Article mis à jour le 19 juillet 2023

Nom : Richard David Falco, puis David Richard Berkowitz
Né le : 1er juin 1953 à New York.
Surnoms : le fils de Sam, le tueur au calibre .44
Mort le : toujours en vie, emprisonné au pénitencier de Shawangunk, New York.

Choyé par ses parents adoptifs, David Berkowitz était toutefois un jeune homme solitaire, introverti, violent et torturé qui a allumé des centaines d’incendies criminels. À l’aide d’un revolver de gros calibre, il a assassiné six jeunes gens et en a blessé sept autres entre juillet 1976 et juillet 1977, terrorisant les New-Yorkais. Berkowitz a échappé à la plus grande chasse à l’homme de l’histoire de la ville, tout en laissant des lettres qui se moquaient de la police, relayées par la presse. Une fois arrêté, il a plaidé la folie, prétendant avoir obéi aux ordres d’un démon qui vivait dans le chien de son voisin…

Informations personnelles

La mère de David Berkowitz, Betty Broder, avait grandi dans le quartier de Bedford-Stuyvesant à Brooklyn, dans une famille pauvre qui avait lutté pour survivre pendant la Grande Dépression. Sa famille, juive, s’était opposée à son mariage avec Tony Falco, qui était italien et catholique, mais les deux jeunes gens s’étaient malgré tout unis.
Ils avaient réuni un peu d’argent pour ouvrir une poissonnerie en 1939. Betty avait ensuite eu une fille, Roslyn, mais le mariage avait périclité lorsque Tony avait quitté Betty pour une autre femme. La poissonnerie avait fait faillite et Betty avait dû élever seule sa petite Roslyn. Elle avait entamé quelque temps plus tard une liaison avec un homme marié, Joseph Kleinman. Lorsqu’elle était tombée enceinte d’un petit garçon, Kleinman lui avait annoncé qu’il refuserait de verser une pension alimentaire et la quitterait si elle n’abandonnait pas le bébé. Avant même la naissance de David, le 1er juin 1953, Betty avait pris des dispositions pour qu’il soit adopté.
Sa tristesse d’abandonner son enfant avait été quelque peu atténuée par le fait qu’un gentil couple était prêt à adopter son fils, “Richard”. Une fois son nouveau-né parti, Betty avait repris sa liaison avec Kleinman jusqu’à ce qu’il meure d’un cancer en 1965.

Le bébé eut la chance d’être adopté par Nathan et Pearl Berkowitz, un couple de juifs américains d’âge mûr, détaillants en quincaillerie de condition modeste, sans enfant, qui se consacra entièrement à son nouveau fils. Ils inversèrent les deux prénoms du bébé, considérant le jeune David Richard Berkowitz comme la prunelle de leurs yeux. Le garçon grandit donc avec des parents adoptifs adorables qui le comblèrent de cadeaux et d’attention. 

Il eut une enfance normale dans le Bronx, sans aucun signe avant-coureur de ce qui l’attendait. 

David Berkowitz enfant

Ses parents n’étaient pas particulièrement orientés vers la vie sociale, ils avaient peu d’amis et ne participaient pas souvent aux fêtes de voisins. David fut donc un garçon plutôt solitaire, d’autant plus qu’il était grand pour son âge, se sentait différent et moins attirant que les autres garçons. Tout au long de sa jeunesse, il se sentit mal à l’aise avec les autres. Il pratiqua toutefois un sport – le base-ball – avec talent et bonheur.

Bien que doté d’une grande intelligence, David Berkowitz se désintéressa très tôt de l’école et préféra commettre de petits larcins et, surtout, de nombreux incendies. Les voisins et les proches allaient se souvenir de Berkowitz comme d’un enfant difficile, gâté et exigeant. Certains allaient même parler d’un penchant pour la violence, voire d’un tyran qui agressait les enfants du voisinage sans raison apparente. Il devint hyperactif et très difficile à contrôler pour Pearl et Nathan Berkowitz, au point qu’ils consultèrent un psychothérapeute pour tenter de le remettre dans le droit chemin (il semble néanmoins que sa “mauvaise conduite” n’a jamais donné lieu à une intervention judiciaire ni à une mention dans son dossier scolaire).

Le psychothérapeute comprit que l’adolescent était perturbé. On lui avait raconté que sa mère était morte en couches, et David ressentait une culpabilité écrasante : il avait causé la mort de sa mère. Le fait que les autres enfants du quartier se moquent de lui parce qu’il avait été adopté et le tourmentent en lui disant qu’il n’était pas “un vrai enfant” n’arrangeait pas les choses. David faisait souvent des cauchemars dans lesquels son père biologique le cherchait et le tuait pour avoir causé la mort de sa mère…

Bien que David Berkowitz aimât ses deux parents, il était plus proche de Pearl, qui adorait son petit garçon, le gâtant dès qu’elle en avait l’occasion. David était si proche de sa mère qu’à l’âge de 13 ans, il tua sa perruche en l’empoisonnant, car il considérait l’oiseau comme un rival pour l’affection de sa mère adoptive.

David Berkowitz au lycée

Mais David Berkowtiz ne savait pas que Pearl était malade. Nathan Berkowitz, probablement pour épargner l’angoisse à son fils, ne l’avait pas informé que Pearl avait eu un cancer du sein avant sa naissance, ni qu’il avait récidivé en 1965. Lorsque le cancer réapparut en 1967, David fut abasourdi et choqué de voir à quel point Pearl s’étiola rapidement à cause de la chimiothérapie et de la maladie elle-même. Il fut dévasté lorsque sa mère adoptive mourut à l’automne 1967, alors qu’il avait 14 ans. 

Son monde s’écroula littéralement, il pleura pendant des jours entiers. Sa mère biologique avait été tuée, et maintenant sa mère adoptive lui avait également été enlevée. Berkowitz devient de plus en plus introverti. Sa moyenne scolaire chuta.

Au début de son adolescence, les parents de David Berkowitz avaient tenté de fuir leur quartier du Bronx en pleine mutation pour se réfugier dans la sécurité de l’énorme complexe tentaculaire de “Co-Op City”. Le temps que leur appartement soit prêt, Pearl était décédée. David et son père vécurent donc seuls dans le nouvel appartement.

David Berkowitz eut ensuite une relation avec une certaine Iris Gerhardt. En réalité, cette relation était plus un fantasme de la part de Berkowitz, car Iris le considérait uniquement comme un ami. Après avoir obtenu son bac, il suivit quelques cours au Bronx Community College, plus pour apaiser son père qu’autre chose.

En 1971, Nathan se remaria avec une femme qui ne s’entendait pas avec David. L’adolescent n’aimait pas sa nouvelle belle-mère, ni la fille de celle-ci, et leurs relations étaient tendues. Nathan et son épouse décidèrent alors de déménager pour s’installer dans une maison de retraite en Floride. Ils laissèrent à New York le jeune homme de 18 ans, sans but ni objectif. Le ressentiment de David Berkowitz à l’égard de sa nouvelle belle-mère grandit, car il lui reprochait de l’avoir “privé” de son père.

Durant l’été, il choisit de s’engager dans l’armée, sans doute pour y trouver une nouvelle famille, et y resta durant trois ans. Il fut affecté en Corée, où il suivit une formation de tireur d’élite avec un fusil M16.
L’armée aurait pu donner à Berkowitz un sentiment de famille et d’appartenance, mais il se sentit, au contraire, de plus en plus seul. Il finit par écrire à Nathan pour s’excuser d’être un fardeau pour lui, d’être quelqu’un de stupide, de haineux et de laid. Il supplia Nathan de faire comme s’il n’avait jamais eu de fils et d’oublier qu’il avait existé.
À l’âge de 20 ans, Davis Berkowitz fut transféré à Fort Knox, dans le Kentucky, où il fréquenta durant un certain temps l’église baptiste. Mais, le jeune homme troublé pensait qu’il irait en enfer et les enseignements de l’église ne faisaient que renforcer cette idée, si bien qu’il abandonna rapidement sa nouvelle croyance. Il commença également à avoir des problèmes de discipline, même si, lors de son départ en 1974, il reçut une “décharge honorable”.

Après avoir emménagé dans son propre appartement, Berkowitz trouva un emploi d’agent de sécurité sur les docks. Seul, sans amis, il commence à s’interroger sur ses origines et devient obsédé par sa mère biologique. Il devint déterminé à découvrir qui il était et d’où il venait.

Berkowitz commença à chercher des informations sur sa mère et joignit la réunion d’une association de personnes qui avaient été adoptées. Lorsque Berkowitz raconta que sa mère biologique était décédée et qu’il avait été élevé par une autre famille, de nombreux participants semblèrent s’en amuser. Devant la colère du jeune homme, l’un des adoptés lui expliqua qu’on leur avait tous “raconté l’histoire de la mère morte en couches” et qu’il s’agissait d’un mensonge.
Stupéfait, Berkowitz appela son père adoptif en Floride et exigea de connaître la vérité. Nathan avoua à contrecœur. La mère de Berkowitz n’était pas morte en le mettant au monde : l’agence d’adoption avait recommandé de lui raconter cette histoire. Pour autant qu’il le sache, elle était toujours en vie. Son vrai nom était Richard David Falco et sa mère se nommait Betty Falco.

Plein d’espoir, David Berkowitz se mit à la recherche de sa famille biologique. Les mois passèrent sans qu’il obtienne le moindre résultat. Il allait perdre espoir lorsqu’il réussit enfin à retrouver sa mère biologique, à lui parler au téléphone et à planifier une rencontre.

Comme beaucoup d’autres, Berkowitz s’était fait une image de sa mère biologique. Elle était belle et glamour et, dans des circonstances probablement tragiques et indépendantes de sa volonté, elle avait été contrainte d’abandonner le bébé qu’elle aimait pour le faire adopter.
En nourrissant une vision aussi idéalisée de sa mère biologique, Berkowitz s’était inévitablement préparé à une déception. Betty Falco n’était pas belle, elle n’était pas glamour, c’était une femme ordinaire avec les problèmes d’une femme ordinaire. La vie avait été dure pour Betty, une mère célibataire qui essayait d’élever sa fille avec très peu d’argent. Lorsqu’elle était tombée enceinte, son amant marié, Joseph Kleinman, il avait refusé d’être responsable de l’enfant qu’elle portrait. Betty était coincée. C’était déjà difficile pour une mère célibataire avec un enfant, mais avec deux, ce serait impossible. Elle avait accepté de faire adopter l’enfant avant même sa naissance.

Bien que Berkowitz fut soulagé de ne pas avoir été la cause de la mort de sa mère, ce soulagement allait bientôt être remplacé par de la colère. Non seulement il était déçu que sa mère ne corresponde pas à l’idéal qu’il s’était forgé, mais les circonstances tragiques qu’il avait imaginées et qui avaient conduit à son adoption étaient tout aussi fantaisistes. Il se rendit compte que, dès le départ, il avait été un accident et n’avait jamais été désiré.

L’anthropologue judiciaire Elliott Leyton a décrit la découverte des détails de la naissance de Berkowitz comme la « crise primaire » de sa vie, une révélation qui brisa son identité. 

La communication avec sa mère biologique s’interrompit par la suite, mais il resta en contact pendant un certain temps avec sa demi-sœur, Roslyn. Il réprima ses sentiments négatifs pour rencontrer Roslyn et ses enfants. Il sembla avoir de bonnes relations avec eux, leur rendant souvent visite et se faisant appeler Oncle David par les filles de Roslyn. Mais ses sentiments de haine grandissaient et il avait envie de faire du mal à sa famille naturelle, des envies qui devenaient de plus en plus fortes. Berkowitz parvenait à contrôler sa soif de violence, mais il savait que sa volonté finirait par faiblir, et ses visites à sa sœur devinrent donc moins fréquentes. Il expliqua à Roslyn qu’il ne lui ferait “jamais de mal, ni à elle ni à ses enfants”, une déclaration qu’elle trouva déroutante.

Pour Berkowitz, les femmes étaient au centre de sa rage, elles étaient celles qui l’avaient fait souffrir, même de manière involontaire. Sa mère adoptive l’avait abandonné en mourant, sa belle-mère et sa fille avaient brisé la famille en emmenant son père adoptif en Floride, et sa mère biologique s’était débarrassée de lui parce qu’il n’était pas désiré, mais elle avait gardé son autre enfant, une fille.

Avant même que les meurtres ne commencent, il avait allumé des centaines d’incendies dans la ville de New York et tenait un journal où il notait chacun d’entre eux. Avec chaque feu, il réalisait un fantasme de contrôle, il “reprenait le contrôle”. Robert Ressler, dans son livre Whoever Fights Monsters, explique : « La plupart des pyromanes aiment avoir le sentiment d’être responsables de l’excitation et de la violence d’un incendie. Par le simple fait d’allumer des allumettes, ils contrôlent des événements de la société qui ne sont normalement pas contrôlés ; ils orchestrent l’incendie, l’arrivée et le déploiement à grands cris des camions et des pompiers, le rassemblement des foules, la destruction des bâtiments et parfois des personnes« .

L’état d’esprit de David Berkowitz en novembre 1975 était très sombre lorsqu’il écrivit à son père en Floride : « Il fait froid et sombre ici à New York, mais ce n’est pas grave parce que le temps correspond à mon humeur – sombre. Papa, le monde s’assombrit maintenant. Je le sens de plus en plus. Les gens développent une haine envers moi. Tu n’imagines pas à quel point certains me détestent. Beaucoup d’entre eux veulent me tuer. Je ne connais même pas ces gens, mais ils me détestent quand même. La plupart d’entre eux sont jeunes. Je marche dans la rue et ils me crachent dessus et me donnent des coups de pied. Les filles me traitent de moche et ce sont elles qui m’ennuient le plus. Les garçons se contentent de rire. Quoi qu’il en soit, les choses vont bientôt changer pour le mieux« .

Si la dernière phrase peut paraître optimiste, elle fait froid dans le dos lorsque l’on connait les événements qui ont suivi.

Crimes et châtiment

En décembre 1975, la rage intérieure de Berkowitz bouillonnait et, la veille de Noël, il sortit avec un couteau de chasse, déterminé à attaquer et tuer une femme. En conduisant dans le Bronx, il vit une jeune hispanique sortir d’un supermarché. Il se gara rapidement et se précipita sur elle pour la poignarder. Lorsqu’elle se mit à crier, pris de panique, il s’enfuit. Ça n’était pas aussi facile qu’il le pensait.

Qui que soit cette femme, elle ne signala jamais l’incident à la police. 

La même nuit, Berkowitz agressa Michelle Foreman, une adolescente de 15 ans, avec un couteau. Là encore, la jeune femme ne s’effondra pas au sol, morte, comme il s’y attendait. Au contraire, malgré plusieurs coups de couteau, Michelle se défendit ! Une fois de plus, Berkowitz fut paniqué et se mit à courir. 

C’était trop compliqué, trop proche. Ce qu’il lui fallait, c’était quelque chose de moins personnel, quelque chose qu’il pouvait faire sans avoir à entrer en contact physique avec la victime. Il lui fallait une arme à feu.

Après les deux agressions de Noël, David Berkowitz reprit son travail d’agent de sécurité chez IBI Security. Il aurait pu demander et obtenir une arme pour son travail, mais s’il l’avait utilisée pour tuer ses victimes, on aurait pu remonter jusqu’à lui.

En janvier 1976, il quitta son petit appartement du Bronx pour emménager dans un nouvel appartement au 174 Coligni Avenue à New Rochelle. Il demanda un bail de deux ans et versa une caution de 200 dollars. Ses propriétaires étaient Jack et Nann Cassara, qui trouvaient tous deux que Berkowitz était un jeune homme sympathique et poli. La maison était jolie, l’appartement était confortable… mais les Cassara avaient un berger allemand qui aboyait fréquemment. Et, en réponse, les autres chiens du voisinage aboyaient et hurlaient à leur tour.
Certes, ces bruits quasi incessants étaient aussi énervants qu’épuisant, mais Berkowitz allait par la suite affirmer que des démons vivaient dans ces chiens et que ces démons lui parlaient, lui ordonnant d’aller à la chasse aux femmes, aux jolies filles qu’il devait tuer.

Au bout de trois mois, Berkowitz préféra déménager, sans même demander le remboursement de sa caution. 

Le 28 avril 1976, il s’installa dans un autre appartement, au sein d’un grand immeuble du 35 Pine Street à Yonkers. 

En juin 1976, il se rendit à Houston au Texas, où il est possible d’acheter une arme de poing sans permis. Il rendit visite à un ancien camarade de l’armée et lui demanda de lui acheter un revolver, un Charter Arms Bulldog 44, en lui expliquant qu’il en avait besoin “pour se protéger” pendant le long trajet qui le ramènerait à New York. De retour en ville, il était armé d’un gros calibre qui lui permettrait de tuer ses victimes à distance, sans être souillé par leur sang. Avec une arme qui n’était pas à son nom et ne pouvait pas être reliée à lui.

Il changea également de travail : il abandonna son emploi d’agent de sécurité et devint chauffeur de taxi. Il allait expliquer par la suite que, malgré son déménagement, il était toujours hanté par les hurlements des chiens. Il avait l’impression qu’ils l’avaient suivi. L’un de ses nouveaux voisins, Sam Carr, avait un labrador noir nommé Harvey, à qui il arrivait d’aboyer.

En juillet 1976, les États-Unis célébraient joyeusement le bicentenaire de leur Indépendance. C’était aussi l’année des Jeux olympiques d’été à Montréal, au Canada. Le disco était la musique à la mode et les jeunes gens passaient toutes leurs soirées dans les discothèques. L’été était festif, bouillonnant, radieux.

Lorsque David Berkowitz frappa pour la première fois, le matin du 29 juillet 1976, personne ne pouvait s’attendre à ce que ce soit le premier meurtre d’une série.
Dans la chaleur de cette nuit d’été, deux jolies jeunes femmes, Donna Lauria, une étudiante en médecine de 18 ans, et son amie Jody Valenti, une étudiante infirmière de 19 ans, discutaient dans la voiture de cette dernière. Elles s’étaient garées près de l’entrée de l’immeuble de Donna, dans le Bronx. Il était une heure du matin, les parents de Donna s’étaient arrêté alors qu’ils rentraient d’une soirée et avaient indiqué à leur fille qu’il était temps de remonter à l’appartement.

Donna promit qu’elle n’allait plus tarder. 

Quelques minutes auparavant, une Ford Galaxie était passée. Le conducteur s’était garé quelques rues plus loin, puis il était revenu à pied, en restant dans l’ombre.

La nuit avait été agréable pour les filles. Elles avaient passé la soirée à la discothèque Peachtree de New Rochelle. Maintenant, elles bavardaient ensemble, revivant la nuit et parlant des garçons. Pendant qu’elles discutaient, l’homme tournait en rond et s’approchait de leur voiture, comme un animal se rapprochant de sa proie.

Donna décida qu’il était enfin temps de monter et ouvrit la portière pour sortir. Ce faisant, elle aperçut l’homme qui se tenait sur le trottoir, à quelques mètres d’elles. Il la regardait fixement. Apeurée, Donna se rassit et ferma la porte de la voiture, demandant à son amie : « Qui est ce type ? Qu’est-ce qu’il veut ? »

Jody n’eut pas le temps de répondre. L’homme sortit un pistolet de calibre .44 “Bulldog” d’un sac en papier, s’accroupit et visa en tenant l’arme à deux mains, son coude reposant sur son genou pour stabiliser sa visée. Rapidement, il tira cinq fois, vidant son chargeur. Donna mourut immédiatement, touchée au cou. Jody, touché à la cuisse, appuya sur le klaxon tandis que l’homme continuait à appuyer sur la détente, bien qu’il n’ait plus de balle. Réalisant enfin que son chargeur était vide, il se redressa et repartit en marchant vers l’obscurité.

Jody rampa hors de la voiture en criant à l’aide. Le père de Donna l’entendit et se précipita, en pyjama et pieds nus. Effaré, il porta les deux jeunes femmes jusqu’à sa voiture, puis fonça vers l’hôpital, espérant que les médecins pourraient sauver sa fille. Malheureusement, ils ne purent rien faire.

Le meurtre brutal et aléatoire d’une jeune femme laissa les inspecteurs du 8e “precinct” (arrondissement) perplexes. 

Bien que Jody Valenti ait été en état de choc, elle parvint à donner une description assez fidèle du tireur. Elle le décrivit comme un homme blanc d’une trentaine d’années au teint clair, mesurant environ 1,75 m et pesant dans les 90 kg. Ses cheveux étaient courts, foncés et bouclés. Le père de Donna Lauria donna la même description, affirmant avoir vu un homme similaire assis dans une voiture jaune garée à proximité. Les voisins fournirent à la police des informations similaires selon lesquelles une voiture jaune inconnue avait circulé dans le quartier plus tôt dans la soirée. 

Les balles retrouvées présentaient des marques distinctives qui permirent à la balistique de déterminer que l’arme utilisée était un Charter Arms Bulldog, mais cela ne fut pas d’une grande aide. Le Bulldog était l’une des armes les plus vendues dans les années 1970, car il était relativement bon marché et plus précis que la plupart des revolvers de sa catégorie.

Le fait que le tireur se soit accroupi en position de tir amena les inspecteurs à se demander s’il ne s’agissait pas d’un policier. C’est une position qui leur était enseignée à l’école de police, mais elle l’était aussi ailleurs, notamment à l’armée. 

Aucun indice, en tout cas, ne permettait de comprendre pourquoi Donna avait été prise pour cible. Les policiers émirent plusieurs théories. L’une d’elles était que le tireur pouvait être un jeune homme attiré par Donna, mais qui avait peut-être été repoussé. Donna était une fille jolie et populaire, et la criminalité à New York était grandissante.
L’autre théorie était qu’il existait un lien avec la mafia. Le quartier, à prédominance italienne, avait récemment connu une recrudescence des activités du crime organisé, et il était possible que Donna ait vu quelque chose qu’elle n’aurait pas dû voir et qu’il ait fallu la faire taire. Il fut même suggéré que la cible n’était peut-être pas Donna elle-même, mais son père, qui était membre du syndicat des camionneurs. S’agit-il d’un assassinat de la mafia qui avait mal tourné ou d’une erreur d’identité ? Cependant, la mafia ne s’attaquait pas aux enfants ou aux femmes, et un Charter Arms Bulldog n’était pas du tout l’arme de prédilection des tueurs professionnels.

Quelques journaux publièrent un article sur la mort de Donna, mais, malgré la nature horrible de l’attaque, elle ne fit pas l’objet d’une grande attention. À New York, la violence des gangs et les agressions étaient monnaie courante. Donna n’était malheureusement qu’une mort parmi d’autres, l’un des 1622 meurtres commis cette année-là dans la ville. Rien n’indiquait que c’était le début d’une année terrifiante pour les habitants de New York.

Le tueur attendit trois mois avant de frapper à nouveau, cette fois dans le quartier de classe moyenne du Queens.

Dans la nuit du 23 octobre 1976, Carl Denaro, 20 ans, buvait une bière avec ses amis dans un bar de Flushing, pour célébrer son engagement dans l’armée de l’air. Il voulait vraiment faire la fête, car il ne reverrait pas la petite bande avant de longs mois. Il discuta notamment avec Rosemary Keenan, une étudiante de 18 ans qu’il avait connue à l’université.

Lorsque la fête se termina vers 2h30, Rosemary et Carl firent un tour dans la voiture rouge de la jeune femme, puis le couple se gara près de la maison de Rosemary pour discuter. Ils ne virent pas l’homme qui s’approchait du côté passager. Il sortit une arme et tira cinq fois sur la voiture, faisant exploser les vitres en arrosant le couple d’éclats de verre et blessant Carl à la tête. Cinq balles transpercèrent la voiture, mais par miracle, Rosemary ne fut pas touchée. Malgré sa terreur, elle parvint à démarrer sa voiture et reconduisit jusqu’au bar, où des amis transportèrent Carl à l’hôpital.
Le couple paniqué ne s’était pas rendu compte que quelqu’un leur avait tiré dessus, même si Carl saignait de sa blessure à la tête. Les chirurgiens parvinrent à lui sauver la vie, en remplaçant une partie de son crâne endommagé par une plaque de métal. Il garda cependant des séquelles et ses rêves d’intégrer l’armée furent brisés net.

Ni Rosemary ni Carl n’avait pu voir le tireur, de sorte qu’ils ne purent donner aucune description à la police.

La police détermina que les balles incrustées dans la voiture de Rosemary Keenan étaient de calibre 44, mais elles étaient tellement déformées qu’il était peu probable qu’elles puissent être reliées à une arme spécifique. Comme Carl Denaro avait les cheveux longs, la police allait par la suite émettre l’hypothèse que le tireur l’avait pris pour une femme. Le père de Rosemary Keenan était un inspecteur de police depuis 20 ans, ce qui laissa penser qu’un criminel avait pu vouloir se venger contre son enfant.

La police de Flushing ne progressa guère dans cette affaire. De nombreux détails de l’attaque contre Carl et Rosemary étaient très similaires à ceux de l’affaire Lauria-Valenti, mais la police ne les associa pas, en partie parce que les fusillades s’étaient produites dans des arrondissements différents (le Bronx et le Queens) et que les enquêtes étaient donc menées par des commissariats différents… qui ne communiquaient pas sur leurs affaires réciproques.

Un mois s’écoula avant que le tireur ne se remette à rôder, une fois encore dans le Queens.
Dans la soirée du 26 novembre 1976, Donna DeMasi, 16 ans, et son amie Joanne Lomino, 18 ans, rentraient du cinéma tard dans la nuit. À la descente du bus, près de la maison de Joanne à Floral Park, la jeune femme remarqua un homme qui se tenait debout à proximité, vêtu d’un treillis militaire. Elles s’installèrent devant le porche de Joanne et commencèrent à discuter lorsque l’homme s’approcha d’elles. 

« Vous pouvez me dire où se trouve… ?” commença-t-il, comme s’il allait leur demander son chemin, mais il ne termina jamais sa phrase. Il sortit un pistolet de sous sa veste et tira sur les deux amies. Elles tombèrent sur le trottoir, touchées toutes les deux, mais, au lieu de vider son chargeur sur elle, l’homme tira le reste de ses balles sur une maison voisine. Un cliquetis se fit entendre lorsque le chien s’abattit sur les chambres vides. L’homme s’enfuit.

Un voisin entendit les coups de feu, sortit précipitamment de l’immeuble et vit “un homme blond passer en courant, un pistolet à la main gauche”. 

Entendant les cris des jeunes femmes, la famille de Joanne se précipita pour les aider. Lorsqu’ils parvinrent arrivés à l’hôpital, les chirurgiens déterminèrent que Donna s’en sortirait sans trop de séquelles. La balle était passée à moins d’un centimètre de sa colonne vertébrale et était sortie de son corps. Par contre, la colonne vertébrale de Joanne avait été brisée par la balle. Elle survivrait, mais elle était désormais paraplégique.

Plus tard, les deux jeunes femmes allaient décrire leur agresseur comme un homme d’environ 1,80 m et pesant près de 90 kg. Il avait des cheveux blonds sales et portait un manteau au genou, peut-être un surplus de l’armée. Cependant, un autre témoin aurait vu quelqu’un passer en courant avec une arme à la main, mais il le décrivit avec des cheveux noirs et bouclés. Le témoin s’était-il trompé ? Le tireur portait-il une perruque ?

Sur ces trois attaques, qui s’étaient produites dans deux quartiers différents, le Bronx et le Queens, une seule balle fut retrouvée intacte. La police n’était donc pas en mesure de les relier à un seul et même individu.

Le tireur ne fit plus parler de lui durant deux mois. Puis, au petit matin du 30 janvier 1977, il se mit en quête de sa prochaine victime.

Christine Freund, une secrétaire de 26 ans, et son fiancé John Diel, un barman de 30 ans, quittèrent le bar The Wine Gallery dans le Queens vers 00h40 pour revenir à leur voiture. Ils avaient prévu d’aller danser. Ils étaient trop absorbés l’un par l’autre pour faire attention à l’homme qui les observait au loin. 

Ils montèrent dans la voiture, frissonnant à cause de la fraîcheur de la nuit, et commencèrent à s’embrasser. Aucun d’eux ne remarqua l’homme qui s’approcha de la voiture, sortit son arme d’un sac en papier et visa.

Les balles traversèrent le pare-brise, le faisant voler en éclats. Par miracle, aucune balle n’atteignit John Diel. En revanche, Christine fut touchée à trois reprises, une balle traversant sa poitrine et les deux autres sa tête.
Pris de panique, John courut chercher de l’aide, en essayant de faire signe aux voitures qui passaient, en vain. Les habitants des maisons voisines, ayant entendu les coups de feu, appelèrent la police.

Christine fut transportée d’urgence à l’hôpital St. John’s, mais cela ne servit à rien. À 4 heures du matin, elle décéda sans avoir repris connaissance.

Joseph Coffey

Le sergent-détective Joe Coffey, âgé de 43 ans, était un policier d’origine irlandaise, connu pour sa dureté et son dévouement. Alors que lui et le capitaine Joe Borelli commençaient à travailler sur ce nouvel homicide, plusieurs théories se présentèrent à eux. Soit le tueur était un fou qui avait frappé au hasard – ce ne serait pas le premier à New York -, soit c’était quelqu’un qui en voulait personnellement à Christine Freund, ou peut-être à John Diel.

Joe Coffey put constater que les balles utilisées pour tuer la jeune femme n’étaient pas ordinaires. Elles provenaient d’une arme puissante et de gros calibre. En enquêtant plus avant, il découvrit que son meurtre correspondait aux crimes commis sur Donna Lauria, Donna DeMasi et Joanne Lomino. De belles jeunes femmes brunes sur lesquelles on avait tiré en pleine nuit.

Bien qu’il n’y eût toujours pas de preuves permettant de relier les crimes, Coffey eut le sentiment qu’ils étaient liés. Il envoya les balles retrouvées dans la voiture à l’inspecteur George Simmons du laboratoire de balistique.
Il reçut une réponse peu de temps après. Simmons avait vu ce type de balle dans trois autres affaires à New York depuis juillet. Il ne pouvait pas le jurer, mais il pensait qu’elles avaient toutes été tirées avec le même type d’arme, un calibre 44. C’était suffisant pour Coffey. Un psychopathe cherchait à tuer les jeunes femmes de New York. Ce n’était pas ce que les supérieurs de Coffey voulaient entendre, mais ils ne pouvaient plus nier l’évidence.

Le capitaine Joe Borelli, à gauche

Un groupe de travail sur les homicides fut constitué (“l’Opération Omega”) dirigé par l’inspecteur adjoint Tim Dowd et comprenant – entre autre – le capitaine Joe Borelli, l’inspecteur Joe Coffey et l’inspecteur Redmond Keenan, dont la propre fille, Rosemary, s’était trouvée avec Carl Denaro la nuit où il avait été abattu, en octobre 1976.

La balistique indiqua finalement que l’arme utilisée pour tuer Christine Freund était un “Bulldog” de calibre .44, de la marque Charter Arms – une arme inhabituelle. La police annonça alors publiquement que le meurtre de Christine Freund était similaire à d’autres affaires qui avaient eu lieu à New York. La presse donna rapidement au tireur un surnom : « Le tueur au calibre .44 ».

Le dénominateur commun entre toutes les fusillades était que les victimes étaient des jeunes femmes aux longs cheveux noirs, la seule “anomalie” étant Carl Denaro. Cependant, Carl avait également de longs cheveux noirs et, dans la lumière tamisée qui régnait à l’intérieur de la voiture la nuit, le tireur avait pu le confondre avec une femme.

Après avoir analysé les meurtres et avoir enquêté sur les antécédents des victimes, la police ne put trouver aucun suspect dans le dossier, ni aucun point commun reliant les victimes entre elles ou à une tierce personne.
Toutefois, à la suite des témoignages recueillis, deux portraits-robots furent publiés : l’un du suspect Lauria-Valenti aux cheveux noirs et l’autre du suspect Lomino-DeMasi aux cheveux blonds. Le sergent detective Richard Conlon indiqua que la police recherchait plusieurs suspects, et non pas un seul, ce qui ajouta à la confusion.

Dans la soirée du mardi 8 mars 1977, une jeune et jolie étudiante du Barnard College, Virginia Voskerichian, 19 ans, rentrait à pied de ses cours dans le quartier aisé de Forest Hills Gardens. Virginia était une jeune femme très talentueuse et travailleuse qui avait fui la dictature bulgare avec sa famille à la fin des années 1950. L’année précédente, elle avait obtenu la citoyenneté américaine. Elle vivait à un pâté de maisons de l’endroit où Christine Freund avait été abattue.
Virginia remontait la rue vers son domicile, un homme s’approcha d’elle dans la direction opposée. Alors qu’ils allaient se croiser, il sortit un revolver de calibre .44 et le pointa sur elle. Par réflexe, elle leva ses livres pour se protéger, mais un seul coup de feu l’atteint en plein visage. Virginia décéda immédiatement.

En s’enfuyant, le tueur croisa un homme qui avait assisté à la scène et le salua d’un « Bonjour, monsieur ». Une voiture de patrouille qui passait par là repéra l’homme qui courait. Il était jeune, massif, avec de courts cheveux bruns. Les patrouilleurs allaient l’intercepter pour lui demander ce qu’il faisait, mais lorsqu’ils entendirent à la radio qu’une femme avait été abattue deux rues plus loin, ils se précipitèrent immédiatement sur les lieux du crime pour lui porter secours.

Un habitant du quartier, ayant entendu les coups de feu, arriva au coin de la rue et failli bousculer un jeune homme qu’il décrivit comme petit et costaud, âgé de 16 à 18 ans selon lui. L’adolescent portait un pull et une casquette, et était rasé de près. D’autres personnes affirmèrent avoir vu le tireur s’enfuir, et l’une d’entre elles affirme avoir vu quelqu’un traîner dans les environs plus tôt dans la soirée. Le lendemain, les journaux citèrent “l’adolescent » comme suspect de la fusillade.

La police se sentait impuissante, incapable de trouver le meurtrier, alors que les enquêteurs avaient travaillé sans relâche pour suivre toutes les pistes possibles. Pour nombre d’entre eux, ces jeunes femmes auraient pu être leur fille.

Le lendemain, la police trouva une correspondance pour la balle. Elle provenait de la même arme que celle qui avait tué Donna Lauria. Les enquêteurs recherchaient donc bien un psychopathe et savaient qu’il allait sûrement tuer à nouveau s’ils ne l’arrêtaient pas. 

Le 10 mars, les responsables de la police de New York et le maire Abraham Beame tinrent une conférence de presse pour annoncer aux habitants de New York qu’ils avaient établi un lien entre les différentes fusillades. Le commissaire déclara que la seule description du meurtrier était celle d’un « homme blanc, âgé de 25 à 30 ans, mesurant 1,80 m, de corpulence moyenne, aux cheveux bruns courts ».

À partir de ce moment, les médias locaux commentèrent l’enquête et les crimes presque quotidiennement. Le tirage du New York Post et du Daily News, des tabloïds aux reportages et commentaires très explicites, augmentèrent de façon spectaculaire. Les médias étrangers publièrent également de nombreux reportages, y compris des articles en première page de journaux.

Le Deputy Inspector (Contrôleur d’Arrondissement) Timothy Dowd fut chargé d’organiser le groupe de travail de l’opération Oméga et de le doter des hommes très expérimentés dont il avait besoin. Dowd, d’originaire irlandaise, n’était pas un policier comme les autres. Ce vétéran de 61 ans avait étudié le latin et l’anglais au City College et avait obtenu un master en commerce à la Baruch School du City College. Pragmatique et persévérant malgré les revers politiques, il ne se décourageait pas facilement.

La police était à présent convaincue qu’un seul homme était responsable des fusillades et des meurtres, et elle était soumise à une forte pression pour l’arrêter. Une conférence de presse se tint le 10 mars, au cours de laquelle la police de New York et le maire, Abraham Beame, déclarèrent que la même arme de calibre .44 avait été utilisée pour les meurtres de Donna Lauria et Virginia Voskerichian. 

Le même jour, l’existence du groupe de travail de l’opération Omega fut révélée au public. À présent composée de plus de 300 officiers, elle émit l’hypothèse que le tueur détestait les femmes. Les enquêteurs déclarèrent que l’adolescent « grassouillet » qui a été vu en train de s’enfuir après le meurtre de Virginia n’était pas un suspect, mais un simple témoin. Ils répétèrent que, selon eux, le tueur était l’homme qui avait été décrit après les tirs sur Donna Lauria et Jody Valenti, à savoir un homme blanc, âgé de 25 à 30 ans, mesurant 1,80 m, de corpulence moyenne et aux courts cheveux noirs.

Les médias publièrent tous les détails de l’affaire, articles après articles, jour après jour, spéculant sur l’identité du tireur. La ville fut prise de panique. Comme il semblait évident que le tireur visait les jeunes femmes aux longs cheveux noirs, les new-yorkaises commencèrent à se couper les cheveux courts et/ou à les teindre en blond. Nombre de jeunes couples cessèrent de rester assis dans leurs voitures une fois la nuit tombée.

La police devait appréhender ce tireur, et vite, mais elle savait que les chances de découvrir son identité et de l’attraper avant qu’il ne tue à nouveau étaient minces. Ce n’était qu’une question de temps avant que le “tueur au calibre .44” ne choisisse une autre victime.

Comme prévu, le tueur réapparut. 

Le 17 avril 1977, il rôdait dans les rues. La nuit avait été décevante pour lui, il n’avait pas trouvé de victimes, tout le monde était devenu trop prudent. Il rentrait chez lui lorsque, vers 3 heures du matin, il aperçut une voiture garée le long de la Hutchinson River Parkway, dans le Bronx. À trois rues de l’endroit où il avait abattu ses premières victimes, Donna Lauria et Jody Valenti, l’année précédente.

Valentina Suriani, 18 ans, aspirante actrice et mannequin, était assise dans la voiture avec son petit ami Alexander Esau, 20 ans, conducteur de dépanneuse. Alors que le jeune couple s’embrassait, il ne remarqua pas la voiture qui s’arrêta à côté d’eux ou l’ignora. L’homme dans la voiture sortit son Bulldog 44 et tira quatre coups de feu, deux pour chaque personne dans la voiture. Valentina, qui était assise sur le siège conducteur, reçut une balle dans la tête et mourut immédiatement. Alexander reçu deux balles dans la tête, il décéda à l’hôpital plusieurs heures plus tard sans avoir pu décrire son agresseur.

C’était exactement ce que les services de police craignaient : le tueur au calibre 44. allait continuer à tuer jusqu’à ce qu’on le retrouve parmi les millions d’hommes correspondant à sa description à New York.
Mais ce double meurtre avait quelque chose de différent : le tueur avait laissé sur les lieux une enveloppe adressée au capitaine Joe Borrelli. Elle contenait une lettre manuscrite dans laquelle le tueur donnait à la police son « nom » : “Monsieur Monstre”.

Le capitaine Joseph Borrelli était l’un des principaux membres du groupe Omega. Le « tueur au calibre 44 » faisait couler beaucoup d’encre et le nom de Borrelli apparaissaît fréquemment dans les journaux. Le 17 avril 1977, il fut appelé sur les lieux et examina la lettre qui lui était adressée. Elle était (volontairement ?) bourrée de fautes d’orthographe.

“Cher capitaine Joseph Borrelli,

Je suis profondément blessé que vous disiez que je déteste les femmes. Je ne les déteste pas. Mais je suis un monstre. Je suis le “Fils de Sam”. Je suis un sale gosse.

Lorsque le père Sam est ivre, il devient méchant. Il bat sa famille. Parfois, il m’attache à l’arrière de la maison. D’autres fois, il m’enferme dans le garage. Sam aime boire du sang.

“Sors et tue”, ordonne le père Sam.

Derrière notre maison, certains se reposent. Principalement des jeunes, violés et massacrés, vidés de leur sang, ils ne sont plus que des os.

Papa Sam m’enferme aussi dans le grenier. Je ne peux pas sortir, mais je regarde le monde passer par la fenêtre du grenier.

Je me sens comme un étranger/marginal. Je suis sur une longueur d’onde différente de celle des autres – je suis programmé pour tuer.

Pourtant pour m’arrêter, vous devez me tuer. Attention à tous les policiers : Tirez d’abord sur moi – tirez pour tuer, sinon restez hors de mon chemin ou vous mourrez !

Papa Sam est vieux maintenant. Il a besoin de sang pour préserver sa jeunesse. Il a eu trop de crises cardiaques. “Ah ! ça fait mal, petit gars ».

C’est ma jolie princesse qui me manque le plus. Elle se repose dans la maison de nos dames. Mais je la reverrai bientôt.

Je suis le “Monstre” – “Belzebuth” – la grande gueule joufflue.

J’adore chasser. Je rôde dans les rues à la recherche de gibier, de viande savoureuse. Les femmes du Queens sont les plus jolies de toutes. Ce doit être l’eau qu’elles boivent. Je vis pour la chasse – ma vie. Du sang pour papa.

M. Borrelli, monsieur, je ne veux plus tuer qui que ce soit. Non monsieur, pas plus, mais je dois « honorer ton père ».

Je veux faire l’amour au monde. J’aime les gens. Je n’appartiens pas à la terre. Renvoyez-moi aux yahoos (youpins / abrutis).

Aux habitants du Queens, je vous aime. Et je vous souhaite à tous de joyeuses Pâques. Que Dieu vous bénisse dans cette vie et dans la suivante.

Que Dieu vous bénisse dans cette vie et dans la prochaine, et pour l’instant je vous dis au revoir et bonne nuit. 

Police – Laissez-moi vous hanter avec ces mots : Je reviendrai ! Je reviendrai ! À interpréter comme-bang, bang, bang, bank, bang-ugh ! !! 

Bien à vous dans le meurtre, M. Monstre”.

La lettre ne comportait aucune empreinte digitale utilisable et l’enveloppe avait été manipulée par tant de personnes que, si elle présentait des empreintes du meurtrier, elles étaient indiscernables. Cette lettre fut divulguée à la presse au début du mois de juin et, à la suite des journaux, tout le monde commença à surnommer le tueur le « Fils de Sam ».

Le maire de New York, Abraham Beame, convoqua ce qu’il considérait comme une conférence de presse indispensable pour discuter du “Fils de Sam”. C’était le genre de nom auquel la presse s’accrocherait et qui créerait un personnage médiatique. Beame redoutait toute cette affaire : « Les meurtres étaient une horreur. La police était mise à rude épreuve. Tout le monde commençait à douter de sa capacité à capturer le tireur. La lettre a tout fait basculer. C’était un homme contre une ville entière. Il avait écrit à ce policier, mais je savais que ce n’était pas à ce capitaine qui il parlait. C’était à tous les flics qui étaient après lui, tous les vingt-cinq mille« .

Quelques jours auparavant, un employé municipal à la retraite nommé Sam Carr, qui vivait à Yonkers, dans l’État de New York, avec sa femme et ses enfants, avait reçu une lettre anonyme au sujet de son labrador noir, Harvey. L’auteur se plaignait des aboiements du chien. Sam Carr avait jeté la lettre sans s’en soucier. Son voisin David Berkowitz ne s’était jamais plaint directement de son chien…
Le 19 avril, deux jours après les meurtres de Valentina Suriani et Alexander Esau, une autre lettre de la même écriture arriva par la poste :

« Je vous ai demandé gentiment d’empêcher ce chien de hurler toute la journée, mais il continue à le faire. Je vous ai supplié. Je vous ai dit que cela détruisait ma famille. Nous n’avons ni paix, ni repos.
Maintenant, je sais quel genre de personne vous êtes et quel genre de famille. Vous êtes cruel et sans égards. Vous n’avez aucun amour pour les autres êtres humains. Vous êtes égoïste, M. Carr. Ma vie est détruite maintenant. Je n’ai plus rien à perdre. Je peux voir qu’il n’y aura pas de paix dans ma vie, ni dans celle de ma famille tant que je n’aurai pas mis fin à la vôtre. »

Sam Carr et son épouse appelèrent la police, mais l’agent qui reçut leur appel se contenta de leur prêter une oreille compatissante, sans les inviter à déposer plainte. Dix jours plus tard, M. Carr entendit un coup de feu provenant de son jardin, où il découvrit son Labrador blessé et couvert de sang. Le vétérinaire parvint à sauver Harvey, mais Sam Carr appela de nouveau la police. Cette fois, les patrouilleurs Peter Intervallo et Thomas Chamberlain lui rendirent visite et, après avoir examiné les lettres de menace, demandèrent l’ouverture d’une enquête. En vain.

À cette époque, les lettres du “fils de Sam” adressées au capitaine Borrelli n’avaient pas encore été divulguées aux journaux, de sorte que personne ne pensa à relier les lettres de Sam Carr à celles de Borrelli.

En étudiant la lettre laissée pour Borrelli, le Dr Martin Lubin, ancien chef du service de psychiatrie légale de l’hôpital Bellevue, ainsi que quelque 45 autres psychiatres, se réunirent afin d’établir le profil psychologique du tueur. Le 26 mai 1977, la police apprit qu’elle était à la recherche d’un “schizophrène paranoïaque”, qui se considérait peut-être comme “possédé par un pouvoir démoniaque”. Le tueur était très certainement “un solitaire qui avait du mal à nouer des relations, en particulier avec les femmes”.

La lettre indiquait que son père avait souffert de trop nombreuses crises cardiaques. La police émit donc l’hypothèse qu’il pouvait détester les femmes aux cheveux noirs s’il pensait qu’une infirmière correspondant à cette description était responsable des souffrances de son père. Cette théorie fut renforcée par le fait que les deux premières victimes exerçaient une profession médicale, Donna en tant que technicienne médicale et Jody en tant qu’étudiante infirmière.

La police émit aussi l’hypothèse que l’auteur de la lettre connaissait peut-être l’anglais écossais. La phrase « me hoot it urts sonny boy » fut interprétée comme une version écossaise de « my heart, it hurts, sonny boy« .

Les propriétaires de revolvers Bulldog 44 légalement enregistrés furent interrogés et leurs armes testées, en vain. Des agents en civil s’installèrent dans des voitures en stationnement pour servir d’appât, dans l’espoir d’attirer le tireur dans un piège. Cela ne fonctionna pas.

La Force spéciale de l’Opération Omega fut submergée d’appels. Tout le monde semblait connaître le tueur : c’était le voisin qui rentrait tard tous les soirs, le beau-frère bizarre qui jouait tout le temps avec des armes, le type étrange dans le bar qui détestait les jolies filles. La liste des suspects était sans fin. Chacune de ces milliers de pistes devait être vérifiée et écartée – une tâche énorme pour n’importe quelle équipe d’enquêteurs.

Pendant que la police traquait tous les suspects, retraçait les activités d’anciens malades mentaux et s’épuisait, David Berkowitz s’enhardit, enchanté de la publicité qu’il recevait. Le 30 mai 1977, il envoya une lettre à Jimmy Breslin, célèbre journaliste au “New York Daily News”. Ce message, lui aussi manuscrit, mais écrit dans un autre style, ne comportait quasi aucune faute d’orthographe. Et il signait du surnom que les médias lui avaient donné, “Fils de Sam”.

« Bonjour des caniveaux de N.Y.C. qui sont remplis de crottin de chien, de vomi, de vin éventé, d’urine et de sang. Bonjour aux égouts de N.Y.C. qui engloutissent ces délices lorsqu’ils sont emportés par les camions-balais. Bonjour des fissures des trottoirs de N.Y.C. et des fourmis qui y vivent et se nourrissent du sang séché des morts qui s’est déposé dans les fissures. 

J.B., je vous écris juste pour vous dire que j’apprécie l’intérêt que vous portez à ces récents et horribles meurtres au .44. Je tiens également à vous dire que je lis votre rubrique quotidiennement et que je la trouve très instructive. Dites-moi Jim, qu’est-ce que vous avez prévu pour le vingt-neuf juillet ? Vous pouvez m’oublier si vous le souhaitez, car je n’aime pas la publicité. Mais vous ne devez pas oublier Donna Lauria et vous ne devez pas non plus laisser les gens l’oublier. C’était une fille très, très douce, mais Sam est un garçon assoiffé et il ne me laissera pas arrêter de tuer tant qu’il n’aura pas eu sa dose de sang. 

Monsieur Breslin, ne croyez pas que je me suis endormi parce que vous n’avez pas eu de mes nouvelles depuis un certain temps. Non, je suis toujours là. Comme un esprit errant dans la nuit. Assoiffé, affamé, m’arrêtant rarement pour me reposer ; soucieux de plaire à Sam. J’aime mon travail. Maintenant, le vide est comblé. Peut-être nous rencontrerons-nous face à face un jour, ou peut-être serai-je soufflé par des flics avec des .38 fumants. Quoi qu’il en soit, si j’ai la chance de vous rencontrer, je vous parlerai de Sam si vous le souhaitez et je vous le présenterai. Il s’appelle « Sam le terrible ». Ne sachant pas ce que l’avenir me réserve, je vous dis au revoir et je vous donne rendez-vous au prochain travail. Ou devrais-je dire que vous verrez mon travail au prochain travail ?

N’oubliez pas Mme Lauria. Je vous remercie. Dans leur sang et dans le caniveau « La création de Sam » .44
Voici quelques noms pour vous aider. Transmettez-les à l’inspecteur pour qu’ils soient utilisés par le N.C.I.C. : « Le duc de la mort » « Le méchant roi Wicker » « Les vingt-deux disciples de l’enfer » « John ‘Wheaties’ – violeur et étouffeur de jeunes filles ». 

PS : Veuillez informer tous les détectives travaillant que les meurtres vont continuer. 

P.S. : JB, veuillez informer tous les détectives qui travaillent sur l’affaire que je leur souhaite bonne chance. Continuez à creuser, roulez, pensez positivement, bougez vos fesses, frappez sur les cercueils, etc. Lors de ma capture, je promets d’acheter une nouvelle paire de chaussures à tous les gars qui travaillent sur l’affaire, si je peux trouver l’argent nécessaire. 

Fils de Sam »

Le cachet de la poste d’Englewood, dans le New Jersey, avait été apposé tôt le même jour. Au verso de l’enveloppe, les mots suivants avaient été soigneusement écrits à la main en quatre lignes centrées avec précision : “Sang et famille – Ténèbres et mort – Dépravation absolue – .44.”

Sous la signature « Fils de Sam » se trouvait un logo ou une esquisse combinant plusieurs symboles (David Berkowitz s’était créé un “logo”).
La question de l’auteur, « Que ferez-vous pour le 29 juillet ? », fut considérée comme une menace de mauvais augure, le 29 juillet étant la date anniversaire de la fusillade de Lauria et Valenti.  La lettre de Breslin était sophistiquée dans sa formulation et sa présentation, surtout si on la compare à la première lettre écrite grossièrement, et la police soupçonna qu’elle avait pu être créée dans un studio d’art ou un lieu similaire par quelqu’un ayant des compétences en matière d’impression, de calligraphie ou de conception graphique. L’écriture inhabituelle amena même la police à supposer que le tueur était un lettreur de bandes dessinées, et elle demanda à des membres du personnel de DC Comics s’ils reconnaissaient le lettrage.
Enfin, la référence au « Wicked King Wicker »(le méchant roi d’osier) incita la police à organiser une projection privée de “The Wicker Man”, un film d’horreur datant de 1973. (Le terme “Wicked King”, employé par Berkowitz, est issu de la Torah, qui raconte que plusieurs “méchants rois” régnèrent et firent le mal).

Des empreintes digitales partielles furent récupérées sur la lettre envoyée à Jimmy Breslin. Si elles ne permirent pas de retrouver le tueur, elles allaient pouvoir être comparées à celles d’un suspect une fois capturé.

Le Daily News, sur l’insistance de la police, ne publia pas ce passage : « Voici quelques noms pour vous aider. Transmettez-les à l’inspecteur pour qu’ils soient utilisés par le NCIC [National Crime Information Center]. Ils ont tout sur ordinateur, tout. Il se peut qu’ils réapparaissent à l’occasion d’autres crimes. Ils pourraient peut-être faire des associations. Duc de la mort. Le méchant roi Wicker (Wicked King Wicker). Les 22 disciples de l’enfer. Et enfin, John Wheaties, violeur et étouffeur de jeunes filles.” La police enquête sur tous ces noms, sans rien trouver.

À la une du Daily News, Jimmy Breslin exhorta le tueur à se rendre, sans résultat. L’édition du “Daily News” de ce jour-là fut la plus vendue du journal à ce jour – plus d’un million d’exemplaires. La police reçut des milliers d’appels de personnes qui pensaient avoir une piste grâce aux phrases contenues dans les parties rendues publiques de la lettre, qui se révèlent toutes inutiles. 

Le 10 juin, Jack Cassara trouva dans sa boîte aux lettres une étrange carte de vœux émanant d’un certain Sam Carr, de Yonkers. La carte comportait la photo d’un berger allemand. On pouvait y lire ce qui suit : « Cher Jack, je suis désolé d’apprendre que vous êtes tombé du toit de votre maison. Je veux juste vous dire que je suis désolé, mais je suis sûr que vous ne tarderez pas à vous sentir beaucoup mieux, en bonne santé, bien et fort : S’il vous plaît, faites attention la prochaine fois. Puisque vous allez être confiné pendant un long moment, faites-nous savoir si Nann a besoin de quoi que ce soit. Sincèrement : Sam et Francis. »

Cassara n’était pas tombé de son toit et n’avait jamais rencontré Sam et Francis Carr. Il les appela et, après avoir discuté de cette étrange lettre, son épouse et lui convinrent de se rencontrer chez les Carr le soir même. Les Carr racontèrent aux Cassara qu’eux aussi avaient reçu des lettres bizarres au sujet de leur chien Harvey et comment celui-ci a reçu une balle. Sam Carr leur expliqua qu’un berger allemand du voisinage avait également été abattu.
Sam Carr demanda à sa fille, Wheat, opératrice téléphonique pour la police de Yonkers, de faire venir les agents Intervallo et Chamberlain pour enquêter, tandis que Cassara contactait la police de New Rochelle.
Plus tard, Stephen, le fils de Cassara, se souvient de l’étrange jeune homme nommé David Berkowitz, qui avait brièvement loué une chambre dans leur maison au début de l’année 1976. « Il n’est jamais revenu chercher sa caution de deux cents dollars lorsqu’il est parti. Et puis, il se plaignait toujours de notre chien ».

La police de New Rochelle attendit deux mois avant de rappeler les Cassara. Lorsqu’ils les contactèrent, la famille était persuadée que Berkowitz était le “fils de Sam”.
L’enquêteur mentionna alors que Craig Glassman, shérif adjoint et voisin de David Berkowitz, avait reçu une lettre anonyme parlant d’un groupe de démons composé de Glassman, des Cassara et des Carr. Cela prouvait uniquement que Berkowitz était un peu étrange, mais pas qu’il était un tueur ni le “Fils de Sam”. La police est souvent confrontée à des comportements étranges, mais parfaitement légaux, de la part des citoyens, sans pouvoir y faire grand-chose.
Entre-temps, les patrouilleurs Chamberlain et Intervallo, de la police de Yonkers, entrèrent le nom de Berkowitz dans leur ordinateur et apprirent son adresse, le numéro d’immatriculation de sa Ford Galaxy et le fait que son permis venait d’être suspendu. En dehors de cela, son casier judiciaire était vierge.

L’été 1976 avait été caniculaire, l’été 1977 était à peine moins chaud, et les New-Yorkais passaient généralement leurs soirées dehors. Mais, en 1977, le « fils de Sam » avait mis fin à cette habitude. Plutôt que de risquer une balle dans la tête, les new-yorkais restaient à l’intérieur, souffrant de la chaleur, espérant que les fenêtres ouvertes et les climatiseurs leur permettraient de respirer.

Le 26 juin 1977, à 3 heures du matin, la jeune et séduisante Judy Placido, une lycéenne de 17 ans, demanda à Sal Lupo, un jeune mécanicien de 20 ans, de la raccompagner chez elle depuis l’Elephas, une discothèque du Queens. La discothèque était presque vide, car les jeunes de la ville craignaient de rencontrer le “Fils de Sam”.

« Ce Fils de Sam est vraiment effrayant », dit Judy à Sal, alors qu’ils entraient dans sa voiture. « La façon dont ce type sort de nulle part. On ne sait jamais où il va frapper. »

Elle allait raconter plus tard : « Tout à coup, j’ai entendu des échos dans la voiture. Je n’ai pas eu mal, j’avais juste des bourdonnements dans les oreilles. J’ai regardé Sal, et ses yeux étaient grands ouverts, tout comme sa bouche. Il n’y avait pas de cris. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas crié. Toutes les fenêtres de la voiture étaient fermées. Je ne comprenais pas ce qu’était ce bruit de martèlement. Après cela, je me suis sentie désorientée, hébétée ».

La première impression de Sal fut que quelqu’un avait jeté des pierres sur la voiture, alors il courut jusqu’à la discothèque pour demander de l’aide, sans se rendre compte qu’il saignait d’une blessure par balle au bras. Judy vit son reflet dans le rétroviseur et fut abasourdie de se voir couverte de sang. Son bras droit était immobile. Elle s’effondra en essayant de courir vers la discothèque. Judy avait été touchée par trois balles, l’une à l’épaule, l’autre près de la colonne vertébrale et la troisième à la tempe. Mais grâce à une chance inouïe, toutes les blessures étaient sans gravité.
Les deux victimes eurent beaucoup de chance. 

Ironiquement, l’inspecteur Coffey, qui faisait sa ronde, s’était tenu devant l’Elephas environ 15 minutes avant la fusillade. Une fois la nouvelle diffusée à la radio, il retourna sur les lieux en un clin d’œil, mais ni Judy ni Sal ne purent lui décrire l’assaillant. Ils n’avaient rien vu.

Deux témoins signalèrent avoir vu un homme grand et trapu, brun et vêtu d’un “leisure suit” (un costume décontracté typique des années 1970) s’enfuir en courant. L’un d’eux affirma avoir vu l’homme partir dans une voiture de couleur claire et fournit même un numéro de plaque d’immatriculation partiel.

Donna Lauria, la première victime du “Fils of Sam”, avait été assassinée le 29 juillet 1976. Compte tenu de la lettre envoyée au journaliste Jimmy Breslin, dans laquelle elle seule était mentionnée, la police s’inquiétait que le tueur veuille “célébrer” l’anniversaire de sa mort. Les journaux firent leurs gros titres sur le fait que New York s’attendait à un nouveau meurtre dans les jours suivants.

L’opération Oméga prenait de l’ampleur et disposait de plus en plus de ressources. La ville étant en proie à la panique, être affecté à la force Spéciale Oméga était considéré comme un honneur. L’arrestation du tueur en devenir serait synonyme de récompenses considérables pour les inspecteurs concernés – et ils le savaient. C’était une motivation supplémentaire pour travailler de longues heures durant.

Mais ces longues heures de travail mettaient les nerfs à vif. Les inspecteurs s’écharpaient pour des futilités, les relations avec les épouses et les enfants étaient mises à rude épreuve. La consommation de caféine et d’alcool augmentait. Des lits de camp furent installés dans le poste de commandement d’Omega afin que les agents puissent dormir au moins quelques heures avant de reprendre le travail.

La Force Spéciale Oméga était composée de la crème des enquêteurs de la ville de New York, dotés d’un sens aigu du service et de la justice. Il leur manquait toutefois des techniques modernes : les analyses ADN et les bases de données informatiques. Et la connaissance du fonctionnement psychologique d’un tueur en série.
Ils travaillaient dans une quasi-obscurité.

Le groupe de travail Omega était désespéré. Comment protéger toute une ville de jeunes femmes d’un tueur qui frappait de manière aléatoire ? L’inspecteur Coffey avait même envisagé de placer des policiers dans des voitures blindées avec des mannequins féminins dotés de perruques noirs pour tenter d’attirer le tueur. Ils ne pouvaient qu’attendre. La tension ne cessa de monter jusqu’au 29 juillet et les nerfs de la population furent à fleur de peau tout au long de la journée et de la nuit. La police mit en place une vaste opération de recherche qui mit l’accent sur les anciens terrains de chasse dans le Queens et le Bronx. Mais le “Fils de Sam” ne se montra pas. Pas cette nuit-là. 

Deux jours plus tard, alors que la police commençait à se sentir soulagée que l’anniversaire se soit déroulé sans autre meurtre, David Berkowitz fit ses dernières victimes. À Brooklyn.

Au petit matin du dimanche 31 juillet 1977, Stacy Moskowitz, une jolie secrétaire pleine de vie de 20 ans, était assise avec son petit ami Bobby Violante, un vendeur de vêtements du même âge, dans la voiture de son père. Ils étaient allés voir un film et avaient terminé la soirée dans un endroit tranquille près de la baie de Gravesend. C’était leur premier rendez-vous.

Elles s’étaient rencontrées plus tôt dans la soirée et, avant de quitter la maison, Stacy avait plaisanté avec sa sœur au sujet du “Fils de Sam”. Stacy avait dit à sa sœur que les chances qu’elle croise le chemin du tueur étaient d’environ un million contre un.

« Et si nous allions nous promener dans le parc ? proposa Bobby.

Stacy était réticente. « Et si le Fils de Sam se cachait là-bas ? »

« Nous sommes à Brooklyn, pas dans le Queens. Viens ! ». Ils sortirent de la voiture et se dirigèrent vers les balançoires du parc. Bobby se pencha pour embrasser Stacy, mais elle vit quelque chose.

« Quelqu’un nous regarde », murmura-t-elle.

Bobby vit un homme debout à proximité, mais l’inconnu se détourna et disparut derrière les voitures garées. Malgré son départ, Stacy, apeurée, voulut retourner à la voiture. Lorsqu’ils entrèrent dans le véhicule, Stacy voulut partir, mais Bobby la persuada de rester encore quelques minutes pendant qu’ils s’embrassaient.

« Tout à coup, se souvint Bobby, j’ai entendu comme un bourdonnement. J’ai d’abord cru entendre un bris de verre. Puis je n’ai plus entendu Stacy. Je n’ai rien senti, mais je l’ai vue tomber en arrière. Je ne sais pas qui a été touché en premier, elle ou moi ».

Bobby Violante avait reçu deux balles dans le visage. Stacy, la seule victime blonde de Berkowitz, avait reçu une balle en pleine tête. Bobby l’entendait gémir. Il actionna le klaxon de la voiture, puis s’en extirpa pour appeler à l’aide.

La police arriva rapidement sur place, Stacy et Bobby furent conduits à l’hôpital de Coney Island. Les parents de Stacy arrivèrent à l’hôpital juste à temps pour la voir sortir sur un brancard : la gravité de ses blessures nécessitait son transfert à l’hôpital du comté de Kings, qui disposait de meilleures installations pour les patients souffrant de traumatismes crâniens. Les parents des deux jeunes gens attendirent ensemble pendant des heures que les chirurgiens s’efforcent de sauver leurs enfants. Trente-huit heures plus tard, Stacy Moskowitz décéda. Bobby Violante survécu, mais devint quasiment aveugle.

L’affaire devint un chaos médiatique. Trois journalistes exhortèrent le tueur à se rendre à eux plutôt qu’à la police. Les journaux télévisés submergèrent l’antenne d’histoires de victimes et de leurs familles, de mauvaises suppositions sur l’identité du « fils de Sam » et de spéculations sur le lieu où il allait frapper à l’avenir.

Et pourtant, peut-être parce que Stacy était blonde et que le “Fils de Sam” n’avait jamais frappé à Brooklyn, on annonça à l’inspecteur John Falotico qu’il disposait de deux semaines pour travailler sur l’affaire Moskowitz et Violante comme s’il s’agissait d’une enquête normale sur un meurtre. Si l’affaire ne pouvait être résolue dans ce délai, elle serait confiée à la Force spéciale “Omega”.

Mais cette fois, le “fils de Sam” avait commis une erreur.

Le tireur s’était garé trop près d’une bouche d’incendie et avait reçu une contravention. Cacilia Davis, une immigrante autrichienne d’âge moyen, vivait à proximité de la dernière scène de crime. Alors qu’elle était sortie promener son chien, elle pensait avoir vu le tireur.
L’inspecteur Joe Strano se rendit à son domicile de Bay 17th Street, à un pâté de maisons du lieu de la fusillade.
Mme Davis expliqua à Strano qu’elle avait promené son chien Snowball très tôt le matin. Elle pensait qu’un homme l’avait suivie. « On aurait dit qu’il essayait de se cacher derrière un arbre. Mais l’arbre était trop petit, trop étroit. On le voyait quand-même. Il n’arrêtait pas de regarder dans ma direction… Puis, il s’est mis à marcher dans ma direction, avec un sourire particulier. Ce n’était pas quelque chose de sinistre, juste un sourire amical, presque. »

Lorsqu’elle l’avait regardé de plus près, elle avait eu l’impression qu’il tenait une arme à la main. « J’ai eu peur. Je suis entrée dans ma maison et j’ai commencé à enlever le collier de Snowball. À ce moment-là, j’ai entendu des boums, ou quelque chose qui ressemblait à des pétards. C’était assez fort, mais c’était loin. Je n’y ai pas prêté attention sur le moment. Le lendemain matin, il y avait une foule de gens à Shore Road. C’est alors que j’ai appris ce qui s’était passé la nuit précédente. Soudain, j’ai réalisé que j’avais dû voir le tueur. J’ai paniqué et je n’ai rien pu dire… Je n’oublierai jamais son visage jusqu’à ma mort. C’était effrayant. »
Non seulement elle put décrire le visage du jeune homme, “un jeune homme brun rondouillard”, mais elle se souvint également qu’elle avait aperçu un policier en train de verbaliser une voiture garée devant une pompe à incendie.
La police examina tous les PV de stationnement interdit émis dans le quartier cette nuit-là, pensant néanmoins que la personne que Cacilia Davis avait vue pouvait être un témoin, mais pas le tueur. 

Le 3 août 1977, les deux policiers de Yonkers, Chamberlain et Intervallo, discutèrent des lettres bizarres reçues par les Carr et les Cassara et des deux chiens – le Labrador de Carr et le berger allemand abattu.
Ils craignaient que s’ils commençaient à enquêter sur ce David Berkowitz, on aurait l’impression qu’ils essayaient de faire le travail de détectives plutôt que celui de “simple” patrouilleurs qu’ils étaient. Ils avancèrent prudemment et interrogèrent d’abord le réseau informatique de l’État au sujet de Berkowitz. L’ordinateur leur donna un bref profil à partir de son permis de conduire. Sur sa photo de permis, Berkowitz semblait avoir à peu près le même âge, la même taille et la même corpulence que le “Fils de Sam”, tel qu’il avait été décrit par les divers témoins.

Les patrouilleurs parlèrent à l’agence de location de l’immeuble situé au 35 Pine Street, lieu de résidence de Berkowitz. Tout ce que l’employée put leur dire, c’est qu’il payait son loyer à temps et qu’il avait écrit sur sa demande de location qu’il travaillait pour IBI Security dans le Queens. Berkowitz avait donc une certaine connaissance des armes à feu s’il travaillait pour une société de sécurité.
Chamberlain et Intervallo appelèrent alors IBI et découvrirent que Berkowitz avait démissionné en juillet 1976 pour aller travailler pour une compagnie de taxis. Le premier meurtre du Fils de Sam avait eu lieu en juillet 1976. Coïncidence ? Les deux patrouilleurs appelèrent quelques centaines de compagnies de taxis basées dans le Bronx. Aucune d’entre elles n’employait Berkowitz. Cependant, des centaines d’autres compagnies de taxis opéraient dans l’agglomération new-yorkaise. Les appeler toutes semblait insurmontable.
Les deux policiers étaient néanmoins convaincus d’être sur une piste et se confièrent à leur chef, qui fut impressionné par les informations qu’ils avaient recueillies. Incités par leur supérieur à s’adresser à l’inspecteur Richard Salvesen de la ville de New York, ils lui présentèrent toutes les lettres. Salvesen fut très intéressé par leurs découvertes et accepta de transmettre les informations à la Force Spéciale Oméga.

Et les choses semblèrent enfin bouger. Le patrouilleur Chamberlain répondit à un appel concernant un incendie criminel présumé dans l’immeuble où vivait Berkowitz, situé au 35 Pine Street. L’appel avait été passé par Craig Glassman, le voisin et adjoint du shérif, pour un feu allumé volontairement devant sa porte. (Glassman était l’homme décrit dans la lettre de Berkowitz comme faisant partie d’un groupe de démons avec les Cassara et les Carr).
Glassman expliqua ce qui s’était passé : « J’ai senti de la fumée et j’ai couru vers la porte. Lorsque je l’ai ouverte, le feu était presque éteint… Il n’a probablement jamais été assez chaud pour déclencher les balles ». Il montra à Chamberlain les balles de calibre .22 qui avaient été jetées dans le feu devant sa porte, pour faire encore plus de dégâts.
Puis Glassman lui montra les lettres étranges qu’il avait reçus de Berkowitz, qui vivait juste au-dessus de chez lui. L’écriture était identique à celle des lettres que les Carr avaient reçues.

L’après-midi même, Sam Carr, toujours bouleversé par le coup de feu tiré sur son chien et par ce qu’il considérait comme une inaction de la part de la police, décida de contacter la Force Spéciale Omega. Il se rendit en voiture au commissariat de police où se trouvait le siège de la task force, mais les enquêteurs ne pensèrent pas grand-chose de son histoire lorsqu’il leur parla de son chien, des lettres bizarres et de l’excentrique David Berkowitz. La Force avait été inondée pendant de nombreux mois de pistes par des personnes qui s’exprimaient avec autant de passion que Sam Carr. Ils placèrent ces informations dans un dossier de priorités de niveau 2 et les oublièrent.

Sam Carr venait de leur donner le nom du tueur, mais, totalement débordés, ils n’en tinrent pas compte.

Deux jours plus tard, le 8 août, les patrouilleurs Chamberlain et Intervallo appelèrent l’inspecteur Salvesen pour lui parler du feu devant l’appartement de Craig Glassman et des lettres que ce dernier avait reçues de Berkowitz. L’une de ces lettres était une étonnante confession : « C’est vrai, je suis le tueur, mais Craig, les meurtres sont à votre commandement. » Salvesen promit d’informer immédiatement la Force Spéciale Omega, mais l’information ne lui parvint que plusieurs jours plus tard.

Entre-temps, les enquêteurs de Brooklyn vérifiaient toutes les contraventions rédigées la nuit du meurtre de Stacy Moskowitz, devant l’appartement du témoin Cecelia Davis. Toutes les contraventions, sauf une, firent l’objet d’une enquête qui n’aboutit à rien. Une dernière contravention avait été dressée sur une Ford Galaxie 1970 jaune, garée devant une pompe à incendie, qui appartenait à un homme de Yonkers nommé David Berkowitz.

L’un des enquêteurs, Jimmy Justus, appela le service de police de Yonkers pour lui demander de planifier une entrevue avec Berkowitz dans leurs locaux. Le dispatcheur de la police de Yonkers qui prit l’appel de Justus n’était autre que Wheat Carr, la fille de Sam Carr. Dès que Justus mentionna le nom de David Berkowitz, elle lui répondit :  » Laissez-moi vous parler de lui. Je le connais. Il habite juste derrière chez moi.” Elle lui parla de tout ce que son père avait essayé de faire comprendre à la police quelques jours plus tôt et de son chien. En entendant le prénom “Sam”, Jimmy Justus eut, lui aussi, l’intuition qu’ils tenaient enfin leur homme.

L’officier Chamberlain appela Jimmy Justus peu après et lui expliqua tout ce qu’il savait. Ils comparèrent leurs notes.

Justus demanda alors à la police de Yonkers de l’aider à retrouver Berkowitz. Selon Mike Novotny, sergent de la police de Yonkers, le service avait ses propres soupçons concernant Berkowitz en rapport avec des crimes étranges commis dans leur juridiction et mentionnés dans l’une des lettres du « Fils de Sam ». Les enquêteurs de Yonkers expliquèrent même à Justus qu’ils soupçonnaient sans pouvoir le prouver que Berkowitz était le “Fils de Sam”

Après que la famille Carr et les patrouilleurs Chamberlain et Intervallo eurent relié tous les points à plusieurs reprises pour la police de la ville de New York, cette dernière était plus qu’impatiente d’arrêter le “Fils de Sam”. 

Le 10 août 1977, les inspecteurs Shea, Strano, William Gardella et John Falotico placèrent le 35 Pine Street sous surveillance. Le nombre de policiers augmenta, car tout le monde voulait participer à l’arrestation. La Ford Galaxie de David Berkowitz était garée dans une rue proche et les inspecteurs jettent un coup d’œil à l’intérieur. Ils virent une arme sur le siège arrière, ce qui les amena à fouiller le véhicule. Ils y trouvèrent un sac de sport rempli de munitions, des cartes des lieux des crimes et une lettre de menace adressée à l’inspecteur Timothy Dowd, le responsable du groupe de travail de « l’opération Omega ». 

La police décida alors d’attendre que Berkowitz quitte son appartement plutôt que de risquer une confrontation violente dans le couloir étroit de l’immeuble. Les enquêteurs attendirent également d’obtenir un mandat de perquisition pour l’appartement, craignant que cette perquisition ne soit, sans ce document, contestée devant les tribunaux. 

Peu après 19h30, un homme blanc de forte corpulence sortit de l’immeuble et sembla se diriger vers la Ford Galaxy de Berkowitz. Les policiers s’approchèrent de lui avec précaution. Falotico sortit son arme et arrêta le jeune homme dans son élan. 

– « David, ne bouge pas », lui dit-il.

– « Vous êtes de la police ?”

– « Oui. Ne bougez pas les mains. »

Mais le jeune homme n’était pas David Berkowitz. C’était Craig Glassman, le shérif adjoint, qui s’était rendu compte que les hommes qui l’entouraient n’étaient pas de la police de Yonkers, mais la « fine fleur » de la ville de New York. Glassman comprit qu’ils étaient venus arrêter Berkowitz, suspecté des meurtres du “Fils de Sam”.

Le mandat n’était toujours pas arrivé lorsque, vers 22 heures, un autre homme sortit de l’immeuble, portant un sac en papier. L’homme était rondouillard, avait des cheveux noirs bouclés et marchait lentement vers la Ford Galaxy. Cette fois, les policiers attendirent que l’homme monte dans la voiture et pose le sac en papier sur le siège du passager. « Allons-y ! », cria John Falotico et les policiers se précipitèrent. L’homme à l’intérieur ne vit pas les silhouettes qui s’approchaient. William Gardella arriva par l’arrière de la voiture et appuya le canon de son arme sur la tête du jeune homme. « Ne bouge plus ! » hurla-t-il. « Police !”

L’homme à l’intérieur de la voiture se retourna et leur sourit d’un air idiot. Falotico lui donna des instructions très explicites pour qu’il sorte lentement de la voiture et qu’il mette ses mains sur le toit. Le jeune homme obéit.

Le sac en papier contenait un revolver Bulldog de calibre 44. Berkowitz déclara sans ambages « Eh bien, vous m’avez eu ». Falotico allait se souvenir du grand sourire sur le visage du jeune homme :

– « Maintenant que je vous tiens, dit Falotico, à qui ai-je l’honneur ?

– « Vous le savez », répondit poliment le jeune homme.

– « Non, je ne sais pas. À vous de me le dire. »

– « Je suis Sam. David Berkowitz. »

La police fouilla l’appartement de Berkowitz, qui était en grand désordre, et découvrit les graffitis qu’il avait écrits sur les murs. Ils trouvèrent des journaux intimes qu’il tenait depuis l’âge de 21 ans, trois cahiers dans lesquels Berkowitz notait méticuleusement les centaines d’incendies criminels qu’il avait allumés dans toute la ville de New York.

Berkowitz fut brièvement détenu dans un commissariat de Yonkers avant d’être transporté directement au 60e commissariat de Coney Island, où se trouvait la Force Spéciale “Omega”.
Le sergent Joseph Coffey fut appelé pour l’interroger. Le 11 août, tôt dans la matinée, Berkowitz lui avoua calmement, après 30 minutes d’interrogatoire, qu’il était bien le “fils de Sam”. Il lui raconta chacune des attaques. À la fin de l’entretien, il ne faisait aucun doute que le jeune homme était bien le “fils de Sam”. Les détails qu’il avait fournis sur chaque agression ne pouvaient être connus que du tueur.

C’était un soulagement pour la police, non seulement parce qu’elle avait arrêté l’homme qui terrorisait la ville, mais aussi parce qu’elle craignait que la fouille de la voiture de Berkowitz ne soit jugée inconstitutionnelle. La police n’avait pas de mandat et les recherches avaient été effectuées sur la base du seul fusil visible sur le siège arrière. Or, la possession d’un fusil à New York est légale et ne nécessite pas de permis spécial.

À la fin de l’entretien, Berkowitz lui souhaita poliment « bonne nuit ». Coffey fut stupéfait. « Lorsque je suis entré dans cette pièce, j’étais plein de rage. Mais après lui avoir parlé… J’ai de la peine pour lui. Cet homme est un putain de légume !« 

Vers 1 heure du matin, le maire Beame arriva pour voir personnellement le suspect. Après une brève rencontre sans échanger un mot, il annonce aux médias : « Les habitants de la ville de New York peuvent être tranquilles, car la police a capturé un homme qu’elle pense être le Fils de Sam.”

Au cours de l’interrogatoire, Berkowitz affirma que le chien de son voisin était l’une des raisons pour lesquelles il tuait, déclarant que le chien exigeait le sang de jolies jeunes filles. Il déclara que le « Sam » mentionné dans la première lettre était son voisin Sam Carr et que Harvey, le labrador noir de Carr, était possédé par un ancien démon millénaire qui lui ordonnait irrésistiblement de tuer des gens. Berkowitz considérait Sam Carr comme le chef d’une secte de satanistes parmi lesquels se trouvaient ses deux fils.

À la suite de ces déclarations délirantes et durant les huit mois qui suivirent, Berkowitz fut détenu à l’hôpital prison du comté de Kings, tandis qu’à l’extérieur, des manifestants brandissaient des pancartes pour exprimer leur haine à son égard.

Une audience avait été programmée pour déterminer si Berkowitz était mentalement apte à être jugé. Berkowitz tenta de s’expliquer lors d’entretiens enregistrés et déclara : “Je n’avais rien contre ces victimes. Qui étaient ces gens pour moi ? C’était juste des gens. Je ne les détestais pas. Je n’étais pas en colère contre eux.”

L’intervieweur lui demanda : « Alors pourquoi avez-vous fait ça ? »

« Eh bien, Sam l’a fait à travers moi. Il m’a utilisé… Il m’a fait sortir et faire ça. Je l’ai fait pour lui. Pour le sang. »

David Berkowtiz allait raconter une histoire hallucinante aux psychiatres qui allaient l’interroger.

Aux alentours de Noël 1975, David Berkowitz avait a priori “cédé aux démons dans l’espoir qu’ils cesseraient de le tourmenter s’il faisait ce qu’ils lui demandaient”. La veille de Noël, il avait traversé une crise mentale et émotionnelle. En début de soirée, il avait pris un grand couteau de chasse et avait agressé une jeune femme et une adolescente car “les démons lui avaient dit « Elle doit être sacrifiée ».” Berkowtiz expliqua que cette agression avait “apaisé les démons”, qu’il s’était détendu… et s’était rendu dans un fast-food pour y manger un hamburger – frites.

Après les deux agressions, David Berkowitz s’était installé chez Jack et Nann Cassara. Le berger allemand de Cassara ne cessait d’aboyer…

Berkowitz expliqua qu’il avait été poussé à bout : « Je rentrais à la maison sur l’avenue Coligni à 6h30 du matin. Les aboiements commençaient à ce moment-là. Les jours de congé, je les entendais aussi toute la nuit. Ça me faisait hurler. Je criais en suppliant que le bruit s’arrête. Il ne s’arrêtait jamais. (…) Les démons n’ont jamais cessé. Je ne pouvais pas dormir. Je n’avais pas la force de me battre. Je pouvais à peine conduire. Un soir, en rentrant du travail, j’ai failli me tuer dans la voiture. J’avais besoin de dormir… Les démons ne me laissaient pas en paix« .

Il expliqua que les Cassara avaient pris une place effrayante dans sa vie : « Quand j’ai emménagé, les Cassara semblaient très gentils et tranquilles. Mais ils m’ont piégé. Ils ont menti. J’ai cru qu’ils faisaient partie de la race humaine. Ce n’était pas le cas ! Soudain, les Cassaras ont commencé à se montrer avec les démons. Ils ont commencé à hurler et à crier. Le sang et la mort ! Ils ont crié les noms des maîtres ! Le monstre de sang, John Wheaties, le général Jack Cosmo. » Cassara était le général Jack Cosmo, commandant en chef des chiens démoniaques qui parcouraient les rues de New York. Les démons avaient un besoin constant de sang que David Berkowitz aidait à réalimenter par ses assauts meurtriers.

Il y avait aussi des chiens dans l’immeuble de Berkowitz sur Pine Street. Le Labrador noir de Sam Carr, par exemple. Berkowitz avait essayé de tuer le démon qui se cachait en Harvey en lui jetant un cocktail Molotov, mais n’y était pas parvenu, alors il avait tiré sur Harvey avec un pistolet.

Berkowitz ajouta que Sam Carr était l’hôte d’un puissant démon nommé Sam qui travaillait pour le général Jack Cosmo. Lorsque Berkowitz se qualifiait de “Fils de Sam”, c’est au démon vivant dans Sam Carr qu’il faisait référence. Il avertit les enquêteurs qu’ils devaient le prendre au sérieux. « Ce Sam et ses démons sont responsables d’un grand nombre de meurtres”. Et selon lui, seul Dieu pouvait détruire Sam lors d’Armageddon, car Sam Carr était le diable.

La veille du jour où il avait assassiné Donna Lauria, David Berkowitz avait quitté son emploi d’agent de sécurité de nuit pour travailler comme chauffeur de taxi. Il affirma qu’il n’avait pas voulu tuer Donna et son amie Jody, mais que les démons l’avaient forcé à tirer. Mais une fois qu’il l’avait fait, il avait ressenti du plaisir, l’épuisement d’avoir bien fait son travail. Sam était content. Suffisamment pour lui promettre Donna comme épouse. Sam avait fait croire à David Berkowitz que Donna reviendrait un jour d’entre les morts pour le rejoindre…

Quelques semaines après sa capture, Berkowitz fut autorisé à communiquer avec la presse. Dans une lettre au New York Post datée du 19 septembre 1977, il fit allusion à son histoire de possession démoniaque.

Les psychiatres mandatés par la défense conclurent que David Berkowitz était atteint de schizophrènie paranoïde. Ils pensaient que les difficultés du jeune homme à établir des relations avec les gens le poussaient à s’isoler davantage. L’isolement était un terrain fertile pour les fantasmes les plus fous et ceux-ci avaient fini par supplanter la réalité. Berkowitz avait vécu dans un monde peuplé des démons que son esprit avait créés. Au fur et à mesure que son état d’esprit se détériorait, la tension augmentait et ne se relâchait que lorsqu’il réussissait à attaquer quelqu’un. Pendant un court laps de temps, les agressions apaisaient les tensions, mais inévitablement, les tensions recommençaient à augmenter et le cycle se répétait.

Lorsqu’il avait été arrêté, David Berkowitz était resté calme et souriant. Il semblait soulagé de s’être fait prendre. 

Cependant, selon le Dr David Abrahamsen, psychiatre pour l’accusation, Berkowitz était un menteur. Il avait inventé toute cette histoire de chien démoniaque pour être considéré comme aliéné mental et échapper à la prison. “Si l’accusé présente des traits paranoïaques, ceux-ci n’interfèrent pas avec son aptitude à être jugé… L’accusé est aussi normal que n’importe qui d’autre. Peut-être un peu névrosé”.

Au final, trois examens de santé mentale distincts déterminèrent que Berkowitz était apte à subir un procès. Les avocats de la défense conseillèrent néanmoins à Berkowitz de plaider non coupable pour cause d’aliénation mentale, mais il refusa. Il apparut calme au tribunal le 8 mai 1978, alors qu’il plaidait coupable de toutes les attaques et meurtres.

Lors de son audience de condamnation, deux semaines plus tard, Berkowitz provoqua un tollé en tentant de sauter par la fenêtre de la salle d’audience située au septième étage. Après avoir été maîtrisé, il aperçut, parmi le public présent, la mère de Stacy Moscowitz, sa dernière victime. Il se mit alors à scander « Stacy était une pute » et cria « Je la tuerais encore ! Je les tuerai toutes à nouveau ! » Le tribunal ordonna un autre examen psychiatrique avant que la sentence ne soit prononcée. Berkowitz fut de nouveau jugé apte à subir son procès.

Le 13 juin 1977, il était de retour au tribunal. Il fut condamné à six peines consécutives de 25 ans d’emprisonnement à perpétuité, soit 365 années au total.

Berkowitz commença sa peine à la tristement célèbre prison d’Attica, un pénitencier de sécurité maximum. Les premières années de détention de Berkowitz furent marquées par les conflits, car il ne respectait pas la discipline exigée par ce genre d’endroit. 

En 1979, le profiler Robert Ressler interrogea David Berkowitz et l’amena à admettre que toute cette histoire de démons qui le possédaient n’était qu’une invention, un mensonge destiné à lui éviter la prison. Il allait ensuite expliquer, lors d’une série d’entretiens avec le psychiatre qui avait démasqué ses mensonges, David Abrahamsen, qu’il avait longtemps envisagé le meurtre pour se venger d’un monde qui, selon lui, l’avait rejeté et lui avait fait du mal.
Avide de célébrité, il allait ultérieurement revenir sur ses dires et raconter à nouveau des histoires de démons et de satanisme…

Toujours en 1979, l’un des détenus attaqua Berkowitz avec une lame et lui ouvrit la gorge. Berkowitz ne dénonça pas son agresseur, par crainte de représailles. Il se contenta de dire qu’il était reconnaissant de cette attaque : elle lui avait apporté un sentiment de justice ou, selon ses propres termes, « la punition que je mérite ». Il fallut 56 points de suture pour refermer la plaie, qui laissa une cicatrice visible.

L’intense couverture médiatique de l’affaire conféra à Berkowitz une notoriété qu’il sembla grandement apprécier. Les familles des victimes découvrirent qu’il était rémunéré pour certaines interviews et comptait écrire un livre sur son histoire, des éditeurs lui proposant des sommes mirobolantes pour en obtenir l’exclusivité (et ses avocats prenant leur part…). L’État de New York adopta alors une nouvelle législature, connues sous le nom de « lois du fils de Sam », destinées à empêcher les criminels de profiter financièrement de la publicité créée par leurs crimes. Ces lois sont toujours en vigueur dans l’État de New York et des lois similaires ont été adoptées dans la majorité des états et au niveau fédéral. 

En 1987, Berkowitz fut transféré au pénitencier Sullivan, où il rencontra un pasteur baptiste du nom de Donald Dickerson. Selon ses dires, il se convertit au christianisme, son attitude changea et ses problèmes de disciplines disparurent. Berkowitz se qualifie à présent de « fils de l’espoir »…
Au cours des années qui suivirent, Berkowitz devint un prisonnier modèle, suivit des programmes de réinsertion en prison et obtint également un diplôme universitaire. 

Les allégations de complicité avec une secte sataniste

En 1979, Berkowitz a envoyé un livre sur la sorcellerie à la police du Dakota du Nord. Il avait souligné plusieurs passages et écrit quelques notes dans la marge, dont une citant : « Arliss Perry”. Il s’agissait d’Arlis Perry, une jeune femme de 19 ans originaire du Dakota du Nord qui avait été brutalement assassinée à l’université de Stanford, en Californie, le 12 octobre 1974. Son corps était présenté d’une manière qui avait amené les enquêteurs à soupçonner un crime rituel. Berkowitz a mentionné le meurtre d’Arlis Perry dans d’autres lettres, suggérant qu’il en connaissait les détails par l’auteur lui-même, membre d’un groupe sataniste, qu’il surnommait “Manson II” (comme le tueur Charles Manson).
Les enquêteurs de la police locale l’ont interrogé en 2004, mais ont conclu qu’il n’avait « rien de valable à offrir ». Berkowitz, comme souvent, se vantait de connaissances qu’il ne possédait pas pour attirer l’attention. L’affaire Perry a été résolue en 2018 : elle a été assassinée par Stephen Blake Crawford, un agent de sécurité du campus, qui avait utilisé des cierges sur Arlis pour faire croire à un meurtre sataniste et détourner l’attention de la police.

Après son admission à la prison de Sullivan, Berkowitz a affirmé qu’il avait rejoint une secte satanique au printemps 1975. En 1993, toujours avide de publicité, il a annoncé à la presse qu’il n’avait tué que trois des victimes du Fils de Sam : Donna Lauria, Alexander Esau et Valentina Suriani. Dans sa version révisée des événements, d’autres tireurs étaient impliqués et il n’avait tiré que lors de la première attaque (Lauria et Valenti) et de la sixième (Esau et Suriani). Il a déclaré que lui et plusieurs autres membres de la secte étaient impliqués dans chacune des attaques, en planifiant les événements, en surveillant les victimes à un stade précoce et en jouant le rôle de guetteurs et de chauffeurs sur les scènes de crime. Berkowitz a déclaré qu’il ne pouvait pas divulguer les noms de la plupart de ses complices sans mettre sa famille en danger.

Parmi les prétendus associés anonymes de Berkowitz se trouvait une femme membre de la secte qui, selon lui, aurait tiré sur Denaro et Keenan. Vexé par son manque de précision alors qu’il se considérait comme un tireur d’élite, Berkowitz a attribué la survie des deux jeunes victimes au fait que la prétendue complice n’était pas familiarisée avec le puissant recul d’un Bulldog de calibre 44.

Il a déclaré qu' »au moins cinq » membres de la secte se trouvaient “sur les lieux de la fusillade Freund et Daniel”, mais que le véritable tireur était un éminent associé de la secte, qu’il n’a identifié que par son surnom, « Manson II« . John et Michael Carr, les fils de Sam Carr, étaient prétendument ses complices. Ces deux autres « fils de Sam » ne pouvaient malheureusement pas nier ses divagations, car ils étaient morts depuis longtemps : John Carr avait été tué en 1978, et Michael Carr avait été victime d’un accident de voiture en 1979. Berkowitz a affirmé que l’auteur de la fusillade entre DeMasi et Lomino était John et que Michael avait tiré sur Lupo et Placido.

En grande partie poussée par ces histoires de complicité et d’activité satanique, l’affaire a été rouverte par la police de Yonkers en 1996, mais aucune nouvelle accusation n’a été déposée et l’enquête a été suspendue pour une durée indéterminée après des résultats peu concluants.

Dès 1979, le journaliste Maury Terry a publié une série d’articles d’investigation pour les journaux du groupe de média Gannett, qui remettaient en cause la thèse officielle d’un tireur isolé. En 2021, les articles et le livre de Terry ont servi de base à la série Netflix “The Sons of Sam : A Descent Into Darkness”.

Depuis sa prison, Berkowitz a, de son côté, continué à développer et modifier son histoire de possession démoniaque. En 2015, il a déclaré dans une série de vidéos que la « voix » qu’il avait entendue était celle de Samhain, un démon druidique et la véritable origine de « Son of Sam ». Il a ajouté qu’il n’avait jamais été question d’un chien, affirmant que ce détail avait été fabriqué par les médias !

Le journaliste Jimmy Breslin a rejeté son histoire de complicité avec une secte satanique, déclarant que « lorsqu’ils ont parlé à David Berkowitz cette nuit-là, les policiers m’ont dit qu’il s’est souvenu de chacun des crimes, pas à pas, point par point. Ce type se souvient à 1000 % et c’est tout. C’est lui et il n’y a rien d’autre à voir ».
Parmi les autres sceptiques, on trouve l’ancien profileur du FBI John E. Douglas, qui a passé des heures à interroger Berkowitz après son collègue Robert Ressler, et a conclu qu’il était un « solitaire introverti, incapable de s’impliquer dans une activité de groupe ». Même un groupe sataniste.
Le Dr Harvey Schlossberg, psychologue de la police de New York, a déclaré dans Against The Law, un documentaire sur l’affaire du Fils de Sam, qu’il pensait que les allégations de culte satanique n’étaient rien d’autre qu’un fantasme concocté par Berkowitz pour se disculper de ses crimes.
Dans son livre Hunting Humans (2001), Elliott Leyton affirme que « les récentes tentatives journalistiques d’atténuer – voire de nier – la culpabilité de Berkowitz ont perdu toute crédibilité ».

David Berkowitz lui-même, dans les courriers qu’il a échangés avec le psychiatre David Abrahamsen, a reconnu avoir tué toutes les victimes et, dans une lettre écrite à la mère de sa dernière victime, Stacy Moskowitz, a admis l’avoir assassinée. 

Les victimes de David Berkowitz

25 décembre 1975, dans le Bronx

Une jeune femme hispanique poignardée, qui a survécu

Michelle Forman (15 ans),
Poignardée à six reprises, elle a survécu

29 juillet 1976, dans le Bronx

Donna Lauria (18 ans)
et
Jody Valenti (19 ans)
Lauria est morte. Jody a été blessée, mais a survécu.

23 octobre 1976, dans le Queens

Carl Denaro (20 ans)
et
Rosemary Keenan (18 ans)
Carl a été gravement blessé à la tête, mais a survécu.

27 novembre 1976, dans le Queens

Donna DeMasi (16 ans)
et
Joanne Lomino (18 ans)
Joanne, gravement blessée, est devenue paraplégique.

30 janvier 1977, dans le Queens

Christine Freund (26 ans)
et
John Diel (30 ans)
Christine, touchée de plusieurs balles, est décédée.

8 mars 1977, dans le Queens

Virginia Voskerichian (19 ans)
Abattue de plusieurs balles.

17 avril 1977, dans le Bronx

Alexander Esau (20 ans)
et
Valentina Suriani (18 ans)
Décédés tous les deux.

26 juin 1977, dans le Queens

Salvatore Lupo (20 ans)
et
Judy Placido (17 ans)
Judy a été gravement blessée, mais a survécu

31 juillet 1977, à Brooklyn

Stacy Moskowitz (20 ans)
et
Robert Violante (20 ans)
Stacy est décédée. Robert est devenu quasiment aveugle

Les motivations de Berkowitz

Soyons clair. David Berkowitz est sain d’esprit. Son histoire de chien démon est une invention, un mensonge, une manipulation. C’est un égocentrique sexuellement frustré qui a prémédité tous ses crimes et a tué pour le plaisir.

En 1979, Robert Ressler, agent du FBI qui a interviewé de nombreux criminels et tueurs en série, interrogea Berkowitz à trois reprises à la prison d’Attica. Il fut surpris de découvrir que Berkowitz avait été autorisé à conserver un cahier qu’il avait constitué à partir de tous les articles de journaux sur ses meurtres. Les agents pénitentiaires n’avaient sans doute pas conscience qu’il utilisait cet album pour entretenir ses fantasmes.

Ressler voulait discuter avec lui du contenu sexuel de ses crimes (car il était persuadé qu’il en existait un), mais, Berkowitz affirma qu’il avait eu une vie sexuelle normale, avec des petites amies, et que les meurtres n’étaient que des fusillades.

David Berkowitz lui servit ensuite son histoire de chien possédé par un démon de 3000 ans lui ayant commandé de tuer.

Ressler indiqua clairement qu’il ne croyait pas du tout à la théorie du chien démoniaque. Il ajouta que cette explication était absurde et qu’il ne l’acceptait pas.
Fermement, en rétablissant les faits, l’agent Ressler parvint à obtenir la vérité de la bouche même de Berkowitz.

Oui, il avait tout inventé. L’histoire du démon visait à le protéger en cas d’arrestation, afin qu’il puisse essayer de convaincre les autorités qu’il était fou et échapper à la prison. Il y avait pensé dès le départ. Il admit que “la véritable raison pour laquelle il tirait sur des femmes était le ressentiment qu’il éprouvait à l’égard de sa propre mère et son incapacité à établir de bonnes relations avec les femmes”. 

Il admit aussi que ses frasques au tribunal, ses cris et ses affirmations selon lesquelles il était possédé par un démon étaient des “absurdités”, créées là-aussi dans l’espoir de présenter une défense d’aliénation mentale.

Et il finit par décrire ses crimes.

Après sa première tentative de meurtre, avec un couteau, il avait feuilleté les journaux, mais n’avait vu aucun article concernant cette agression et en avait conclu que sa victime avait survécu. Il avait alors décidé d’améliorer son mode opératoire. Frapper avec un couteau présentait trop de risques, trop de sang (ses vêtements avaient été tâchés) et il n’aimait pas cela. C’est pourquoi, dans l’intention précise de trouver une arme pour tuer, il s’était rendu au Texas et avait acheté un pistolet de calibre .44 ainsi que des munitions.

Il craignait d’acheter les balles à New York, pensant que, s’il le faisait et que les douilles étaient retrouvées, les autorités pourraient remonter jusqu’à lui. Après avoir commis plusieurs meurtres, Berkowitz était même retourné au Texas pour acheter des balles supplémentaires.

Il recherchait des femmes seules ou qui embrassaient des hommes dans des voitures garées. Il s’approchait et tirait avant tout sur les femmes. Il était sexuellement excité lorsqu’il traquait et abattait des femmes et se masturbait une fois l’acte terminé.

Il traquait ses victimes durant une bonne partie de la nuit. Il était à l’affût tous les soirs, réellement tous les soirs, mais ne frappait que lorsqu’il estimait que les circonstances étaient idéales et qu’il ne courait aucun risque d’être appréhendé.

Pour Berkowitz, la période entourant chacun des meurtres était très importante, si importante qu’il s’était absenté de son travail avant et après les meurtres.

Les nuits durant lesquelles il ne trouvait pas de victime ou que les circonstances n’étaient pas propices, il retournait en voiture sur les lieux de ses précédents meurtres et se délectait de ses souvenirs. Il ressentait une grande satisfaction et une excitation sexuelle en observant les taches de sang sur le sol, une ou deux marques de craie laissée sur le trottoir par la police. Assis dans sa voiture, il contemplait ces souvenirs macabres et se masturbait. 

(Cette information, que Berkowitz a offerte à Ressler avec désinvolture, a permis à l’agent du FBI de réaliser que les meurtriers, surtout les tueurs en série, reviennent souvent sur les lieux de leurs crimes, et que les forces de l’ordre pouvaient donc essayer d’attraper de futurs assassins de cette manière).

Berkowitz avait voulu se rendre aux funérailles de ses victimes, mais craignait que la police ne surveille les cérémonies (c’était effectivement le cas), le remarque et le suspecte. Il s’était toutefois absenté du travail les jours des funérailles pour fréquenter les restaurants situés à proximité des postes de police dans l’espoir futile d’entendre des policiers parler de ses crimes. Il avait également tenté, en vain, de retrouver les tombes de ses victimes.

Berkowitz était aussi motivé par une volonté de reconnaissance, de toute puissance.

Il aimait l’idée de devenir célèbre, et c’est pourquoi il avait communiqué avec la police et, plus tard, directement avec les journaux. Comme beaucoup de tueurs en série, il nourrissait son ego surdimensionné de l’attention que les journaux accordaient à ses crimes. Le pouvoir qu’il détenait sur la ville et sur la vente des journaux était très excitant pour lui. L’idée de communiquer avec la police lui était venue d’un livre sur Jack l’Éventreur. Il avait d’ailleurs signé “Monsieur Monstre”. Mais lorsque la presse s’était saisi de sa phrase et avait commencé à le surnommer “Le fils de Sam”, il avait adopté ce surnom et s’était même créé un logo. Il lisait avidement tous les journaux qui parlaient de ses meurtres. 

Comme Jimmy Breslin avait écrit plusieurs articles sur le « Fils de Sam », Berkowitz lui avait envoyé des lettres. Après les premiers meurtres, alors que la ville était en proie à la peur, Berkowitz avait même été “inspiré” par les médias. Quand les journaux avaient dessiné des cartes de la ville indiquant que le tueur avait frappé uniquement dans le Bronx et le Queens, en se demandant s’il allait les frapper ailleurs, Berkowitz, qui n’avait pas vraiment envisagé de le faire, avait décidé d’essayer. 

Berkowitz s’était grandement amusé dans ses communications avec la police et les médias, inventant des expressions telles que « le méchant roi Wicker », « le monstre grassouillet » et « le duc de la mort ». Berkowitz souhaitait être célèbre, il assassinait pour obtenir un plaisir sexuel, avant tout, mais aussi pour choquer la société et ainsi attirer l’attention et se forger une identité. Nourrir son ego en publiant et en diffusant régulièrement des articles sur les meurtres, c’était s’assurer qu’il y aurait d’autres meurtres. 

Pourquoi souriait-il bêtement lorsqu’il a été arrêté ? Parce qu’il était heureux ! Le monde entier allait enfin voir son visage et il allait devenir célèbre. Il allait devenir “quelqu’un”.
Après son arrestation et son incarcération, il a encore voulu attirer l’attention des médias. David Berkowitz a prétendu que la célèbre chanson « Rich Girl », de Hall and Oates, était à l’origine des meurtres qu’il avait commis. En réalité, la chanson est sortie après le premier meurtre. Il s’agissait selon toute vraisemblance d’un mensonge supplémentaire que Berkowitz se plaisait à raconter aux journalistes.

Son désir de célébrité et d’identité n’est pas apparu comme par enchantement quelques semaines avant les crimes.

Après avoir obtenu son bac, Berkowitz a voulu entrer dans l’armée et partir au Viêt Nam. Il s’imaginait devenir un héros, recevoir des médailles, être reconnu comme un individu important et se forger ainsi une identité. Mais, au lieu de devenir un héros, il a été envoyé en Corée, où il a fait une année de service peu brillante. Il a eu son premier rapport sexuel avec une prostituée et a été profondément déçu de contracter une maladie vénérienne. (Il a fini par admettre qu’il s’agissait de sa seule expérience sexuelle consommée avec une femme).

Il a aussi souhaité devenir pompier, mais n’a jamais osé passer le test de qualification, sans doute de peur de le rater et d’anéantir son rêve.

Berkowitz était terriblement jaloux des jeunes couples qu’il croisait. Cependant, ces problèmes étaient bien plus profonds que “le rejet par les femmes”, ils provenaient de fantasmes qui avaient commencé à faire surface à l’âge où la plupart des hommes entament leurs premières relations avec des membres du sexe opposé.

Au cours de son adolescence, Berkowitz a commencé à développer des fantasmes qui impliquaient du sexe, mais aussi des actes violents, les fantasmes de meurtres se mêlant à des thèmes érotiques “classiques”. Plus tôt encore dans sa vie, à l’âge de six ou sept ans, il a versé de l’ammoniaque dans l’aquarium de sa mère adoptive pour tuer ses poissons, et en a transpercé certains avec une épingle. Il a également tué l’oiseau de compagnie de sa mère avec de la mort aux rats. Il éprouvait une certaine excitation à voir l’oiseau mourir lentement et à être témoin de l’angoisse de sa mère, incapable d’inverser le cours de la maladie. Il torturait de petits animaux tels que des souris et des papillons de nuit, des fantasmes de contrôle, impliquant un pouvoir sur des êtres vivants. 

Sa réponse, à la fois au “rejet” de sa mère biologique et à un sentiment d’identité ébranlé, a commencé par de simples bravades. Il se vantait de réalisations imaginaires, de conquêtes sexuelles qui n’existaient pas. Il voulait être beau, populaire, riche, romantique et aimé des jeunes femmes. Il n’était rien de tout cela, sauf dans ses fantasmes. Il était pathétique.

Berkowitz souhaitait provoquer des crashs aériens. Il ne l’a jamais fait, mais les incendies qu’il a provoqués était une extension logique de ce fantasme. Il avait le sentiment de contrôler les événements. Berkowitz aimait regarder les corps transportés hors des immeubles en flammes. Ces incendies n’étaient qu’un prélude à la possibilité d’exercer le contrôle ultime à ses yeux, l’homicide. S’il ne pouvait pas conquérir les jeunes femmes en les séduisant, il pouvait les conquérir en les tuant.

De nombreuses études ont également démontré que nombre de pyromanes ressentent une tension, une excitation, un plaisir ou un soulagement intenses en allumant les feux ou en les voyant brûler. Freud considérait le feu comme un symbole inconscient de la sexualité et pensait que les pyromanes allumaient des feux pour soulager leur tension sexuelle. Le feu devient un substitut au sexe. 

La liste des incendies dressée par Berkowitz

Berkowitz adorait rester assis chez lui et regarder les informations à la télévision présentant son dernier meurtre et la peur qu’il faisait régner sur la ville.

Avant le procès de David Berkowitz, trois des quatre psychiatres désignés par le tribunal n’avaient pas hésité : ils l’avaient jugé inapte à subir son procès. Mais le quatrième psychiatre, le Docteur David Abrahamsen, avait adopté un point de vue différent. “Ses délires ont été fabriqués”, avait-il conclu dans son rapport.
Une fois emprisonné, Berkowitz écrivit à Abrahamsen, professeur et psychiatre : “Je suppose que vous me voyez tel que je suis vraiment : un animal et un non-humain”. Il lui exprima le mépris qu’il ressentait pour les trois médecins, des “marionnettes”, qui étaient tombés dans le panneau de ce qu’il appelait sa “ruse”. 

Berkowitz lui proposa d’écrire sa biographie et les deux hommes échangèrent des courriers durant des mois. Berkowitz lui parla de son enfance solitaire, de la noirceur de son esprit et de ses envies à la fois de suicide et de violence à l’époque des meurtres, des meurtres eux-mêmes (dont il revendiqua toute la responsabilité) parlant “d’incidents” pour décrire ses crimes…

Abrahamsen jugeait que David Berkowitz était sain d’esprit. Il pensait aussi qu’il avait des idées “grandioses” (de lui-même), qu’il était hystérique et profondément perturbé. Et la racine de son problème résidait dans son adoption. Lors d’une entrevue, Berkowitz déclara à Abrahamsen « Après la mort de ma mère (adoptive), j’ai perdu la capacité d’aimer ».

Dans son livre “Confessions of Son of Sam”, publié en 1985, Abrahamsen soutenait que l’adoption de Berkowitz avait été la blessure initiale. « Il avait perdu l’amour qu’il aurait dû recevoir », conclut-il. La mort de sa mère avait été une deuxième blessure, toujours par une femme. En 1975, l’année précédant le début des meurtres, le sentiment d’abandon de David Berkowitz s’était intensifié.
Chaque adoption est précédée d’une perte, qui peut engendrer des sentiments profonds de rejet, d’abandon, de dépression ou de colère. Il s’était lancé dans une « chasse personnelle » pour trouver sa mère biologique. Il avait trouvé Betty Falco qui s’est montrée ravie de ces retrouvailles et avait accueilli « Richie », comme elle insistait pour appeler David, dans sa vie. Berkowitz, lui aussi, avait de grands espoirs. Mais très vite, ils s’étaient effondrés. Il avait rencontré sa demi-sœur, l’enfant que Betty n’avait pas abandonné. « J’ai réalisé pour la première fois que j’étais un accident, une erreur, que je n’étais pas censé naître, que je n’étais pas désiré », écrivit-il à Abrahamsen. David Berkowitz avait appris qu’il est le fruit d’un adultère avec un homme qui n’avait pas voulu de lui.

Il avait continué à rendre visite à Betty tous les deux mois, jouant le rôle, comme il le disait, de « Richie le gentil ». Mais à l’intérieur de lui, quelque chose d’autre s’agitait. « J’étais rempli de colère et de rage envers Betty », dit-il à Abrahamsen. Je ressentais une très forte envie de tuer la plupart des membres de ma famille « naturelle ». Quelques mois plus tard, il s’était mis à chasser des jeunes femmes. « Je veux être l’amant des femmes, mais je veux aussi les détruire », écrivit Berkowitz. « Surtout les femmes qui dansent. Je les déteste. Je déteste leur sensualité, leur laxisme moral. Je ne suis pas un saint, mais je les accuse de tous les maux ». Selon Abrahamsen (qui possède une vision assez “freudienne” des choses), les meurtres de David Berkowitz étaient une vengeance contre les femmes, en particulier contre sa mère Betty. Les chiens, les démons, étaient “des métaphores de sa violence intérieure”.

Berkowitz était fier de ses meurtres, fier d’avoir terrifié New York. Lorsque, par la suite, il a accusé des complices satanistes imaginaires d’avoir tué avec lui, il leur a attribué les blessés et a gardé pour lui les crimes qui lui “plaisaient” le plus, ceux qu’il considérait comme “réussi” : les meurtres. Dans l’une des lettres écrites au Docteur Abrahamsen, il se présente comme un technicien habile et audacieux. Il s’est vanté d’avoir assassiné Alexander Esau et Valentina Suriani, “mon meilleur travail, parce qu’il a entraîné deux morts. De plus, j’avais laissé ma première note soigneusement concoctée sur la scène du crime. Mon mode de tir s’améliorait grandement en raison de mon intrépidité qui se développait lentement et de ma méthode de tir à deux mains. (…) À présent, on parlait de moi dans les journaux presque chaque jour.”

Vexé d’avoir été bêtement arrêté à cause d’un PV parce qu’il avait mal garé sa voiture, il a affirmé à Abrahamsen qu’il avait “choisi” de se rendre : “L’incident final a eu lieu dans le sud de Brooklyn. J’ai abattu Stacy Moskowitz. La routine a été la même. Toutefois, cette fois-là, je me suis consciemment piégé. Vous connaissez le résultat : j’ai été capturé”.

Il allait par la suite accuser Michael Carr des meurtres ratés de Salvatore Lupo et Judy Placido, mais a reconnu en écrivant à Abrahamsen : “Les deux ont été blessés et j’étais en colère. Je ne comprends pas comment la fille a survécu. À nouveau, je n’avais pas peur, j’étais alerte et prudent. (…) Cette fusillade a eu lieu près de la maison de ma sœur”.
Dans cette même lettre, il expliquait qu’après ses crimes, il revenait chez lui pour visionner avidement les journaux télévisés puis, dans les jours qui suivaient, achetait tous les journaux publiant des articles sur ses crimes…

Dans une autre lettre, Berkowitz écrivait, accusant le monde entier de l’avoir poussé au meurtre :

“Dire ce qui a mené aux tirs est très difficile. C’était tout un tas de chose, tout depuis des voisins sans gêne qui faisaient du bruit jusqu’à trop de factures, en passant par une série de jobs pourris, une vie sociale pourrie et un sentiment affreux de devenir un vieux garçon ou vieux dégoutant. Je n’avais pas de femme dans ma vie.

C’était juste trop. Je ne m’étais jamais senti aussi désespéré, si impuissant contre les forces bruyantes de mon quartier. J’avais l’impression d’être une merde inutile, il n’y aurait jamais de paix et de calme. Je n’aurai jamais de petite amie et de compagnie intime avec qui partager ma vie. Je voulais tellement ces choses, mais elles semblaient inatteignables. Je ne pouvais pas plaire à une femme et faire qu’elle m’aime. Ces femmes sont insatiables de toute façon. C’était sans espoir.

Je suppose que j’ai juste explosé. Je ne pouvais plus le supporter. La meilleure manière de décrire ça serait de parler d’un volcan en éruption.

Je devais détruire les gens qui m’oppressaient mentalement. Je sentais que ces femmes me faisaient ça et que ces voisins avec leurs chiens hurlants. Fatigué de toute cette foutue merde, j’ai juste riposté.

Les gens ne comprennent pas que je devais verser le sang. Du sang qui n’était pas si innocent. Je ne suis pas désolé de l’avoir fait. Selon les règles de la société, c’était illégal mais à ce stade, je m’en fichais. Je voulais vraiment mourir, bien que j’ai peur de Dieu à cause de son pouvoir d’envoyer les gens en enfer. Je veux dire, laissez-moi juste obtenir ma revanche.

Je peux vivre avec ce que j’ai fait. Je n’en fais pas de cauchemar ou quoi que ce soit de ce genre. Ca me gêne seulement blesser mon père et ma tante et mon oncle. J’ai blessé mon père et ça me blesse, ça me fait mal au cœur. Pourtant, vous devez comprendre. Il était tellement loin. Je ne pouvais pas simplement aller le voir et discuter avec lui. Il était toujours avec Julia. J’avais tant besoin de lui.

Il ne restait plus personne, c’était juste moi et mes armes, le dernier recours. Franchement, j’ai craqué. Le bon emploi à la poste ne voulait rien dire. J’aimais ce job et je travaillais dur et honnêtement. Aucun doute, j’avais la sécurité financière pour l’avenir, mais comparé à la solitude et à tout le bruit dans ma vie, ça ne voulait rien dire. Je me sentais désespéré.

Au diable ce que tout le monde dit : Je me sentais LÉGITIME”.

Si David Berkowitz n’a pas raconté ses histoires de chien démoniaque aux deux personnes qui n’ont pas cru ses mensonges et le lui ont fait comprendre (Robert Ressler et Abrahamsen), il a continué et continue toujours de mentir et de manipuler les personnes prêtes à accepter ses histoires…

David Berkowitz aimait communiquer avec le Docteur Abrahamsen, mais il a fini par se désintéresser des interprétations du psychiatre lorsque le journaliste Maury Terry, partisan de la théorie du groupe sataniste, l’a contacté. Cette version, plus aguichante, plus maniable, correspondait mieux à ses désirs de grandeurs.

Il explique à présent qu’après sa conversion au christianisme au milieu de l’année 1987, il a enfin découvert pourquoi il avait tué ses victimes. “Il ne fait aucun doute pour moi qu’un démon vit en moi depuis ma naissance », déclare-t-il. « Enfant, j’étais fasciné par le suicide. Je pensais à me jeter sous les voitures. J’étais incontrôlable.” Ses désirs pervers, son isolement et ses déceptions en série avec les filles étaient « un sort pour détourner les gens de moi et créer une situation d’isolement, de solitude et de frustration personnelle, dans le cadre du plan d’ensemble [du diable] ». “Le chien qui parlait était réel”, répète-t-il à qui veut bien le croire. Il croyait que les chiens communiquaient réellement avec lui, bien qu’il sache maintenant qu’il s’agissait “d’une autre ruse satanique”.

David Berkowitz et Gary Evans

Cette “révélation religieuse” a eu lieu alors que David Berkowitz s’était lié d’amitié avec l’assassin (et futur tueur en série) Gary Evans, car ils faisaient tous les deux du bodybuilding. Si Berkowitz parlait rarement de ses crimes avec Evans, il s’était mis à rire lorsque ce dernier lui avait parlé du livre de Maury Terry (et donc de la théorie du groupe sataniste)… En 1987, Berkowitz et Evans s’écrivaient depuis environ un an. Leur correspondance amicale était souvent teintée d’humour salace. Il a continué à écrire à Evans au moins jusqu’en décembre 1987, alors qu’il avait soi-disant été touché par la main de Dieu et passait son temps à prier.

Le 9 juillet 2002, lors de sa première audience de libération conditionnelle, il a expliqué qu’il n’avait “pas l’impression de mériter une libération conditionnelle (…) pour les crimes qui ont été commis et les personnes qui souffrent aujourd’hui à cause de mes actes. Je sais qu’ils ont beaucoup de douleur et de mal qui ne disparaîtront probablement jamais…”
Mais lorsque la commissaire Irene Platt lui a demandé “Qu’est-ce qui vous a attiré vers leur localisation et votre besoin de les tuer ? », Berkowitz a répondu : « Madame, je suis désolé. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je ne comprends pas ce qui s’est passé… C’était un cauchemar. J’ai été tourmenté dans ma tête et dans mon esprit. (…) Je pensais que j’étais un soldat du diable et toutes sortes de choses folles… J’avais des choses comme la bible satanique que je lisais. J’en ai tiré des idées stupides. Je ne rejette pas la faute sur quoi que ce soit. J’en assume l’entière responsabilité, mais j’ai juste… à l’époque, les choses ont mal tourné”.

Berkowitz était et est toujours avide de reconnaissance et de célébrité. Il a continué à rechercher l’intérêt des médias, même bien longtemps après ses crimes.

En 2002, lors des meurtres commis par les snipers à Washington (John Allen Muhammad det Lee Boyd Malvo), Berkowitz a écrit une lettre pour demander au tireur d’arrêter de blesser des innocents. Il a fait ces commentaires dans une lettre de trois pages adressée à Rita Cosby, personnalité de Fox News, qui lui avait demandé son avis sur les attaques des snipers.

Le journaliste Steve Fishman l’a interviewé pour le New York Magazine en 2006. Dans cet article, on apprend que, depuis son interview par Larry King en 1999, le tueur en série est devenu un saint homme pour certains chrétiens fondamentalistes américains. Selon la “mission chrétienne” qui l’accompagne, “son humilité, sa piété, son cœur charitable et christique inspirent les chrétiens du monde entier”.  Ses coreligionnaires l’inondent de lettres. Ils prient pour lui et ont “besoin de ses conseils, de sa perspicacité spirituelle, de sa guidance paternelle”. Il produit des vidéos et des journaux, donne des interviews à des émissions de radio chrétiennes.  

Il a toujours cherché l’attention et l’admiration des autres, il les a obtenues. Il communique quotidiennement avec “son public”…

Citations

« Je ne voulais pas leur faire de mal. Je voulais juste les tuer » : David Berkowitz.

« La mort subite et les effusions de sang me plaisaient » : David Berkowitz.

« Je chantais littéralement sur le chemin du retour, après le meurtre. La tension, le désir de tuer une femme s’étaient accumulés dans des proportions tellement explosives que lorsque j’ai finalement appuyé sur la détente, toutes les pressions, toutes les tensions, toute la haine s’étaient évanouies, dissipées, mais seulement pour un court instant » : David Berkowitz.

Bibliographie

.44, de Jimmy Breslin et Dick Schaap. Viking Adult, 1978 (roman inspiré des crimes de Berkowitz).  

Son of Sam, de Lawrence Klausner. McGraw-Hill, 1981.

Confessions of Son of Sam, de David Abrahamsen. Columbia Univ Press, 1985.

Whoever Fights Monsters, de Robert Ressler et Tom Shachtman. St. Martin’s Press, 1993.

The Ultimate Evil, de Maury Terry et Joshua Zeman. Barnes & Noble, 1999, puis Quirk Books, 2021.

The Son of Sam: Life of Serial Killer David Berkowitz, de Jack Smith. KDP, 2019.

Filmographie

Summer of Sam, de Spike Lee. Sorti en 1999, ce film s’attache surtout à dépeindre les tensions qui se développèrent dans le Bronx durant les meurtres de Berkowitz.

Son of Sam d’Ulli Lommel (qui a réalisé plusieurs – mauvais – films sur les tueurs en série)

Out of Darkness, est un téléfilm de 1985 diffusé sur CBS. Il présente l’histoire d’Ed Zigo, l’un des detectives new-yorkais qui a enquêté sur les crimes du “Fils de Sam”. Out of the Darkness (1985) Martin Sheen | Hector Elizondo – True Crime HD

Mindhunter, 2019. Dans la deuxième saison de cette série diffusée sur Netflix, David Berkowitz apparaît dans l’épisode 2.

The Son of Sam: A Descent into Darkness, série documentaire diffusée en 2021 sur Netflix, reprend la théorie du culte satanique de Maury Terry.

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