale représentant moins d’un sixième de celle des États-Unis, pourrait détenir rapidement un “record” plus élevé que celui des États-Unis.

Les explications de ces dernières révélations varient : ces deux régions du globe ont toutes deux enregistrées des affaires de tueurs en série durant le 20e siècle, mais les changements de régime ont apparemment augmenté le “problème” (ou plutôt le fait que l’on en parle).

Anatoly Onoprienko
Anatoly Onoprienko

Avant l’arrivée de la Glasnost en 1987 (et l’effondrement du régime soviétique en 1991), les censeurs communistes et la police travaillaient en tandem pour supprimer tous les rapports officiels concernant “les crimes décadents de type occidental”.
Certains serial killers ont pu tuer en toute impunité durant des années. L’on a appris l’existence des tueurs en série du bloc soviétique seulement des années après leur discrète arrestation.
Andreï Chikatilo, un tueur ukrainien, a assassiné 52 personnes entre 1978 et 1990. Anatoly Onoprienko, lui aussi Ukrainien, a fait le même nombre de victimes entre 1989 et 1996.

La population chinoise doit faire face au même phénomène : les autorités, les propagandistes et les policiers refusent obstinément d’admettre que de nombreux tueurs en série sévissent actuellement dans tout le pays et font de nombreuses victimes. En 1995, trois tueurs en série ont été désignés les uns après les autres dans les rapports officiels comme “le premier en Chine” !
La Chine, tout comme les États-Unis, possède depuis plusieurs années des mégalopoles dans lesquelles de nombreux “campagnards” viennent chercher un emploi, les prostituées sont de plus en plus nombreuses et l’anonymat devient la règle.

Le problème assez récent que connaît l’Afrique du Sud avec les tueurs en série est assez différent de celui de la Russie et de la Chine.
Avec la fin de l’apartheid en 1993, il semble que (selon certains analystes) “la rage des noirs qui avait été réprimée durant des générations, a finalement trouvé un moyen d’expression physique”. Mais la majorité des tueurs en série sud-Africain s’en prennent à des victimes de la même couleur qu’eux, alors que plusieurs dizaines de fermiers blancs avaient été tués par des “tueurs vagabonds noirs” dans les années 1905-1915. L’Afrique du Sud se pose encore la question et n’a, pour le moment, pas vraiment trouvé de réponse.

L’Afrique du Sud

Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria, Kenya, Algérie, Tunisie, Maroc, Mozambique, Lesotho, Mali… Quasiment tous les pays d’Afrique ont identifié des tueurs en série au cours des dernières années.
Mais l’Afrique du Sud, qui dispose pourtant d’une unité anti-criminalité efficace et de médias modernes, est de loin le pays d’Afrique qui possède le plus de tueurs en série.

Moses Sithole
Moses Sithole

Moses Sithole et ses « ABC murders » fut l’un des tueurs les plus inquiétants. Se présentant comme un homme d’affaires, il a violé et étranglé au moins 38 femmes en seulement un an, entre 1994 et 1995, entre Pretoria et Johannesburg.

Tout comme en Chine ou dans l’ex-URSS, les populations et les autorités des différents pays d’Afrique nient l’existence des tueurs en série, les considérants uniquement comme des sous-produits de la civilisation occidentale, ce qui permet aux tueurs en série africains de tuer en plein jour, sans être inquiétés.

Les tueurs en série Africains sont souvent moins mobiles que les tueurs occidentaux, en raison de leur culture et de leur mode de vie sédentaire. Alors que les tueurs en série américains traversent couramment les frontières des états pour faire de nouvelles victimes, les tueurs Africains assassinent dans une seule et même ville ou dans la région où ils sont nés. Cette restriction géographique permet aux enquêteurs de les identifier plus rapidement, mais le continent Africain manque de moyens pour protéger les citoyens contre les tueurs en série, à l’exception de l’Afrique du Sud qui conserve les empreintes digitales et les profils ADN, et de l’Algérie qui va bientôt suivre.

L’Afrique du Sud est le seul pays africain qui emploie des profileurs et forme sa police à la spécificité des crimes en série. Sans ces outils, il est difficile de relier des crimes qui ne semblent pas nécessairement être commis par la même personne. Le nombre de tueurs en série en Afrique est certainement bien plus élevé qu’on ne le croit, car la plupart d’entre eux n’attirent pas l’attention des médias internationaux. Seuls les médias locaux de chaque pays rapportent ces affaires, et très souvent dans la langue du pays plutôt qu’en anglais.

La plupart des meurtres en série sont considérés comme des meurtres rituels liés à la tradition. Et certains le sont. Dans le sud de l’Afrique, les “sangomas” (des sages-femmes guérisseuses et devins) peuvent employer des tueurs à gages, car elles préparent des concoctions contenant des parties de corps humain. Les “Muti killings”, des meurtres commis dans le but de prélever des organes humains, font plusieurs centaines de victimes chaque année. L’Afrique enregistre plus de crimes liés au cannibalisme et au vampirisme que n’importe quel autre endroit au monde. Dans nombre de croyances locales, manger quelqu’un signifie capturer l’âme et l’esprit de cette personne. Ce genre de croyance explique les actes commis par les deux tueurs en série kényans Philip Onyancha, qui buvait le sang de ses victimes, et George Otieno Okoth, qui a recueilli des cheveux humains.

Velaphi Ndlangamandla
Velaphi Ndlangamandla

Mais si de nombreux meurtres sont liés à la “sorcellerie”, de très nombreux assassinats en série sont bien plus « classiques ». La majorité des tueurs en série ne connaissent pas leurs victimes. Le sniper en série d’Afrique du Sud, Velaphi Ndlangamandla, condamné en 2000 pour 19 meurtres et 9 tentatives, a d’abord expliqué qu’il avait tué parce qu’il adorait les armes. Puis, il a finalement avoué qu’il était devenu impuissant après avoir été victime de viols en prison. Sa femme le lui reprochait. Chaque fois qu’ils se disputaient, il sortait de chez lui et tuait quelqu’un « pour calmer ses nerfs ». Et il était sexuellement excité à chaque fois qu’il assassinait l’une de ses victimes.

La plupart des tueurs en série d’Afrique du Sud sont très « prolifiques ». Une quinzaine de tueurs en série, à eux seuls, ont assassiné près de 250 personnes :

  • Elifasi Msomi (le tueur à la hache, qui a assassiné 15 personnes entre 1953 et 1955)
  • Elias Xitavhudzi (le Pangaman, qui a torturé, mutilé et assassiné 16 femmes blanches dans les années 1960)
  • Stewart Wilken (le “Boetie Boer”, qui a assassiné 10 femmes et enfants, dont sa propre fille de 11 ans, entre 1990 et 1997)
  • Moses Sithole (le tueur « ABC3 a violé et assassiné 38 femmes en 1994 et 1995)
  • Christopher Mhlengwa Zikode (le tueur de Donnybrook, qui a assassiné 18 femmes, également en 1994 et 1995)
  • Sipho Thwala (l’étrangleur de Phoenix Strangler, qui a fait 19 victimes entre 1996 et 1997)
  • Cedric Maake (le tueur de Wemmer Pan, qui a assassiné au moins 27 personnes, hommes, femmes et enfants, noirs ou blancs, lui aussi entre 1996 et 1997)
  • David Randitsheni (le tueur de Modimolle, qui a violé 17 enfants et en a assassiné 10 entre 2004 et 2008)
  • Jimmy Maketta (le “Jesus Killer”, qui a violé et assassiné 16 victimes en l’espace de quelques mois en 2005)
  • Thomazile Taki (il a commis 16 attaques à mains armées et 13 meurtres de femmes en 2007)
  • Sibusiso Duma (il a violé, torture et assassin 7 femmes en 2007)
  • Jack Madumetsa Mogale (le tueur de West-End qui a violé et assassiné 15 femmes et 1 enfant entre 2008 et 2009)
  • Bulelani Mabhayi (le tueur de Tholeni, qui a assassiné 11 femmes et 9 enfants entre 2007 et 2011)
  • Petrus Madiba (il a assassiné 8 femmes et un bébé en 2012)
  • Batshabeng Motsame (il a fait 8 victimes en 2012)
Lazarus Mazingane
Lazarus Mazingane

La majorité des tueurs en série dans le monde assassinent moins de 5 personnes.
En Afrique du Sud, la plupart des tueurs en série font plus de 10 victimes : Richard Nyauza (16 victimes), Francois Potgieter (16 victimes), Sylvester Mofokeng (12 victimes), Christopher Zikode (18 victimes), Lazarus Mazingane (le tueur de Nasrec, 16 victimes), Mukosi Freddy Mulaudzi (13 victimes), David Motshekgwa (14 victimes), John Phukokgabi (16 victimes), etc.

Depuis 2003, l’Afrique du Sud est devenu l’un des trois plus grands « producteurs » de tueurs en série au monde, avec la Russie et les États-Unis. Depuis 1950, l’Afrique du Sud a identifié environ 170 tueurs en série, la grande majorité d’entre eux à partir des années 1990.
Selon Gérard Labuschagne, à la tête de l’Unité d’enquête psychologique de la police d’Afrique du Sud, “la chute de l’apartheid a été accompagnée par un changement social important qui a fourni des conditions fertiles pour de tels crimes“. Un article publié par l’Université de Pretoria ajoute un certain nombre de facteurs ayant pu conduire à cette croissance :

  • Bouleversement social
  • Occidentalisation et influence d’un phénomène apparemment occidental comme le meurtre en série (???)
  • Réévaluation des normes sociales et des valeurs
  • Absence de réalisation immédiate des possibilités espérées dans une Afrique du Sud démocratique
  • Taux élevés de crimes violents après 1990, urbanisation accrue et surpeuplement des zones urbaines, provoquant anonymat, dépersonnalisation et normalisation de la violence interpersonnelle

Le document suggère néanmoins que l’ampleur de cette croissance peut toutefois être atténuée : trop peu d’attention était accordée à ce type de meurtres avant 1990, à cause de préjugés (un crime occidental…), d’un manque d’attention (en raison de la non prise de conscience du phénomène), de la faible capacité à relier les affaires et le manque de formation spécialisée des enquêteurs, de l’exclusion des crimes commis dans les campagnes et dans le Kwazulu Natal.

La plupart des tueurs en série en Afrique du Sud (80%) sont noirs. Cela n’a pas toujours été le cas : avant 1994, la moitié des tueurs en série condamné étaient blancs, alors que les blancs ne représentaient que 10 à 15% de la population totale du pays. Entre 1995 et 2004, ils représentaient 20% des tueurs en série sud-Africains. Depuis 2009, seuls des tueurs en série noirs ont été appréhendés. Avant 1994, les tueurs en série étaient « disproportionnellement » blancs. À présent, ils sont « disproportionnellement » noirs.

Bibliographie

Tueurs en série : 41 portraits de serial killers

Les plus grands meurtriers : Psychologie des tueurs en série

Liens

Une carte des tueurs en série du monde, du 20e et du 21e siècle (non exhaustif)

Liste (non exhaustive) de tueurs en série de tous pays