Article mis à jour le 26 août 2023
Nom : Albert Henry DeSalvo
Surnom : « L’Etrangleur de Boston », mais aussi « Le Mesureur » et « L’Homme en Vert »
Né le : 3 septembre 1931, à Chelsea (Massachusetts), près de Boston, Etats-Unis
Mort le : 25 novembre 1973 (poignardé dans sa cellule) à la prison de Walpole, Massachusetts.
Entre le 14 juin 1962 et le 4 janvier 1964, treize femmes de la région de Boston (Massachusetts) furent étranglées chez elles. La police et une partie de la population pensaient que plusieurs tueurs étaient à l’œuvre. Les habitants imaginaient qu’un monstre bestial ou un fou dangereux, échappé d’un asile, errait dans les rues. Mais Albert DeSalvo était un ancien militaire, bon père de famille et mari aimant, ouvrier travailleur, vivant dans une banlieue calme. Il commit de très nombreux crimes contre des femmes, à cause, selon lui, d’une « énorme pulsion sexuelle »…
Informations personnelles
Les parents d’Albert DeSalvo, Frank et Charlotte, avaient cinq autres enfants. Sa mère, issue d’une famille américaine respectable, se maria à l’âge de 15 ans. Son père, pompier, plombier puis agriculteur, était un alcoolique particulièrement violent qui battait régulièrement son épouse et ses enfants. Il fut arrêté d’innombrables fois pour des actes de violence, sexuelle ou non. Il vendit même Albert et ses deux sœurs à un fermier du Maine pour 9 dollars et leur mère mit des mois à les retrouver.
La famille était pauvre et l’argent de Frank DeSalvo était dépensé en alcool. Les enfants eurent souvent faim et leur vie ne devenait agréable que lorsque leur père était en prison.
Albert DeSalvo devint un délinquant à un tout jeune âge : son père lui apprit à voler dès 5 ans ! Frank DeSalvo amenait également des prostituées à la maison et voulait que ses enfants les regardent faire. Le sexe était omniprésent dans leur petit appartement.
DeSalvo eut ses premières relations sexuelles à l’âge de 8 ans, avec des filles et des femmes, mais aussi des homosexuels qui le payaient. Déjà à cet âge, il ressentait des pulsions sexuelles incontrôlables, des besoins inextinguibles de sexe, encore et encore.
Charlotte DeSalvo n’était pas une mère très aimante. Mais même si elle sortait souvent le soir et s’occupait mal de ses enfants, Albert DeSalvo tenait pourtant beaucoup à elle et, devenu adulte, il lui rendit fréquemment visite.
Durant son adolescence, Albert DeSalvo alterna les périodes sans aucun problème et les délits divers. Il fut arrêté plusieurs fois pour « coups et blessures ». Il ne fit partie d’aucun gang bien que cela fut « la mode » et admit par la suite qu’il n’avait alors par assez confiance en lui pour se joindre à un groupe et « jouer les durs ».
Il tirait sur les chats avec un arc et des flèches. « Juste avant de décocher une flèche, quand je les tenais dans ma ligne de mire, je ressentais une telle colère en moi que je crois que j’aurais pu les déchiqueter de mes mains. J’ignore pourquoi, mais à cet instant précis, je les haïssais et pourtant ces chats ne m’avaient rien fait ».
À 12 ans, il fut envoyé dans une maison de redressement pour un cambriolage, mais, selon lui, il en ressortit « encore pire qu’avant » : «En réalité, j’y ai appris toutes les perversions sexuelles possibles et imaginables».
Une fois libéré, il recommença ses cambriolages, mais sans être arrêté cette fois. Il ressentait une excitation sexuelle en entrant chez les gens, principalement dans les chambres des femmes.
Il fugua plus d’une fois pour tenter d’éviter les violences de son père. Ce dernier abandonna finalement sa famille en 1939.
Sa mère se remaria en 1945.
L’appétit et les capacités sexuelles de DeSalvo le rendirent célèbre à l’adolescence. Il ne parvenait pas à penser à autre chose qu’au sexe et avait d’énormes besoins. Selon lui, il passa l’été 1948 sur la plage et eut de nombreuses conquêtes féminines, souvent des étudiantes de Boston.
Il lui arriva fréquemment d’entrer par effraction chez des femmes, mais il « n’osait » pas encore s’imposer à elles.
Il s’engagea dans l’Armée le 3 septembre 1948, à 17 ans, en mentant sur son âge, avec l’envie de « devenir le meilleur soldat possible ». L’Armée lui offrit les notions qui lui avaient manqué : la stabilité, le respect, la discipline et une situation stable.
Il se conduisit impeccablement. Il aimait le respect qu’on lui montrait et, pour lui permettre de se hausser encore plus haut dans l’estime des autres, il prit part aux épreuves sportives de l’Armée. Athlétique et solide, il se découvrit une passion (et du talent) pour la boxe. Il s’entraîna avec tant de rigueur qu’il devint deux fois champion des poids moyens de l’Armée en Europe.
En 1949, il fut affecté en Allemagne pour 5 ans (occupée par les Alliés après la Seconde Guerre Mondiale). Selon ses dires, il y continua son vagabondage sexuel, offrant ses « services » aux épouses délaissées des officiers et aux Allemandes, durant des nuits entières. Il affirma même que certaines lui donnaient leurs bijoux pour qu’il vienne les satisfaire… Vérité ou affabulation vantarde ?
Il lui arriva également de pénétrer par effraction dans des habitations ou des magasins et d’y voler des objets.
À Francfort, alors qu’il avait 22 ans, il rencontra celle qui allait devenir son épouse, Irmgard Beck, une belle jeune femme brune issue d’une famille luthérienne stricte et respectée. Il cessa de s’intéresser aux autres femmes.
Il fut promu au rang de « Specialist E-5 » (sergent en charge d’un groupe technique), mais fut dégradé en 1950 pour un refus d’obéissance et retomba au rang de simple soldat. Il allait par la suite regagner ses galons.
Irmgard et lui se marièrent puis rentrèrent aux États-Unis en 1954 et il fut affecté à Fort Dix (New Jersey).
Comme il « s’ennuyait », il passait beaucoup de temps à se promener en ville, dans sa voiture. Il recommença à s’introduire dans des maisons et des appartements.
En décembre 1954, DeSalvo, vêtu de son uniforme, frappa à la porte d’une maison. Il lui affirma à la jeune femme qui vint lui ouvrir avoir vu un rôdeur près de chez elle. Apeurée, elle l’autorisa à rentrer pour qu’il vérifie que tout allait bien, mais elle devint suspicieuse lorsque DeSalvo lui demanda quand son mari allait rentrer. Elle s’enferma dans sa chambre. DeSalvo s’en alla, mais la femme eut le temps de noter le numéro de sa plaque d’immatriculation.
La police interrogea DeSalvo quelques jours plus tard, mais il assura s’être promené pour chercher une maison à louer, et avoir seulement voulu aider cette femme. Sa gentillesse était décidément mal payée de retour…
Le 3 janvier 1955, une jeune mère alla faire rapidement des courses et laissa seule sa fille de neuf ans et ses deux petits frères. Lorsqu’elle revint, sa fille lui expliqua qu’un « monsieur en uniforme » qui cherchait «une chambre à louer» lui avait caressé la poitrine et le sexe. La mère appela la police du New Jersey, qui se souvint du soldat DeSalvo « cherchant une chambre à louer », qu’ils avaient interrogé quelques jours plus tôt.
Il fut emmené au poste de police. La petite fille et ses frères l’identifièrent facilement. Il fut accusé « d’abus charnel sur enfant », mais ne fut pas jugé : la mère de la fillette ne voulait pas que sa fille soit traumatisée par un procès et retira sa plainte.
La même année, le premier enfant du couple naquit, une fille prénommée Judy. Elle avait un handicap physique, une malformation pelvienne congénitale. Ce problème eut un fort impact sur la vie de famille du couple, car son épouse était terrifiée à l’idée que leur second enfant pourrait être, lui aussi, affligé d’un handicap physique. Elle fit tout ce qu’elle put pour éviter d’avoir des rapports sexuels avec DeSalvo qui, de son côté, avec un appétit sexuel anormalement développé et lui demandait de faire l’amour jusqu’à 5 ou 6 fois dans la même journée.
Irmgard repoussa DeSalvo encore plus que d’habitude.
Sur la suggestion de son épouse, DeSalvo prit une décision lourde de conséquences : en 1956, il quitta l’armée (avec de bons états de service et son grade de sergent retrouvé).
Le couple retourna alors dans la ville natale de DeSalvo, Chelsea, puis s’installa à Malden, dans la banlieue de Boston.
Entre 1956 et 1960, DeSalvo fut arrêté plusieurs fois pour être entré par effraction dans des habitations. À chaque fois, il ne reçut que des peines avec sursis et n’alla jamais en prison.
En 1960, le deuxième enfant du couple naquit, un garçon nommé Michael, sans aucun handicap physique.
Malgré ses démêlés avec la loi, Albert DeSalvo parvint toujours à trouver et garder un emploi. Après avoir travaillé dans une entreprise de caoutchouc, il trouva un emploi dans un chantier naval comme ouvrier de construction.
Il essaya d’avoir une vie normale, d’être un bon père et un époux tendre, de faire vivre sa famille sans problème… Mais il ne pouvait résister à ses pulsions. Elles le « forçaient à faire des choses que je savais être mal ».
La plupart des gens qui le connaissaient l’appréciaient. Son patron le considérait comme un bon père de famille, convenable et poli, et un bon travailleur. Il était dévoué à ses enfants, qu’il adorait, et traitait son épouse avec tendresse, bien que sa froideur (sexuelle) le frustra au plus haut point.
Début 1960, une série d’intrusions à connotation sexuelle eut lieu dans la région de Cambridge, ville voisine de Boston. Un homme brun de 25-30 ans frappait aux portes des appartements et si une jeune femme répondait, il se présentait comme étant un « Monsieur Johnson », travaillant pour une agence de mannequins. Il affirmait que le nom de la jeune femme lui avait été donné par une personne qu’elle connaissait et qui pensait qu’elle ferait un très joli mannequin. Il ajoutait qu’elle n’aurait pas à poser nue, mais, au pire, en maillot de bain. Elle serait payée 40 $ de l’heure. Il avait été envoyé pour prendre ses mesures et savoir si elle était intéressée.
Apparemment, nombreuses furent les femmes, flattées, qui lui permirent d’entrer chez elles, de les mesurer, voire de les toucher. C’était un jeune homme charmant au sourire enjôleur.
Lorsqu’il avait terminé, il expliquait que « Mme Lewis de l’agence » les recontacteraient si les mesures étaient satisfaisantes. Aucune ne fut jamais rappelée et l’agence n’existait pas. Certaines femmes, apeurées ou frustrées, contactèrent la police.
Le 17 mars 1961, la police de Cambridge arrêta un homme qui tentait de pénétrer par effraction dans une maison. Il admit avoir tenté d’entrer, puis avoua finalement être « Le Mesureur ».
C’était Albert DeSalvo, qui avait alors 29 ans. Les policiers découvrirent qu’il avait déjà été arrêté, plusieurs fois, pour avoir pénétré dans des appartements et avoir parfois volé l’argent qu’il y avait trouvé. Lorsque les policiers lui demandèrent pourquoi il avait agi ainsi, il répondit : « Je ne suis pas très beau, je ne suis pas éduqué, mais j’ai été capable de rouler les gens de la ‘haute’. C’étaient toutes des filles éduquées et je n’ai jamais rien eu dans ma vie, mais je les ai mises dans ma poche ».
Le juge trouva DeSalvo sympathique et prit en compte le fait qu’il nourrissait une famille : il ne le condamna qu’à 18 mois de détention. Il ordonna également qu’il soit examiné durant un séjour dans un établissement psychiatrique.
Les médecins affirmèrent que DeSalvo avait besoin d’une aide psychologique : il était vantard et aimait raconter ses « exploits » du « Mesureur », il cherchait constamment à attirer l’attention, mais surtout « sa personnalité présentait des traits schizoïdes », il manifestait des sentiments agressifs, il montrait « des troubles de la personnalité avec des tendances polymorphes perverses, accentués par des fantasmes de grandeur et d’omnipotence »…
DeSalvo lui-même savait que ce qu’il faisait était mal, il savait que ses pulsions sexuelles étaient irrésistibles et voulaient en être libéré. Il voulait être « guéri ».
Mais on l’envoya en prison plutôt que dans un établissement psychiatrique. Il ne reçut aucun soin.
Grâce à sa bonne conduite, DeSalvo ne passa que 11 mois en prison et fut libéré en avril 1962.
Lorsqu’il sortit de prison, il revint chez lui avec les meilleures intentions, et notamment celle de se faire pardonner par son épouse. Mais Irmgard le rejeta totalement, affirmant qu’il était « sale et la rendait malade ».
Pour éviter le divorce, il promit à Irmgard qu’il allait à présent « se tenir à carreau ». Il trouva rapidement un nouvel emploi et se rendit parfois chez des particuliers pour réparer des chaudières.
Crimes et châtiment
Le 14 juin 1962, près de 200.000 Bostoniens avaient fêté la venue de l’astronaute Alan Shepard (premier Américain dans l’espace), dont le défilé motorisé s’acheva en fin d’après-midi.
Anna Slesers, une petite femme brune et divorcée de 56 ans, vivait au 77 Gainsborough Street depuis le 1er juin, dans un des nombreux immeubles de briques rouges où logeaient des personnes aux revenus modestes, principalement des étudiants et des retraités. Couturière aux revenus modestes, elle habitait au 3ᵉ étage. En 1950, elle avait quitté sa Lettonie natale (annexée par les Soviétiques) avec son fils et sa fille, et s’était installée dans l’un des immeubles d’un quartier ancien de Boston, « Back Bay ».
Le soir du 14 juin 1962, elle avait fini de manger et voulait prendre un bain avant que son fils, Juris, ne vienne la chercher pour se rendre à la messe de l’église lettonne. Elle mit de la musique classique et enfila son peignoir.
Juste avant 19 heures, son fils frappa à la porte, mais n’obtint aucune réponse. La porte était fermée. Juris Slesers continua de frapper, s’imaginant qu’elle était peut-être en train d’écouter sa musique trop fort, voire malade ou évanouie. Au bout d’un moment, sentant l’inquiétude monter, il donna un violent coup d’épaule dans la porte, qui s’ouvrit d’un coup.
L’appartement était plongé dans l’obscurité et seule la lumière de la cuisine était allumée. Le porte-monnaie d’Anna Slesers était ouvert et son contenu avait été partiellement répandu sur le sol. Une corbeille à papier dans la cuisine avait été fouillée et certains déchets éparpillés autour. Les tiroirs avaient été ouverts et laissés tels quels dans le salon, vidés de leur contenu. Toutefois, la propreté et l’ordre régnaient dans l’entrée et au salon.
Juris Slesers découvrit sa mère étendue devant sa salle de bain, la corde de son peignoir enroulée autour du cou. Il téléphona à la police pour leur annoncer son « suicide ».
Les enquêteurs James Mellon et John Driscoll se rendirent rapidement sur place. Anna Slesers était nue sous son peignoir et se trouvait dans une position qui exposait cette nudité de manière choquante. Elle était allongée sur le dos et son peignoir était ouvert. Sa tête était tournée vers la porte de la salle de bain, sa jambe gauche était tendue et la jambe droite était repliée sur le côté, exposant son intimité. La ceinture bleue de son peignoir avait été fortement serrée autour de son cou et un gros nœud bouffant était lacé sous son menton.
Une boîte de diapositives avait été posée à terre, dans la chambre. Le tourne-disque était toujours branché, mais l’amplificateur avait été éteint. Près du corps étaient éparpillés divers objets : des allumettes, un agenda, un paquet de cigarettes et un stylo. Une montre en or et des bijoux en argent n’avaient pas été volés.
Les policiers découvrirent rapidement qu’Anna Slesers avait été étranglée avec la ceinture de son peignoir et ne s’était pas suicidée. Elle avait subi des violences sexuelles, avec un objet. L’autopsie allait révéler qu’elle avait été violemment frappée à la tête avant d’être étranglée.
Une enquête détaillée permit d’apprendre qu’elle était très impliquée dans sa vie religieuse, qu’elle était proche de ses deux enfants, travaillait dur et adorait la musique classique. Elle était fort discrète et avait peu d’ami(e)s. Le seul homme dans sa vie était son fils.
Les enquêteurs conclurent qu’un homme était entré chez elle dans le but de la cambrioler, mais en la voyant dans son peignoir, il avait été pris d’une pulsion sexuelle incontrôlable. Paniqué, il l’avait ensuite tuée pour éviter d’être reconnu et arrêté.
Ils se demandèrent néanmoins comment il avait pu pénétrer à l’intérieur de l’appartement, car aucun signe d’effraction n’était visible. Madame Slesers, une femme timide et réservée, n’aurait pas ouvert à un inconnu uniquement vêtue d’un peignoir. Et puis… si l’on considérait que l’agresseur était d’abord un voleur, pourquoi n’avait-il pas emporté la montre en or et les bijoux ? Il semblait avoir examiné avec soin les affaires de sa victime plutôt qu’avoir fouillé son appartement. Mais peut-être était-il furieux de n’avoir pas trouvé plus et s’était-il vengé ?
Les enquêteurs ne trouvèrent pas la moindre empreinte et personne ne se souvint avoir vu un homme rôder dans l’immeuble.
DeSalvo allait expliquer par la suite qu’il avait pris bien des précautions pour commettre son premier meurtre : il avait mis des gants et avait garé sa voiture loin de l’immeuble, pour ne pas se faire remarquer. Il avait enlevé sa chemise tachée de sang (qu’il avait ensuite jeté dans l’océan) et avait pris un imperméable chez Anna Slesers pour cacher son torse nu. Il s’était ensuite rendu dans un magasin pour acheter une nouvelle chemise, puis était tranquillement revenu chez lui pour dîner en famille, comme si de rien n’était.
Deux semaines plus tard, le 30 juin, DeSalvo annonça à son épouse qu’il allait travailler plus tôt. En fait, il conduisit au hasard sur les routes de la région jusqu’à ce qu’il arrive dans la ville de Lynn, où il avait « mesuré » des jeunes femmes deux ans auparavant.
Il entra dans un immeuble de la Newhall Street et frappa au hasard à la porte d’un appartement du deuxième étage. Helen Blake, une infirmière à la retraite de 65 ans, divorcée, ouvrit la porte en pyjama.
Son corps fut découvert le 2 juillet, presque nu, allongé sur le ventre dans son lit, les jambes écartées. Elle avait été étranglée avec l’un de ses bas nylon. Sa brassière avait également été nouée autour de son cou et présentait le nœud caractéristique, au-dessous du menton. Elle avait subi des violences sexuelles avec un objet, mais n’avait pas été violée. Du sperme fut trouvé sur ses cuisses.
Son appartement avait été fouillé, mais on retrouva de l’argent liquide et des bijoux, auxquels l’assassin n’avait pas touché. Il avait également tenté, sans succès, d’ouvrir une boîte en métal et avait cassé la lame de son couteau.
Le même jour, DeSalvo fit une seconde victime. Nina Nichols, 68 ans, fut assassinée dans son appartement au 1940, Commonwealth Avenue, à Boston. Nina Nichols était une physiothérapeute à la retraite, passionnée de musique classique et de photographie, qui menait une vie tranquille. Elle était divorcée depuis 23 ans et le seul homme dans sa vie était son beau-frère, le procureur Chester Steadman.
L’appartement semblait avoir été cambriolé : les tiroirs étaient ouverts, leurs contenus éparpillés sur le sol comme si une tornade était passée dans l’habitation. Toutefois, l’un des tiroirs contenait encore des pièces en argent et le porte-monnaie de Nina Nichols était plein. L’assassin n’avait pas non plus emporté son coûteux appareil photo ni sa belle montre, qu’elle portait encore au poignet. Par contre, il avait parcouru son carnet d’adresses et son courrier, et avait déchiré un album de photos dont les pages jonchaient le sol. Les enquêteurs déterminèrent finalement que rien n’avait été volé et qu’il n’y avait aucun signe d’effraction.
Nina Nichols était allongée sur le dos, sur le sol de sa chambre à coucher. Elle avait les jambes écartées, sa robe de chambre était déchirée et sa combinaison était remontée jusqu’à sa taille. Deux de ses bas nylons étaient fermement serrés autour de son cou, avec un nœud bouffant. Elle avait été agressée sexuellement avec une bouteille, avec une violence telle qu’elle saignait. Son assassin avait éjaculé sur ses cuisses. On estima qu’elle avait été assassinée vers 17h.
Le préfet de police Edmund McNamara, nommé en mai 1962, était embarrassé par ces morts : lorsque la population de Boston découvrit que deux femmes âgées avaient été assassinées le même jour, un vent de panique souffla sur la ville. Devant la similarité des meurtres, les enquêteurs avaient compris qu’ils n’avaient pas affaire à des crimes isolés.
McNamara décida d’avertir les femmes de la région de Boston et leur conseilla de fermer leurs portes et de se méfier des étrangers. Il annula tous les congés des policiers et ordonna à tous ses officiers de travailler sur ces affaires avec les enquêteurs du département Homicide. Ils commencèrent à enquêter sur tous les agresseurs sexuels connus et les malades mentaux violents libérés depuis peu. Suivant les premières indications des psychiatres, ils cherchaient un homme jeune, un malade mental en proie à un délire de persécution, quelqu’un qui avait probablement tué ces trois femmes âgées parce qu’il détestait sa propre mère. Il serait célibataire, vivrait seul avec sa mère et pourrait être homosexuel…
Ancien agent du FBI, McNamara contacta le Bureau afin qu’il offre un séminaire sur les crimes sexuels à ses 50 meilleurs enquêteurs.
Le 19 août 1962, Ida Irga, 75 ans, une veuve d’origine russe, timide et paisible, fut elle aussi étranglée. Elle était très proche de sa sœur et de son fils.
On la découvrit deux jours plus tard dans son appartement du 7 Grove Street, dans le quartier ouest de Boston. Là non plus, son assassin n’était pas entré de force, elle l’avait laissé entrer volontairement.
Elle était couchée sur le dos, sur le sol du salon, et sa robe déchirée exposait son corps nu. Une taie d’oreiller blanche était fermement serrée autour de son cou. Ses jambes étaient écartées et ses pieds étaient attachés aux montants des deux chaises. L’un des oreillers de son lit avait été placé sous ses fesses.
C’était l’horrible parodie d’une position gynécologique et le corps faisait face à la porte d’entrée de l’appartement, de sorte qu’on le voit immédiatement en entrant. Elle avait été étranglée manuellement. Du sang séché couvrait le haut de sa tête, sa bouche et ses oreilles. Elle avait été agressée sexuellement avec un objet.
Son appartement avait été fouillé par son assassin, mais il n’avait rien emporté.
Moins de 24h après le meurtre d’Ida Irga, une infirmière de 67 ans nommée Jane Sullivan fut assassinée dans son appartement, au 435 Columbia Road, dans le quartier de Dorchester, de l’autre côté de la ville, par rapport à l’appartement d’Ida Irga.
Son corps ne fut découvert que dix jours plus tard, le 30 août, par son neveu. Jane Sullivan était une catholique fervente, solitaire et fort méfiante.
Elle se tenait sur les genoux, dans sa baignoire, les pieds sur le rebord et la tête en dessous du robinet, dans une quinzaine de centimètres d’eau. Sa robe d’intérieur était relevée au niveau de ses épaules et son soutien-gorge était déchiré en deux. Elle avait été étranglée avec ses propres bas nylon, probablement dans la chambre ou le salon, où du sang avait été trouvé sur le sol. Elle avait sûrement été agressée sexuellement, mais son corps était tellement décomposé qu’il fut impossible de le déterminer avec certitude. On découvrit toutefois un manche à balai taché de sang. L’appartement n’avait presque pas été fouillé, mais le porte-monnaie de Jane Sullivan était ouvert (et plein…)
La panique s’empara de Boston. Les journaux titraient tous sur les meurtres, surnommant l’assassin « l’Étrangleur Fou », « Le tueur du soir » ou « l’Étrangleur Fantôme ». La peur paralysa la vie quotidienne des habitants de Boston, toutes les personnes « étranges » furent soupçonnées et les postiers comme les releveurs de compteurs trouvèrent tous porte close. Les femmes achetèrent des chiens, des verrous, des œilletons et des fermetures de fenêtre, barricadèrent les issues de leur maison et cachèrent des armes sous leur lit.
La police redoubla d’efforts. On mit en place un « Groupe Tactique d’Interventions » constitué d’une cinquantaine d’hommes choisis pour leurs aptitudes au combat, au tir et leur connaissance des méthodes d’investigations scientifiques. Ils passaient la ville au peigne fin toutes les nuits.
Les enquêteurs perdirent quant à eux du temps à tenter de trouver un lien entre les victimes : la plupart aimaient la musique classique et plusieurs avaient un lien avec le milieu médical. On chercha donc l’Étrangleur dans les salles de concert ou les hôpitaux.
Des policiers et des psychiatres se réunirent pour tenter de dresser un profil précis de l’assassin. Pour la majorité des psychiatres, le tueur n’était pas un fou éructant la bave aux lèvres, mais un homme d’apparence banale, ayant un travail quotidien et bien intégré dans la vie sociale, qui avait pourtant des problèmes psychologiques.
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