Article mis à jour le 5 mars 2023

Nom : Thierry Paulin
Surnom : “Le monstre de Montmartre”, “Le tueur de vieilles dames”
Né le : 28 novembre 1963, à Fort-de-France – Martinique
Mort le : 16 avril 1989 (des suites du sida) à l’hôpital des prisons de Fresnes.

Entre octobre et novembre 1984, ce jeune martiniquais a étranglé huit femmes âgées dans le 18ème arrondissement de Paris. Entre décembre 1985 et novembre 1987, il en a tué onze de plus. Paumé, dealer, magouilleur et pervers, il était serveur au Paradis Latin, puis a organisé des soirées privées “à thème” et flambait dans les boîtes de nuit. Il tuait en plein jour. Il était séropositif et est décédé en 1989 avant d’avoir été jugé.
Son amant et complice, Jean-Thierry Mathurin, a été reconnu coauteur de 9 des meurtres et condamné à la prison à perpétuité. Il a été libéré en 2009.

Informations personnelles

La mère de Thierry Paulin, Rose-Hélène Larcher, n’avait que 17 ans lorsqu’elle le mit au monde. Son père, Gaby Paulin, le reconnut puis disparut, deux jours après sa naissance.

La toute jeune mère, surnommée “Monette” par ses amis, se trouva vite incapable de subvenir seule aux besoins du bébé. Elle confia le jeune Thierry à sa belle-mère. L’enfant n’avait que 18 mois lorsque sa grand-mère le recueillit à l’Anse-à-l’Ane, où elle tenait un restaurant, le “Maman jojo”, en bord de mer.
L’Anse-à-l’Ane était une jolie plage martiniquaise, peu fréquentée par les touristes, mais où se retrouvaient les résidents aisés de l’île. La grand-mère de Thierry Paulin, accaparée par son restaurant, ne lui consacra pas beaucoup de temps. Elle le garda pourtant jusqu’à ses dix ans.
La petite enfance du garçon fut donc solitaire. Il avait l’impression que personne ne s’occupait vraiment de lui et que personne ne le conseillait. Il manqua autant d’amour que d’autorité.

thierry paulin enfant
Paulin enfant

En 1973, Monette, après qu’elle eut constitué une famille avec un nouveau mari, reprit enfin son fils auprès d’elle. Thierry Paulin connut alors sans doute une courte période de bonheur : il jouait sur la plage avec ses demi-sœurs, il jardinait…
Sa scolarité ne fut toutefois pas sans accrocs. Il était difficile et violent. Un jour, alors qu’il n’avait pas encore 12 ans, il menaça un de ses professeurs avec un couteau de cuisine, parce qu’il le punissait trop souvent. Mais il sut aussi user de son intelligence : il intercepta les lettres envoyées par l’école pour informer sa mère de l’incident et, surtout, tapa lui-même une réponse à la machine à écrire, qu’il authentifia en imitant la signature de sa mère.
Dans la famille, les rapports se dégradèrent. Le beau-père de Thierry tendait de plus en plus à considérer le garçon comme une charge. Monette, qui avait retrouvé la trace de Gaby Paulin en métropole, à Toulouse, décida de reprendre contact avec lui. Plutôt que de verser une pension pour l’enfant, le père de Thierry Paulin proposa de le prendre avec lui pour qu’il apprenne son métier, plombier ou maçon. Le jeune garçon quitta donc sa mère pour la France.

Lorsqu’il arriva à Toulouse, il eut du mal à s’intégrer à sa nouvelle famille. Gaby, qu’il n’avait jamais vue auparavant, était marié et avait deux enfants.
Jusqu’à seize ans, Thierry Paulin alla au collège et passa tant bien que mal son BEPC. Il entreprit alors de préparer simultanément un CAP de coiffure et un autre de mécanique et électricité-auto, au centre de formation des apprentis de Bordelongue. Mais l’adolescent, comme souvent à cet âge, était plus préoccupé par ses virées à mobylette avec ses amis que par ses études. La bande traînait dans les cafés ou les boîtes de nuit, resquillait quand elle le pouvait, se bagarrait : elle fut vite connue. Thierry Paulin était le seul noir de la bande, mais il n’en souffrit pas : il se souvint de cette époque comme du “bon temps”.
Délaissant de plus en plus ses études, il ne passa pas ses CAP. Pendant quelque temps, il vivota en vendant des tableaux au porte-à-porte. Gaby lui proposa de travailler avec lui, mais Thierry Paulin refusa. Le père et le fils entretenaient des rapports de plus en plus orageux.

Désœuvré, Thierry Paulin se résolut à devancer l’appel et commença son service militaire en septembre 1980. À Toulouse, il passa d’abord quelques mois à la caserne de Pérignon, au 14e RPCS, un régiment de parachutistes… où il fut affecté au salon de coiffure.
Malgré son allure de baroudeur, les militaires, peu réputés pour leur tolérance envers l’homosexualité, le rejetèrent. Ce nouvel épisode de sa jeunesse fut encore une période difficile.
Le 14 novembre 1982, alors qu’il était en permission, il cambriola une épicerie dont il était un client habituel, à Toulouse. Il y entra une première fois et engagea une conversation anodine avec l’épicière, âgée de 75 ans. Il ressortit et, dix minutes plus tard, refit irruption dans la boutique, le visage masqué par un foulard. Menaçant la vieille dame d’un couteau de boucher, il rafla le contenu de la caisse : 1400 francs (212 €). Il avait à peine 19 ans. Il fut arrêté rapidement grâce au témoignage de l’épicière, qui l’avait bien évidemment reconnu, et fut interné une semaine en prison. Il fut dès lors fiché à l’identité judiciaire et jugé le 7 juin 1983 par le tribunal correctionnel de Toulouse. Il écopa de deux ans de prison avec sursis pour “vol avec violence”. Il déclara au juge qu’il avait volé pour pouvoir s’acheter les vêtements qu’il désirait…
A sa sortie, les parachutistes du 14e RPCS ne souhaitant plus l’accueillir parmi eux, il se porta volontaire dans la Marine à Paris. Mais on ne voulut pas plus de lui. Il finit cependant par rentrer à l’école des fusiliers marins à Lorient, d’où il fut vite renvoyé, mais non sans être devenu “matelot breveté”, ce qui lui permit d’être affecté à la base aéronavale de Toussus-le-Noble, dans les Yvelines. Il y tondit les pelouses…

Entre temps, Monette, la mère de Paulin, avait rallié elle aussi la métropole et s’était installée à Nanterre. À la fin de sa période militaire, Thierry réintégra donc la cellule familiale.
Il fut bientôt familier des milieux homosexuels parisiens et parvint à se faire embaucher au “Paradis Latin“, près du Quartier Latin, un cabaret pour touristes dont le spectacle faisait alors la part belle aux travestis. Thierry Paulin pensa sans doute approcher son rêve : il pénétrait enfin un milieu qui l’acceptait. C’était alors un garçon athlétique, toujours vêtu à la dernière mode, un diamant à l’oreille, et il arborait une coupe de cheveux à la Carl Lewis.
Il racontait à qui voulait l’entendre qu’il était “chef de rang”, voir qu’il faisait partie de la troupe du spectacle. En fait, son travail consistait surtout à desservir les tables.

Thierry Paulin travesti
Thierry Paulin travesti

C’est au “Paradis Latin” qu’il rencontra Jean-Thierry Mathurin, un Guyanais au rang plus élevé que le sien dans la hiérarchie du cabaret. Les deux hommes ressentirent très vite une grande attirance réciproque. C’est sans doute de cette époque que date leur rêve d’ouvrir leur propre cabaret. En attendant ce jour, Thierry Paulin se produisit lui-même de temps à temps dans un numéro de travesti au “Rocambole”, une boîte de nuit de Villecresnes, dans le Val-de-Marne, au sein d’une revue d’amateurs. Un jour, il invita même sa mère à assister au spectacle, mais celle-ci, choquée de voir son fils travesti en chanteuse de charme, sortit avant la fin du tableau.

Pendant la brève période où Paulin habita chez sa mère, ce ne fut que conflits et cris. Ne travaillant pas durant la journée, il traînait à la maison, y amenait ses amis. La situation devint vite insupportable. Elle explosa le jour où il menaça sa mère de mort parce qu’elle refusait de lui signer un chèque pour une opération de chirurgie esthétique qui lui aurait permis d’effacer une cicatrice à la lèvre. Monette prévint la police.
En avril 1984, Thierry Paulin se retrouva donc à la rue. Il logea un temps au hasard des amis et des rencontres.

Un peu plus tard, Monette quitta Nanterre pour Goussainville, dans l’Oise. Thierry Paulin avait alors trouvé, provisoirement, une chambre de bonne dans le 16e arrondissement, où il eut une vieille dame pour voisine. Il fit alors des “extras” à droite et à gauche dans des discothèques et dans plusieurs restaurants “branchés” du quartier des Halles.

Jean-Thierry Mathurin
Jean-Thierry Mathurin

Thierry Paulin et Jean-Thierry Mathurin décidèrent de vivre ensemble et s’installèrent dans une chambre d’hôtel à 275 francs (42 €) la nuit. L’hôtel était situé rue Victor Massé, dans le 9e arrondissement, qui jouxte le 18ᵉ.
Ce fut alors une période faste de taxis, de restaurants et de boîtes de nuit à n’en plus finir. Thierry Paulin et son ami devinrent des figures du milieu “gay” : ils étaient de toutes les fêtes “branchées” et flambaient dans tous les endroits à la mode.
L’embellie ne dura pas. À l’automne 1984, Paulin, jaloux, fit une scène violente à Mathurin en plein restaurant : il cassa verres et chaises, renversa les tables, hurla qu’il voulait lui “faire la peau”… Ils furent immédiatement jetés dehors.
Finis l’argent et le luxe faciles : le chômage. Non seulement ils en furent réduits à se contenter d’une chambre moins chère, mais, de surcroît, ils durent solliciter de leur hôtel un crédit. Pour rembourser celui-ci et, simplement, vivre, Paulin choisit le moyen le plus rapide : escroqueries, vols de chéquiers ou de cartes de crédit, revente de drogue…

Crimes et châtiment

Le 18ᵉ arrondissement, au nord de Paris, est l’un des plus contrastés de la capitale : Montmartre, la Goutte d’Or, Clichy, Barbès, la place du Tertre, la Butte… Il est tout autant le rendez-vous des artistes qui ont réussi que celui des dealers, des prostituées et des petits trafiquants en tout genre. C’est un carrefour coloré de civilisations et de milieux divers, où peuvent se côtoyer familles d’immigrés, chanteurs à succès et retraités aux revenus modestes.

Le 5 octobre 1984, une vieille dame de 91 ans, Germaine Petitot, fut agressée chez elle par deux hommes. Dans son petit appartement de la rue Lepic, au bas de la butte Montmartre, elle fut ligotée, bâillonnée et battue avant d’être délestée de ses économies. La pauvre dame fut dans l’incapacité de donner une description de ses agresseurs. La police enregistra les faits et la déposition vint s’ajouter au dossier déjà volumineux qui concernait les attaques de personnes âgées dans le 18e arrondissement.
Personne ne pouvait alors savoir que ce fait divers presque banal était en fait un meurtre manqué qui marquait le début d’une longue série.
Le même jour, dans le 9ᵉ, un arrondissement limitrophe, Anna Barbier-Ponthus eut moins de chance que Germaine Petitot. Cette dame de 83 ans vivait seule dans son modeste appartement de la rue Saulnier. En fin de matinée, elle rentra chez elle après avoir fait ses courses. Elle n’en ressortit plus. Selon toute vraisemblance, elle fut poussée à l’intérieur de chez elle au moment où elle ouvrait sa porte, puis elle fut battue et étouffée avec un oreiller.
Son corps fut découvert peu de temps après, bâillonné et ligoté avec du cordon à rideau. On lui avait volé 200 ou 300 francs (30 ou 45 €), le peu que contenait son porte-monnaie.

Quatre jours passèrent.
Le 9 octobre, les pompiers furent appelés sur les lieux d’un début d’incendie, à nouveau dans le 18e arrondissement. Dans l’appartement à moitié calciné, ils découvrirent le corps, pieds et mains liés, de Suzanne Foucault, 89 ans. La vieille dame avait été assassinée, étouffée par un sac plastique qui lui recouvrait la tête. On lui avait volé sa montre d’une valeur de 300 francs, et 500 francs en argent liquide.

Pendant près d’un mois, la série sembla s’interrompre.
Mais le lundi 5 novembre, boulevard de Clichy, on trouva le corps de Ioana Seicaresco, une institutrice à la retraite âgée de 71 ans. Elle avait été battue à mort après avoir été bâillonnée et ligotée avec du fil électrique. Le décès remontait au samedi, mais ne fut découvert que deux jours plus tard, grâce aux enfants de la gardienne venus prendre un cours particulier avec la vieille dame. L’appartement était saccagé. Le ou les assassins avaient fait preuve d’une sauvagerie inouïe : la pauvre avait le nez et la mâchoire fracturés, et un foulard l’étranglait à moitié. L’autopsie révéla qu’elle avait toutes les côtes du côté droit brisées.
La vieille dame, qui faisait ses courses invariablement tous les jours, vers 12h30, avait été suivie. Cette fois, le “crime avait payé” : les assassins avaient ramassé 10.000 francs (1500 €) en bons du Trésor que Ioana Seicaresco gardait chez elle.

Deux jours plus tard, le 7 novembre, toujours dans le 18e arrondissement, on trouva une quatrième victime. Alice Benaïm fut découverte, deux heures à peine après son assassinat, par son fils André, qui venait, comme tous les jours, déjeuner avec sa mère.
La vieille dame de 84 ans avait été frappée au visage, rouée de coups et torturée. Son ou ses meurtriers avaient fait preuve d’un rare sadisme : ils lui avaient fait avaler de la soude caustique, sans doute pour lui faire avouer où étaient cachées ses économies. La bouche et la gorge brûlées, Alice Benaïm avait été ligotée avec du fil électrique et jetée sur son lit, bâillonnée avec une serviette-éponge. Elle mourut étranglée. Selon son fils, le butin ne dépassait pas les 400 ou 500 francs (60 ou 75 €).

france soir tueur de vieilles dames

Cette fois, un voisin prévint la presse. En quelques heures, photographes et journalistes furent sur les lieux. L’affaire, dévoilée au public, prit une nouvelle envergure. La presse consacra de nombreux articles à cette série noire, qui était loin d’être terminée.

Le lendemain, à une vingtaine de mètres à peine de la rue où habitait Alice Benaïm, c’est Marie Choy, 80 ans, qui trouva la mort. C’est l’infirmière qui venait soigner la vieille dame à domicile qui la trouva morte, étranglée. Le cadavre torturé, jeté sous le lit, était ligoté, avec du fil de fer cette fois, et bâillonné avec une serviette-éponge. L’autopsie montra, entre autres sévices, que Marie Choy avait eu la boîte crânienne défoncée. Les assassins n’avaient pu dérober que 200 ou 300 francs (30 ou 45 €).

Le jour suivant, le 9 novembre, toujours dans le 18e arrondissement, c’est Maria Mico-Diaz, 75 ans, qui mourut, pieds et poings liés, étouffée par un torchon. Son cadavre, portant des traces de coups de couteau, fut découvert par la police sur son lit. Le montant du vol n’excédait pas 200 ou 300 francs. C’était le sixième meurtre depuis le 5 octobre.

Moins d’une semaine s’écoula et, le 12 novembre, on découvrit deux autres corps au cours d’une même journée : un dans le 18e et l’autre dans le 17e, un arrondissement tout proche. Mais ses crimes avaient été perpétrés respectivement six et huit jours auparavant.
On trouva d’abord le corps de Jeanne Laurent, 82 ans, elle aussi ligotée avec du fil électrique. L’appartement avait été littéralement dévasté, mais seules des liquidités avaient été volées. La vieille dame habitait au dernier étage et son corps fut découvert par un ouvrier couvreur qui travaillait sur le toit de l’immeuble.
Quatre heures plus tard, à 800 mètres de distance, le second cadavre de la journée fut découvert. Paule Victor, 77 ans, fut trouvée morte, la tête dans un sac en plastique, sous un oreiller. La police avait été alertée grâce à une jeune voisine qui, en allant aux toilettes communes, avait remarqué une forte odeur de putréfaction.

Entre le 5 octobre et le 9 novembre 1984, en à peine un mois, il y eut donc huit meurtres de vieilles dames dans le 18ᵉ et dans des arrondissements contigus. Les journaux parlèrent d’un “tueur de vieilles dames du 18ᵉ”, les hommes politiques commencèrent à s’émouvoir et les forces de police se mirent à quadriller le quartier.

De leur côté, les enquêteurs firent des rapprochements. Les spécialistes réalisèrent que le mode opératoire était toujours le même.

Un climat de peur envahit peu à peu la capitale, et tout particulièrement le 18e arrondissement. La population se mit à protester contre l’incompétence de la police, bien que des premières mesures aient été prises dès le 10 novembre. Bon nombre de personnes âgées, paniquées, réclamèrent un déploiement plus efficace des forces de l’ordre.
Pierre Touraine, directeur de la P.J., fut chargé de prendre des mesures d’urgence et dès le lendemain, le 13 novembre, on assista à un déploiement sans précédent des forces de l’ordre dans le 18ᵉ : 120 gardiens des brigades d’arrondissement, 35 îlotiers, 50 CRS et 50 hommes de compagnies de district furent répartis pour surveiller ce minuscule périmètre, dans un rayon de 1500 mètres autour de la butte Montmartre, où était censé rôder l’assassin. L’arrondissement fut divisé en 14 secteurs, et chaque secteur fut sillonné 24h sur 24 par des patrouilles de trois policiers. En parallèle à ces policiers en uniforme, plusieurs dizaines d’inspecteurs de la Brigade Criminelle en civil quadrillaient le terrain.

Mais le directeur de la police judiciaire fut bien forcé d’admettre qu’il n’y avait quasiment aucun indice sérieux sur lequel se baser pour faire progresser leur enquête. Quelques empreintes avaient été trouvées sur les lieux des crimes, mais elles ne suffisaient pas à fournir l’identité d’un suspect éventuel. La police piétinait dans ses recherches.

Après quelques descentes dans les milieux “interlopes”, les inspecteurs acquirent la quasi-certitude qu’ils n’avaient pas affaire à un assassin ordinaire. La police émit une hypothèse : le criminel était sans doute un drogué ou un malade mental.

Le 18ᵉ arrondissement était en pleine psychose et une visite de Claude Estier, député de la circonscription, ne parvint pas à calmer les esprits. Le problème tout entier de la sécurité à Paris fut soulevé.
Le vendredi 16 novembre, un rassemblement de personnes âgées fut organisé à la mairie du 18e, sur invitation du maire. Il y avait environ 2000 personnes, la salle était comble. Malgré les discours politiques rassurants, les protestations et les réclamations traduisirent l’affolement du public.
Pendant ce temps, au commissariat du 18e, c’était l’alerte rouge. Demandes de renseignements ou d’une protection rapprochée provenant de vieilles dames, patrouilles sollicitées pour donner diverses informations et conseils, le climat de tension était fort. Le 18e arrondissement était en état de siège.

Néanmoins, la police ne parvenait toujours pas, en cette fin de mois de novembre 1984, à cerner l’identité du ou des meurtriers, et les enquêteurs émirent de multiples hypothèses. Aucun indice, aucune trace ne permit à la police de mieux définir son champ de recherche.
Le temps passa et, peu à peu, la terreur se dissipa dans le 18ᵉ, puisqu’aucun autre crime portant la “marque” du tueur ne fut plus commis.

Le 18ᵉ étant devenu un quartier à haut risque pour Thierry Paulin et son ami Jean-Thierry, tous deux avaient en effet décidé de quitter la capitale et de “se mettre au vert” pendant un moment dans la ville où Paulin avait passé une partie de son adolescence, Toulouse. Là, logeant provisoirement chez le père de Paulin et rêvant d’heures de gloire, ils essayèrent de vivre “normalement”.
Paulin retrouva le quartier de son adolescence et renoua avec ses anciens amis. Mathurin et lui s’affichèrent dans les boîtes gay de Toulouse et dépensèrent avec ostentation de grosses sommes d’argent.
Mais les années qui avaient passé n’avaient pas aidé à résoudre les querelles familiales. Les disputes reprirent de plus belle entre Paulin et son père, et l’homosexualité désormais manifeste de Paulin n’arrangea rien. Le couple qu’il formait avec Mathurin connut, lui aussi, des difficultés et se dégrada peu à peu. Ils finirent par se séparer. Mathurin rentra à Paris, Thierry Paulin continua seul sa vie de noctambule.

thierry_paulin_paris

Séduit depuis longtemps par le monde du spectacle, Thierry Paulin pensait de plus en plus à monter ses propres numéros musicaux. Il s’y employa activement. Il continua à soigner son image et, selon une méthode qu’il continua d’appliquer dans les soirées parisiennes, il offrit largement champagne et cocaïne pour s’attirer les sympathies, réelles ou apparentes.
C’est à cette même époque que Paulin tenta de lancer la “Transforme Star”, une agence de spectacles de travestis. On ignore encore aujourd’hui comment Paulin put réunir assez d’argent et de relations pour ébaucher un projet d’une telle envergure. Le lancement d’une société commerciale, même modeste, exige en effet de nombreuses démarches, des cautions de toutes sortes et une mise de fonds initiale. Malgré ses efforts, l’entreprise échoua.
Toulouse ne réussissait décidément pas à Thierry Paulin et le jeune homme décida de regagner Paris, toujours bercé par ses idées de gloire.

Un an avait passé depuis le 12 novembre 1984, et les policiers du 36 Quai des Orfèvres s’égaraient dans de multiples hypothèses. La série de meurtres du 18ᵉ arrondissement s’était interrompue, et rien ne permettait aux enquêteurs de se mettre sur la trace du ou des meurtriers.

Le 20 décembre 1985, dans le 14e arrondissement cette fois, la découverte du corps d’une vieille dame de 91 ans, Estelle Donjoux, étranglée chez elle, relança l’affaire.

Moins de quinze jours plus tard, le 4 janvier 1986, Andrée Ladam, 77 ans, subit le même sort à quelques mètres de là.
Après une courte trêve de cinq jours, ce fut Yvonne Couronne, 83 ans, qui fut surprise et assassinée à son domicile, rue Sarrette.
Ces trois crimes furent perpétrés dans un rayon de 400 mètres autour de l’église d’Alésia, dans le 14ème arrondissement. Chaque fois, le même scénario se répétait : la vieille dame était suivie depuis la rue jusqu’à son palier, puis poussée à l’intérieur de son appartement au moment précis où elle ouvrait la porte, pour être finalement étouffée ou étranglée. Ce rituel rappelait le cauchemar des vieilles dames du 18ème, sans pour autant apporter la certitude qu’il s’agissait bien du même homme.
Au contraire, la composante sadique caractéristique des meurtres du 18ème, la violence gratuite dont faisait preuve le tueur jusque-là, semblait avoir disparu (Jean-Thierry Mathurin était peut-être le plus violent des deux). Dans cette nouvelle série, le meurtrier opérait avec moins de sauvagerie. Il ne torturait plus et procédait de façon plus rapide, étranglant immédiatement ses victimes ou les étouffant sous des édredons, des matelas ou des oreillers.
Pourtant, l’ombre du “tueur du 18ème” planait sur cette seconde série noire et, pour les personnes âgées, les choses étaient claires : le périmètre de la peur avait simplement changé de quartier.

La liste des crimes n’était pas close, quatre noms allaient encore s’y ajouter.
Au cours de la seule journée du 12 janvier 1986, deux femmes furent retrouvées mortes chez elles. Marjem Jurblum, 81 ans, rue Pelé, dans le 11ème, et Françoise Vendôme, une veuve âgée de 83 ans, rue de Charenton, dans le 12ème. Toutes deux étaient mortes étranglées.
Trois jours plus tard, c’est Yvonne Schaiblé, 77 ans, qui fut découverte sans vie dans le 5ème arrondissement.

plan de Paris et des meurtres

Après plus d’une soixantaine d’interpellations sans résultat dans les “milieux suspects” (toxicomanes, trafiquants, détraqués…), les enquêteurs étaient au bord du découragement et le quai des Orfèvres, à force de comparaisons, se trouva devant autant de points communs que de divergences.

C’est pourtant vers la fin de ce mois de janvier 1986 que la police, pour la première fois depuis le début de l’affaire, fit un grand pas en avant.
Le laborieux travail de comparaison d’empreintes digitales (qui, à l’époque, n’était pas encore informatisé) porta enfin ses fruits. Des empreintes relevées sur les lieux de plusieurs crimes commis en 1984 étaient bel et bien identiques à plusieurs autres séries d’empreintes relevées sur les lieux des derniers crimes. C’est ainsi que la police put assurer qu’un même homme au moins, sans préjuger des complices probables, avait été présent lors de trois agressions mortelles de 1984 (une dans le 19ème, deux dans le 18ème), une de 1985 (dans le 14ème) et trois de 1986 (dans le 14ème, le 11ème et le 15ème).

Cette découverte bouleversa le cours de l’enquête. La police détenait à présent trois éléments : une série d’empreintes, un mobile (le vol d’argent liquide) et un mode opératoire bien défini. En dépit de la nouvelle panique qui s’emparait de la capitale, les enquêteurs reprirent confiance.