Article mis à jour le 26 janvier 2024

Nom : William Lester Suff, de son vrai nom William Lee Suff
Surnom : “The Riverside Prostitute Killer” (Le tueur de prostituées de Riverside)
Né le : 20 août 1950 à Torrance – Californie – Etats Unis
Mort le : Toujours vivant, dans le couloir de la mort du pénitencier de Saint Quentin – Californie

Encore un tueur de prostituées. Encore un homme au-dessus de tout soupçon. Il travaillait pour la ville de Riverside, en Californie du Sud, et a même côtoyé les policiers qui enquêtaient sur ses meurtres. Il a violé, torturé, mutilé et assassiné plus d’une vingtaine de femmes en cinq ans. Il avait aménagé son van avec un matelas, des couvertures… et un couteau. Il a été arrêté lors d’un banal contrôle de la route et a été par la suite reconnu coupable de 13 des meurtres. Il n’a jamais rien avoué.

Informations personnelles

(William Lester Suff n’est pas le vrai nom de ce tueur. Son certificat de naissance indique qu’il se nomme William (Bill) Lee Suff. Mais lorsqu’il a commencé à travailler pour la ville de Riverside, un employé municipal a fait une erreur et l’a inscrit sous le nom de son père : William Lester).

Les parents de William Suff eurent cinq enfants, dont il était l’ainé. Rien de particulièrement remarquable n’eut lieu durant son enfance. Il avait des notes moyennes à l’école, mais était doué en musique et se faisait des amis, bien que n’étant pas particulièrement populaire.

Ses parents divorcèrent lorsqu’il avait 10 ans, s’accusant l’un l’autre d’infidélité. Selon les déclarations du père de Suff, il arrivait à la mère du jeune garçon de se prostituer.

À sa majorité, Suff s’engagea dans l’US Air Force, au Texas, où il resta durant seulement 15 mois (au lieu des 4 ans habituels en cas d’engagement). L’Armée n’a pas donné de raison à son départ anticipé.
Il s’était engagé pour être cuisinier ou pompier (deux domaines dans lesquels il avait de l’expérience), mais fut intégré comme infirmier-brancardier.

Il épousa une adolescente de 16 ans, Terryl, en 1969. Selon elle, il était dominateur et jaloux, il la suspectait constamment d’infidélité et la frappait.

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En septembre 1973, William Suff et son épouse furent inculpés pour avoir battu à mort leur fillette âgée de 2 mois, Dijianet. Ils perdirent également la garde de leur fils de 4 ans, William Jr., qui avait lui aussi été violenté. Suff fut condamné à 70 ans de prison.
Son épouse, elle, fut libérée au bout de 20 mois, après que sa condamnation a été annulée en appel. Elle demanda et obtint le divorce.

William Suff fut libéré sur parole dès 1984, pour bonne conduite. Ce qui ne l’empêcha pas de chercher à retrouver son ex-épouse et à la menacer du pire par téléphone.

Il occupa plusieurs petits boulots. Puis, en 1986, il trouva un emploi au service de la ville de Riverside, dans le sud de la Californie. Il distribuait de la papeterie aux différents organismes administratifs de la ville.

Crimes et châtiment

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À partir de 1986, dans le Comté de Riverside (sud de la Californie), des prostituées (professionnelles ou occasionnelles) commencèrent à disparaître, au rythme d’une par mois. Le total exact des victimes ne fut jamais fixé, mais 20 à 30 femmes furent enlevées par un tueur qui rôdait à Lake Elsinore, Rubidoux, Corona, Romoland et dans d’autres villes.

Sur une période de cinq ans, entre 1986 et 1991, dix-neuf corps de prostituées furent découverts, dont trois au moins avaient la poitrine coupée. Une dizaine d’autres ne furent jamais retrouvées.
Dans certains cas, les corps étaient trop décomposés pour que l’on puisse même les reconnaître, et sans les analyses d’ADN (alors balbutiantes) et les radios dentaires, ces femmes n’auraient peut-être jamais été identifiées.
Certaines n’étaient malheureusement plus que des squelettes. Il est quasiment certain que certaines d’entre elles n’ont jamais été retrouvées.

La première victime connue du tueur fut découverte le matin du 30 octobre 1986. Un SDF qui cherchait des cannettes en aluminium remarqua un corps de femme d’une vingtaine d’année, à peine vêtu, coincé dans le fossé de drainage d’une zone industrielle, à Rubidoux. La femme reposait sur le dos, sa chemise et sa jupe short étaient déchirées en lambeaux. Elle avait reçu de nombreux coups de couteau à la poitrine et au visage, et était couverte de sang.
Elle fut identifiée comme étant Michelle Yvette Gutierrez, 23 ans, originaire de Corpus Christi, au Texas. Elle portait des marques de strangulation sur son cou et avait été violée. Le tueur l’avait également poignardé aux seins et aux fesses.

Le 11 décembre 1986, le corps à moitié dévêtu de Charlotte Jean Palmer, 24 ans, originaire de l’Illinois, fut découvert près de l’autoroute 74, à Romoland. Le coroner du comté fut incapable de déterminer la cause de la mort, car le corps était en très mauvais état.

Franklin Street à Lake Elsinore
Franklin Street à Lake Elsinore

La troisième victime du tueur fut une femme nommée Linda Ann Ortega, en janvier 1987. Agée de 37 ans, elle travaillait dans un fast-food situé sur Railroad Canyon Road, à Lake Elsinore, lorsqu’elle ne vendait pas son corps. Elle avait déjà été arrêtée pour possession de drogue. Son corps nu fut retrouvé poignardé dans des broussailles, à côté d’un chemin de terre, près de la Franklin Street, à Lake Elsinore. Les indices ramassés et les témoignages permirent de fixer sa mort à trois jours auparavant. Son sang contenait un haut niveau d’alcool et de cocaïne.
Ses collègues du fast-food la décrivirent comme une mère célibataire dévouée, qui se battait pour élever dignement son fils adolescent. Elles furent surprises d’apprendre qu’il lui arrivait de se prostituer.

Le 2 mai 1987, une autre prostituée assassinée fut découverte près de Franklin Street, à Lake Elsinore. Son corps était en état de décomposition avancé, mais ses dents permirent de l’identifier. Son nom était Martha Bess Young, 27 ans, originaire d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Elle était nue, les jambes écartées, les yeux grands ouverts. Elle était morte depuis au moins trois semaines.
L’autopsie révéla que cette jeune prostituée blonde avait un taux élevé d’amphétamines dans le sang. Apparemment, elle était morte d’une réaction toxique due à la drogue alors qu’on l’étranglait. Encore une fois, le tueur n’avait laissé que très peu d’indices.

Lake Elsinore est une petite ville de 15 000 habitants, et la découverte de ces deux prostituées assassinées à quelques mois d’intervalle surpris les policiers. C’est à Lake Elsinore que le tueur allait d’ailleurs abandonner les corps de la plupart de ses victimes.
Le centre opérationnel de l’Unité Spéciale créée pour trouver le tueur fut installé à Lake Elsinore. Y furent affectés, entre autres, le chef de la police de Riverside Linford Richardson, le lieutenant du Shérif Al Hearn, le Capitaine Bill Reynolds, le lieutenant William Caldwell et le Shérif Cois Byrd. Sous leur direction, “l’unité spéciale” tripla ses rangs jusqu’à atteindre 14 enquêteurs.

Malheureusement, le carnage ne faisait que commencer.

Linda Mae Ruiz était une jolie brune de 37 ans, grande, mince… et mariée. Mais des années de drogues et d’alcool l’avaient forcé à plonger dans la prostitution.
Le 17 janvier 1989, son corps fut découvert près de Lakeshore Drive, sur la plage de lac Elsinore. Il n’y avait pas de signe de lutte.
L’autopsie révéla que son taux d’alcool dans le sang était très élevé. Le tueur avait enfoui sa tête dans le sable et l’avait étouffée. Il l’avait également étranglée.

Cottonwood Canyon
Cottonwood Canyon

Le 28 juin 1989, le corps de Kimberly Lyttle fut découvert à Cottonwood Canyon, à Canyon Lake (à l’est de Lake Elsinore). Elle avait été étranglée.

Les journaux régionaux commencèrent à s’intéresser aux meurtres de ces femmes : une belle station balnéaire ensoleillée était “souillée” par des meurtres sexuels sadiques.
Sous le feu des médias, le Capitaine Bill Reynolds affirma : « Je suis confiant, nous allons l’attraper. C’est peut-être pour demain. Un simple flic pourrait l’arrêter pour un phare cassé et résoudre toute l’affaire, comme l’officier qui a appréhendé le tueur en série Randy Kraft en 1983 pour excès de vitesse, et a trouvé le corps d’un homme sur le siège passager ».

Le corps nu de Judy Lynn Angel, 36 ans, fut découvert le 11 novembre 1989 au nord du Lake Elsinore, entre Canyon Road et Lake Street. Son crâne avait été fracassé.
“Angel”, comme on l’appelait dans les rues, avait été vieillie prématurément par l’alcool et la drogue. Elle était devenue prostituée pour nourrir ses deux enfants après son divorce. Son casier judiciaire montrait qu’elle avait été arrêtée pour prostitution et possession de drogues.
L’autopsie révéla qu’elle présentait de profondes entailles sur les bras et les mains. Elle avait reçu ces terribles blessures en essayant de se défendre contre son agresseur.

Quail Valley
Quail Valley

Le corps de Christina Leal, 23 ans, résidente de Perris, fut découvert à Quail Valley, à l’est de Lake Elsinore, le 13 décembre 1989. Elle avait été sauvagement violée, puis étranglée et poignardée au cœur. Elle était prostituée et avait des problèmes de drogues.

Le nombre de victimes augmentait et à présent, Lake Elsinore était assiégé par des journalistes de presse et de télévision provenant de tout le pays.

Le 18 janvier 1990, les enquêteurs du Shérif du comté de Riverside furent appelés à Lake Elsinore, près de la Interstate 15. Ils arrivèrent à 6h30 du matin, 30 mn après qu’un jogger a trébuché sur le corps nu et frêle de Daria Jane Ferguson, originaire de Sun City. Elle avait été étranglée et s’était mordue la langue jusqu’au sang.
Jamais mariée, elle avait quatre enfants. Elle avait été arrêtée, comme les autres, pour prostitution et possession de drogue.

A ce moment de l’enquête, le laboratoire d’état examinait des centaines de fragments découverts sur les neuf scènes de crime, afin de déterminer si les meurtres étaient tous liés. Les enquêteurs de l’unité spéciale de Lake Elsinore échangèrent leurs informations avec la criminelle de San Diego, qui enquêtait justement sur les meurtres de 42 prostituées. Une par une, leur corps avait été découvert entre 1985 et 1989.
Le Sergent Bill Walsh, du bureau du Shérif du Comté, expliqua aux journalistes que les victimes n’avaient pas toutes été tuées de la même manière, mais que la méthode la plus souvent utilisée était la strangulation. Les similarités entre les meurtres poussèrent les enquêteurs à comparer leurs notes avec celles des policiers de Seattle enquêtant sur les meurtres du tueur de la Green River.

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Highgrove

Un autre corps nu fut découvert le 8 février par des ouvriers agricoles, dans un verger, à Highgrove, au nord de Riverside. Elle avait été étranglée et poignardée au niveau de la poitrine. La jeune femme fut identifiée comme étant Carol Lynn Miller, 35 ans, femme au foyer devenue prostituée à cause de la drogue et de l’alcool. Divorcée, elle avait disparu à la fin du mois de janvier.
On apprit par la suite qu’elle avait quitté son coin habituel parce que la police tentait de “nettoyer les rues des prostituées”.

On ne découvrit plus de cadavres jusqu’à la fin de l’année. Mais, le 6 novembre 1990, un homme installant de l’équipement dans une nouvelle usine tomba sur un corps près d’un conteneur à déchets, dans une zone industrielle au nord de Riverside, non loin de l’endroit où Carol Miller avait été trouvée.
Cheryl Coker, 33 ans, était nue, et son corps était caché sous des branches. Elle avait été étranglée et son agresseur avait coupé son sein droit, qui fut trouvé près d’elle.
Il y avait beaucoup de vieux arbres dans le voisinage, et la police en chercha un dont les branches avaient été coupées récemment, dans l’espoir que quelqu’un aurait vu un homme le faire, afin de fournir sa description. Mais ils ne trouvèrent aucun arbre coupé et personne n’avait vu qui que ce soit d’étrange.

Le 21 décembre 1990, pas très loin de l’endroit où Cheryl Coker avait été découverte, près d’une autre benne à ordures, un homme vidant les poubelles découvrit avec stupeur le corps nu de Susan Melissa Sternfeld. Elle avait 27 ans et avait été étranglée.
Elle habitait Riverside et avait travaillé comme mannequin pour des vêtements et du maquillage. Mère célibataire, elle était devenue droguée et avait dû se prostituer.

Nord de Lake Elsinore
Nord de Lake Elsinore

Moins d’un mois plus tard, le 19 janvier 1991, un homme en voiture aperçu un corps au nord de Lake Elsinore, à un kilomètre de l’endroit où Judy Lynn Angel avait été découverte. Le corps avait été jeté parmi des cannettes de bières et des vieux pneus.
Selon le médecin légiste qui fit l’autopsie, Kathleen Leslie Milne, 13ᵉ victime, une femme divorcée de 42 ans, avait été frappée plusieurs fois à la tête, puis étranglée. Elle était morte depuis moins de 24 heures, mais il y avait très peu d’indices.

Un criminologue qui avait joint l’Unité spéciale indiqua : « Nous sommes certainement en présence d’un homme malade. C’est un maniaque, un obsédé sexuel qui va continuer à tuer tant qu’on ne l’arrêtera pas. Malheureusement, toutes les pistes ont conduit à une impasse ».
Les officiers les plus âgés avaient presque l’habitude du meurtre. Mais ils étaient atterrés par la cruauté sauvage de certains des meurtres.

Les habitants de Lake Elsinore paniquaient. La police était submergée de lettres demandant aux enquêteurs de trouver le tueur. Un programme télévisé national (America’s Most Wanted) demanda au public d’aider les policiers à résoudre l’affaire. Sans effet.

Le 27 avril 1991, un sans-abri butta sur le corps d’une jeune femme nue, derrière le Bowling Center de Riverside. Elle avait été violée et étranglée. Elle fut identifiée comme étant Cherie Michelle Payseur, 24 ans. Elle avait été à l’école des sourds de Riverside et était la mère célibataire d’une petite fille. Pour vivre, elle avait d’abord fait des ménages. Mais son besoin de drogue l’avait plongé dans la prostitution.

Le cycle de violence à Lake Elsinore s’était intensifié dans des proportions explosives. Il n’y avait aucun suspect, bien que les enquêteurs aient commencé à vérifier les vies, les emplois du temps et les casiers judiciaires de plus de 200 personnes.
Tous les policiers disponibles furent envoyés dans la région. Dans les semaines à venir, 20 “agences” différentes (FBI, bureau du Shérif, police de la route, criminelle, unité spéciale, etc) allaient être impliquées dans la chasse à l’homme.

lakeelsinore
Lake Elsinore

La célébration du 4 juillet (fête nationale de l’Indépendance) amena beaucoup de touristes à Lake Elsinore et ses alentours. On prépara des pic-nics et tout le monde attendit les feux d’artifices. Ceux qui folâtraient près de la Railroad Canyon Road ne savaient sans doute pas que le corps de la 15ᵉ victime du tueur était près d’eux.
Il fut découvert allongé sur l’herbe. La jeune femme était blafarde, ses lèvres étaient bleues et ses yeux grands-ouverts. Elle avait été étranglée. Elle fut identifiée comme étant Sherry Ann Latham, 37 ans. Elle avait commencé à prendre de la drogue dès l’adolescence et avait rapidement dû se prostituer pour acheter ses doses.

Les détectives Bob Creek et John Davis, de Lake Elsinore, enquêtaient sur le tueur depuis le début. Des photographies des scènes des crimes étaient punaisées dans leur bureau. Et des photographies des victimes vivantes, lors de leurs précédentes arrestations. Elles paraissaient toutes plus vieilles que leur âge. Elles travaillaient presque toutes aux mêmes endroits : University Boulevard à Riverside, Main Street à Lake Elsinore, ou dans les motels miteux de Perris.
Elles travaillaient ensemble, elles vivaient ensemble, elles mangeaient ensemble… et elles mourraient de la même manière.
La plupart laissaient derrière elle des familles abattues et désespérées.

Il était loin, le temps où le président Grover Cleveland ou l’acteur Clark Gable venaient passer leurs vacances à Lake Elsinore. Certain quartier était à présent envahi par les dealers, les drogué(e)s et les prostituées. Les commerçants se plaignaient de leur présence. Certains affirmaient même que les meurtres du tueur étaient un bienfait pour la communauté. Un commerçant expliqua sans vergogne à des journalistes : « Il y a nettement moins de prostituées sur Main Street maintenant. C’est très bien qu’elles ne soient plus là. Les affaires vont bien mieux depuis qu’elles sont parties. Je pense que qui que ce soit qui les tue est ici pour nettoyer le voisinage » !

Mais que le tueur haïsse ou non les prostituées ne faisait aucune différence pour le détective Creed : « Peu importe qu’elles soient des droguées ou des prostituées. Pour nous, il n’y a pas de différence. Elles payent des impôts comme tout le monde ».

Delilah Street
Delilah Street

Un peu plus d’un mois plus tard, le corps nu de Kelly Marie Hammond, 23 ans, fut découvert par un camionneur, sur Delilah Street, près de l’autoroute 91, dans une zone industrielle de Riverside. Son corps était encore tiède.
Malheureusement, le tueur n’avait encore une fois laissé que très peu d’indices.

Les policiers eurent enfin une piste le 15 août 1991. Un homme dans un van de couleur gris-bleu avait “levé” une prostituée enceinte et droguée, près de l’orangerai, sur le University Boulevard, à Riverside. Elle était montée dans son van et ils avaient commencé à discuter gentiment.
Mais soudain, l’homme était “devenu dingue”. Il s’était mis en colère et avait refusé de lui payer ses 20 $. Il s’était jeté sur elle et elle s’était mise à crier. Elle était parvenue à ouvrir la portière et s’était enfuie.

Mais très peu de temps après, l’homme était revenu sur le boulevard et avait emmené une autre prostituée, Kelly Marie Hammond.
« Je lui ai dit de ne pas y aller, qu’il ne valait pas le coup. N’y va pas, ne vas pas avec lui, j’ai crié. Elle m’a souri et m’a répondu qu’elle allait revenir. Elle est montée avec le type. Mais elle n’est jamais revenue ».
La prostituée enceinte fut emmenée au QG de la police et permit d’établir un portrait robot du tueur. Elle décrivit également son van. La police fit publier un avis de recherche concernant le van, en précisant que le véhicule était recherché dans une affaire de meurtre et qu’il fallait approcher son occupant avec précautions.
Les journaux et les chaînes de télévisions publièrent aussi cette description et, en quelques heures, la police fut submergée d’appels téléphoniques. Malheureusement, cela ne mena à rien.

Un psycho-criminologue affirma au journal de 20 heures que le tueur était probablement un homme blanc, puisqu’il ne s’en prenait qu’à des femmes blanches. Il semble que l’assassin vu ce journal et, en réaction, tua une femme noire.

Tuscany Hills
Tuscany Hills

Un entrepreneur en bâtiment découvrit un autre corps près d’un parking, à côté d’un site de construction aride dans les Tuscany Hills, un quartier plutôt chic au nord est de Lake Elsinore, le 13 septembre 1991. Catherine McDonald, 30 ans, originaire de Riverside, était prostituée et avait été étranglée, comme toutes les autres. Par contre, elle était la première (et dernière) victime noire du tueur, et elle avait sans doute plus souffert. Son corps était tordu dans la douleur et ses yeux grands-ouverts.
Quelques minutes plus tard, le détective Hanry Sawicki, du bureau du Shérif, et des officiers de l’Unité Spéciale furent sur les lieux et ratissèrent la scène du crime à la recherche d’indices. Des groupes de volontaires aidèrent la police à passer les collines au peigne fin jusqu’à Canyon Lake. Une équipe du bureau du Shérif et des motards de la Police des autoroutes Californiennes établirent des barrages dans la région de Granite Hill. Des policiers relevèrent les numéros d’immatriculation des véhicules garés aux alentours de la scène du crime.

Les banlieusards qui allaient travailler dans les Comtés d’Orange ou de Los Angeles furent interrogés. Aucun d’entre eux n’avait vu quoi que ce soit d’étrange lorsqu’ils ou elles avaient garé leur voiture sur le parking.

Un mois et demi plus tard, un automobiliste qui se rendait à son travail remarqua un corps nu dans des herbes sèches, près de l’autoroute 60, au nord de Riverside. C’était le 30 octobre 1991, la veille d’Halloween et le jour du 5ᵉ “anniversaire” de la découverte de la 1ʳᵉ victime, Michelle Guttierrez. Le corps était celui de Delliah Wallace, 35 ans, habitante de Riverside, qui avait déjà été arrêtée pour possession de drogue et prostitution. Elle était mère de cinq enfants.

Deux jours avant Noël, un homme qui travaillait dans une orangerais à moins d’un kilomètre du poste central de police contacta les autorités. Le 19ᵉ corps était celui d’Eleanore Ojeda Casares, prostituée et droguée.
Comme la plupart des autres victimes, Eleanore Casares avait été assassinée dans une période de vacances. Certains policiers pensaient que c’était juste une coïncidence, d’autres croyaient qu’il y avait là une signification, un indice.
James Fox, doyen de l’université de justice criminelle de Boston expliqua : « Dans certains cas, les anniversaires et d’autres dates spécifiques sont importantes pour le tueur et il les célèbre en commettant un nouveau meurtre ». Il fit remarquer que la 17ᵉ victime, Catherine McDonald, avait été tuée un vendredi 13. La 6ᵉ victime, Kim Lyttle, avait été découverte le lendemain de son anniversaire. La 12ᵉ victime, Susan Sternfled, avait été tuée peu avant Noël. Le corps mutilé de Delliah Wallace avait été trouvé la veille d’Halloween…
Cela pouvait avoir une signification. Ou cela pouvait simplement montrer que le tueur attaquait plutôt les prostituées en période de congés, lorsqu’il était en vacances.

L’affaire se termina brusquement grâce à… un simple contrôle routier.
Le 9 janvier 1992, vers 21h, l’officier Frank Orta conduisait le long de la University Avenue. Il remarqua un van gris qui faisait demi-tour en coupant une ligne blanche, après avoir déposé une prostituée. Frank Orta se souvint de l’avis de recherche concernant un van gris-bleu et ordonna au van de se garer sur le bas-côté.
Deux autres policiers arrivèrent sur les lieux au même moment, et les trois hommes vérifièrent l’identité du conducteur. William Lester Suff, 42 ans, commettait un délit en étant au volant de son véhicule : on lui avait retiré son permis de conduire. On lui confisqua son van et les policiers l’escortèrent jusqu’au poste de police pour l’interroger.

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Après avoir interrogé le “suspect”, le lieutenant du Shérif Al Hearn devint suspicieux : ses collègues avaient découvert une corde, un sac de couchage et un couteau dans le coffre du van. Al Hearn contacta les autres membres de l’Unité Spéciale.

Ils interrogèrent Suff durant des heures et ce dernier nia être le tueur de prostituées de Riverside. Les enquêteurs obtinrent donc des cheveux et du sang appartenant à Suff, afin de faire procéder à des analyses qui pourraient le relier aux assassinats.

Dans les jours qui suivirent, le portrait de William Suff fut sur toutes les chaînes de télévisions et dans tous les journaux.
Employé depuis cinq ans par la ville de Riverside, il avait gagné des concours de cuisine grâce à son célèbre chili. Habile musicien, il avait joué de la trompette et du trombone dans l’orchestre de l’Université de Lake Elsinore.
Selon celles et ceux qui le connaissait, il était fiable, honnête et loyal. Il était difficile de croire qu’un homme aussi “normal” puisse être impliqué dans les meurtres dont la sauvagerie avait horrifié la Californie du Sud.
Suff plaida non coupable et n’admit jamais rien, proclamant son innocence à qui voulait l’entendre.

La police révéla que, lorsque Suff avait posé sa candidature pour travailler dans l’entrepôt de papeterie de la ville, en 1986, il avait menti au sujet de sa condamnation, en 1974, pour le meurtre de sa fille. Lorsque l’on demanda aux autorités du Comté pourquoi elles n’avaient pas vérifié le casier judiciaire de Suff, Tom DeSantis, porte-parole du Comté de Riverside, expliqua que, selon la loi Californienne, une condamnation pour meurtre “vieille de 12 ans” ne pouvait pas l’empêcher de travailler pour le Comté, alors qu’une condamnation pour vol l’aurait exclu !

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Le temps que les indices soient amassés et contrôlés, et que l’accusation comme la défense prépare son dossier, William Lester Suff ne fut jugé que le 25 mars 1995. Le procureur de l’état indiqua immédiatement qu’il allait requérir la peine de mort, sans compromis. Suff lui répondit par un sourire.
Les enquêteurs avaient accumulé des preuves physiques et des témoignages liant directement William Suff aux meurtres de treize prostituées. Le procureur préféra ne pas accuser Suff des autres meurtres, pour lesquels les preuves matérielles n’étaient pas suffisantes.
Le procureur montra aux jurés les affreuses photos prises et les vidéos filmées sur les scènes des crimes. Les familles des victimes se mirent à pleurer, certaines sortirent du tribunal.

Le procureur décrivit Suff comme un monstre dont l’appétit sexuel était lié, voire accru par le meurtre de prostituées.

L’avocat de la défense suggéra au contraire que Suff était un homme amical avec ses voisins et ses collègues et qu’on l’utilisait comme bouc-émissaire pour résoudre cette affaire. Mais la défense ne parvint pas à invalider toutes les preuves qui furent présentées.
32 policiers et spécialistes expliquèrent comment des cheveux, des fibres, des traces de pneus, des armes et des témoignages reliaient Suff aux meurtres.

Bien que beaucoup de prostituées aient quitté les lieux, les policiers parvinrent à en localiser quelques-unes qui acceptèrent de témoigner, et notamment la prostituée enceinte qui avait vu Kelly Marie Hammond monter dans le van de Suff.

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L’élément le plus déterminant contre Suff fut pourtant le témoignage d’un scientifique criminologue qui affirma qu’il avait relié des cheveux et des fibres trouvés dans le van de Suff à deux scènes de crimes.
Selon lui, des fibres provenant d’un oreiller, d’une couverture et d’un sac de couchage trouvés dans le van de Suff étaient tout à fait similaires à ceux découverts sur les corps de Kim Lyttle et Christina Leal. De plus, une serviette bleue qui couvrait le corps de Kim Lytlle présentait des fibres gris correspondaient à la moquette du van de Suff. D’autres fibres encore étaient semblables à ceux trouvés sur les sièges du van. Un t-shirt et une chaussette trouvés sur le corps de Christina Leal comportaient des fibres de tapis qui étaient semblables à ceux du van de Suff.
Comme si ce n’était pas assez, un couteau portant des traces de sang avait été trouvé dans le van. Et enfin, les traces de pneus laissées par le meurtrier sur la dernière scène de crime correspondaient aux pneus du van de Suff.

Il fallut aux jurés moins de quatre heures de délibérations pour conclure à la culpabilité de Suff pour douze des treize meurtres dont il était accusés, ainsi que d’une tentative de meurtre.
Suff essuya une larme lorsqu’on lut le verdict. C’était la première fois qu’il montrait une quelconque émotion depuis le début de son procès.

Le 17 août 1995, le jury condamna William Suff à la peine de mort.

Après quelques années de silence, Suff décida d’écrire un livre sur sa vie et de raconter SA version de son histoire. En juin 1997, son avocat (et meilleur ami, et écrivain) Brian Alan Lane fit publier : “Cat and Mouse : Mind Games with a serial killer”, un livre qui contient des écrits de Suff, des poèmes et certaines de ses recettes, mais parle finalement peu de ses crimes.

Suff attend toujours son exécution.

Les victimes de Suff

Michelle Yvette Gutierrez (23 ans)
Son corps fut découvert le 30 octobre 1986.

Charlotte Jean Palmer (24 ans)
Son corps fut découvert le 11 décembre 1986.

Linda Ann Ortega (37 ans)
Son corps fut découvert en janvier 1987.

Martha Bess Young (27 ans)
Son corps fut découvert le 2 mai 1987.

Linda Mae Ruiz Talavera (37 ans)
Son corps fut découvert le 17 janvier 1989.

Kimberely Lyttle
Son corps fut découvert le 28 juin 1989.

Judy Lynn Angel (36 ans)
Son corps fut découvert le 11 novembre 1989.

Christina “Tina” Leal (23 ans)
Son corps fut découvert le 13 décembre 1989.

Darla Jane Ferguson (27 ans)
Son corps fut découvert le 18 janvier 1990.

Carol Lynn Miller (35 ans)
Son corps fut découvert le 8 février 1990.

Cheryl Coker (33 ans)
Son corps fut découvert le 6 novembre 1990.

Susan Melissa Sternfeld (27 ans)
Son corps fut découvert le 21 décembre 1990.

Kathleen Leslie Milne (42 ans)
Son corps fut découvert le 19 janvier 1991.

Cherie Michelle Payseur (24 ans)
Son corps fut découvert le 27 avril 1991.

Sherry Ann Latham (37 ans)
Son corps fut découvert en juillet 1991.

Kelly Marie Hammond (23 ans)
Son corps fut découvert en août 1991.

Catherine McDonald (30 ans)
Son corps fut découvert le 13 septembre 1991.

Delliah Zamora Wallace (35 ans)
Son corps fut découvert le 30 octobre 1991.

Eleanore Ojeda Casares (39 ans)
Son corps fut découvert le 23 décembre 1991.

William Suff est également soupçonné du meurtre de :

Lisa Ann Lacik (21 ans)
Retrouvée poignardée en janvier 1988, au pied d’une falaise au sud de Running Springs, dans la forêt nationale de San Bernardino.

Mode opératoire

Suff parcourait les rues du Comté de Riverside dans son van, à la recherche de prostituées et souvent, il les tuait.

Comme tous les tueurs qui s’en prennent à des prostituées, il “levait” une fille dans la rue et la faisait monter dans son van, qui était “équipé” à l’arrière (couchette, couverture, ainsi qu’un couteau caché). Avant ou après avoir eu des relations sexuelles avec sa future victime, il l’étranglait ou la poignardait.

Il lui arrivait de couper un sein à ses victimes. Suff, selon la police, considérait la mutilation de ses victimes comme un art.

Finalement, il jetait les corps de ses victimes, souvent nues, dans des régions montagneuses, des conteneurs de déchets ou aux bords de routes, où il était sûr qu’on les trouverait.

Il emmenait avec lui des objets ou/et des vêtements de ses victimes, des “trophées”.

Motivations

William Suff était, comme de nombreux tueurs en série, le parfait “Docteur Jekyll et Mister Hyde”. Il travaillait comme employé dans un magasin gouvernemental et livrait du papier à l’unité spéciale qui enquêtait sur ses meurtres ! Il aimait se faire passer pour un officier de police et cuisinait un chili “spécial” lors des piques-niques organisés par le bureau. Une rumeur a affirmé qu’il ajoutait de la chair humaine à ce chili, qui a gagné plusieurs prix dans les concours locaux… Il aimait les voitures et était volontaire dans le programme de covoiturage du comté.
Ses voisins le décrivaient comme “un type amical qui faisait toujours des choses pour aider les gens”.

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Suff, grâce à son emploi, rencontra souvent les policiers qui enquêtaient sur les meurtres du “Tueur de Riverside”. En fait, il gardait des boîtes à la vue de tous dans son magasin, qui contenaient les trophées qu’il avait pris à ses victimes, tels que bijoux et vêtements !
L’épouse de Suff découvrit un jour un porte-monnaie dans le van de son époux. Il lui expliqua que son patron le lui avait offert et elle ne chercha pas à en savoir plus.

Comme bien d’autres tueurs en série, Suff cherchait avidement la célébrité, la gloire et la reconnaissance.
Selon une prostituée qu’il a agressée, mais qui est parvenu à s’enfuir, il portait une boucle de ceinture sur laquelle son nom était gravé. Il avait également personnalisé ses plaques d’immatriculation avec son nom : “BILSUF1”.

On ne sait pas exactement quand Suff a commencé à tuer. Il semble que la séparation et le divorce de sa première épouse, Teryl, ait profondément marqué William Suff. Il la considérait comme sa possession et ne supportait pas qu’elle ne lui “appartienne” plus.
Interrogée par le “Los Angeles Times”, Teryl a expliqué : “Je me souviens que, lorsque j’ai appris qu’il avait été arrêté pour les meurtres de Riverside, je me suis demandé s’il avait essayé de me tuer, moi, à travers ces femmes”.
William Suff s’est remarié, de nouveau avec une adolescente, Cheryl, qu’il a elle aussi violentée. Ils ont eu une fille, Bridget, qui a été confiée aux services sociaux après avoir subi des dommages au cerveau, apparemment après avoir été frappée. Suff, malgré son casier judiciaire, n’a jamais été accusé du crime.

Suff réagissait souvent aux reportages télévisés ou aux articles des journaux concernant ses meurtres. Il a tué une prostituée noire (Catherine McDonald) lorsqu’un profiler a suggéré que le tueur était blanc parce qu’il ne s’en prenait qu’à des femmes blanches.
Il est possible que la haine de Suff pour les prostituées (et les femmes en général…) lui vienne de sa mère, que son père accusait d’être une prostituée occasionnelle.
Les spécialistes expliquent que couper les seins des femmes est une manière très symbolique (et très brutale) pour un tueur de blesser les femmes, de s’en prendre à leur féminité même.

Les psychiatres expliquent souvent, au sujet des tueurs en série, que ceux-ci agissent comme un bébé d’un an. Ils vont jusqu’à la limite. Ils testent leurs limites. Ils se mettent eux-mêmes en danger parce qu’ils ne savent pas où sont leurs limites.
Et ils s’attaquent aux prostituées parce que, dans leur esprit, ces femmes sont déjà perdues. “Puisqu’elles se vendent, ce sont des femmes qui ne méritent pas de vivre”. De plus, ce sont des victimes “faciles” qui montent de leur plein gré dans le véhicule du tueur.

Citations

“C’est quelque chose que je n’oublierai jamais, aussi long que je vivrai. Ce qu’il a fait à ces femmes… Je me demande toujours : Mais quel genre de type peut avoir envie de faire ces choses-là ?” : le Detective Bob Creed.

“Ce n’est pas comme si on avait les ‘Hillside Stranglers’ ici. C’est un cinglé de la salubrité. Il nettoie la ville de ses saloperies, c’est tout” : un agent immobilier, avant le procès de Suff. (Cet agent immobilier fut ensuite tué par un souteneur alors qu’il essayait de retirer sa fille de 17 ans, prostituée et droguée, de la rue)

Bibliographie

Livres en anglais :

Cat and Mouse: Mind Games With a Serial Killer
Résumé : Basé sur des entrevues que Brian Lane a eues avec Suff, c’est une étude psychologique du tueur retraçant ses crimes… et son hypocrisie flegmatique. Le livre intègre des nouvelles écrites par Suff ainsi que certaines de ses recettes.
Critique : Je ne vois pas trop ce que des recettes de cuisine peuvent nous dire sur l’esprit d’un tueur en série… Lane aurait pu avoir des discussions en profondeur avec Suff, mais ce n’est pas le cas. Il survole son sujet sans vraiment s’appesantir sur les sujets qui fâchent.

The Riverside Killer
Résumé : Ce livre a été écrit par l’un des enquêteurs et raconte le travail de l’unité spéciale, la double vie de Suff et ses meurtres.
Critique : Ce livre est intéressant, mais malheureusement assez mal écrit. La première partie, qui concerne le travail des enquêteurs, est passionnante, mais la seconde, la vie de Suff et ses meurtres, rabâche un peu trop souvent la même chose et n’apprend rien de très nouveau. Dans la troisième partie, le procès, on nous répète encore pas mal de faits déjà connus. (Les 16 pages de photographies représentent les victimes telles qu’elles ont été découvertes).

Liens

– Le Comté de Riverside : le site officiel (en anglais) et sur wikipedia
– La ville de Riverside : le site officiel (en anglais)
– La ville de Lake Elsinore : le site officiel (en anglais)