Article mis à jour le 2 novembre 2015

La police kenyanne enquête sur les meurtres de 10 prostituées assassinées en seulement un mois dans la ville de Nakuru, et qui font craindre l’existence d’un tueur en série.

Certaines des victimes ont été torturées avant leur mort et il semble que la violence augmente à chaque meurtre. L’une des victimes les plus récentes a été mutilée au point qu’elle n’était plus identifiable : ses yeux et sa langue ont été arrachés, et son nez et ses oreilles ont été tranchés.

Ces crimes sont pas sans rappeler une série similaire qui a eu lieu en 2010 : Philip Onyancha avait admis avoir tué 19 personnes, en majorité des prostituées, et avoir bu leur sang parce qu’un enseignant lui avait dit que cela lui apporterait la fortune. Onyancha purge actuellement une peine de 12 ans en prison.

Au départ, la police de Nakuru n’a pas réagit. Au Kenya, la violence contre les prostituées est terriblement commune, et nombre d’entre elles sont assassinées tous les mois.
Mais la brutalité des derniers meurtres a poussé des militants, consternés par l’apparente apathie de la police, à manifester dans les rues.

Préoccupé par la sécurité des femmes travaillant dans les rues, ces militants ont appelé le gouvernement à légaliser la prostitution et à offrir une protection adéquate aux femmes vulnérables.

carte du kenya nakuruLe commandant de police de la ville de Nakuru a déclaré qu’une « chasse à l’homme intense était en cours pour retrouver un mâle adulte de petite taille » dans le centre du Kenya.

Hassan Barua a déclaré que la sécurité a été améliorée dans la ville, mais il n’a pas voulu expliquer si un seul et même suspect était recherché pour plusieurs des meurtres.

« Nous ne savons pas quel est son mobile, nous espérons que nous pourrons tirer des conclusions quand il sera appréhendé » a-t-il dit.

Les meurtres ayant été commis dans des endroits éloignés les uns des autres dans un court laps de temps, la police ne croit pas que la même personne soit responsable de tous les décès. Mais des sources proches de la police affirment que l’enquête se concentre sur un suspect pour au moins trois des meurtres.

Le porte-parole de la police Charles Owino a expliqué que des affaires semblables sont examinées à travers le pays, mais n’a pas élaboré plus avant.

Felista Abdalla, de l’ « Association des travailleurs du sexe au Kenya » a déclaré que d’autres victimes ont été découvertes dans les villes de Nanyuki, Kisii, Nyahururu et dans la capitale, Nairobi.

« Certaines d’entre elles ont été torturés » dit-elle. Abdalla a affirmé que la police n’est « pas très active ».

Peninah Mwangi, directeur du « Programme pour l’autonomie des hôtesses de bar », un groupe de défense mis en place en 1998, a déclaré que le peu de réponse aux récents meurtres souligne l’insignifiance qu’ont les prostituées aux yeux de la population au Kenya.

« Nos plaintes ne sont pas prises au sérieux » dit-elle.  » Les policiers ne sont pas intéressés. Même les médias ne couvrent pas la question de manière appropriée, ils font passer les prostituées pour de mauvaises personnes ou des criminelles « .

La sœur d’Eunice Njeri, 33 ans, l’une des femmes tuées à Nakuru, réclame justice. Miriam Njeri explique que sa sœur avait un garçon de 8 ans, qui se retrouve orphelin.

« Je suis très en colère, triste et je veux que justice soit rendue contre l’assassin d’Eunice », a déclaré Miriam Njeri, 36 ans, elle aussi travailleuse du sexe.

La prostitution est illégale au Kenya, mais la pauvreté généralisée et le chômage créent une économie du sexe florissante qui répond aux désirs tant des habitants que des touristes occidentaux.

La prostitution est illégale au Kenya, mais le tourisme sexuel est très répandu car le chômage et la pauvreté poussent des jeunes femmes et des hommes à vendre leur corps afin d’avoir un revenu.

Muthoni Wanyeki, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique orientale, a appelé à la dépénalisation de la prostitution.

« Ces meurtres et ces mutilations doivent être un appel au réveil pour nous tous, afin de mettre fin à cette criminalisation de manière à apporter la sécurité aux prostituées et à assurer aux familles de celles qui ont été assassinées que justice sera rendue », a déclaré Wanyeki.

Neela Ghoshal, chercheuse pour l’association Human Rights Watch, affirme quant à elle que les prostituées, hommes et femmes, sont doublement vulnérables aux abus de la police et des criminels.

Neela Ghoshal explique qu’elle a entendu de nombreux témoignages selon lesquels la police extorque régulièrement de l’argent ou des rapports sexuels à des prostituées, sous la menace d’une arrestation. « Ce type de rapports sexuels forcés, selon le code pénal du Kenya, est un viol », dit-elle, « mais la police ne dois jamais rendre de comptes. »

Neela Ghoshal déclare que la plupart des travailleuses du sexe craignent la police. « Elles voient la police comme un prédateur plutôt que comme une protection » ajoute-t-elle.