Article mis à jour le 24 août 2022
Crimes et châtiments (suite)
Au commissariat, Mullin refusa de répondre – même aux questions courantes comme « Avez-vous un avocat ? » ou « Voulez vous faire un appel téléphonique? ». Mullin ne répondait que « Silence ! ». Il continua à répéter ce mot jusqu’à ce que tout le monde en ait assez. Les enquêteurs, frustrés, l’envoyèrent en cellule. Alors qu’ils l’emmenaient, Mullin déclara « Vous êtes responsables des trois millions de tués durant la Deuxième Guerre mondiale ».
Le docteur qui examina Mullin au commissariat fut étonné par les tatouages sur son ventre : « Légalisez l’acide » et « la marijuana aux yeux d’aigle. » Il avait d’autres tatouages sur le corps : « naissance », « Mahashamadhi » et « Kriya yoga ». Ces tatouages étaient insolites pour quelqu’un qui avait une apparence si soignée et qui détestait les « hippies ».
Dans l’appartement quasi vide où Mullin avait vécu durant les trois dernières semaines, la police trouva une bible, le livre « Einstein, sa vie et son époque », un carnet d’adresses où figurait le nom de Jim Gianera, et des articles de journaux concernant les meurtres récents. On découvrit également un revolver dans le coffre de sa Chevrolet et les analyses balistiques commencèrent immédiatement.
Les enquêteurs trouvèrent par ailleurs la note suivante : « Qu’il soit su par les nations de la Terre et le peuple qui l’habite, ce document porte plus de puissance que tout autre écrit auparavant. Une tragédie telle que celle qui s’est produite ne devrait pas s’être produite et en raison de cette action que je prends de ma propre volonté, je permets qu’il soit possible que cela se produise encore. Tant que je peux être ici je dois guider et protéger ma dynastie ».
Les spéculations allèrent bon train dans la vallée de Santa Cruz. Ce petit jeune homme était-il le même homme qui décapitait les auto-stoppeuses ?
Le jour suivant son arrestation, les policiers annoncèrent que la balistique avait démontré que Mullin avait tué les familles Francis et Gianera. Ceux qui avaient connu Mullin à 20 ans se souvenaient de lui comme un garçon intelligent, profondément religieux, mais légèrement nerveux. Mais il était « tombé dans la drogue », et avait « perdu l’esprit ».
Mullin fut inculpé de six meurtres. Puis de dix lorsque les corps des jeunes campeurs furent découverts, le 17 février 1973. Il semblait aux habitants du Comté que des corps étaient découverts chaque jour. À présent qu’ils avaient un suspect, les policiers de Santa Cruz examinèrent les dossiers des meurtres non résolus, espérant les rattacher à Mullin. Les investigateurs comparèrent le squelette de Mary Guilfoyle aux restes d’autres femmes découvertes dans la région. Sous la pression des médias, les autorités de Los Gatos fournirent les empreintes digitales trouvées dans l’église où le père Tomei avait été poignardé à la mort.
Le procureur général Peter Chang, avec une certaine résignation, affirma : « Nous devons être la capitale mondiale du meurtre en ce moment ». Lorsqu’on lui demanda pourquoi le taux de meurtre à Santa Cruz était si élevé, Chang répondit : « D’abord, nous avons eu un fou meurtrier qui, à notre connaissance, a tué dix personnes ». Un journaliste l’interrogea alors sur les cinq corps d’auto-stoppeuses et Chang ajouta « Nous avons un autre fou meurtrier ».
Les enquêteurs auraient aimé relier tous les autres meurtres à Herbert Mullin, mais il n’y avait strictement aucune preuve le rattachant aux meurtres des auto-stoppeuses assassinées. Deux autres femmes décapitées avec habilité avaient été découvertes le 15 février, jour de l’inculpation de Mullin. Les investigateurs étaient convaincus qu’un autre tueur rôdait dans le secteur. Les meurtres de Mullin n’étaient pas aussi anatomiquement précis et obsessifs. Bien que Mary Guilfoyle ressembla aux autres victimes du tueur d’auto-stoppeuses, elle n’avait pas été décapitée ou démembrée.
Les autorités tentèrent de calmer le public en mettant en avant les liens avec le trafic de drogue entre Mullin et ses victimes. Gianera et Francis étaient des revendeurs connus, et les adolescents campeurs furent décrits comme des « hippies ». Ils avaient pu être les victimes d’une vente qui avait mal tourné.
Relier Fred Perez, plus âgé et conservateur, à « Mullin le drogué » était plus difficile, mais on trouva un moyen : Perez avait un petit-fils qui prenait de la drogue, et qui avait le même âge que Mullin. Peut-être s’étaient-ils disputés.
Le procureur Chang expliqua que ces meurtres résultaient simplement de la perte de sang froid ou d’esprit de certaines personnes prenant des drogues. Les habitants de la ville qui avaient été terrifiés par le meurtre de la famille Ohta en 1970 pouvaient se détendre. Ces meurtres étaient « juste » un sous-produit de la contre-culture, et n’était donc pas une menace pour les bons citoyens de Santa Cruz…
Lors de l’audition préliminaire, le 1er mars 1973, Mullin fut donc inculpé de dix meurtres. On ne savait pas encore qu’il avait assassiné ses 3 premières victimes, Lawrence White, le père Henri Tomei, et Mary Guilfoyle.
Mullin amena avec lui un ouvrage juridique en 2 volumes et surprit la cour en décidant de plaider coupable. Mais le juge refusa d’accepter cette demande dans une affaire d’une telle importance. Mullin répondit : “Je ne vais pas accepter ça. Vous m’avez donné le choix et j’ai choisi”.
Lorsque son avocat tenta d’intervenir, Mullin le coupa : “Je ne veux pas d’un avocat”. Il demanda à se représenter lui-même. Lorsque le juge refusa de nouveau, Mullin pointa son avocat, James Jackson, du doigt et dit : « Je ne veux pas être représenté par un homme aux cheveux longs ». Le juge essaya de convaincre Mullin que Jackson était compétent bien que ses cheveux soient… un peu longs. (James Jackson, qui avait été l’avocat de Frazier, allait ensuite être celui d’Ed Kemper). Mullin répondit : “Dans ce cas, je plaide coupable de dix accusations de meurtres au 1er degré”.
Mullin était furieux de ne pouvoir se représenter lui-même. Le juge perdait patience et le procès n’avait même pas encore commencé. Le juge commença à douter de la capacité de Mullin à être jugé. Le procureur Chang affirma : “Vous ne pouvez pas accuser un homme et le laisser plaider coupable de dix meurtres. Si nous le laissons plaider coupable, la Cour Suprême va nous envoyer une claque”.
On fit appel à des psychiatres afin d’examiner Herbert Mullin. Ils furent unanimes : le jeune homme souffrait de schizophrénie paranoïde.
En général, les schizophrènes souffrent d’hallucinations auditives (ils entendent des voix), de pensée fragmentée, ont des croyances illusoires concernant leur propre importance, et pensent souvent être télépathes. Bien que des preuves rationnelles lui soient présentées, un schizophrène paranoïde est convaincu qu’il existe une grande conspiration contre lui, si immense qu’elle peut s’étendre du FBI aux Ovnis.
Les archives des hôpitaux psychiatriques où il avait séjourné ainsi que les rapports des psychiatres convainquirent tout le monde : Mullin était un malade mental.
Tout le monde était également d’accord sur le fait que Mullin avait tué au moins 10 personnes. Le procès allait permettre de déterminer s’il était légalement aliéné lorsqu’il avait commis ces meurtres. Selon la loi américaine, la folie est déterminée par le “standard McNaughton”, qui dit que si l’accusé comprend la différence entre le bien et le mal, alors il est coupable. Si l’accusé tente de dissimuler son crime, cela peut être la preuve qu’il savait que c’était mal. Si Mullin était déclaré aliéné, il serait alors considéré comme innocent. Par conséquent, tous les actes que Mullin avait commis pour cacher ce qu’il avait fait allaient être soigneusement examinés.
Il existait par ailleurs une notion de “capacité diminuée”. Si Mullin ne comprenait pas la signification de ses actes, il ne pourrait pas être déclaré coupable de meurtre au 1er degré. L’avocat de Mullin savait qu’il était crucial de prouver cette “capacité diminuée”. Il construisit donc sa plaidoirie sur les étranges théories de Mullin.
Alors qu’il attendait son procès, Mullin fut envoyé en prison. Il y rencontra un autre tueur en série, celui, justement, qui avait décapité les jeunes auto-stoppeuses et avait entre-temps été arrêté : Edmund Emil Kemper III. Ce géant à l’air débonnaire s’était livré de lui-même à la police.
Quelqu’un avait placé Kemper et Mullin dans des cellules mitoyennes. Kemper était bien plus grand et costaud que Mullin, et le tourmentait autant qu’il le pouvait. Il se vanta par la suite du pouvoir qu’il exerçait sur Mullin, lui ordonnant de se taire lorsqu’il chantait alors qu’il regardait la télé. Il disait de Mullin qu’il n’était qu’un « rampant sans aucune classe ». De son côté, Mullin était dégoûté par Kemper et se plaignait constamment du bruit que faisait le géant alors qu’il tentait de méditer.
Mullin et Kemper avait pourtant un point commun : ils considéraient tous les deux que leurs meurtres étaient le fruit d’une mission et que l’autre n’était qu’un « païen ». Mullin avait tué pour sauver le monde des tremblements de terre et méprisait Kemper, qu’il considérait (à raison) comme un maniaque sexuel sadique. En retour, Kemper dit de Mullin qu’il « était seulement un tueur de sang-froid… tuant qui que ce soit qu’il voyait sans bonne raison ». Kemper pensait que c’était lui qui, à travers ses meurtres, avait accompli une déclaration sociale, effectuant une « démonstration aux autorités de Santa Cruz » en assassinant les jeunes femmes que la société chérissait le plus.
Kemper avait eu d’énormes problèmes avec sa mère, qu’il avait fini par tuer. Pour Mullin, c’était son père. Il insista sur le fait que son père, William Mullin, était un tueur en série. Herb Mullin pensait également que son père avait « télépathiquement » ordonné à son ami Dean Richardson de se suicider en s’écrasant avec sa voiture en 1965…
Le procès de Mullin commença le 30 juillet 1973 et fut sans cesse interrompu par les objections de Mullin. Son avocat plaida “non coupable pour raison de démence”. Le 2ème jour du procès, Mullin, enchaîné, interrompit les dépositions en s’approchant du juge afin de lui tendre une missive hallucinée titrée “Observations d’un observateur depuis un point de la péninsule de San Francicsco”, une divagation de deux pages affirmant que quelqu’un avait fouillé dans son carnet de notes personnel.
L’avocat de Mullin, Jackson, commença sa plaidoirie : “Ne vous y trompez pas. Monsieur Mullin entend des voix et ces voix lui ont dit de tuer. Ce n’étaient pas des actes de meurtres, mais des actes de sacrifices ». Jackson se concentra sur le comportement étrange de Mullin avant qu’il ne commence à tuer. Mullin pensait alors être un ouvrier mexicain, puis le chroniqueur Herb Caen, et enfin un philosophe oriental. Jackson présenta la théorie de conspiration de son client : Tout le monde dans la vie de Mullin n’existait que pour détruire ses chances de bonheur, dans cette vie et dans la prochaine. Il devait donc les tuer.
La cour fixa son attention sur Mullin, renfrogné, alors qu’il se balançait doucement d’avant en arrière sur sa chaise. Il ne montra que peu d’émotions durant le procès et resta les yeux fixés sur le mur lorsque des témoins parlèrent. Il était ennuyé par le fait que son avocat tentait de prouver sa folie. Il n’avait qu’une envie : témoigner à son tour afin de leur expliquer la véritable raison pour laquelle il avait tué.
L’accusation fut brève. Bob Francis témoigna de la consommation vorace de LSD de Mullin. Étrangement, Mullin hocha la tête, comme si cela prouvait la nécessité de tuer Gianera. La mère de Joan Gianera expliqua avoir trouvé le jeune couple criblé de balle et de coups de couteau dans la salle de bain. Des experts en balistique et des médecins légistes firent aux jurés le portrait des extrêmes violences perpétrées par Mullin, alors que celui-ci prenait des notes.
Le 4 août, le psychiatre Donald Lunde témoigna pour la défense du diagnostic clinique de schizophrénie paranoïde de Mullin et demanda à ce que l’on passe une cassette audio sur laquelle Mullin décrivait sa philosophie.
« Vous voyez, les gens se mettent ensemble, disons, à la Maison Blanche. Les gens aiment chanter la chanson de mort, vous savez, les gens aiment chanter la chanson de mort. Si je suis président de ma classe, lorsque je suis au lycée, je peux dire à deux, peut-être trois, jeunes Homo sapiens mâles de mourir. Je peux leur chanter la chanson de mort et ils devront se tuer ou être tués – un accident de voiture, un coup de couteau, une blessure par balle. Vous me demandez pourquoi cela ? Et je dis, hé bien, ils doivent faire cela afin de protéger le sol d’un tremblement de terre, parce que tous les gens dans la communauté sont morts toute cette année, et ma classe, nous devons partir pour parler aux ténèbres, nous devons mourir aussi. Et les gens préfèrent chanter la chanson de mort plutôt que de tuer… Je pense que l’homme croit en la réincarnation depuis, disons, consciemment, verbalement, depuis 10 000 ans. Alors, ils ont institué cette loi… Ils le faisaient avant, il y a 10 000 ans… Enfin, ils laissaient un type massacrer des gens, vous savez, il massacrait peut-être 20 ou 30 personnes. Et puis ils le lynchaient, vous savez, ou ils demandaient à une autre personne de le massacrer à son tour. Parce qu’ils ne voulaient pas qu’il devienne trop puissant dans sa prochaine vie, vous savez… »
« Il m’a dit », expliqua plus tard Le docteur Lunde dans son livre The Die Song, « que si je faisais une chronologie des guerres et des famines du monde et que je les comparais avec une liste des tremblements de terre majeurs à travers l’histoire, je verrais que lorsque le taux de décès augmentait, le nombre de tremblements de terre baissait ».
Mullin pensait que le devoir de sacrifier sa propre personne ou d’autres au bénéfice de la communauté était démontré par son interprétation de l’histoire de Jonas, dans la Bible. Le 13ᵉ homme doit être un bouc-émissaire et se sacrifier pour les autres.
« Je veux dire… vous lisez la bible au sujet de Jonas. Il y avait 12 autres hommes dans le bateau, Jonas était dans le bateau, vous savez, c’était comme Jésus, vous savez, et Jonas s’est levé et a dit ‘Nom de Dieu ! Si quelqu’un ne meurt pas, vous savez que tous les 13 nous allons mourir’. Et il a sauté par-dessus bord, vous savez, et il s’est noyé, vous savez. Et la mer… en moins d’une demi-heure, elle s’est calmée ».
Lorsque le Dr. Lunde lui a fait remarquer que Jonas avait en fait été poussé et qu’il n’était pas mort puisqu’il avait été avalé par la baleine, Mullin avait répondu, sur la défensive : « Je vous demande d’avaler cette histoire de Jonas et de croire que des désastres naturels mineurs préviendront des désastres naturels majeurs ».
Est-ce que Mullin avait créé sa théorie du « tuer pour éviter les tremblements de terre » avant ou après avoir été arrêté ? Le Docteur Lunde expliqua que Mullin avait conçu cette théorie des années plus tôt, et cita les lettres que Mullin avait écrites aux Nations Unies et à d’autres organisations internationales, demandant des statistiques des taux de décès et des désastres naturels pour chaque année.
Dans ses notes personnelles, on pouvait trouver des théories décousues sur le phénomène.
Mullin était né un 18 avril, date anniversaire du grand tremblement de terre de 1906 à San Francisco, et pensait donc avoir une position privilégiée parmi les gens de sa génération, afin de les sauver des tremblements de terre à venir. Einstein était mort un 18 avril, ce qui prouvait à Mullin qu’Einstein s’était sacrifié pour que Mullin n’ait pas à mourir au Vietnam et puisse sauver la Californie des tremblements de terre. Selon Lunde, cette théorie, bien que tordue, était « grandiose ».
Pour Mullin, il existait une autre conspiration que celle qui voulait l’empêcher de trouver le bonheur. Sa famille avait essayé de lui cacher “la salubrité de la bisexualité”. Il expliqua que pour la plupart des gens, un comportement homosexuel apparaissait vers 8 ans. Mais ses parents, par méchanceté, lui avaient caché cet état de fait. Mullin pensait que tout le monde dans sa famille « pratiquait l’homosexualité ». Il avait écrit que sa famille, y compris sa tante et son oncle, Bernice et Enos, faisait partie d’un complot pour « bloquer sa sexualité ».
« Quand j’avais 5 ans, j’ai senti intuitivement que Bernice et Enos Fouratt avaient demandé à mes parents de m’ignorer. Mes parents ne m’ont pas expliqué les faits nécessaires de la vie, le sexe et le taux de décès, les techniques de conversation sociale, etc. Bernice et Enos n’avaient pas d’enfant. Pourquoi Bernice et Enos ont-ils convaincu mes parents que je devais être mis de côté ? Je suppose que mes cousins et ma sœur avaient des orgasmes à 6 ans. Lorsque j’ai eu 5 ans, Bernice et Enos voulaient arrêter mon développement mental et physique. Ils ne voulaient pas que je devienne mature… Je pense qu’ils étaient jaloux et envieux de l’amusement que moi et mes parents, nous allions avoir lorsque j’ai commencé à grandir. Je pense qu’ils croient en la réincarnation et qu’en m’embrouillant et me bloquant, ils pourraient avoir une meilleure vie future ».
À la barre, Le Dr Lunde offrit des détails sur l’homosexualité de Mullin mais celui-ci l’interrompit et dit : « Je stipule que je suis bisexuel ».
L’accusation et la défense considéraient que le père d’Herbert Mullin était l’une des raisons pour lesquelles Mullin avait tué, mais pas avec le même niveau de responsabilité.
L’accusation condamnait la haine que Mullin avait pour son père, alors que Mullin lui-même accusait directement son père des meurtres. Pour Herbert Mullin, son père était le véritable assassin parce qu’il lui avait « télépathiquement » ordonné de tuer. William Mullin était un ancien Marine, fier de ses combats durant la Seconde Guerre Mondiale, et selon Herb Mullin, il lui avait appris que la violence était « naturelle » et lui avait montré comment se servir d’un pistolet dans l’espoir d’en faire un tireur d’élite.
Il est difficile de connaitre l’étendue de l’influence de William Mullin sur son fils. Ce n’est pas un crime de raconter des histoires de guerre à son fils. Peut-être William Mullin essayait-il d’associer son fils aux événements de sa vie qui présentaient le plus d’importance pour lui, ce qui est le cas pour de nombreux héros de guerre.
Après qu’il a tenté de devenir un boxeur, Herbert Mullin était revenu chez ses parents. Un jour, il s’était avancé vers son père, les poings levés : « Allez, on y va, ça va pas durer longtemps ». Il lui avait donné de vrais coups de poing. William Mullin expliqua au Docteur Lunde que ce comportement lui avait fait peur. « C’était tellement différent de ce que nous avions fait avant… Il n’était pas le même garçon que nous avions élevé et connu ».
Le père d’Herb Mullin était un homme stoïque et sévère, mais raisonnable. Il avait même écrit une lettre pour soutenir le choix de son fils d’être un objecteur de conscience, alors que cela devait beaucoup l’affecter. Herb écrivit plus tard à son père : « Mon truc de l’objection de conscience était contre ta volonté. C’est le passé, maintenant. Je ne sais pas qui avait raison et qui avait tort. Tout ce que je sais, c’est que j’ai eu très mal à cause de toute cette confusion. Me laisserais-tu vivre chez toi de nouveau ? »
Mais durant le procès, Mullin accusa son père de l’avoir envoyé à l’Université d’état de San Jose, tout en sachant que le mouvement anti-guerre était très présent sur le campus, parce qu’il voulait que son fils rejoigne la contre-culture.
Herb Mullin était pris dans une spirale de rébellion et de réconciliation avec son père, agissant de manière à le blesser puis tentant de regagner son approbation. Un autre psychiatre, pour l’accusation, expliqua que « l’incapacité d’Herbert Mullin à exprimer de la haine pour son père a conduit une partie de cette haine à être dirigée vers d’autres personnes ».
« Mon père était sergent chez les Marines et avait l’habitude de donner l’ordre aux gens de tuer », dit Mullin. « J’avais l’impression d’être sous le contrôle de mon père, comme un robot ». Durant le procès, il demanda au docteur Lunde et à son avocat de comparer les empreintes digitales de son père à celles relevées sur tous les lieux de meurtres qui avaient eu lieu dans l’Oregon et en Californie depuis 1925. Selon lui, s’il pouvait prouver que son père était un tueur en série, les jurés seraient peut-être cléments avec lui.
Lorsque ce fut son tour de témoigner, Mullin, comme le décrivit un journaliste : « prit une pose de conférencier ». Il était assis dans le box des témoins, entouré par ses notes, et accusait sa famille, ses amis et ses professeurs d’avoir voulu l’empêcher de devenir « trop puissant dans ma vie prochaine ». La réincarnation n’était pas qu’une réflexion cosmique. Pour Mullin, elle expliquait tout. Tout le monde marchandait le pouvoir et une meilleure position dans sa vie prochaine.
“Je suis choisi comme leader désigné de ma génération”. (Ma date d’anniversaire) “me donne une position extrêmement dominante dans la réincarnation”. Il pensait que ses parents lui avaient dit qu’ “ils allaient lui donner du bon temps dans la prochaine vie, mais ils ne pouvaient pas dans celle-ci”…
« Un homme consentant à être tué protège des millions d’autres êtres humains dans la région du tremblement de terre cataclysmique ». Mullin expliqua aux jurés que, pour cette raison, le leader désigné et ses associés avaient la responsabilité de trouver assez de gens pour se suicider ou être tués chaque jour.
Au sujet de ses victimes, Mullin expliqua : « Je n’ai jamais pensé à elles. Je ne pensais pas. Je ne pense pas. Je réagissais ». Il affirma que ses victimes avaient accepté de mourir, qu’elles étaient volontaires pour mourir, et qu’elles le lui avaient dit par transmissions psychiques… « Chaque Homo sapiens communique par télépathie. Ce n’est simplement pas accepté socialement ».
Il accusa également la police de Santa Cruz de ne pas l’avoir gardé en prison après qu’il a été arrêté pour possession de drogue. « Je n’aurais jamais tué qui que ce soit s’ils m’avaient envoyé en prison. S’ils ne vous punissent pas lorsque vous enfreignez la loi, alors qu’est-ce qu’ils faisaient ? Ils attendaient que j’enfreigne une loi importante pour pouvoir me mettre en prison toute ma vie ? »
Toutefois, Mullin admit qu’il pouvait et qu’il avait désobéi à ces ordres de tuer. Il avait reçu l’ordre télépathique de se suicider, mais il avait refusé.
Le procureur Chris Cottle conclut : « S’il avait été la victime de voix irrésistibles, il se serait suicidé ».
Mullin dit qu’il avait également ignoré des ordres de meurtre. « J’ai reçu un message en décembre et je n’ai pas agi. Je ne voulais plus tuer. Je pensais que ce n’était pas juste ». Cette dernière déclaration fut cruciale pour l’accusation. Mullin admettait qu’il connaissait la différence entre le bien et le mal. Il n’était donc pas le « robot » sans volonté de son père, contrairement à ce qu’il avait affirmé.
De plus, si Mullin était fou et ne comprenait pas que ce qu’il faisait était mal, pourquoi avait-il pris tant de soin à couvrir ses traces ?
Le procureur expliqua aux jurés qu’après avoir tué White, le vagabond, Mullin avait poncé les traces de sang au papier de verre sur la batte de base-ball. Il avait récupéré les douilles de balles chez les Gianera parce que, selon lui, « elles lui appartenaient ». Mullin avait tiré sur Kathy Francis et ses enfants parce qu’ils étaient des témoins gênants. Il avait effacé le numéro de série de son pistolet.
Mullin avait sapé sa défense avec ses commentaires imprudents. Parfois, il paraissait calme et rationnel. Dans une entrevue précédent le procès, il avait dit qu’il avait tué Joan Gianera parce qu’« elle était un témoin et que je ne voulais pas être puni ».
Selon l’un des psychiatres de l’accusation, la théorie des tremblements de terre avait été « développée après coup ». Il avait tué Gianera parce qu’il l’avait poussé à consommer de la drogue et son épouse ainsi que Kathy et ses fils uniquement parce qu’ils étaient des témoins. Il avait tué les campeurs parce qu’« il avait quelque chose contre les hippies et qu’il les considérait comme des hippies ». Un autre psychiatre affirma que le mobile de Mullin était la haine pure. « Il m’a dit que Gianera lui avait fait prendre du LSD pour la 1ʳᵉ fois et que ça avait ruiné sa vie et qu’il s’était vengé ».
Étrangement, le Docteur Charles Morris expliqua, pour l’accusation, qu’après avoir examiné Mullin, il avait conclu qu’il était légalement aliéné lorsqu’il avait tué le vagabond, l’auto-stoppeuse et le prêtre, mais qu’il était sain d’esprit pour les dix meurtres suivants. En janvier, lorsqu’il avait cessé de prendre du LSD dans l’espoir de devenir un Marine, il avait tué pour se venger (à l’exception de Perez). Il avait été « moralement engourdi » par ses 3 premiers meurtres. Ainsi, tuer de nouveau, surtout à cause de la colère, n’avait plus de conséquences morales.
Toujours selon Le Dr Morris, Herbert Mullin avait abattu Perez parce qu’il en avait assez et voulait être arrêté.
Le Docteur Morris expliqua que le LSD avait sans doute précipité les meurtres. En réponse, l’avocat de Mullin lut une lettre de Mullin et demanda au docteur Morris si elle avait pu être écrite par quelqu’un qui prenait des drogues. Le Docteur reconnut que cela était tout à fait possible. La lettre était datée de juillet 1973, des mois après que Mullin a été arrêté et incarcéré…
L’affirmation de Mullin selon laquelle il avait entendu ses victimes accepter télépathiquement d’être tuées était, selon le Dr. Morris, une justification inventée. « Il a développé cette croyance après coup… C’est un individu qui a une haute capacité mentale et un intérêt dans l’occulte, la psychologie et la philosophie ».
Un autre psychiatre témoigna du fait que Mullin lui avait dit : « J’ai choisi de me venger parce que ces gens m’avaient poussé à être un objecteur de conscience dans le plus puissant pays du monde, alors je les ai punis ».
Pour l’accusation, Mullin n’était pas fou. Le procureur expliqua aux jurés que peu importait « pourquoi » il avait tué. « Les mobiles sont ambigus et il n’est pas besoin de les démontrer ». Afin de contrer la théorie de la défense selon laquelle des hallucinations avaient poussé Mullin à tuer, l’accusation expliqua : « Le fait que deux plus deux fasse sept dans son esprit ne signifie pas que Monsieur Mullin n’est pas responsable de ses actes ».
La défense demanda aux jurés de considérer le fait que Mullin « tue des gens parce qu’il doit le faire, mais il ne sait pas pourquoi. Je suggère qu’une personne qui tue 13 personnes et ne sait pas pourquoi… est folle ! ».
L’accusation affirma : « Il est évident qu’il est un malade mental. Mais cela ne signifie pas qu’il est légalement aliéné »…
Les six hommes et six femmes du jury délibérèrent durant 14 heures, puis déclarèrent que Mullin était sain d’esprit et coupable. Le verdict fut rendu le 19 août 1973. Selon les jurés, Mullin avait prémédité les meurtres de Jim Gianera et Kathy Francis, ce qui lui apportait deux condamnations pour meurtre au 1er degré. Les autres meurtres étaient considérés comme des « pulsions », et donc des meurtres au 2nd degré.
« C’est aussi fou que Mullin l’est », déclara son avocat. « Ils avaient peur qu’il puisse sortir de son asile et tuer quelqu’un, ce qui n’est pas une considération illogique. Ils ne voulaient pas être la 14ᵉ victime ». Mullin haussa simplement les épaules à l’écoute du verdict. Il fut condamné à la prison à vie, avec la possibilité d’être libéré sur parole en 2025 (à 78 ans).
Il fut (et est toujours) emprisonné avec d’autres tueurs (entre autres Patrick Kearney, John Linley Frazier et Charles Manson) dans la prison d’état de Mule Creek, en Californie.
Mais l’affaire Mullin ne se termina pas ce jour-là. Après le procès, le président du jury écrivit que le gouverneur de la Californie (et futur président), Ronald Reagan, était « tout aussi responsable » que Mullin des morts de ces 13 personnes. L’administration Reagan avait systématiquement fermé les hôpitaux psychiatriques de Californie, dans le but de les « désactiver » quelques années plus tard.
“Aucune de ces morts n’aurait jamais eu lieu”, déclara-t-il dans une lettre ouverte à Reagan. Bien que les jurés aient cru que Mullin pouvait faire la différence entre le bien et le mal, ils étaient également persuadés que Mullin aurait dû être institutionnalisé après avoir été diagnostiqué plusieurs fois comme dangereux. « Cinq fois avant que Monsieur Mullin ne soit arrêté, il est allé dans des hôpitaux psychiatriques. Et cinq fois sa maladie mentale a été diagnostiquée. Au moins deux fois, il a été déterminé que sa maladie pouvait être un danger pour la vie d’autres êtres humains. Toutefois, en janvier et février de cette année, il était libre de prendre les vies des résidents de Santa Cruz ».
Reagan répondit laconiquement que c’était une « erreur psychiatrique » et que l’état ne « déversait pas dans les rues » les malades mentaux précédemment hospitalisés.
Mullin avait été envoyé dans cinq hôpitaux psychiatriques différents, mais avait toujours été relâché malgré les diagnostics. Affolés par la détérioration de son état mental, ses parents avaient désespérément tenté de trouver un hôpital de soins à long terme, mais les hôpitaux psychiatriques fermaient les uns après les autres. Cela leur aurait coûté 100 $ par jour s’ils avaient voulu envoyer Herb Mullin dans un hôpital privé, ce qui était bien au-dessus de leurs moyens.
Bien qu’il ait reçu des prescriptions et qu’il faisait parfois des thérapies de groupe, Mullin était incapable de prendre ses médicaments régulièrement s’il n’était pas surveillé. Même dans les hôpitaux psychiatriques où il avait séjourné, il était toujours agressif et violent. Il était dangereux et n’aurait jamais dû être libéré.
Moins d’un an après le procès de Mullin, les législateurs de Californie votèrent une loi interdisant la fermeture des hôpitaux psychiatriques.
Mullin est décédé en août 2022 à l’âge de 75 ans, de mort naturelle, dans l’hôpital de la prison de Stockton, où il était incarcéré.
Les victimes d’Herbert Mullin
Lawrence White (55 ans)
Assassiné sur une route près de Santa Cruz, le 13 octobre 1972
Mary Guilfoyle (24 ans)
Assassinée dans la voiture de Mullin à Santa Cruz, le 24 octobre 1972
Père Henri Tomei (65 ans)
Assassiné à l’église Sainte Marie de Los Gatos, le 2 novembre 1972
Jim Gianera (25 ans)
Assassiné dans sa maison, à Santa Cruz, le 25 janvier 1973
Joan Gianera (21 ans)
Assassinée dans sa maison, à Santa Cruz, le 25 janvier 1973
Kathy Francis (29 ans)
Assassinée dans sa cabane des montagnes de Santa Cruz, le 25 janvier 1973
David Francis (9 ans)
Assassiné dans sa cabane des montagnes de Santa Cruz, le 25 janvier 1973
Daemon Francis (4 ans)
Assassiné dans sa cabane des montagnes de Santa Cruz, le 25 janvier 1973
Brian Scott Card (14 ans)
Assassiné dans le parc naturel Powell, le 10 février 1973
David Oliker (17 ans)
Assassiné dans le parc naturel Powell, le 10 février 1973
Robert Spector (15 ans)
Assassiné dans le parc naturel Powell, le 10 février 1973
Mark Dreibelbis (15 ans)
Assassiné dans le parc naturel Powell, le 10 février 1973
Fred Perez (63 ans)
Assassiné devant chez lui, à Santa Cruz, le 13 février 1973
Modus Operandi
Mullin possédait un pistolet, mais il a tué de manières différentes, selon l’humeur du moment.
– Il a battu à mort Lawrence White à coups de batte de base-ball.
– Il a poignardé Mary Guilfoyle à mort (puis l’a éventrée), tout comme le père Tomei.
– Il a abattu Jim et Joan Gianera avec son pistolet et les a, en plus, poignardés.
– Il a fait de même avec Kathy Francis et ses deux fils, David et Daemon.
– Il a abattu les 4 jeunes campeurs du parc naturel, Brian Scott Card, David Oliker, Rober Spector, et Mark Dreibelbis.
– Et il tiré une balle en plein dans le cœur de Fred Perez. Ce dernier crime est celui où il s’est montré le moins violent.
Les psychiatres ont considéré qu’il avait tous ses esprits lors des meurtres des Gianera et des Francis, et qu’il agissait par vengeance. Pourtant, il a fait preuve d’une violence terrible, tirant sur eux et les poignardant même après leur mort.
Motivations
La schizophrénie est une maladie mentale terrible qui peut détruire la vie d’un jeune adulte. Généralement, les symptômes (entendre des voix, paranoïa intense, hallucinations) apparaissent à la fin de l’adolescence ou le début de l’âge adulte.
Herbert Mullin ne tuait pas parce qu’il était schizophrène. Mais, pour lui, sa paranoïa et son orgueil justifiaient ses meurtres. Il voulait sauver la Californie des tremblements de terre. La mission de sa vie était d’être « le bouc émissaire de (sa) génération ». Mais c’étaient les autres qui devaient se sacrifier.
Selon le Docteur Lunde, les malades mentaux, contrairement à ce que l’on pourrait penser, tuent moins que les gens « normaux ».
Les tueurs en série sont souvent des sociopathes ou des psychopathes (la sociopathie et la psychopathie ne sont pas des maladies mentales) qui sont capables d’avoir une vie « normale ». Ce désordre de la personnalité n’est diagnostiqué que lorsque la personne est incarcérée pour ses crimes. Ils ne sont quasiment pas « guérissables » et le mieux à faire est de les incarcérer à vie.
Au contraire, la schizophrénie paranoïde est une maladie mentale qui peut être traitée, mais dans des cas sévères, le patient doit être surveillé dans un hôpital. Les médicaments peuvent aider, mais les schizophrènes paranoïdes peuvent facilement ne plus prendre leur traitement si on les laisse se débrouiller seuls.
Contrairement au désordre de personnalité antisociale, la schizophrénie paranoïde est généralement diagnostiquée avant que les violences n’aient lieu. Le Docteur Lunde a examiné John Frazier, Herb Mullin et Edmund Kemper et a affirmé que « parmi la petite proportion d’assassins mentalement aliénés, la maladie mentale la plus commune est la schizophrénie paranoïde ».
Il a d’ailleurs déclaré que Kemper était sain d’esprit, alors que Mullin était bien schizophrène.
Citations
« Si on m’avait autorisé à être Garde Côte ou Marine, je n’aurais pas pris les vies de tous ces gens » : Herb Mullin
« Je crois que mon père a été critiqué pour mes échecs et il n’aurait pas dû. Mais c’est sûr, s’il m’avait offert la stimulation orale homosexuelle par « pipe » à laquelle j’avais droit à six ans, comme la plupart des gens, je n’aurais jamais pris de LSD sans sa permission » : Herbert Mullin après son arrestation.
“Il y a une structure dans tout ça. Ce n’est pas le fait d’un cinglé qui tire sur tout ce qui bouge devant lui » : le Capitaine Overton, de la police de Santa Cruz, au sujet des meurtres des Gianera et des Francis.
« Oui. D’après les années que j’ai vécues à Atascadero (un hôpital psychiatrique), je dirais que c’est un malade mental » : Ed Kemper, au sujet de Mullin.
“Nous, les êtres humains, à travers l’histoire du monde, avons protégé notre continent du cataclysme grâce au meurtre. En d’autres mots, un désastre naturel mineur empêche un désastre naturel majeur » : Herb Mullin durant son procès.
“Je tiens pour aussi responsables l’administration et les législateurs de cet état que le défendant pour ces 10 vies détruites » : K. Springer, président du jury du procès de Mullin
Bibliographie
Livres en anglais :
The Die Song: A Journey into the Mind of a Mass Murderer
Résumé : Le Docteur Lunde, psychiatre pour la défense durant le procès de Mullin, décrit les meurtres du tueur, sa rencontre et les discussions qu’il a eues avec lui.
Critique : Lunde et Morgan ont écrit ce livre de manière que l’on ait l’impression d’être présent lors des meurtres et du procès. Lunde offre une analyse profonde et intéressante de la psychologie de Mullin. Et il n’est pas tendre (à raison) avec l’administration Reagan.
Urge to Kill
Résumé : Ce livre est consacré aux trois tueurs qui ont ensanglanté le comté de Santa Cruz au début des années 70 : Herbert Mullin, Edward Kemper et John Frazier.
Liens
– La Californie sur wikipedia
– Le Comté de Santa Cruz sur wikipedia
– La ville de Santa Cruz sur wikipedia