Article mis à jour le 5 mars 2023

Mi-août, la force spéciale inclut les agences de police de la banlieue de Los Angeles et atteignit un effectif de 200 hommes. Le Sergent Salerno fit appel à des experts du FBI afin de dresser un profil psychologique du tueur et de restreindre les recherches. Les enquêteurs consultèrent même des spécialistes en culte et en rituels sataniques.

Les policiers, suivant la théorie des meurtres satanistes, investirent les lieux où ce genre de groupes se rassemblaient. Ils interrogèrent les membres de ces communautés dans l’espoir d’identifier le tueur parmi eux, sans résultat. Mais ils découvrirent une empreinte de chaussure qui correspondait à celle que le tueur avait laissée sur plusieurs scènes de crime, des Reebok taille 45, sur le sol d’une maison abandonnée servant de “temple” à un culte, à l’est de Los Angeles.
Salerno voulait que le tueur sente que la police était à ses trousses, panique et commette une erreur qui permettrait de l’appréhender. Il s’assura que la force spéciale maintenait le contact avec les médias et leur fournissait les indices qu’ils découvraient, afin de donner l’impression au tueur qu’ils se rapprochaient de lui.

La force spéciale et les hommes du shérif tinrent une conférence de presse durant laquelle ils confirmèrent l’existence du tueur en série dans la vallée de Los Angeles. Ils demandèrent à la population de garder son calme, de fermer portes et fenêtres (malgré la chaleur) et d’informer la police de toute activité ou personne suspecte.
La conférence de presse fut le point de départ d’une campagne médiatique destinée à rendre le public plus actif dans l’appréhension du “Night Stalker”. La force spéciale distribua des posters et des prospectus représentant le portrait-robot du tueur. Les mêmes posters furent placardés dans tous les coins de la ville. Personne ne pouvait plus marcher à Los Angeles et ses alentours sans rencontrer ce visage.

La police reçue des centaines d’appels concernant un voisin, un passant, un membre de la famille qui ressemblait au “Night Stalker”. Les enquêteurs vérifièrent absolument tout. Les vagabonds et les clandestins furent interrogés, tout comme les “personnages” étranges de tous les quartiers.
La population, d’un groupe d’individus terrorisés, se transforma en une communauté de chasseurs téméraires. Les gens achetèrent des armes ou saisirent des pelles, des pioches, des couteaux de cuisine ou tout ce qui leur tombait sous la main, dans le but de se défendre.
Le tueur trouva des lampes allumées, des gens éveillés, des gardiens armés, des groupes de citoyens faisant des rondes, des fenêtres fermées, des jardins illuminés… Les voitures de police, banalisées ou non, patrouillaient dans toute la ville. Des volontaires en uniforme parcouraient les moindres recoins à la recherche du tueur.
Ce dernier, comprenant que les choses devenaient dangereuses pour lui, préféra partir… et aller tuer ailleurs.

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Dans la nuit du 17 août 1985, le tueur assassina un couple d’origine chinoise, Peter et Alberta Pan, à San Francisco, à 550km au nord de Los Angeles. Il entra par la fenêtre, comme à son habitude, et trouva le couple endormi dans son lit. Il leur tira dans la tête, puis fouilla la maison à la recherche d’argent ou d’objets précieux. Avec du rouge à lèvres, il dessina des pentagrammes, des insultes et des messages (“Jack le couteau”) sur les murs, comme pour narguer la police.
Le lendemain, le fils du couple découvrit le carnage. Sa mère était encore en vie. Elle survécut, mais resta invalide. La police réalisa qu’une fenêtre de derrière était ouverte. Des traces de tennis Reebok étaient visibles, de la fenêtre à la chambre des Pan, mais aussi dans le salon saccagé.

Les policiers de San Francisco comprirent immédiatement que le “Night Stalker” de Los Angeles avait fui la “cité des anges” pour venir chez eux. Le mode opératoire était distinctif : entrer par une fenêtre, tuer l’homme en premier, et laisser des dessins satanistes. Les balles retirées du corps de M. Pan correspondait également à celles utilisées dans les meurtres de Los Angeles.
Comparant ses notes avec celles du Sergent Salerno, le détective Frank Kowalski, de San Francisco, apprit qu’une Pontiac 1978 marron, qui avait été remarquée alors qu’elle tournait dans les rues avant le meurtre des Pan, avait aussi été vue rôdant avant le meurtre d’Elyas Abowath, à Los Angeles.

Les autorités locales commencèrent à se demander si le tueur n’avait pas déjà voyagé entre Los Angeles et San Francisco, et s’il n’avait pas commis d’autres meurtres irrésolus à San Francisco.
Le 1er février 1985, la police avait découvert le corps mutilé de Christina Caldwell, 58 ans, et de sa sœur Mary, 70 ans. Elles avaient été poignardées à mort. Le tueur était entré par la fenêtre et avait fouillé leur appartement.
Le 2 juin 1985, un jeune homme de 29 ans, Edward Wildgans, avait été abattu d’une balle dans la tempe. Sa petite amie, Nancy Brien, avait été violée, mais avait survécu. Interrogée, celle-ci donna une description de son agresseur correspondant à celle du “Night Stalker”.
Les policiers de San Francisco disséminèrent sans attendre des posters et des prospectus fournis par la police de Los Angeles. Les patrouilles furent doublées la nuit, particulièrement dans les quartiers hispaniques.
Les enquêteurs apprirent qu’un homme ressemblant au portrait-robot avait séjourné à l’hôtel Bristol durant la semaine du meurtre des Pan. Le directeur de l’hôtel se souvenait de cet homme, car il était toujours vêtu de noir et sentait mauvais. Il était parti l’après-midi précédent le meurtre. Le directeur avait découvert un pentagramme inversé sur la porte de la chambre face à celle qu’occupait l’homme. Il lui avait donné un faux nom et avait payé en liquide.

Le tueur avait abandonné la Pontiac marron qu’il conduisait depuis plusieurs semaines, car il savait qu’on l’avait remarquée. Il avait également quitté San Francisco. Il avait volé une Toyota 1976 orange, loin d’être discrète, et le 25 août, vers minuit, il la gara devant une maison à Mission Viejo, une riche communauté située non loin de Los Angeles.
Le tueur entra chez William Carns et sa fiancée Inez Erickson, qui dormaient dans leur chambre. Il tira dans la tête de Carns et frappa Inez Erickson en l’insultant, puis la viola. Il la força à jurer qu’elle aimait Satan et à lui faire une fellation.
Il partit sans la tuer.

Peu après, une dame nommée Donna Myers et son ami Serafin Arredondo, rendirent visite à la police. Elle vivait dans le quartier hispanique de San Francisco et avait loué une chambre à un jeune homme qu’elle connaissait sous le nom de “Ricky”. Il était grand, maigre, hispanique et… étrange. Surtout, il ressemblait beaucoup au portrait-robot de la police. “Ricky” était originaire du Texas et voyageait à travers la Californie, principalement entre San Francisco et Los Angeles. Il lui avait souvent parlé de son intérêt pour l’occulte et la magie noire. Il s’intéressait beaucoup au “Night Stalker” et lui avait dit en souriant qu’il était le tueur. Elle avait cru qu’il plaisantait, mais lorsqu’elle avait vu le portrait-robot, elle s’était posé des questions.
Serafin Arredondo montra aux enquêteurs des bijoux qu’il avait achetés à “Ricky” quelques jours auparavant. “Ricky” avait affirmé être en manque d’argent et ne les lui avait pas vendus très cher. Mais Arredondo avait lu que le “Night Stalker” cambriolait ses victimes, alors… Il s’avéra que les bijoux appartenaient à Monsieur Pan.
Des policiers en civil commencèrent immédiatement à surveiller la maison de Donna Myers, au cas où “Ricky” reviendrait.

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La Toyota “wagon” de Ramirez

À Mission Viejo, des témoins contactèrent la police : ils avaient vu une Toyota orange tourner dans les rues, tard dans la nuit, peu avant l’agression chez Carns et Gunther.
Le 27 août, la Toyota orange fut découverte sur un parking à Los Angeles. Les policiers la firent surveiller durant 24 heures avant de décider qu’elle avait été abandonnée et que le tueur ne viendrait pas la chercher. Le véhicule fut fouillé de fond en comble et on y releva des empreintes digitales. Celles-ci furent remises au laboratoire du bureau du Shérif du Comté, qui testait justement un récent système informatisé de comparaisons d’empreintes. Il ne fallut que 3 minutes au système pour comparer l’empreinte partielle retrouvée dans la voiture avec les 380 000 jeux d’empreintes de la base de données et fournir un nom aux policiers : celui d’un petit voleur et voyou originaire du Texas, Ricardo Ramirez.
La police devait à présent chercher ce suspect et en savoir plus à son sujet.

Les enquêteurs apprirent qu’il avait été arrêté en 1984 pour vol de voiture, mais libéré par manque de preuves. Il utilisait de nombreux pseudonymes : Richard Moreno, Noah Jimenez, Nicolaus Adame, Richard Munoz et Richard Mona. Il avait américanisé son nom, passant de Ricardo à Richard. Vagabond, magouilleur, il passait son temps dans les rues et dans les bars, consommant des drogues et de l’alcool. Il était toujours vêtu de noir, grand, maigre, brun et hispanique.
Ils décidèrent de publier sa photo dans tous les journaux de la région.

Le matin du 31 août 1985, Ramirez descendit d’un bus à la gare centrale de Los Angeles. Il revenait de Phoenix, en Arizona, où il était allé acheter de la cocaïne juste après le meurtre de William Carns.
Inconscient ou trop sûr de lui, il était revenu dans la “cité des anges” avec l’intention de voler un autre véhicule et de recommencer à tuer. Il ne savait pas que la police connaissait l’identité du “Night Stalker” et que son nom et son visage faisaient la une de tous les journaux du pays. Il se dirigea vers le quartier hispanique, à l’est de Los Angeles. Vers 8 h 30, il entra dans une épicerie pour acheter une bouteille de whisky et remarqua un journal où figurait son visage en première page. Il paniqua et sortit en trombe du magasin.
Mais les clients de l’épicerie l’avaient déjà reconnu. Ils commencèrent à crier pour prévenir les passants.

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Ramirez se mit à courir en zigzaguant entre les rues pour éviter de se faire prendre. C’était un jour férié et les résidents du quartier se promenaient en profitant du soleil. Et tout le monde se tournait dans sa direction, le pointant du doigt en criant. Des passants avertirent des policiers en patrouille, d’autres appelèrent directement le central. Des voitures de police convergèrent vers le quartier où Ramirez s’était si souvent caché, mais que les habitants étaient en train de cerner.

Paniqué, hors d’haleine, Ramirez frappa à une porte et implora la femme qui vint lui ouvrir de l’aider. Mais elle le reconnut et referma brusquement. Richard Ramirez se remit à courir. Il tenta d’entrer de force dans une voiture conduite par une femme, la frappant au ventre, mais elle refusa de lui donner ses clés et le passager, époux de la conductrice, le repoussa violemment. Puis quatre hommes, Manuel De La Torre, Jose, Jaime et Julio Burgoin, se jetèrent sur lui.

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Ramirez ne dut la vie sauve qu’aux policiers qui arrivèrent au même moment, car la foule était prête à le lyncher.
Tremblant, abasourdi, il fut relevé par les hommes en uniforme. En larmes, il bredouilla : “Sauvez-moi, je vous en prie. Merci mon Dieu, vous êtes là ! C’est moi, je suis le type que vous cherchez. Sauvez-moi avant qu’ils ne me tuent.

Le terrible “Night Stalker” n’était plus qu’un pauvre type terrifié.

Les Californiens, le pays tout entier et le procureur de l’état s’attendaient à ce que le procès du “Night Stalker” soit rapide et qu’il soit condamné à la peine capitale. Les preuves étaient nombreuses, tout comme les témoignages, qui continuaient à apparaître jour après jour.
Mais le procès de Richard Ramirez ne commença qu’en 1989, en raison des renvois, ajournements, manipulations et manœuvres légales des avocats, de la famille de Ramirez, des antagonismes entre les avocats du tueur, et du comportement de Ramirez lui-même. La défense cherchait la moindre échappatoire, criait aux parti pris et aux préjugés, et les exposaient devant les médias…

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Le 4 septembre 1985, Ramirez assista à son audience préliminaire afin d’entendre les charges qui pesaient contre lui. La tête baissée, il écouta le juge l’accuser de cambriolage et de vol, du meurtre de Harold Wu, de viol, de sodomie et de copulation orale forcée sur la personne de Jean Wu, ce qui pouvait déjà lui valoir la peine de mort.
Simultanément, les autorités de San Francisco l’accusèrent des meurtres des Pan et celles du Comté d’Orange l’inculpèrent du meurtre de William Carns et du viol de Renata Gunther.
Richard Ramirez ne fut pas immédiatement inculpé des autres meurtres et viols car, comme le procureur Reiner l’expliqua aux journalistes, des montagnes de preuves devaient encore être analysées et examinées.
Ainsi, durant les mois qui suivirent, Ramirez fut de nouveau inculpé de 14 meurtres, mais aussi de tentatives de meurtres, de vols et de cambriolages, de viols et d’agressions sexuelles.
Les enquêteurs avaient recueilli des preuves dans les affaires concernant les meurtres, agressions et/ou viols de Jennie Vincow, Dayle Okazaki et Maria Hernandez, Tsai-Lian Yu, Vincent et Maxine Zazzara, Harold Wu, Ruth Wilson, Malvia Keller et Blanche Wolfe, Patty Higgins, Mary Louise Cannon, Diedre Palmer, Joyce Lucille Nelson, Linda Fortuna, Mason et Lela Kneiding, Chitat Assawahem, Christopher et Virginia Petersen, et Ahmed Zia.
Ramirez fut également inculpé de crimes dont il n’avait d’abord pas été suspecté, mais auxquels la police était parvenue à le relier : le cambriolage d’un homme à Eagle Rock, Thomas Sandova, le 2 mars 1985 ; l’enlèvement et le viol d’une fille de 8 ans à Eagle Rock, le 20 mars, et le cambriolage de la maison de Clara Hadsall, à Monrovia.

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Les dents de Ramirez avant…

Alors que les autorités désiraient commencer le procès rapidement, elles durent faire face à un cirque juridique, un marathon qui allait durer 4 ans, coûter à l’état près de 2 million de dollars, impliquer 6 avocats de la défense et 3000 interviews de jurés !

Ramirez profita de ce temps perdu pour faire soigner toutes ses dents, aux frais du contribuable Californien…

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