Article mis à jour le 9 octobre 2023
Entre 1994 et 2000, Micki Pistorius a dressé les profils psychologiques d’une trentaine de tueurs en série et a aidé à en arrêter une douzaine (Norman Simons, Moses Sithole, David Selepe, Stewart Wilken, Sipho Thwala, Velaphi Nadlangamandla, Cedric Maake, David Mmbengwa…)
Micki Pistorius a longtemps été la seule femme profiler au monde, et, surtout, la seule profileuse – psychologue – colonel de police d’Afrique du Sud. Robert Ressler, célèbre profiler du FBI (pourtant avare en compliments) a reconnu que le Docteur Micki Pistorius a été l’une des meilleures profiler au monde.
Micki Pistorius : une femme sur la trace des tueurs en série…
Micki Pistorius a été recruté par la police sud-africaine parce qu’elle disposait d’un diplôme en psychologie de l’Université de Pretoria, et qu’elle avait écrit un mémoire sur les tueurs en série.
Elle avait été journaliste durant huit ans, mais avait décidé de commencer des études en psychologie. Elle étudia Freud. Elle devait réaliser un projet et l’un des sujets proposés concernait les tueurs en série. Elle vit un lien entre les tueurs en série et les théories de Freud, et choisit ce sujet. Elle ne pensait pas que cela la mènerait si loin…
Six années plus tard, elle avait un grade équivalent à celui de colonel, un doctorat et une réputation internationale de psychocriminologue.
Elle a donné des cours à une centaine d’enquêteurs, qui chassent encore les tueurs sud-africains de nos jours, et a participé à la vaste transformation de la police de son pays.
«J‘ai étudié Freud et Jung assise par terre dans la bibliothèque de la Fac, leurs livres ouverts en arc de cercle autour de moi… Comme un cercle magique qui me permettrait d’absorber leurs théories».
Elle s’est demandé pourquoi on devient un tueur en série et pense avoir trouvé la réponse dans les théories de Freud : les phases de développement psycho-sexuel. Le tueur en série se fixe sur l’une de ces phases, il devient obsédé. Cette fixation est le germe des fantasmes violents qu’il rendra réels lors de ses meurtres.
Son empathie naît de sa conviction que les monstres tels que Norman Simons ou Stewart Wilken (le « Boetie Boer« ) sont obsédés, comme le disait Freud, par des moments clés de leur développement émotionnel et sont le résultat d’influences extérieures.
Micki Pistorius a divorcé. Elle pensait qu’il serait injuste, pour son époux, de rester marié. Elle pouvait partir à l’autre bout du pays pendant des semaines et, à peine revenue, repartir encore. Elle n’a pas voulu laisser tomber son travail. Le sentiment de satisfaction intense qu’elle ressentait lorsqu’elle parvenait à aider les enquêteurs à appréhender un tueur en série était indescriptible. Selon ses propres mots : «c’est comme une drogue».
Parmi ses « titres de gloire », on compte l’arrestation du « Station Strangler » de Cape Town, qui avait tué 22 garçons. La police ne parvenait pas à progresser dans son enquête, bien que le tueur ait commencé à tuer en 1986. Les enquêteurs avaient alors fait appel à Micki.
Elle leur expliqua qu’il devait avoir entre 26 et 28 ans, qu’il était policier ou enseignant, qu’il vivait avec sa famille, qu’il était très propre et qu’il possédait une bonne voiture. Ce profil les mena jusqu’à Norman Azfal Simons, un instituteur de 28 ans.
«J’avais dit qu’il serait enseignant ou prêtre ou policier. Quelqu’un qui ait de l’autorité, qui la représente. Mais, en même temps, qui pourrait facilement entrer en contact avec des enfants, sans les effrayer. Il devait être noir parce que les enfants, noirs, n’auraient pas accepté de suivre un blanc.
Et il serait propre parce que les scènes de crimes étaient très propres et planifiés à l’avance.
Et il devait avoir environ 26-28 ans. Les tueurs en série commencent généralement à tuer vers 20 ans. Mais dans cette affaire, il tuait depuis huit ans, alors j’ai ajouté huit années.
Un solitaire, quelqu’un qui passe du temps avec les enfants, vit plutôt avec sa famille.
J’ai dit qu’il parlait sûrement plusieurs langues, qu’il était intelligent.
Et enfin, puisque les garçons étaient âgés de huit à quatorze ans, j’ai dit qu’il y avait une bonne chance pour que le tueur ait été violé lui-même entre huit et quatorze ans : il leur faisait ce qu’on lui avait fait.
Et… tout cela s’est révélé être vrai».
«L’abysse est un endroit très sombre de mon esprit dans lequel, sur un plan mental, je parviens à trouver ces tueurs. C’était parfois tellement fort et tellement mauvais qu’un jour, j’ai ressenti… du sang gluant sur mes mains. Et je sentais ce tueur enfoncer ses mains dans des intestins… Et par la suite, nous avons trouvé un corps et la scène de crime ressemblait beaucoup à ce que j’avais ressenti».
Durant ses six années en tant que profiler, Micki a dû apprendre à vivre avec un sentiment constant de malaise, car elle « invitait » les tueurs dans son esprit. D’un côté, elle était révoltée et répugnée par leurs actes. D’un autre côté, elle devait éprouver de l’empathie pour ces esprits dérangés.
Micki Pistorius explique qu’elle a ressenti beaucoup d’empathie (et de sympathie) envers Stewart Wilken, le « Boetie Boer« . Ses victimes étaient des prostituées, des garçons et même sa propre fille. Il était cannibale et nécrophile. Il a été reconnu coupable de neuf meurtres et condamné à 265 années de prison.
«Il a commis des actes horribles. Lorsque je lui ai parlé, c’est l’enfant en lui qui m’a répondu. Stewart était la victime lorsqu’il a été violé. Il était l’agresseur lorsqu’il tuait. Et à présent, il est redevenu la victime parce qu’il est tourmenté, comme il le dit, par les âmes de ses victimes… Une fois, il a découpé les seins d’une de ses victimes, une prostituée, et les a mangés. Pour moi, il les a coupés pour avoir le lait. Cela symbolise le besoin d’amour et d’affection qu’il n’a jamais eu».
Les profilers parlent de « victimologie », ils essayent de savoir ce que la victime a ressenti et ce que le tueur a pensé.
«En tant que profiler, il était très important pour moi de comprendre pourquoi le tueur avait choisi cette victime et pas une autre. Je devais penser comme le tueur. Généralement, après deux ou trois victimes, je comprenais. Mais ce n’est pas toujours aussi évident, c’est aussi une question d’attitude…
Mais ça n’a rien à voir avec de la ‘voyance’. Je ne peux pas prédire le futur, je ne peux pas tenir les vêtements d’une personne disparue dans mes mains et vous dire où elle est. C’est autre chose.
Au début, j’ai été attirée dedans sans comprendre comment ça se passait, et ça me gênait beaucoup, alors j’ai commencé à lire des trucs sur ce sujet et j’ai trouvé la réponse dans la physique quantique, les vibrations d’énergie. Lorsque je m’assois dans un endroit où a eu lieu un crime, que le corps soit encore là ou non, je ressens les vibrations d’énergie et ensuite cela se traduit en formes, en idées… Et ensuite, je ressens. Ce n’est pas une image visuelle, je ne peux pas vous dire à quoi le tueur ressemble, mais je comprends le sentiment et le fantasme.
La manière dont le tueur en série tue sa victime est un symbole de son agonie personnelle. C’est le travail du profiler de décrypter les fantasmes du tueur. Le plus important, c’est le fantasme. C’est très difficile à comprendre parce que c’est très profond, psychologiquement. Je cherchais également une signature. Beaucoup de tueurs se répètent. Les gens sont des créatures d’habitudes».
Le tueur de Phoenix, Sipho Thwala, avait une signature très distinctive : une façon complexe d’attacher ses victimes. Il a violé et assassiné 19 jeunes femmes dans des champs de cannes à sucre.
Lorsqu’on lui demande la pire scène de crime qu’elle n’ait jamais vu, elle répond : «Il y avait un tueur en série sur Capitol Hill, à Pretoria. Il avait laissé un corps exactement au même endroit où d’autres corps avaient été découverts. Ce matin-là, nous avons donc grimpé sur la montagne et… Le corps était là depuis très peu de temps, mais elle était couverte des asticots qui avaient été sur les autres corps, et il y avait un t-shirt avec des excréments dessus…
Et l’hélicoptère s’est mis en position juste au-dessus de la scène du crime et le vent provoqué par ses palles a projeté les asticots sur nous. Et j’ai attrapé le t-shirt avant qu’il ne s’envole parce qu’il pouvait y avoir des cheveux ou quelque chose dessus. Et, enfin, on a fait partir l’hélicoptère. Cette nuit-là, lorsque je suis rentrée chez moi, il y avait encore des asticots dans mes sous-vêtements. C’était une expérience abominable et je pense que c’est là que j’ai décidé d’arrêter».
Micki Pistorius a fini par rendre les armes, devenue trop fragile psychologiquement. Elle ne parvenait plus à maintenir son équilibre psychique qu’au prix d’une lutte incessante avec elle-même, ses insomnies et ses cauchemars.
Empruntant ces mots à Nietzsche, elle disait elle-même qu’elle devait « lutter contre l’abysse« . Un endroit où les tueurs en série résident et où les profileurs doivent plonger, au risque de perdre leur santé mentale, pour les attraper.
Elle a choisi de prendre une retraite anticipée à 38 ans et a quitté la police, non sans avoir formé ses successeurs (deux femmes, dont Elmarie Myburgh) ainsi que de très nombreux policiers.
A la fin de sa carrière, Micki Pistorius a ressenti le besoin de se purifier de ses horribles souvenirs. Sur les conseils de son psychologue, elle a écrit un livre : « Catch me a killer ».
«Ca a été très dur à un certain moment de ma vie et je ressentais beaucoup de colère aussi. Lorsque j’ai quitté la police, j’ai suivi une thérapie intensive pendant quatre mois pour me débarrasser du stress post-traumatique. Maintenant, je me sens tellement mieux, je jouis des beautés de la vie, je revois la beauté dans les gens et je me tourne vers Dieu. Je suis vraiment heureuse, bien différente de la femme que j’étais avant, perdue dans l’obscurité».
Bibliographie
Livres en anglais :
Résumé : Micki Pistorius décrit son parcours, ses expériences, son travail, ses doutes et ses peurs, sa courte mais foisonnante carrière… Elle aborde notamment le déroulement des enquêtes auxquelles elle a participé. Terrible mais passionnant, de bout en bout.
Le livre que Stéphane Bourgoin a écrit sur Micky Pistorius est TRES FORTEMENT « INSPIRÉ » de ce livre...
Documentaires
Dans « Micki Pistorius, une femme sur la trace des tueurs en série », un documentaire français de 1999 réalisé par Frédéric Tonolli, on suit la profileuse sud-Africaine durant son travail. Le cas de Sipho Thwala est exposé. On peut également voir des photos de ses victimes, particulièrement révoltantes. (diffusé sur France 2).
Dans « Micki and the dark wind« , un documentaire américain, on présente le travail de Micki Pistorius et l’effet que ces horreurs ont eu sur sa vie. (Monarch Films).