Article mis à jour le 5 mars 2023
Le 16 août 1975, un policier de l’Utah, Bob Hayward, patrouillait au volant de son véhicule dans un quartier juste en dehors du comté de Salt Lake, lorsqu’il remarqua une Coccinelle roulant doucement dans la nuit. Hayward connaissait tout le monde dans le voisinage et personne ne conduisait de Coccinelle. Lorsqu’il alluma ses phares afin de lire la plaque d’immatriculation de la voiture, le conducteur éteignit les siens et partit sur les chapeaux de roues.
Hayward prit immédiatement le véhicule en chasse. Ce dernier grilla deux stops, mais finit par s’arrêter à une station essence. Bob Hayward se gara derrière lui et posa la main sur son arme lorsque l’occupant de la voiture sortit et s’approcha de lui. C’était un jeune homme brun tout ce qu’il y avait de normal. Hayward lui demanda son permis de conduire et apprit qu’il se nommait Theodore Robert Bundy.
Bundy lui expliqua qu’il était en train de fumer un joint et que, apeuré, il avait fui par peur d’être arrêté, mais s’était ravisé en constatant sa bêtise. Un délit mineur…
Deux autres policiers qui passaient par là se garèrent devant la Coccinelle. Hayward s’avança pour les saluer et, ce faisant, il remarqua que la voiture de Bundy n’avait pas de banquette du côté passager. Il commença à se poser des questions et, avec l’aide de ses deux collègues, fouilla le véhicule.
Dans un grand sac, ils découvrirent un pied-de-biche, une cagoule de ski, un pic-à-glace, un masque taillé dans un bas, une corde, des menottes, des gants, une lampe-torche, des sacs-poubelles et des morceaux de tissu déchirés dans un drap.
Bundy fut arrêté, car soupçonné de… cambriolage. La détention d’outils pouvant servir à un cambriolage étant un délit mineur, Bundy fut rapidement relâché.
Il savait qu’il n’encourait qu’une punition symbolique et rentra chez lui l’esprit libre.
Mais peu après son arrestation, la police découvrit des liens entre lui et l’homme qui avait agressé Carol DaRonch. Les menottes trouvées dans son coffre étaient de la même marque que celles utilisées sur la jeune femme et la voiture que Carol avait décrite était une Coccinelle « couleur bronze ». Et le pied-de-biche était l’arme que l’agresseur de Carol avait utilisée pour la menacer.
Il fut placé sous surveillance et le remarqua. Il repeignit sa Volkswagen.
Il fut de nouveau arrêté, le 21 août, pour être interrogé. Il fit preuve de beaucoup de sang-froid et d’une assurance arrogante.
Il déclara qu’il utilisait la cagoule pour se protéger du froid lorsqu’il skiait et qu’il avait trouvé les menottes dans une poubelle. Le pied-de-biche était, selon lui, un outil pour sa voiture.
Il accepta que les policiers fouillent son appartement, mais il avait eu le temps de « faire le ménage » et la police ne trouva pas grand-chose. Un enquêteur, Jerry Thompson, mit malgré tout la main sur des brochures touristiques du Colorado, mais Bundy expliqua qu’il n’était jamais allé au Colorado et que la brochure avait été oubliée là par un ami.
L’enquêteur découvrit également des reçus de cartes de crédit et les prit sans le dire à Bundy.
De retour à son bureau, Jerry Thompson appela la police du Colorado et expliqua que son suspect avait coché l’hôtel Wildwood, à Snowmass, sur une brochure du Colorado. C’est à cet endroit que Caryn Campbell avait disparu. Les reçus de cartes de crédit dérobés par Thompson avaient servi à payer de l’essence à Glenwood Springs, dans le Colorado, le 12 janvier 1975, jour de la disparition de Caryn Campbell.
Bundy avait donc menti.
Les policiers commencèrent à soupçonner Ted Bundy du meurtre de Caryn Campbell et de l’enlèvement de Melissa Smith, Laura Aime et Debby Kent. Il existait trop de points communs entre les affaires pour que la police les ignore.
Les enquêteurs savaient qu’ils avaient toutefois besoin de bien plus de preuves s’ils voulaient que Bundy soit déclaré coupable.
Le 16 septembre 1975, les enquêteurs de l’état de Washington firent venir Elizabeth Kloepfer dans l’Unité de police des Crimes Graves du comté de King et lui demandèrent des informations sur Bundy. Elle avait fait part de ses soupçons plusieurs mois auparavant et ils pensaient qu’elle était la mieux placée pour connaître les habitudes et la personnalité de Bundy.
Elizabeth était nerveuse, mais voulait véritablement aider les enquêteurs. Elle expliqua que les nuits des meurtres, Bundy n’avait pas été avec elle. Il lui arrivait souvent de dormir le jour et de sortir la nuit, elle ne savait pas où.
Son intérêt sexuel envers elle avait décliné cette année, et lorsqu’il avait envie, il voulait absolument qu’elle soit attachée. Lorsqu’elle avait dit à Bundy qu’elle ne voulait plus se laisser faire, cela l’avait mis en colère.
Elizabeth Kloepfer apprit aux policiers que Bundy possédait des sachets de plâtre dans sa chambre. Elle avait également remarqué qu’il avait une hachette dans sa voiture. Elle se souvenait surtout que Ted avait été au parc du lac Sammamish en juillet, soi-disant pour faire de la planche à voile, à l’époque où Janice Ott et Denise Naslund avaient disparu.
Après des heures d’entrevue avec Elizabeth Kloepfer, les enquêteurs commencèrent à soupçonner Ted Bundy, même s’il n’était encore qu’un suspect parmi d’autres..
Les policiers apprirent que Bundy était sorti avec Elizabeth et Diane Edwards en même temps, sans que l’une soit au courant de l’existence de l’autre. Il avait vécu une double vie, remplie de mensonges et de trahisons.
Le 2 octobre 1975, Carol DaRonch, Jean Graham (qui s’occupait de la pièce de théâtre des lycéens) et une amie de Debby Kent vinrent au poste de police afin d’identifier Bundy parmi six autres hommes. À la surprise des policiers, il avait rasé sa moustache, coupé ses cheveux et les avait coiffés différemment.
Pourtant, Carol DaRonch le reconnut immédiatement. Jean Graham et l’amie de Debby Kent prirent leur temps et désignèrent Bundy comme l’homme qu’elles avaient vu rôder dans l’auditorium le soir où Debby Kent avait disparu.
Ted Bundy eut beau jurer de son innocence, les policiers étaient persuadés qu’ils avaient leur assassin. Ils prévinrent leurs collègues du Colorado et du Washington.
Les policiers continuèrent leur enquête et découvrirent d’autres éléments à charge.
- Les témoins du lac Sammamish le reconnurent comme le « jeune homme étrange » au plâtre
- Un vieil ami de Bundy vint expliquer qu’il avait vu des collants dans la boîte à gants de la voiture de Bundy
- Bundy avait passé toute sa jeunesse dans les montagnes Taylor, où les corps de certaines victimes avaient été découverts
- Un de ses amis l’avait vu se promener avec un bras dans le plâtre alors qu’il ne s’était pas cassé le bras.
Les preuves s’accumulaient, et pourtant Bundy continuait à clamer son innocence. Beaucoup de gens le crurent, dont sa mère et ses nouveaux amis de l’université de Salt Lake City.
Le 23 février 1976, Bundy fut jugé pour sa tentative d’enlèvement sur Carol DaRonch. Il s’affala un peu sur sa chaise, détendu, le sourire aux lèvres, persuadé qu’il allait être déclaré innocent. Il pensait qu’il n’existait aucune preuve solide et directe contre lui.
Mais lorsque Carol DaRonch vint témoigner, elle expliqua l’épreuve qu’elle avait subie 16 mois plus tôt avec beaucoup d’émotion. Lorsqu’on lui demanda si elle reconnaissait la personne qui l’avait agressée, elle se mit à pleurer et pointa un doigt vers Bundy.
Tout le monde tourna instinctivement les yeux vers Bundy… qui fixait froidement Carol DaRonch du regard.
Bundy affirma quant à lui qu’il n’avait jamais vu la jeune femme, mais fut incapable de fournir un alibi pour la soirée de l’agression.
Le juge passa le week-end à réfléchir avant de rendre son verdict. Il déclara Bundy « coupable, sans doute possible, d’enlèvement aggravé ». Bundy éclata en sanglots. Le juge demanda un examen psychiatrique avant d’exprimer sa sentence.
Des psychologues examinèrent Bundy. Ils déclarèrent qu’il n’était ni psychotique (fou), ni névrosé, qu’il n’était pas victime d’une maladie du cerveau, n’était ni alcoolique, ni drogué, ne souffrait pas d’amnésie et n’était pas « déviant sexuellement ». Ils conclurent qu’il avait une grande dépendance (comme une drogue) envers les femmes et que cette dépendance était suspecte. Ils ajoutèrent qu’il avait peur d’être humilié dans ses relations avec les femmes et qu’il existait des « indications de colère cachée envers les femmes ».
Le 30 juin, Bundy fut condamné à « 1 à 15 ans de prison ». Il pouvait être libéré sur parole au bout de 15 mois d’emprisonnement.
Alors que Bundy était incarcéré à la prison d’État de l’Utah, les enquêteurs commencèrent à chercher des preuves qui le relieraient aux meurtres de Caryn Campbell et Melissa Smith. Ils découvrirent des cheveux dans la Coccinelle de Bundy et les envoyèrent aux laboratoires du FBI. Ceux-ci déclarèrent qu’ils étaient « très semblables » à ceux de Caryn Campbell et Melissa Smith. Un examen approfondi du corps de Caryn Campbell montra que les « marques » de lésions sur son crâne avaient été faites par un objet pointu, et que ces « marques » correspondaient au pied-de-biche découvert dans le véhicule de Bundy.
Le 22 octobre 1976, Bundy fut officiellement inculpé du meurtre de Caryn Campbell.
Dans les états de Washington et de l’Utah, la famille, les ex-collègues, les amis et les « frères » mormons de Bundy furent abasourdis lorsque les journalistes annoncèrent qu’il était sans doute un tueur en série. Ils crurent d’abord, tout comme les médias, que la police avait commis une erreur ou essayait de trouver un coupable, quel qu’il soit. Mais cette illusion s’effondra rapidement, à mesure que les preuves s’accumulaient.
En avril 1977, Bundy fut transféré au pénitencier du comté de Garfield, dans le Colorado, pour participer à son procès. Durant la préparation du procès, il se querella souvent avec son avocat. Il le trouvait idiot et incapable, et finit par le congédier.
Comme il avait étudié le droit, il pensa qu’il pourrait très bien se défendre seul et décida de se représenter lui-même. Il pensait qu’il pourrait gagner son procès, prévu pour le 14 novembre 1977.
Il avait beaucoup de travail et prenait sa défense à cœur. Comme il se conduisait de manière charmante et qu’il semblait sérieux, on l’autorisa à quitter sa cellule sans être menotté et à utiliser la bibliothèque du tribunal d’Aspen afin de procéder à des recherches.
Le 7 juin 1977 eut lieu son audience préliminaire. À l’heure du repas, il se rendit dans la bibliothèque, comme à son habitude, au deuxième étage. Il parvint à sauter d’une fenêtre ouverte et bien qu’il se tordit la cheville, il se mit à courir. Le temps que les gardiens réalisent son absence, il était déjà loin. Il ne portait pas de menottes aux chevilles ni aux poignets, et se fondit rapidement dans la population d’Aspen.
La police dressa immédiatement des barrages tout autour de la ville, publia un avis de recherche, organisa des battues dans la campagne environnante, utilisa des chiens et accueillit 150 volontaires.
Bundy réussit à se nourrir en volant de la nourriture dans les chalets locaux, dormant parfois dans l’un d’eux s’il était abandonné. Mais il savait que cela ne pourrait durer longtemps et qu’il avait besoin d’une voiture. Il eut un coup de chance lorsqu’il découvrit une voiture vide dont les clés pendaient sur le tableau de bord.
Mais il fut remarqué par des policiers peu avant un barrage routier et arrêté, six jours après son évasion. Il fut très heureux de découvrir que de nombreux journalistes l’attendaient devant le poste de police et leur offrit un beau sourire…
À partir de ce moment-là, on lui laissa les menottes aux poignets et aux chevilles dès qu’il sortait de cellule, et des gardiens restèrent avec lui dans la librairie. Il recommença à préparer sa défense, avec l’aide de conseillers nommés par la cour. Il travailla beaucoup et parvint à faire exclure le témoignage de Carol DaRonch pour son futur procès.
Sept mois plus tard, Bundy s’évada de nouveau.
Le 30 décembre 1977, profitant du nombre réduit de surveillants pénitentiaires à cause des fêtes de fin d’année, il découpa le plafond de sa cellule, rampa sur le faux-plafond du pénitencier et parvint à trouver une autre ouverture dans le plafond qui donnait sur un placard, dans l’appartement d’un gardien.
Bundy se cacha dans le placard et attendit que l’appartement soit vide, puis sortit tranquillement par la porte d’entrée.
On ne découvrit sa disparition que l’après-midi, 15 heures après son évasion.
Le temps que la police soit prévenue, Bundy était déjà en route pour Chicago, l’une des étapes sur la route qui allait le mener en Floride.
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