Article mis à jour le 5 mars 2023
Mode opératoire
Les autorités ont souvent mis beaucoup de temps à retrouver les corps des victimes de Bundy et n’ont souvent découvert que des crânes. Vu leur état, il était donc difficile de savoir comment il les avait tuées…
Bundy s’en prenait toujours à des jeunes femmes, souvent des étudiantes, qui avaient des cheveux longs et portaient généralement un pantalon : le type de femme qu’il appréciait physiquement… et détestait psychiquement, car elles lui rappelaient sa propre inadéquation à la société et ses échecs dans la vie (comme Ed Kemper). Elles ressemblaient physiquement à Diane Edwards.
Il les repérait, les suivait, puis les approchait avec un prétexte bien élaboré. Il faisait semblant d’avoir le bras cassé et d’avoir besoin d’aide (Dans « Le Silence de Agneaux », Buffalo Bill utilise cette technique de Bundy pour que sa future victime entre dans son van) ou se faisait passer pour un agent de sécurité, etc.
Elles le suivaient et lorsqu’ils se retrouvaient dans un endroit discret, seuls, il les frappait violemment à la tête (souvent avec un pied-de-biche) et les jetait dans sa voiture. Tout se passait très rapidement.
Certaines sont mortes de cette blessure à la tête. D’autres ont survécu durant des heures ou des jours jusqu’à ce que Bundy les étrangle.
Bundy conduisait souvent sur des kilomètres, ses victimes inconscientes ou mortes dans sa voiture. Puis, il s’arrêtait dans un endroit tranquille, les violait et les mutilait.
Ensuite, il les déshabillait et jetait leur corps, généralement dans des endroits boisés qu’il avait repérés à l’avance.
Lorsque les corps étaient découverts, ils étaient souvent totalement décomposés. Leurs crânes et leurs squelettes portaient les traces des dents d’animaux sauvages et étaient dispersés sur des centaines de mètres.
Bundy était nécrophile. Les policiers ne découvrirent pas toujours des corps entiers. Ainsi, dans les Taylor Moutains, non loin du lac Sammammish, ils ne découvrirent que des têtes décapitées. Bundy faisait « quelque chose » avec ses têtes ou ses corps décapités.
Il lui arrivait de revenir dans les endroits où il avait abandonné le corps d’une victime, pour accomplir des actes sexuels avec ce cadavre.
L’une des victimes découvertes dans l’Utah portait des faux cils et du maquillage qu’elle n’utilisait pas normalement. Cela indique que Bundy l’avait sûrement maquillée lui-même.
Les motivations de Ted Bundy
Bundy était considéré par celles et ceux qui le connaissaient comme un homme sincère, intelligent et courtois envers les femmes. Il était beau, charmeur et les femmes le trouvaient irrésistible.
Les amis de Bundy l’admiraient. Les hommes plus âgés appréciaient Bundy pour son esprit conventionnel et son air assuré. Beaucoup d’entre eux le traitaient comme un neveu ou un petit frère.
« Les gens, a dit le procureur Dekle en Floride, pensent qu’un criminel est un bossu difforme aux yeux qui louchent, qui se glisse dans l’obscurité en laissant un filet de bave derrière lui. Ils oublient souvent que les criminels sont des êtres humains ».
En fait, Ted Bundy, comme bien des tueurs en série, était bien un monstre difforme, mais celui-ci se situait dans son esprit et non pas sur son physique. Il se cachait derrière ce que les psychiatres appellent le « masque de normalité ». Ce masque est fabriqué par le tueur en série, ce n’est qu’une image qu’il donne de lui-même, mais c’est généralement une image terriblement efficace et impénétrable.
Une fois que Bundy a été inculpé, presque tous les critères du « désordre de personnalité antisocial » ont été identifiés en lui : violence, mépris pour la vérité et les règles sociales, vol, impulsivité, incapacité à ressentir de la culpabilité ou des remords, etc.
Mais avant ces inculpations, personne n’avait pris le comportement de Ted Bundy pour ce qu’il était, car personne ne voyait derrière le masque. Bundy lui-même ne comprenait pas toujours pourquoi il agissait comme il le faisait.
C’est également sa quête d’identité qui le poussa à mentir, à se présenter différemment, à prétendre être quelqu’un d’autre. La seule personne qu’il ne voulait pas être, c’était Ted Bundy, celui qui n’avait rien de particulier.
Et comme il ne parvenait pas à comprendre les relations sociales entre les gens (amitiés, amour, etc), il s’était créé une série de « déguisements », de masques et d’apparences sociales afin de s’intégrer malgré tout. Il vivait pour représenter une image qu’il voulait désespérément être, mais ne pouvait jamais atteindre.
Son « masque de normalité » lui permettait de cacher la réalité aux autres et de la nier envers lui-même. Il lui conférait également le pouvoir de manipuler les gens, d’une manière quasiment magique. C’est ce pouvoir qui a fait de lui un tueur en série si « efficace ». C’est ce pouvoir qui lui a permis de s’échapper par deux fois de sa prison du Colorado.
Et il attirait les femmes. Pendant des années, plusieurs femmes furent physiquement intimes avec lui (souvent avec bonheur) et bien d’autres auraient aimé l’être. Il inspira des amours passionnés et des amours sans espoir, tel celui de son épouse, Carole Boone, que Bundy encouragea à le croire innocent jusqu’à la veille de son exécution.
Parce qu’il pouvait facilement manipuler les femmes, elles étaient importantes pour lui et il cherchait leur compagnie. Elles lui permettaient de se sentir en position de force, de domination. Il n’a jamais laissé aucune femme être totalement intime avec lui, même Elizabeth Koepfler, Diane Edwards ou Carol Boone. Il a toujours gardé une grande partie de lui secrète.
Les journalistes ont toujours parlé de sa normalité apparente, de son intelligence, de son sex-appeal, de son « Républicanisme ». Mais ils n’ont pas expliqué qu’il se rongeait les ongles et se curait le nez compulsivement, qu’il était intelligent, mais n’était pas un génie (son QI était de 122), qu’il était plutôt bon élève au lycée, mais qu’il a très souvent échoué à l’Université, qu’il lisait mal et lentement, qu’il prononçait fréquemment les mots de manière incorrecte, qu’il bégayait lorsqu’il était nerveux et qu’il n’avait acquis qu’une sophistication de surface.
Au milieu des nombreux tueurs considérés comme « fous », Bundy semble être un génie criminel, une sorte de personnage fictif qui n’était pas un solitaire, un paumé ou un perdant. Et pourtant, il l’était. Il n’en avait tout simplement pas l’air.
Bundy affirmait qu’il était lui-même une victime, d’un avocat incompétent, d’une mauvaise publicité antérieure au procès et de preuves manipulées. Il expliquait avoir été pris dans un monstrueux embrouillamini de coïncidences. Il répétait, encore et encore, à qui voulait l’entendre, qu’il était innocent.
Et pourtant, lorsque les journalistes ou les policiers venaient l’interroger au sujet des meurtres, il se renfermait ou mentait effrontément. Il ne pouvait présenter aucun élément le disculpant, aucun alibi pour aucun des meurtres, ni même une interprétation crédible pour les faits connus.
Il expliquait qu’il n’avait que peu de souvenirs de ces périodes (alors qu’il pouvait parler en détail d’événements joyeux s’étant déroulés à la même époque…) ou plongeait tout simplement dans de longs silences.
Par contre, il aimait montrer les lettres enflammées qu’on lui envoyait. Il était lui-même son plus grand fan.
Bundy était socialement, émotionnellement, peu développé. Il avait à peine plus de maturité qu’un pré-adolescent. Les fantasmes de Bundy étaient grossiers, plus typiques d’un gamin de 13 ans mal informé que d’un adulte. Un esprit d’enfant dirigeait les actions d’un corps d’homme.
Ted Bundy possédait également une grande capacité à dissocier les choses. Il compartimentait tout dans sa vie et trouvait toujours des explications (satisfaisantes pour lui) à ce qui se passait. Son esprit était un labyrinthe. Au fil des années, il avait créé tout un édifice mental compliqué dans son cerveau.
Son immaturité émotionnelle et sa compétence à compartimenter sa vie peuvent expliquer comment Bundy pouvait vivre avec ses meurtres tout en les niant, même face à des preuves accablantes.
Mais Bundy n’était pas schizophrène et n’avait pas non plus de « double personnalité », il le disait lui-même.
Ce ne sont pas seulement ses problèmes sociaux et sa pauvre idée de lui-même qui l’ont conduit à tuer. Il s’est enfoncé dans un monde de fantasmes sexuels de plus en plus violents et a « consommé » beaucoup de revues et de vidéos pornographiques violentes. Pour lui, la pornographie était « un moyen d’expérimenter, de vivre par la pensée, ce que d’autres vivaient réellement » La pornographie est « l’utilisation, l’abus, la possession de femmes comme des objets ». Du fantasme à la réalité, il n’y eut qu’un pas, que Bundy franchit volontairement.
Il devint de plus en plus violent, mais parvint à cacher son désordre intérieur à celles et ceux qui le connaissaient. Il appelait cela une «situation hybride», parlait d’une «entité» qui était à la fois en lui et avec lui, pas comme une autre personnalité, mais comme un pouvoir destructeur qui grandissait en lui. Ce n’est que grâce à son incroyable capacité à compartimenter sa vie que Bundy a été capable de maintenir le masque sur son visage.
Il nourrit d’abord ses fantasmes grâce au voyeurisme. Il se mit également à boire beaucoup d’alcool, volontairement, se préparant graduellement à tuer. Il commença à réaliser ses fantasmes tout d’abord en suivant des femmes, puis en les agressant. Tout comme Ed Kemper, avant même de commencer à tuer, Ted Bundy avait repéré des endroits où il pourrait abandonner les corps de ses victimes.
Bundy a eu le désir conscient de s’abandonner à ses pulsions violentes, de devenir un tueur en série et de créer ce masque pour le cacher. Il n’agissait pas à cause d’une pulsion irrésistible et incontrôlable. Non. De sa propre volonté, il a créé le tueur en lui.
Durant son adolescence, il a tenté d’entretenir l’image d’une personne publique qui soit crédible, de créer son « masque de normalité ». Étant dénué d’émotions adultes véritables, il dut paraître normal alors qu’intérieurement se déchaînait un grand tumulte.
Il a appris à imiter des émotions qui lui étaient étrangères, à acquérir un comportement approprié à travers l’imitation et l’artifice. Ce processus a été douloureux et bouleversant pour lui, chaque faux pas étant ressenti comme une humiliation. Il était déconcerté par son incapacité à cultiver la moindre relation adulte. Il ne comprenait pas pourquoi les gens voulaient être amis, il ne savait pas ce qui faisait que les gens pouvaient être attirés les uns par les autres.
Ses efforts pour s’intégrer disparaissaient lorsqu’il se sentait rejeté. Chaque défaite, grande ou petite, était perçue comme dévastatrice.
Durant sa première année à l’université, Bundy ne sortit qu’avec une seule fille. Il expliqua qu’il était particulièrement insensible, ne remarquant pas quand une femme était intéressée par lui. Lorsqu’on lui disait qu’il était beau garçon, il ne le croyait pas, se dévaluant toujours à ses propres yeux.
L’anxiété au sujet de son statut, de son niveau social était particulièrement intense dans ses relations avec les femmes.
Bundy ne voulait pas connaître la jeune femme à laquelle il s’attaquait, il en avait même peur. Alors, il l’assommait ou même la tuait rapidement afin d’avoir un contrôle total sur elle.
Pour Ted Bundy, la violence n’a jamais été une fin en soi et le sexe était presque superficiel. La gratification ne reposait pas sur l’agression et le meurtre, mais sur le contrôle et la possession.
Bundy pouvait continuer à fantasmer sur ses actes, à se masturber ou même avoir une relation sexuelle normale avec l’une de ses conquêtes, tout en pensant à ses meurtres. C’est une autre forme de possession.
Il a enlevé et assassiné des étudiantes, jeunes, belles et intelligentes. C’était la manière dont son esprit effrayé par le statut social pouvait concevoir la possession.
Lors de ses premiers meurtres, il a frappé ses victimes à la tête «pour voir ce que ça ferait». Au départ, cela l’a horrifié, mais lorsque cet effroi a disparu, il a commencé à aimer ça. Il s’est conditionné pour ne plus ressentir aucune angoisse et a commencé tôt.
Robert Keppel l’a interrogé peu avant son exécution et a fini par comprendre que Bundy a dû commettre ses premières agressions en 1968. Cette année-là, deux hôtesses de l’air avaient été attaquées non loin du quartier où il vivait et deux autres jeunes femmes, dont l’une est décédée, avaient été violemment frappées à la tête.
Beaucoup de gens pensent que Bundy est allé en Floride parce que cet état applique la peine de mort et qu’il voulait être condamné à la peine capitale, comme dans une sorte de suicide par procuration. Il est nettement plus probable que Bundy se soit rendu en Floride simplement parce qu’il y fait beau et que les femmes s’y promènent en short ou en bikini…
Dans la maison des « Chi Omega », son intention était de tuer toutes les femmes présentes. Il n’avait pas prévu que Nita Neary serait présente ; d’ailleurs, à quelques secondes près, il serait parti avant qu’elle n’arrive et ne le voit. Il avait beaucoup bu et se posait beaucoup de questions sur son avenir.
Il était devenu moins prudent, plus impulsif, et s’est « laissé aller » à de terribles violences dans un endroit où vivaient de nombreuses femmes et où, surtout, d’autres pouvaient arriver d’un moment à un autre.
Finalement, Bundy était frustré d’avoir été arrêté (car il ne pouvait plus tuer), mais il était heureux d’être devenu célèbre. Il obtint la célébrité qu’il avait désespérément cherchée.
Les procès ont également été un moyen pour Bundy de satisfaire son désire de revanche sur une société qui, selon lui, l’avait calomnié. Il ne se sentait coupable de rien.
Ted Bundy était un homme incroyablement complexe. Il était fier et pompeux, il voulait être en relation avec des gouverneurs et des avocats, des gens importants. Mais il était également pitoyable, incapable de vraiment réaliser quoi que ce soit d’important dans sa vie si une femme ne l’encourageait pas. C’était un perdant facilement découragé. Il était terrifié par ses propres actes.
Après un meurtre, il était souvent confus et bouleversé et ne savait pas quoi faire. Il jetait des objets par la vitre de sa voiture en s’éloignant de la scène du crime et ensuite, il revenait sur la route pour les ramasser et ne laisser aucune trace.
Mais c’était également un psychopathe rusé et sans pitié. Il pouvait être aussi invisible qu’il le voulait et pouvait manipuler les gens autour de lui, amis, amantes, famille, policiers, gardiens de prison, avocats, groupies…
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