Article mis à jour le 4 octobre 2022

Les tueuses en série sont peu nombreuses, mais elles existent. On a longtemps cru que les femmes étaient incapables de faire le mal.
C’est faux.
Par contre, elles sont moins brutales et moins sadiques que les tueurs en série masculins.
Elles utilisent souvent des moyens discrets pour tuer leur victime, ce qui leur permet d’agir durant des années sans se faire remarquer.

« Je les ai volés et je les ai tués, aussi froide que la glace, et je le ferai encore, et je sais que je tuerai d’autres personnes parce que je déteste les êtres humains depuis longtemps ».
Aileen Wuornos

Les plus rares et les plus dangereuses

Eric Hickey, dans un article intitulé « The female serial murderer« , dit : «Elles sont les tueurs SILENCIEUX, aussi dangereuses que les hommes tueurs en série. Mais nous savons rarement que l’une d’elles est parmi nous, car leurs crimes sont peu visibles».

L’un des premiers à avoir écrit sur les femmes tueuses, Otto Pollack (« The Criminality of Women« ), a également affirmé que la plupart des crimes commis par des femmes se font « en cachette ».

murder mos rare

Kelleher & Kelleher (« Murder Most Rare: The Female Serial Killer« ) expliquent que les femmes serial killers sont plus prudentes, précises, méthodiques et discrètes lorsqu’elles commettent leurs crimes. Et elles y parviennent mieux que les hommes. Ils ont examiné 100 affaires depuis 1900 et ont découvert une durée moyenne de 8 ans avant qu’une femme tueuse en série soit arrêtée, alors que pour un homme tueur en série, la moyenne est de 4 ans.

Alarid, Marquart, Burton, Cullen et Cuvelier (« Women’s Roles in Serious Offenses« ) ont interviewé des femmes tueuses emprisonnées et ont découvert que 86% d’entre elles avaient joué un rôle secondaire, un rôle de « suiveuse » lors des crimes, avec un complice homme ou femme.

D’un autre côté, les féministes et les spécialistes expliquent également que la littérature universitaire concernant les femmes criminelles est bourrée de mauvaises opinions et d’idées reçues, et que la mythologie populaire porte atteinte à la réalité : la femme est majoritairement la VICTIME des crimes.

Parlons statistiques : aux États-Unis, les femmes ne commettent que 15% des crimes violents et 28% des crimes ayant rapport à la propriété (vol, escroquerie, falsification de chèques…). En France, le premier pourcentage est moins élevé, le second est plus élevé.
Toutefois, aux États-Unis, il y a eu une augmentation de 138% du nombre de crimes commis par des femmes depuis 1970, alors que pour les hommes, cette augmentation n’a été que de 57%.
Malgré tout, les femmes sont plus nombreuses que les hommes uniquement dans deux domaines : la prostitution et la fuite devant les autorités. Elles sont nombreuses dans l’escroquerie (41%), la fraude (39%), la contrefaçon (surtout de chèques, 36%) et le vol (33%).
Pour ce qui est des crimes violents, les hommes sont bien plus nombreux.
Les femmes tueuses en série ne représentent que 8% de tous les tueurs en série américains, mais les femmes tueuses en série américaines représentent 76% de toutes les tueuses en série à travers le monde.

Eric Hickey, en comparant un « échantillon » de 62 tueuses en série avec un « échantillon » de 399 tueurs en série, à découvert qu’ils et elles n’utilisent pas les mêmes méthodes et n’ont pas les mêmes motivations :
Les femmes utilisent en majorité le poison pour tuer (80%), puis une arme à feu (20%). En troisième position vient le « matraquage » (un coup violent sur la tête), puis la suffocation, l’arme blanche et enfin la noyade.
Les hommes utilisent en majorité leurs propres mains ou une arme blanche (80%), puis le « matraquage » et l’arme à feu.

Les motivations des femmes sont (elles peuvent en avoir plusieurs à la fois) :
– L’argent (74%)
– La drogue, le fait de faire partie d’une secte, pour cacher un secret qui serait sinon révélé, ou parce qu’elles se sentent rabaissées (24%)
– Le contrôle, le pouvoir (13%)
– L’amusement, l’excitation (11%)
– Le sexe (10%)

Les hommes sont le plus souvent motivés par :
– Le contrôle
– Le sexe
– L’amusement / l’excitation.

L’argent et tout le reste viennent bien après.

Aileen Wuornos
Aileen Wuornos

Une affaire a eu beaucoup d’échos dans les médias américains. En 1992, Aileen Carol Wuornos a été condamnée en Floride pour les meurtres de 7 hommes qu’elle avait tués avec un pistolet, alors qu’ils tentaient soi-disant de la violer. Elle a ensuite volé ses victimes et a caché leurs corps dans les bois.
La première victime était un homme violent connu de la police. Deux victimes étaient des policiers à la retraite. L’un était un cowboy qui faisait du rodéo, un autre était un missionnaire. Les deux derniers étaient un chauffeur de camion et un livreur. On pense qu’elle a tué deux hommes de plus, mais on n’a jamais retrouvé leurs corps.
Elle a affirmé avoir agi en état de légitime défense. Son amante a témoigné contre elle lors de son procès, réduisant à néant cette affirmation. Le jury n’a pas été attendri par son avocat lorsqu’il a raconté l’enfance de Wuornos, durant laquelle elle avait été physiquement, sexuellement et psychologiquement abusée. Elle a été condamnée à mort.
On l’a appelée la première femme tueuses en série des États-Unis (ce qui est faux : il y en a eu bien d’autres auparavant). Contrairement à la plupart des femmes tueuses en série, Wuornos a été appréhendée assez rapidement (comme un tueur en série masculin).
Wuornos tuait principalement pour l’argent (elle pensait ainsi garder son amante auprès d’elle) mais aussi par vengeance envers les « mâles », qu’elle prenait plaisir à contrôler et humilier.

Typologie des tueuses en série

Peu de recherches ont été faites sur les femmes tueuses en série. Le meilleur livre que j’ai lu sur ce sujet est « Murder Most Rare » des Dr Kelleher (voir Bibliographie). Dans ce livre, les auteurs expliquent que la typologie construite par Ressler, Burgess et Douglass dans leur ouvrage « Sexual Homicide : Patterns and Motives » n’est pas appropriée aux femmes tueuses en série, mais uniquement aux hommes.
Dans « Sexual Homicide« , ils expliquent qu’il existe deux « sortes » de serial killer :
– les tueurs organisés (intelligents, menant une vie normale, planifiant leurs meurtres)
– les tueurs inorganisés (souvent psychotiques, paumés, tuant au hasard).
Les Kelleher suggèrent qu’il existe une typologie différente pour les femmes :
– celles qui agissent seules
– celles qui agissent avec un(e) partenaire (homme ou femme).

Ils ont créé une méthode pour « catégoriser » (si faire se peut…) les femmes tueuses en série :

1. Celles qui agissent seules :

– Les « veuves noires » :
Elles tuent leurs époux les uns après les autres, leurs amants, leurs enfants et les autres membres de la famille. Elles peuvent tuer pendant plus de 10 ans avant qu’on ne les soupçonne. Elles peuvent avoir différentes motivations, mais généralement, elles le font pour toucher les héritages et les assurances-vie.

– Les « anges de la mort » :
Infirmières, médecins, soignantes, elles tuent les personnes dont elles doivent s’occuper, dans un hôpital, une clinique ou une maison de retraite. Leurs meurtres peuvent facilement être considérés comme des « morts naturelles » ou « suites de maladie ». Elles aiment avoir le contrôle sur leurs victimes et décider « qui vie et qui meurt ». Elles tuent rarement pendant plus de 1 ou 2 ans, car elles ont tendance à se « vanter de leurs exploits ».

– La vengeance :
Elles tuent par haine ou par jalousie. Les femmes tuent assez souvent pour ces raisons, mais une seule fois. Un mari infidèle ou père incestueux, par exemple. Il est bien plus rare qu’elles tuent plusieurs fois pour cette raison.
Elles sont menées par une rage obsessive, presque pathologique. Elles tuent généralement des membres de leur famille ou des personnes qui symbolisent quelque chose qu’elles ne peuvent supporter. Elles parviennent fréquemment à cacher leur rage durant un bon moment, mais elles sont négligentes et ne planifient par leurs crimes.
Habituellement, lorsqu’elles sont arrêtées, elles expriment des remords réels.

– Le profit ou un autre crime :
Elles tuent uniquement pour l’argent ou alors qu’elles sont en train de commettre un autre crime. Elles sont assez rares : des tueuses professionnelles (si vous voulez vous « débarrasser » d’un mari encombrant), des spécialistes de l’escroquerie, qui volent, mais qui tuent aussi pour ne pas « laisser de trace ». Elles sont intelligentes, inventives et discrètes. Elles sont plus nombreuses en dehors des États-Unis.

Ces tueuses sont souvent matures, discrètes, réfléchies, intégrées dans la société, et extrêmement organisées. Elles agissent de leur plein gré. Elles s’en prennent généralement à leur victime dans la maison de celle-ci ou sur leur lieu de travail. Elles ont tendance à préférer une « arme spécifique » : le poison ou la suffocation.

2. Celles qui agissent avec un(e) partenaire :

– Couple tueur :
Elles tuent ou participent aux meurtres avec (au moins) une autre personne. Elles représentent un tiers des femmes tueuses en série. Généralement, le couple est formé d’un homme et d’une femme (les crimes sont souvent de nature sexuelle et la femme est plus jeune que l’homme), plus rarement de deux femmes (elles ont généralement le même âge et tuent plus longtemps). Il existe parfois des « équipes » de membres d’une même famille, qui tuent pendant un ou deux ans tout au plus.

– Les prédateurs sexuels :

Catherine Wood et Gwendolyn Graham
C. Wood et G. Graham

Elles tuent dans des actes de type clairement sexuel. Elles sont extrêmement rares. Les seules connues sont Gwendolyn Graham et Catherine May Wood, un couple d’infirmières qui tuait par perversité sexuelle.

– Psychotique :
Elles tuent sans raison et par la suite, on les juge folles. Souvent, on pense que ce sont des « anges de la mort » ou des « veuves noires » mais on réalise qu’elles souffrent par exemple du « Syndrome de Munchausen par procuration », qui les pousse à rendre malade ou tuer, parfois même leurs propres enfants, pour qu’on les plaigne et les soutienne…

– Inexpliqué :
Elles tuent pour des raisons totalement inexplicables ou très peu compréhensibles. Parfois, on devrait les juger folles, mais on les condamne comme si elles étaient saines d’esprit.

– Irrésolu :
Des meurtres irrésolus qui pourraient être attribués à une ou des femme(s).

Ces tueuses sont souvent jeunes, agressives, vicieuses dans leurs attaques, parfois désorganisées et généralement incapables de planifier leurs crimes avec soin. Elles attaquent le plus souvent leurs victimes dans des lieux divers et différents. Elles ont tendance à préférer utiliser une arme à feu, une arme blanche, voire la torture.

Quelques cas célèbres

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– « Veuve noire » :
Belle Gunness a tué 49 personnes dans une ferme près de Chicago entre 1896 et 1908 : ses différents époux, des ouvriers de la ferme et ses enfants. La plupart sont morts empoisonnés ou dans d’étranges accidents. Lorsqu’elle a senti qu’on commençait à la soupçonner, elle a fait croire à l’incendie de sa maison et y a placé un corps de femme. La police a finalement compris que le corps n’était pas celui de Belle Gunness, mais elle s’était déjà envolée. (Les « Veuves Noires« )

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– « Ange de la mort » :
Genene Jones a tué entre 11 et 46 enfants entre 1978 et 1982. Infirmière, elle a travaillé dans différents établissements de soins du Texas. Elle injectait de la digoxine (un médicament pour le cœur) dans les intraveineuses d’enfants malades, pour pouvoir être ensuite traitée en héroïne lorsqu’elle parvenait à les réanimer ou, en tout cas, prenait toutes les mesures possibles pour y arriver. En 1984, elle a été condamnée à la prison à vie.

– Vengeance :
Ellen Etheridge a épousé un millionnaire texan et a adopté ses 8 enfants. Mais, en 1912, elle est devenue pathologiquement jalouse de l’amour que son mari portait à ses enfants. Il était en adoration devant eux et s’occupait beaucoup moins de sa femme. Elle a alors empoisonné 4 de ses beaux enfants (avec de l’arsenic) en six mois. Son mari, finalement suspicieux, a demandé à ce que des autopsies soient faites. Ellen Etheridge a été condamnée à la prison à vie.

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– Profit ou crime :
« Madame Popova » vivait en Russie. Elle proposait de « libérer » les femmes qui avaient épousé un mari violent, pour de l’argent. Entre 1879 et 1909, elle a tué au moins 300 personnes, avec du poison ou une arme à feu, ou en utilisant les services d’un assassin masculin. Une des épouses « libérée », éprouvant des remords, l’a dénoncé à la police. Elle a été condamnée à mort et exécutée par un peloton d’exécution.

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– Couple tueurs :
Martha Beck et Raymond Fernandez assassinèrent 20 femmes dans tous les USA pour les voler. Ils utilisaient les petites annonces de rencontres et se présentaient comme frère et sœur. Fernandez séduisait la célibataire (riche), puis ils l’étranglaient ou la battaient à mort si elle résistait. Martha Beck a également voulu que Fernandez en tue certaines lorsqu’elle sentait que son amant appréciait trop leur compagnie…

Il existe bien d’autres couples hétérosexuels : Caril Fugate et Charles Starkweather, Charlene et Gerald Gallego, Judith et Alvin Neelley, Ian Brady et Moira Hindley (des Anglais), Paul Bernardo et Karla Homolka (des Canadiens), Carol Bundy (rien à voir avec Ted Bundy) et Doug Clark, Debra Brown et Alton Coleman (un couple noir), Cynthia Coffman et James Marlow, Fred et Rose West (des Anglais), David et Catherine Birnie (des Australiens)…
On connaît peu de couples lesbiens : Gwendolyn Graham et Catherine May Wood, 25 ans, ont tué des femmes âgées dans la clinique dans laquelle elles travaillaient. Elles tuaient ensemble puis faisaient l’amour juste après pour « revivre ça et que ce soit encore meilleur« . Lorsque Graham a quitté Wood pour aller travailler au Texas, Wood a tout avoué aux autorités. Graham a été condamnée à la prison à vie, Wood à 20 ans.

La femme tueuse en série évite le plus souvent les crimes sanguinaires, les boucheries. Elle préfère le poison ou la suffocation… lorsqu’elle agit seule. Quand elle tue avec une autre personne, et plus particulièrement un homme, elle se laisse entraîner à plus de frénésie.
Quand Cynthia Coffman tuait avec James Marlow en 1986, le mode opératoire du couple était de voler, puis d’étrangler leurs victimes. Ils ont tous deux étaient condamnés à mort pour les meurtres de quatre femmes.
Les couples lesbiens semblent suivre un mode opératoire plus familier : le meurtre est discret, silencieux, souvent ingénieux. Gwendolyn Graham et Catherine Wood étouffaient leurs patients/victimes. Dans les années 80, les quatre « anges de la mort » Maria Gruber, Irene Leidolf, Stepanija Mayer et Waltrand Wagner, ensemble ou séparément, ont injecté des médicaments à dose mortelle à plus de 200 patients (!) de l’hôpital général de Leinz, à Vienne.

terrell

– Psychotique :
Bobbie Sue Terrell était une jeune schizophrène. Elle a travaillé comme infirmière dans des maisons de retraite de l’Illinois et de Floride. Elle souffrait également du « syndrome de Munchausen par procuration ». En 1984 et 1985, elle a tué 12 personnes âgées dans une clinique de Floride à l’aide d’overdose d’insuline. Elle appelait ensuite la police elle-même, se mutilait et affirmait qu’il y avait un tueur rôdant dans la pension. La police l’a finalement arrêté lorsque les enquêteurs ont découvert son dossier psychiatrique. Elle a été jugée « aliénée » mais a tout de même été condamnée à 65 ans de prison.

Audrey Marie Hilley

– Inexpliqué :
Audrey Hilley était une gentille femme au foyer de 42 ans, calme, souriante et sympathique, qui vivait dans l’Alabama. Entre 1975 et 1979, elle a empoisonné les boissons qu’elle donnait aux enfants de ses voisins et à sa famille avec de l’arsenic. Trois personnes sont mortes (dont des membres de sa famille) et sept autres ont été sévèrement malades. Elle a affirmé souffrir de « période de perte de conscience », durant lesquelles elle prenait la personnalité de sa sœur jumelle. Elle a été jugée aliénée et emprisonnée. Prisonnière modèle, elle a été libérée sur parole, mais a recommencé. Elle a alors été condamnée à la prison à vie.

– Irrésolu :
Des morts étranges ont souvent lieu dans des hôpitaux. Ainsi, dans l’Hôpital de Riverside, en Californie, 24 patients sont morts et d’autres ont sévèrement souffert d’overdoses de lidocaïne. La plupart de ces patients étaient dans l’Unité de Soins Intensifs. Robert Diaz, un infirmier, a été condamné en 1984 pour 12 des meurtres, bien qu’il les ait toujours niés. Des policiers et des membres de l’équipe médicale pensent qu’il était innocent et que la coupable était une femme.
Dans l’Hôpital Prince George, dans le Maryland, 17 patients sont morts à cause d’injections de potassium. La plupart de ces patients étaient dans l’Unité de Soins Intensifs, car ils/elles sortaient de chirurgie ou des urgences. Les policiers ont soupçonné une femme, mais le procureur général a pensé qu’ils n’avaient pas assez de preuves pour l’inculper.

Il existe environ une cinquantaine de femmes tueuses en série « célèbres » (ayant agi seules).
Il existe au minimum 800 tueurs en série masculins « célèbres »… et des milliers peu connus.

Bibliographie

Femmes serial killers. Pourquoi les femmes tuent ?, Peter Vronsky

Tueuses en série, de Frédérique Volot