Article mis à jour le 18 octobre 2015

Quatre femmes ont disparus des rues de Norwich (est de l’Angleterre). Trois ont été retrouvées étranglées, on cherche toujours la quatrième.

Norwich est une ville très ancienne, médiévale même; calme, voire endormie. Mais non loin des nouveaux bâtiments et des cottages, des vieilles ruelles, des parkings vides et des bâtiments en construction offrent l’isolement que requiert « le plus vieux métier du monde ». Cet ensemble de petites rues est appelé « l’îlot ». Un peu plus d’une vingtaine de prostituées y travaillent.
Mais aujourd’hui, c’est devenu un endroit dangereux. Il semble que, depuis quelque temps, un tueur en série soit en chasse.

Le dimanche de Pâques, le corps de Michelle Bettles, 22 ans, mère de trois enfants, a été découvert dans un endroit boisé et reculé près de la A47, au nord de Norwich. Elle avait été étranglée. Trois mois plus tôt, le corps décomposé de Hayley Curtis, 23 ans, disparue depuis octobre 2001, avait été découvert dans un terrain vague, près de la A3. Et 18 mois auparavant, en juin 2000, Kellie Pratt, 29 ans, mère de deux enfants, a disparu alors qu’elle vendait son corps seulement pour la deuxième fois de sa vie.
Ces événements récents ont remis en mémoire le meurtre irrésolu de Natalie Pearman, 16 ans, prostituée, en novembre 1992. Tout comme Bettles, elle avait été étranglée et abandonnée dans un endroit boisé et reculé près de la A47.

Situation de Norwich
Situation de Norwich

La police de Norfolk ne parle pas officiellement d’un tueur en série. Dans le cas de Hayley Curtis, l’homme dans la voiture duquel elle a quitté Norwich le 16 octobre 2001 et avec qui elle a voyagé dans l’Essex, est emprisonné en Irlande et attend d’être jugé pour viol.
Mais si cet homme n’a assassiné « que » Curtis, qui a tué les trois (peut-être quatre) autres ? Le Superintendant Chris Grant, qui mène l’enquête, admet qu’il y a peut-être un lien entre ces meurtres. Mais il ajoute que les enquêteurs ne peuvent affirmer s’il y a un seul ou plusieurs tueurs. Le quartier où travaillent les prostituées n’est pas très grand et les clients sont bien obligés de toujours aller au même endroit.

Les enquêteurs attendent encore les résultats des tests d’ADN effectués sur les échantillons prélevés sur les corps de Bettles et Pearman, afin de savoir si le même homme est responsable de leur mort.
L’incertitude quant à savoir si un tueur en série est « à l’œuvre » ou non est partagée par les familles des victimes et par les prostituées elles-mêmes.
La majorité de ces dernières refusent cette éventualité. Elles ont eu peur après le meurtre de Bettles, certaines ont même évité de travailler durant quelques jours. Mais elles ont tellement besoin d’argent, pour la drogue, pour se nourrir, pour leurs enfants, qu’elles sont retournées sur les trottoirs. Quasiment toutes ces femmes sont héroïnomanes. Celles qui sont le plus « accro » sont bien moins scrupuleuses sur le choix de leurs clients et sont prêtes à suivre n’importe qui.
Les enquêteurs le savent : Bettles était droguée depuis de nombreuses années et Curtis prenait de l’héroïne depuis l’adolescence. Pratt, qui prenait de la drogue depuis trois ans, s’était tourné vers la prostitution quatre jours après être sortie de prison. (Pearman, qui n’était prostituée que depuis quelques mois, avait touché à l’héroïne et à la cocaïne mais n’était pas « accro » lorsqu’elle est morte).

Pour les mères des jeunes femmes assassinées, prendre de tels risques est inconcevable. «Ma première réaction a été… un choc… et l’horreur parce que c’était arrivé à nouveau», dit Lin Pearman, la mère de Natalie. «Mais ma seconde réaction a été de penser que, peut-être, il y a un lien. Dans mes tripes, je sens que celui qui a tué Natalie a déjà tué avant et qu’il va encore le faire… Mais ça ne veut pas dire obligatoirement que c’est lui qui a tué les autres filles».

Pour Gloria Carpena, la mère de Kellie Pratt, la question la harcèle constamment. «Parfois, je pense qu’il doit y avoir un tueur en série mais après, je me dis ‘Comment ces filles ont-elles pu faire ça et survivre toutes ces années ?’. Alors, j’ai l’impression que ce ne peut pas être un tueur en série». Kellie Pratt était une mère de famille, une femme au foyer fière d’elle-même… qui est devenue une « accro » à l’héroïne parce qu’une amie lui avait dit que ce serait plus efficace que les antidépresseurs… «Je ne sais pas, vraiment. Dans mon cœur, je pense que Kellie est morte, puisque c’est la troisième en deux ans. Peut-être qu’il lui a fait quelque chose et qu’il pense qu’il s’en est bien tiré, alors il va faire moins attention ? Tout un tas de choses me passent par la tête, ça me rend folle».