Article mis à jour le 26 août 2022

Nom : Marcel Henri Barbeault.
Surnom : « Le tueur de l’ombre ».
Né le : 10 août 1941, à Liancourt (Oise), près de Creil – France.
Mort le : Toujours vivant (condamné à la prison à vie), incarcéré à la prison centrale de Saint-Maur, dans l’Indre.

Mari et père modèle, Marcel Barbeault est un tueur à la personnalité surprenante. Dans la région de Nogent-sur-Oise, durant sept années, au lever du jour, il a parcouru les rues pour tuer des femmes. Il en a abattu sept, ainsi qu’un homme. Il utilisait une arme à feu, fait assez rare chez les tueurs en série. Il était également voleur et cambrioleur : arrêté par les gendarmes, il n’avait passé qu’un mois en prison. Arrêté sur dénonciation anonyme, il a été condamné pour cinq des sept meurtres, mais n’a jamais rien avoué.

Informations personnelles

Le père de Marcel Barbeault était cheminot, sa mère était femme au foyer. Aîné de la famille, il s’entendait bien avec ses quatre frères et sa sœur. Timide et renfermé, il quitta l’école à 14 ans après avoir raté son certificat d’études primaires.
En 1957, il fut engagé dans les ateliers mécaniques des « Établissements Rivière » de Creil, en tant qu’outilleur.

À 19 ans, grand et fort, il pratiquait la boxe en amateur. Il voulut partir se battre en Algérie, où la guerre faisait rage depuis 1954. Le 13 décembre 1960, il s’engagea pour deux ans. Mais, alors qu’il désirait devenir parachutiste, il réalisa qu’il souffrait d’un vertige incontrôlable, et se retrouva brancardier… Ses états de service furent néanmoins récompensés : le 19 décembre 1962, il fut démobilisé avec les honneurs et fut décoré de la « Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord » et de la « Croix de la valeur militaire ».
De retour en France, Marcel Barbeault désira devenir gendarme, mais échoua lors des épreuves de sélection. Il retrouva alors son emploi aux « Établissements Rivière ».

Barbeault et son épouse
Barbeault et son épouse

À 21 ans, il rencontra Josiane, une jolie secrétaire blonde et élégante, à la sortie d’un cinéma. Il était grand et imposant, mais était toujours aussi timide, et sa gentillesse toucha la jeune femme. Ce fut le coup de foudre.
Ils se marièrent rapidement et eurent deux fils, en 1966 et 1972. Le couple s’installa dans le quartier des Martinets, à Montataire. Cette cité HLM venait juste d’être construite et leur logement était agréable. Le couple était heureux, Marcel Barbeault était considéré par tous comme un homme sympathique et un bon père de famille.

Malheureusement, la vie de Barbeault avait été et allait être marquée par des drames :

La mère de Barbeault
La mère de Barbeault
  • En 1968, sa mère qu’il aimait tant succomba à un long et douloureux cancer du sein. Elle mourut dans ses bras.
  • En 1971, Jean-Louis, l’un de ses frères, mourut brusquement dans un accident de la route.
  • Le 12 février 1974, Roger, un autre de ses frères, se suicida en se jetant sous un train, dans des circonstances troublantes.

Pour chacun de ces décès, Marcel Barbeault, l’aîné de la famille, prit en main toutes les démarches. Il vint souvent, par la suite, se recueillir sur les tombes de ses défunts enterrés dans le même cimetière.
En 1972, Marcel Barbeault changea d’entreprise et fut embauché à l’usine Saint-Gobain de Rantigny, dans le bassin industriel de Creil, suivant des horaires tournants : d’une semaine sur l’autre, il travaillait le matin, l’après-midi ou la nuit…

Ses relations avec son épouse commencèrent à se détériorer en 1974. Il avait été arrêté en flagrant délit par les gendarmes, le 3 septembre, alors qu’il récupérait le butin d’un cambriolage. Il reconnut qu’il n’en était pas à son coup d’essai. À son domicile, les enquêteurs furent surpris de l’importance du produit de ses vols. Barbeault expliqua qu’il avait agi ainsi pour « amasser un peu d’argent » afin de « partir en vacances en famille » ! Parmi tous les objets dérobés lors de ces cambriolages, les gendarmes découvrirent une arme de 4ᵉ catégorie, un pistolet d’alarme que Barbeault avait transformé en revolver de calibre 5.5 à balles réelles. « Pour ma femme car, étant donné mes horaires de travail, elle était souvent seule à la maison ».
Jugé, il fut condamné à un mois d’emprisonnement à la maison d’arrêt d’Amiens. Josiane était bouleversée et fit une dépression nerveuse. Son mari lui avait dit que tous ces objets lui avaient été donnés par un camarade de l’usine. Quand Marcel Barbeault fut libéré, elle voulut divorcer, mais, pour leurs deux fils, elle décida de lui laisser une chance et le couple reprit la vie commune dans l’appartement de Montataire.

Crimes et châtiment

Nogent-sur-Oise
Nogent-sur-Oise

Nogent-sur-Oise est situé dans le district urbain de Creil, un bassin industriel à une cinquantaine de kilomètres de Paris. Une artère principale rejoint la RN 16, et une ligne de chemin de fer Paris-Amiens serpente derrière les pavillons en briques rouges.

Le soir du 10 janvier 1969, Françoise Lecron, épouse d’un ingénieur de l’usine Saint-Gobain, faisait la cuisine dans sa maison située près de la voie ferrée. Soudain, elle entendit un grand bruit et ressentit une terrible douleur à l’épaule, puis s’écroula. Elle avait été touchée par une balle de carabine, tirée à travers la fenêtre de son pavillon. Elle n’était que légèrement blessée, mais elle n’avait pas eu le temps de voir son agresseur.
Les policiers s’interrogèrent : il ne semblait pas y avoir de mobile à cette agression. Ils pensèrent à un acte dont le but était d’intimider le mari, l’un des cadres dirigeants de la prestigieuse société Saint-Gobain, qui négociait au même moment le rachat d’une entreprise de la région.

Le 14 janvier au soir, Michèle Louvet, 17 ans, regagnait le domicile de ses parents, lorsqu’elle entendit, elle aussi, une détonation. Elle fut atteinte au ventre, mais survécut. Le coup était parti d’un bosquet, le tueur était parti après l’avoir touchée. Elle n’avait pas pu le voir, car il faisait déjà presque nuit. La police rapprocha les deux agressions et la presse locale s’interrogea sur leur auteur, qu’elle baptisa « Le tueur de l’ombre ».

Une semaine plus tard, le 23 janvier au soir, Thérèse Adam, une représentante en cosmétique âgée de 49 ans, regagnait son domicile. Près de chez elle, elle fut attaquée par un homme. Il l’assomma avant de lui tirer une balle de calibre 5.5 dans la nuque. Le lendemain, un passant aperçut son corps, dissimulé dans un fourré le long de la voie ferrée.
Toute la ville était en émoi. Dans le journal local, ce crime incompréhensible fut relaté en détail. Pourtant, au fil des mois, Nogent-sur-Oise retrouva le calme, en essayant tant bien que mal d’oublier ce drame inexpliqué.

Pavillon Suzanne Mérienne
Le pavillon de Suzanne Mérienne

Presque un an s’écoula et, le 16 novembre 1969 au soir, alors qu’il pleuvait, un homme pénétra dans un pavillon isolé. Son visage était dissimulé sous un foulard rouge et il portait un ciré de pêcheur marron. Il brandit une carabine sous les yeux de Suzanne Mérienne, 44 ans, et de sa fille, Micheline, 19 ans. Très vite, il les entraîna à travers le jardin jusqu’à un terrain boueux qui bordait la ligne de chemin de fer toute proche. Il sépara alors les deux femmes, puis ligota la mère avant de la tuer d’une balle dans la tempe. Épouvantée, Micheline Mérienne eut le réflexe de s’enfuir.
Devant les policiers du commissariat de Creil, elle décrivit le tueur : un homme grand et bien bâti, avec des « yeux de chat ».

La police établit un lien entre les quatre agressions. La presse nationale, les radios, les télévisions dépêchèrent leurs reporters à Nogent-sur-Oise. Le « tueur de l’ombre » fit la une des journaux.
L’angoisse s’installa à Nogent-sur-Oise. Les femmes brunes (comme les quatre victimes) évitèrent de sortir seules dès le crépuscule.

Pourtant, pendant plus de trois ans, le « tueur de l’ombre » ne fit plus parler de lui. Tout le monde voulait oublier ce cauchemar. On pensa que le « monstre » s’était décidé à arrêter ses crimes ou qu’il avait quitté la région.
Mais, le 6 février 1973, il fit une nouvelle victime. Le corps d’Annick Delisle, 29 ans, ouvreuse de cinéma, fut retrouvé à demi nu à quelques pas du centre de Nogent. Le tueur l’avait assommée d’un coup de matraque derrière la tête, avant de l’achever d’une balle de 22 long rifle dans la nuque.

Le cimetière de Laigneville
Le cimetière de Laigneville

Quelques mois plus tard, dans la nuit du 28 au 29 mai 1973, Eugène Stephan, 25 ans, et Mauricette Van Hyfte, une ouvrière de 23 ans, passaient la soirée en amoureux dans la voiture du jeune homme. En contrebas du cimetière de Laigneville, juste à la lisière de la forêt, la vue sur la vallée de l’Oise était superbe.
Mais le lendemain, à l’aube, des ouvriers qui se rendaient à leur travail furent intrigués par cette voiture dont une portière était grande ouverte. Sur le siège avant, Eugène Stephan gisait dans une mare de sang. Quelques mètres plus loin, les deux hommes trouvèrent le corps de Mauricette Van Hyfte. Les deux amoureux avaient été assommés et tués de plusieurs balles de carabine 22 long rifle.
La police, désormais familiarisée avec le rituel du tueur de Nogent, fut persuadée qu’il s’agissait d’une nouvelle agression du « tueur de l’ombre », bien que cette fois, il se soit attaqué à un couple et non à une femme seule.

L’hiver suivant, un nouveau meurtre fit rebondir l’affaire. Le 8 janvier 1974, Josette Routier, une employée de banque de 29 ans, fut assassinée à son domicile de Nogent-sur-Oise. Le meurtrier s’était introduit chez elle en escaladant les balcons de la résidence. Caché dans les doubles-rideaux, il avait attendu la jeune femme, brune comme les autres victimes. Il l’avait assommée d’un coup de matraque derrière la tête, lui avait tiré deux balles de calibre 5.5 dans la tempe et lui avait arraché ses sous-vêtements.
Le corps de Josette Routier ne fut découvert que trois jours plus tard par des voisins inquiets de sa disparition.

En septembre 1974, l’inspecteur divisionnaire Daniel Neveu fut muté à Creil. L’affaire lui fut confiée. Ce jeune policier de 34 ans au parcours sans faute se passionna pour cette énigme. Avec un acharnement méthodique, il allait construire un raisonnement pour résoudre l’enquête.
Depuis le début de l’enquête, 250 gendarmes et 50 inspecteurs étaient mobilisés en permanence dans la région. Auditions par centaines, fouilles systématiques, recherches minutieuses, rien n’était laissé au hasard. Mais chaque meurtre obligeait les enquêteurs à tout reprendre.
Les indices étaient bien faibles : un cheveu brun dont on ne pouvait dire s’il appartenait au tueur, une empreinte de botte de pointure 42, quelques douilles de balles de carabines, une cordelette à sept brins et le témoignage de Micheline Mérienne, qui avait entrevu le tueur.
De leur côté, les experts psychiatres tentaient de cerner la personnalité du tueur, imaginant volontiers une espèce de monstre solitaire, incapable d’avoir une sexualité normale…
Les études balistiques, quant à elles, apportèrent la preuve que le tueur avait utilisé plusieurs armes.

Daniel Neveu, en lisant l’énorme dossier constitué depuis 5 ans, apprit que les crimes sans mobile apparent avaient été accomplis selon un rituel morbide : de nuit, dans le froid, un coup de matraque, puis un coup de feu. Le dernier meurtre en date, celui de Josette Routier, présentait une particularité : l’utilisation d’un couteau dans un but sexuel. C’était la première fois que le tueur montrait un intérêt clairement sexuel pour sa victime.
En 1975, à l’arrivée du commissaire Jacob à l’antenne de police judiciaire de Creil, les policiers travaillèrent sur une plus grande échelle. Une centaine d’enquêteurs fouillèrent la région dans ses moindres replis. Six procès-verbaux furent établis, 92 perquisitions furent ordonnées, 1000 personnes interrogées.
Sans résultat probant, malheureusement.

coupure journal gonçalvez

Le 26 novembre 1975, un habitant de Nogent-sur-Oise originaire du Portugal, se présenta au commissariat. Depuis la veille, il était sans nouvelle de sa nièce, Julia Gonçalves, qu’il hébergeait depuis quatre ans. Tous les matins, pour prendre le train de 6h09, cette jeune femme de 29 ans, employée dans une blanchisserie, rejoignait la gare en passant par un grand jardin public situé en plein cœur de la ville.
Le lendemain, un employé municipal, en ratissant les feuilles sur la berge du ruisseau qui serpente au travers du jardin public, accrocha avec son râteau le corps de la jeune femme brune. Julia Gonçalves était dévêtue des genoux à la poitrine. Pour le médecin légiste, le décès remontait à deux jours.
Selon toute vraisemblance, l’assassin avait attendu, tapis dans l’obscurité. Lorsque la jeune femme était passée devant lui, il l’avait assommée d’un violent coup à la tête, avant de l’achever d’une balle de carabine dans la nuque. Quelques heures après cette découverte, les policiers trouvèrent le sac et la jupe de la victime, cachés sous un tas de feuilles mortes.

Le portrait robot
Le portrait robot

Le commissaire Christian Jacob reçut un témoin oculaire après ce meurtre. Dans la lueur de ses phares, la personne avait vu, vers 5h45, dans le parc, un homme immobile, caché dans les feuillages. Il était vêtu de sombre, plutôt beau garçon, et il avait des cheveux noirs. Mais c’était surtout son regard qui avait frappé le témoin, tout comme il avait marqué Micheline Mérienne, 6 ans plus tôt.

Au fil de son enquête, l’inspecteur Neveu élabora une thèse sur cette série de meurtres.
Depuis sept ans, des dizaines de cambriolages avaient été commis dans la région. Ainsi, dans la nuit du 10 août 1973, un pavillon avait été visité par un voleur qui avait emporté un transistor, une montre, un bocal de cerises et une carabine. L’inspecteur Neveu releva plusieurs détails troublants : comme pour le meurtre de Josette Routier, une couverture avait été tendue devant la fenêtre pour masquer la lumière. Avant de quitter les lieux, le cambrioleur avait étalé, bien en évidence, des photos de famille, et ceci à plusieurs reprises. L’auteur de ces cambriolages était un voleur, mais aussi un voyeur.
Or, l’assassin des femmes de Nogent-sur-Oise était, lui aussi, un voyeur.
Neveu était catégorique : le voleur et le tueur n’était qu’un seul et même homme.

villers-saint-paul
Villers-Saint-Paul

Au matin du 6 janvier 1976, Françoise Jakubowska, une petite jeune femme brune de 21 ans, secrétaire administrative à EDF, quitta le domicile où elle vivait avec ses parents, pour se rendre à son travail. Il faisait encore nuit et la pluie commença à tomber sur la route qui menait à la gare de Villers-Saint-Paul, près de Creil. C’était une petite halte SNCF sur la ligne Paris-Bruxelles, construite en pleine nature.
Un homme se jeta soudain sur elle et lui assena un coup de matraque derrière la tête. Il lui porta ensuite plusieurs coups de poignard d’une rare violence dans la poitrine. Il braqua le canon d’une carabine 22 long rifle sur la tempe de la jeune femme et tira. Ensuite, il dénuda Françoise Jakubowska des genoux à la poitrine. Il lui arracha ses bas et fit glisser sa culotte sur ses chevilles. Son forfait accompli, le meurtrier disparu sans laisser de trace.

En début d’après-midi, une pensionnaire de l’hôtel de la gare, tout proche, se rendit dans le jardin qui donnait directement sur la petite route pour y étendre du linge. Près des fils à linge, elle aperçut un sac à main, jeté à même le sol. La pensionnaire fit quelques pas et réalisa que l’herbe mouillée était couverte de sang. Un peu plus loin, elle découvrit le cadavre de la jeune femme.
Malgré le peu d’indices, il semblait bien qu’il s’agissait d’une nouvelle victime du « tueur de l’ombre ». La presse parisienne, les chaînes de télévision, les radios dépêchèrent leurs reporters pour couvrir cette énigme mystérieuse qui passionnait la France.

Maria D., une jeune femme de ménage de 35 ans d’origine portugaise, déclara par la suite aux enquêteurs avoir été suivie, à plusieurs reprises depuis le début de l’année, par un homme grand et brun, dont le visage était dissimulé par un foulard. À chaque fois, cela s’était passé entre 4 et 5 heures du matin, lorsqu’elle se rendait à son travail, jusqu’au jour où elle s’était fait accompagner. L’homme avait alors disparu sur son vélomoteur. Dans son témoignage, elle évoqua, comme les deux autres témoins, le regard perçant de l’homme.

Durant les mois qui suivirent, les bruits les plus divers coururent dans la région. La rumeur prétendit que les deux dernières victimes avaient été égorgées et éventrées, que le « passager de la pluie » (autre surnom du tueur) avait écrit au maire de Nogent-sur-Oise (comme Jack l’Éventreur) pour lui dire qu’il frapperait encore trois fois. On disait aussi que la pleine lune agissait sur ce « monstre » en proie à une folie sadique.
Chacun était persuadé à Nogent que le « monstre » n’avait pas fini de hanter son « terrain de chasse » de quatre kilomètres sur deux, qu’il semblait connaître comme sa poche.

les victimes à Nogent
Les endroits et dates des meurtres

L’arrestation du présumé « tueur de l’ombre », à la mi-décembre 1976, mit fin à ces rumeurs.
Le commissaire Jacob avait reçu un appel anonyme lui indiquant que le tueur était un ancien ouvrier des « Établissements Rivière » à Creil qui avait « fait » l’Algérie, avait pratiqué la boxe, était marié à une femme blonde et ne possédait pas de permis de conduire. Selon l’appel, l’homme était un violent et un voleur.
Daniel Neveu avait déjà établi une liste de 150 suspects. À l’issue de la dénonciation téléphonique reçue par son patron, il rajouta six noms à celle-ci. Puis, l’inspecteur reprit le dossier du double meurtre de Laigneville. Les meurtres de Mauricette Van Hyfte et Eugène Stephan ne correspondaient pas aux habitudes du tueur. Celui-ci n’avait, jusque-là, jamais tué d’homme. L’inspecteur Neveu pensa que le meurtrier avait été surpris dans un lieu qui lui était familier.
Un indice vint étayer le raisonnement de l’inspecteur Neveu. Quelques jours après le double meurtre, à côté d’un robinet d’eau du cimetière, avait été retrouvée une balle de 22 long rifle. Une balle qui était certainement tombée de la poche du tueur alors qu’il se lavait les mains. En pleine nuit, Neveu essaya, sans succès, de retrouver ce robinet. L’assassin était donc un habitué du cimetière, quelqu’un qui devait s’y rendre régulièrement sur la tombe d’un parent.
Une fois encore, Neveu dressa une liste de 2500 personnes qui auraient pu venir se recueillir sur l’une des 650 sépultures de Laigneville. Un laborieux travail de recoupement lui permit de recouper les informations et de sélectionner 250 fiches. Au mois de novembre 1976, après de multiples vérifications, seuls 50 noms subsistaient encore sur la liste des suspects. Il fallait agir vite, car l’hiver et la pluie risquaient de ramener le « tueur de l’ombre » sur son terrain de chasse.

barbeault arrestation

L’homme sur lequel planaient le plus de soupçons était un garde-chasse, il fut mis hors de cause. Le second, un aliéné mental, reçut les policiers en leur annonçant qu’il les attendait depuis six ans. Il fut également mis hors de cause, ainsi que les deux suspects suivants. Le cinquième se nommait Marcel Barbeault.
Bon père de famille, ouvrier à l’usine Saint-Gobain, cet homme de 35 ans habitait une cité HLM à Montataire. Le 14 décembre 1976, une perquisition fut ordonnée à son domicile. Aucune pièce à conviction ne fut trouvée dans son appartement. Mais, avant de partir, les policiers firent un détour par la cave. Entre de vieux meubles, ils découvrirent, dissimulés derrière une porte, une carabine 22 long rifle de marque Gekado, un poignard de commando, une matraque et un ciré de pêcheur.
Lorsque Marcel Barbeault arriva vers midi à la cité des Martinets, les bras chargés de cadeaux de Noël pour ses enfants, on lui passa les menottes aux poignets.
Lorsque les policiers présentèrent Barbeault à l’inspecteur Neveu, ce dernier fut frappé par la similitude entre ce solide gaillard d’1m82 et le portrait-robot du « tueur de l’ombre ».
Sa ressemblance avec ce portrait-robot, et surtout la carabine 22 long rifle et le poignard de parachutiste trouvés dans sa cave, témoignaient contre lui. Pourtant, tout au long de l’interrogatoire, Barbeault ne se laissa aller à aucun aveu. Avec calme, il nia toutes les accusations portées contre lui ou esquiva les questions. Cette carabine, comme ce ciré, il les avait « trouvés dans un cimetière« .

Barbeault et les gendarmes
Barbeault au tribunal

Le 16 décembre, il fut présenté au tribunal de Senlis, devant la juge d’instruction chargée de l’affaire, qui fut frappée par la ressemblance entre Barbeault et le portrait-robot : même force, même silhouette imposante.
Avant même de le faire comparaître dans son cabinet, elle avait étudié les conclusions de l’analyse balistique de la carabine de marque Gekado saisie dans la cave du prévenu. Les conclusions du directeur du laboratoire de la police scientifique étaient accablantes. Sans aucun doute possible, cette carabine 22 long rifle, au canon et à la crosse sciés, était celle qui avait tué Françoise Jakubowska le 6 janvier 1976.
Malgré tout, Marcel Barbeault continua de nier. Il n’était pas le « tueur de l’ombre ». Il avait déjà volé, oui, mais il n’avait jamais tué personne. « Cette arme, je l’ai volée dans une cabane de fossoyeur, bien après la date du crime ».
Pourtant, à cet indice s’ajoutaient les autres objets saisis dans la cave de la cité de Montataire : un poignard de parachutiste (sur lequel on n’avait décelé aucune trace de sang), un tuyau qui aurait pu être utilisé comme une matraque et un ciré de pêcheur. Ce vêtement correspondait à la description qu’en avait faite Micheline Mérienne à la suite du meurtre de sa mère, en 1969. Comme elle l’avait indiqué, il dégageait une forte odeur de plastique pourrissant. Elle affirma également que la silhouette de Barbeault était semblable à celle de l’assassin.
Maria D., la femme de ménage de Saint-Gobain, reconnu aussi Barbeault : « C’est lui ! C’est bien l’homme qui m’a suivie au début de l’année ».

En s’appuyant sur ces preuves matérielles et ces témoignages, la juge d’instruction inculpa Barbeault pour le meurtre de Françoise Jakubowska. Il fut incarcéré à la maison d’arrêt d’Amiens.
Le 21 décembre, il fut à nouveau entendu, en présence de son avocat. Durant trois heures, il répondit aux questions de la juge, en esquiva certaines, sans perdre son sang-froid. Lorsqu’elle l’interrogea sur sa présence presque quotidienne dans les cimetières de la région, il répondit que son grand-père, qui ne pouvait plus se déplacer, lui avait demandé d’entretenir régulièrement les tombes des 5 membres de sa famille décédés.
Depuis la dernière confrontation de l’inculpé avec la juge d’instruction, la balistique avait poussé plus loin l’examen de la carabine et des balles extraites des corps des victimes. L’arme qui avait tué Françoise Jakubowska avait également tué Julia Gonçalves. Ces conclusions n’ébranlèrent pas Marcel Barbeault : il continua de prétendre qu’il avait trouvé la carabine, et que celle-ci avait dû être utilisée par le « tueur de l’ombre ». Il admit qu’il aurait dû remettre la carabine aux objets trouvés ou à la police, mais il ne l’avait pas fait parce qu’il avait la passion des armes : « Je ne suis pas un assassin. C’est une épouvantable erreur ! »
Il fut cependant inculpé pour un second meurtre, celui de Julia Gonçalves. Durant l’entretien, Barbeault ne manifesta qu’un seul moment de faiblesse, lorsqu’on lui donna des nouvelles de ses fils, qu’il adorait.