Article mis à jour le 20 août 2022
Nom : Anatoly Yuriyovych Onoprienko
Surnom : « La bête de l’Ukraine », « Terminator », « Citoyen O ».
Né le : 25 juillet 1959
Mort le : 27 août 2013, dans la prison de Zhytomyr, Ukraine (crise cardiaque).
Fou ou sain d’esprit, Anatoly Onoprienko était obsédé par le meurtre, la violence et la destruction. Surnommé « Terminator » par les médias Ukrainiens, il a massacré des couples et des familles de manière extrêmement brutale. Après son arrestation, Onoprienko a avoué avoir assassiné plus de 50 personnes.
Informations personnelles
Né dans le village de Lasky, dans l’oblast (région) de Zhytomyr, Anatoly Onoprienko était le plus jeune des deux fils de Yuri Onoprienko. Son frère, Valentin, avait 13 ans de plus que lui.
Le père d’Onoprienko s’était enfui de chez lui à 14 ans pour aller se battre sur le front durant la Seconde Guerre Mondiale. Il en était revenu avec des décorations et le grade de sergent, reçus pour son courage. La guerre terminée, il avait travaillé comme mécanicien de locomotive, chauffeur et commerçant. Alcoolique, il avait également été condamné deux fois, pour avoir volé un morceau de saindoux, et pour ne pas avoir rendu l’argent qu’il avait emprunté à ses parents.
La mère d’Anatoly mourut quand il avait 3 ans, en 1962. Ses grands-parents puis, à leur décès, une tante s’occupèrent de lui. Mais lorsqu’il eut environ 7 ans, sa famille, par manque d’argent, finit par le placer dans un orphelinat du village de Privitnoe.
Onoprienko allait expliquer plus tard qu’il avait été profondément blessé que son père l’abandonne alors qu’il avait gardé son frère ainé. À l’orphelinat, les autres enfants se moquaient de lui en disant que son père n’avait pas voulu de lui. Anatoly Onoprienko se sentait « insulté » et s’échappa à plusieurs reprises de l’orphelinat, mais fut toujours repris. À chaque fois, il courrait vers une forêt proche et, avec le temps, il commença à allumer des incendies. Des années plus tard, cette passion pour le feu aller le mener à brûler des habitations.
Jusqu’à son décès, sa grand-mère lui apporta souvent de la nourriture qu’elle avait préparée. Anatoly Onoprienko, bien que timide, parvint à se faire des amis, notamment parce qu’il jouait au football.
Son père Yuri se remaria et s’installa à Lasky avec sa nouvelle épouse et leur fils Mikhail, mais ne s’occupa jamais du jeune Anatoly. Il divorça et alla s’installer dans la ville de Frolovo, dans la région de Volgograd, où il se maria pour la 3ᵉ fois. Il mourut dans les années 1970.
Son frère Valentin ne put pas non plus s’occuper de son petit frère : il se maria jeune, eu rapidement 3 enfants et son petit salaire d’instituteur lui permettait à peine de faire vivre sa famille.
À 14 ans, Anatoly Onoprienko entra en apprentissage pour apprendre la sylviculture. Malheureusement, il commença à boire de l’alcool et à commettre de petits vols. Il arrêta ses études à 17 ans et décida d’entrer dans l’armée. Il y apprit le maniement des armes à feu, mais il semble que les premiers symptômes de sa maladie mentale firent leurs apparitions à cette époque : il avait l’impression d’être stupide, car il ne parvenait plus à comprendre les gens.
Sa vie sembla s’améliorer après son service militaire. Il fut accepté dans une école nautique, se mit à pratiquer plusieurs sports et suivit des leçons de karaté. Bien que peu sociable, il était plutôt beau garçon et avait du succès auprès du sexe opposé.
Une fois devenu marin, il visita de nombreuses villes différentes. Il obtint un emploi dans un navire de croisière à Odessa et il prit l’habitude de voler de l’argent dans les cabines des clients. Il tenta d’impressionner ses petites-amies en leur offrant des cadeaux achetés avec l’argent volé. Lorsque sa hiérarchie découvrit les vols, il ne fut pas renvoyé, mais fut rétrogradé à la réserve.
Il cessa ce travail 1986 et s’engagea chez les pompiers, emploi qu’il ne garda pas bien longtemps.
Il rencontra une jeune femme avec laquelle il s’établit et ils eurent un fils. Puis, du jour au lendemain, Onoprienko la quitta et partit vivre dans une autre ville. Il ne revit plus jamais ni son ex-compagne, ni son fils.
Crimes et châtiments
En 1989, Anatoly Onoprienko, 30 ans, rencontra Sergei (Serhiy) Rogozin, un vétéran de la guerre d’Afghanistan, père de famille mais petit voleur, dans une salle de sports locale où ils travaillaient tous les deux. Ils se lièrent d’amitié et commencèrent à passer beaucoup de temps ensemble. Leur amitié se transforma finalement en partenariat criminel. Ils se mirent à cambrioler des maisons ou des voitures pour compléter leurs maigres revenus.
À l’époque, l’URSS était en train de s’effondrer et, comme allait le dire l’avocat d’Onoprienko par la suite : « Plus personne n’était responsable de quoi que ce soit ». Le système rigide de responsabilité et d’inspection auquel tous avaient été habitués pendant des décennies cessait d’exister. De nombreux cadres et enquêteurs d’expérience quittaient la police pour être embauchés par des services de sécurités privés. Un nouveau système judiciaire se mettait sur pied.
Dans le chaos ambiant, Onoprienko put tuer sans être arrêté.
Anatoly Onoprienko commit son premier meurtre le 14 juin 1989. Ce jour-là, Rogozin et lui revenaient en voiture de la région de Novgorod, où ils étaient allés vendre des cerises sauvages. Onoprienko conduisait et proposa à Rogozin de voler une voiture. Rogozin hésita, mais finit par accepter. Dans le district de Synelnykove, Onoprienko remarqua une grosse Lada aux phares éteins, garée sur le bas-côté de l’autoroute, avec une remorque… et un couple dormant à l’intérieur.
Armé d’un fusil de chasse, Onoprienko se rapprocha de la Lada, où dormait une famille. Il tua rapidement Oleg Melnik, 31 ans, puis força son épouse, Ludmila, 31 ans, à sortir de la voiture et à se diriger vers une forêt toute proche. La jeune femme sortit, mais se mit à crier à l’aide. Onoprienko l’abattu immédiatement. Il sortit ensuite tous les objets de valeur de la voiture, puis cacha les corps dans la forêt en les couvrant de poussière et de brindilles. Il ordonna à Rogozin de le suivre en voiture et se mis au volant de la Lada, qu’il conduisit plusieurs kilomètres plus loin, avant de l’incendier.
Rogozin se montra nerveux sur le chemin du retour, lui demandant pourquoi il avait tué le couple au lieu de se contenter de les voler. Onoprienko laissa entendre que si son ami en parlait à la police, il tuerait sa femme et sa fille. Rogozin décida de garder le silence.
Le 16 juillet 1989, ils tuèrent à nouveau un couple dans leur voiture. Victor Vasylyuk (43 ans) et son épouse Anna (32 ans), des Polonais qui rendaient visite à leur famille en Ukraine, furent abattus près de Koretsky, dans la région de Rivne. Onoprienko, de nouveau, brûla leur voiture une fois son crime accompli. Le couple Vasylyuk transportait une grosse somme d’argent et les deux assassins se réjouirent de leur butin, mais Rogozin se montra de plus en plus nerveux. De son côté, Onoprienko restait très calme.
(Quelques jours plus tard, la police locale arrêta un couple de toxicomanes et les tortura pour qu’ils avouent les meurtres. L’homme se suicida en prison et la femme mourut à l’hôpital. Les enquêteurs annoncèrent triomphalement que l’affaire avait été résolue et l’un d’eux obtint une promotion).
Selon les sources, Rogozin et Onoprienko auraient également assassiné une famille de 10 personnes durant l’été 1989, une nuit qu’ils cambriolaient une maison isolée à l’extérieur de la ville. Les propriétaires les auraient découverts. Les deux hommes portaient des armes à feu « au cas où, pour se défendre » et estimèrent qu’ils devaient tuer les occupants pour ne laisser aucun témoin, s’ils voulaient éviter la prison. Mais d’autres sources ne citent pas du tout ce massacre.
Dans l’acte d’accusation du procès d’Onoprienko, ce massacre ne figure pas dans la liste des victimes.
Le 16 août 1989, Onoprienko et Rogozin revenait de la ville d’Odessa dans la nuit lorsqu’ils aperçurent une voiture près de Melytopol. Les occupants du véhicule revenaient de vacances et s’étaient arrêté pour dormir. Onoprienko frappa à la fenêtre, mais le conducteur, Yevgeny Podolyak, 35 ans, paniqua lorsqu’il vit l’arme d’Onoprienko. Il tenta de la désarmer et Onoprienko le tua. Il réalisa alors que l’épouse de Yevgeny, Olga, 25 ans, ainsi que ses 3 sœurs, Valentina, 27 ans, Paula, 22 ans, et Lena 11 ans, étaient, elles aussi, dans la voiture. Il les tua toutes les quatre. Ensuite, il mit le feu à la voiture et, comprenant que l’une des sœurs était encore en vie, il la poignarda dans le dos à plusieurs reprises.
Onoprienko allait expliquer par la suite qu’il s’était approché de la voiture avec la seule intention de la voler. « J’étais complètement différent alors, si j’avais su qu’il y avait cinq personnes à l’intérieur, je serais parti. » Après ces meurtres, il avait tenté de suicider. « J’ai mis un pistolet sur ma tête, mais la balle ne voulait pas sortir. »
Quelque temps plus tard, Sergei Rogozin et Anatoly Onoprienko se brouillèrent et rompirent tout contact.
Les enquêteurs, cette fois-ci, travaillèrent de manière rapide et efficace. Ils parvinrent à identifier la marque du véhicule qui s’était arrêté à côté de la famille Podolyak, une Lada 9, et commencèrent à interroger tous les propriétaires de ce modèle de voiture. Ils s’intéressèrent d’abord aux hommes qui avaient déjà un casier judiciaire, puis à ceux qui possédaient un fusil de chasse de calibre 12. C’était le cas de Sergei Rogozin. Interrogé, il n’avoua aucun crime, mais parla d’Onoprienko, expliquant qu’il possédait plusieurs armes à feu. Les enquêteurs s’approchèrent peu à peu d’Onoprienko, qui déguerpit à Odessa, de l’autre côté du pays. Il semble alors que les policiers de la région de Zaporozhia prévinrent leurs collègues d’Odessa afin qu’ils interrogent Onoprienko sur place, mais le dossier se perdit en route…
Onoprienko décida de quitter l’Ukraine pour se faire oublier. Il vécut en solitaire pendant plusieurs années et voyagea à travers l’Europe, en Hongrie, en Yougoslavie, en Grèce, en Espagne, au Danemark, en Autriche et en Suède avant d’être expulsé d’Allemagne, en 1992, pour être entré illégalement dans le pays. Il retourna en Hongrie six mois plus tard. Il vécut de vols et de cambriolages, mais nia avoir tué qui que ce soit durant ce laps de temps.
Le 31 mai 1994, à Kiev, la capitale de l’Ukraine, Anatoly Onoprienko fut arrêté par la police pour trouble à l’ordre public. Il était resté près d’une heure devant la cabine d’un préposé à la vente des billets de la gare de Kiev, et une file d’attente de voyageurs mécontents avait attiré l’attention de la police. Onoprienko n’avait pas échangé un seul mot avec l’employé et n’avait pas bougé d’un pouce. Interrogé par les policiers, il finit pas répondre, sans lâcher l’employé du regard, qu’il était « en train de l’hypnotiser ». Emmené au commissariat, il ne voulut pas révéler son identité. Il n’avait commis aucun crime grave, mais les policiers pensèrent qu’il devait souffrir de problèmes mentaux. Il fut donc interné dans l’hôpital psychiatrique de Kiev, où il subit plusieurs examens. Les psychiatres le déclarèrent schizophrène. Il fut soigné durant 4 mois et reçu un traitement à base de neuroleptiques, puis fut libéré le 16 septembre 1994. Il disparut sans laisser de traces.
Il fut par la suite arrêté pour des vols en septembre 1994 et en octobre 1995.
En novembre 1995, il se présenta à la porte de son cousin, Pyotr, qui l’accueillit chez lui.
Son épouse Yelena n’appréciait guère la froideur de ce cousin et demanda à son époux de ne pas le garder chez eux. Respectueux des traditions familiales ukrainiennes qui veulent qu’on aide les membres de sa famille, Pyotr décida plutôt de jouer les entremetteurs : il présenta à son cousin une jolie jeune femme, Anna Kozakh, mère de deux enfants, et ils commencèrent à se fréquenter.
Onoprienko lui raconta qu’il était homme d’affaires et devait souvent voyager, elle ne questionna jamais ses absences.
Onoprienko avait eu peur qu’en rentrant en Ukraine, il soit soupçonné et/ou accusé des meurtres commis en 1989. Mais il n’en fut rien. Non seulement il n’était pas recherché, mais il semblait bien que, dans le bouleversement des années ayant suivi l’effondrement de l’ex-URSS, personne n’avait enquêté sur ses crimes.
Onoprienko tua de nouveau le 24 décembre 1995 et n’allait plus s’arrêter jusqu’à sa capture par la police.
Ce soir-là, il pénétra dans la maison isolée de la famille Zaichenko, située dans la petite ville de Gamarnya, au nord de l’Ukraine. Vers minuit, Nikolai Zaichenko, 27 ans, entendit des bruits étranges provenant de l’une des fenêtres, comme si quelqu’un avait jeté des cailloux. Il ouvrit la porte d’entrée pour voir ce qui se passait. Onoprienko lui tira une balle en plein visage avec un fusil de chasse, puis une seconde dans la poitrine. Son épouse Julia, 25 ans, accouru et se retrouva devant l’assassin de son mari, qui sortit un couteau. Onoprienko la poignarda, ainsi que ses jeunes fils, Boris, 3 ans, et Oleg, 3 mois. Il s’enfuit avec les alliances du couple (il coupa leur annulaire pour les récupérer), une petite croix en or sur une chaîne, des boucles d’oreilles et un sac de vêtements usés. Avant de quitter la scène du crime, il mit le feu à la maison.
Les enquêteurs et les habitants de Gamarnya furent profondément choqués par ces meurtres : Julia Zaichenko avait été retrouvée allongée sur le dos, le corps du petit Oleg posé sur sa poitrine par leur assassin, comme une provocation. La police considéra pourtant que le mobile était le vol et enquêta en ce sens.
Neuf jours plus tard, le 29 décembre 1995, il assassina de nouveau une famille de 4 personnes, avant de brûler la maison, dans la petite ville de Bratkovychy, dans la région de Lviv, près de la frontière avec la Pologne. La famille Kryuchkov fut abattue avec le même fusil de chasse : Pyotr, 27 ans, son épouse Maria, 23 ans, et leurs deux sœurs jumelles de cette dernière, Lesya et Myroslav, 18 ans. En fuyant les lieux, Onoprienko fut repéré par un travailleur local, M. Malinowski, 33 ans, et décida de le tuer lui-aussi, afin de ne pas laisser des témoins vivants qui pourraient l’identifier.
La région étant un endroit paisible où tout le monde se connaissait, la police ne put expliquer ce qui avait pu se passer ni pourquoi les Kryuchkov avaient été assassinés.
Aux alentours du 1er janvier 1996, Anatoly Onoprienko demanda Anna en mariage, en utilisant une bague qu’il avait volée à l’une de ses victimes.
Moins d’un mois plus tard, dans la nuit du 5 au 6 janvier 1996 (jour du Noël pour l’Église orthodoxe), Onoprienko assassina plusieurs personnes, au hasard, à Energordar. Cette ville de l’est de l’Ukraine est surtout connue pour son immense centrale nucléaire et son centre d’affaires. Onoprienko traînait près de l’autoroute Berdyansk-Dnieprovskaya et décida de tuer les personnes qu’il croiserait. Il assassina 7 personnes avec une arme de gros calibre : Sergei Odintsov, un homme d’affaires de 37 ans ; Tamara Dolinin, une banquière de 32 ans ; Alexander Rybalko, un policier de 35 ans ; Sergei Garmash, 35 ans ; Victor Kasayev, un soldat de 35 ans ; Anatoly Savitsky, un chauffeur de taxi de 45 ans ; et Nadezhda Kochergina, un agriculteur de 45 ans.
La découverte des 7 corps dans la neige, le matin du 6 janvier, provoqua la panique à Energordar. Les meurtres ne semblaient avoir aucun sens. Sergei Odintsov, Tamara Dolinin et Anatoly Savitsky furent retrouvés partiellement brûlés dans une voiture en feu sur l’autoroute. Le corps de Nadezhda Kochergina était allongé quelques mètres plus loin. Les cadavres d’Alexander Rybalko, Sergei Garmash et Victor Kasayev furent découverts à quelques mètres les uns des autres, à 10 km de la voiture incendiée.
La police mena son enquête avec énergie, mais resta perplexe. L’enquête démontra que Sergei Odintsov et Tamara Dolinin étaient amants, mais Anatoly Savitsky n’avait aucun lien avec eux. Nadezhda Kochergina n’avait quant à lui aucun lien avec les 3 corps trouvés dans la voiture en feu. Il vivait non loin de là où son corps avait été découvert et c’était sans doute retrouvé « au mauvais endroit au mauvais moment ». Alexander Rybalko et Sergei Garmash étaient amis, mais n’avaient aucun lien avec Victor Kasayev. Les enquêteurs déterminèrent que l’assassin avait tués ses 7 victimes les unes après les autres, après les avoir croisées au hasard.
Sergei Odintsov et Tamara Dolinin avaient arrêté leur voiture dans un endroit isolé pour boire du champagne et fêter Noël (une bouteille avait été retrouvée dans le véhicule). Ils avaient été surpris par leur assassin, qui leur avait tiré en plein visage. Le tueur avait ensuite placé leurs corps à l’arrière de la voiture et avait conduit sur l’autoroute Berdyansk-Dnieprovskaya. Ils avaient alors croisé deux hommes marchants sur le bas-côté, Alexander Rybalko et Sergei Garmash. Il avait dû baisser sa vitre pour leur demander quelque chose, ils s’étaient penchés et avaient eux aussi reçu un coup de feu en plein visage. Peu de temps après, il avait croisé Victor Kasayev et l’avait abattu. Huit kilomètres plus loin, il s’était arrêté à côté du taxi d’Anatoly Savitsky, garé sur le bas-côté et l’avait abattu. Il avait déplacé son corps pour le mettre dans son véhicule avec ceux de Sergei et Tamara. Il avait continué sa route sur quelques centaines de mètres puis s’était finalement garé dans le fossé et avait mis le feu à sa voiture. Et, Nadezhda Kochergina, qui passait par là, avait été sa dernière victime.
Anatoly Onoprienko attendit seulement 11 jours avant de tuer de nouveau. Le 17 janvier 1996, il revint à Bratkovychy et, durant la nuit, massacra les habitants de la maison de la famille Pilat. Vladimir Pilat, un retraité de 62 ans, entendit du bruit à l’extérieur. Tout comme l’avait fait Nikolai Zaichenko, il ouvrit la porte d’entrée pour aller voir dehors et fut abattu d’un coup de fusil en plein visage. Sa belle-fille de 26 ans, Lesya, se précipita et fut abattue à son tour. Son petit-fils de 6 ans, prénommé lui aussi Vladimir, connu le même sort. Oleg Pilat, 31 ans, l’époux de Lesya, n’eut pas le temps de réagir. Olga Pilat, 60 ans, l’épouse de Nikolai, se cacha sous son lit, mais Onoprienko la débusqua et l’abattit.
Juste avant l’aube, il mit le feu à la maison avant de partir. Lors de sa fuite, il fut aperçu par deux témoins, Galina Kondzyola, une employée de chemin de fer de 29 ans, et Stepan Zakharko, un homme de 56 ans, qu’il tua eux aussi. Leurs corps furent découverts dans la neige par un promeneur le lendemain matin.
Si le premier massacre à Bratkovychy avait choqués les habitants, ce deuxième carnage créa la panique dans la région. Des familles entières choisirent de déménager alors que d’autres plantèrent de hautes clôtures autour de leur maison. Personne ne semblait être à l’abri du tueur.
Des milliers de personnes se rendirent aux obsèques de la famille Pilat.
La police ne parvenait pas à faire le lien entre les meurtres des familles à Gamarnya et Bratkovychy, et le massacre d’Energordar. Les autorités répondirent en augmentant le nombre de policiers dans la région de Bratkovychy.
Moins de deux semaines plus tard, le 30 janvier 1996, à Fastova, dans la région de Kievskaya, à 160 km au sud de Kiev, Onoprienko commis de nouveaux meurtres. Il tua Svetlana Marusina, une infirmière de 28 ans, et ses deux jeunes fils, Boris, 7 ans et Denis, 6 ans, ainsi qu’un homme de 32 ans nommé Sergei Zagranichniy. Svetlana et ses fils furent découverts à l’extérieur de la maison, près du corps de Sergei et d’une pelle ensanglantée. Les enquêteurs pensèrent que le tueur avait voulu voler la voiture de Sergei Zagranichniy et que celui-ci s’était défendu en le frappant avec une pelle, puis avait fui, mais avait été abattu dans le dos. Entendant les coups de feu, Svetlana Marusina était sortie de chez elle, suivie par ses fils, et le tueur les avait assassinés. Denis et Sergei avaient été achevés par des coups de pelle à la tête.
Un mois plus tard, le 19 février 1996, Onoprienko se rendit dans la petite ville d’Olevsk, dans la région de Zhitomirskaya, et pénétra dans la maison de la famille Dubchak. Il abattit le père, Anatoly, 32 ans, directeur du centre sportif de la ville, en l’attirant dehors et en lui tirant dans le visage. Il massacra la mère, Julia, 31 ans, et la fille, Victora, 9 ans, à coups de marteau. Des morceaux de son crâne furent retrouvés dans le couloir et dans la chambre des parents.
Six jours plus tard, Onoprienko frappa à nouveau. Le 27 février 1996, il conduisit jusqu’à Malyn, dans la région de Lvivskaya, et pénétra dans la maison de la famille Bodnarchuk. Il attira comme à son habitude l’époux en dehors de la maison. Sergei, 31 ans, qui s’était muni d’une hache pour se défendre, reçu une décharge en pleine poitrine. Onoprienko ramassa la hache et assassina l’épouse de Sergei, Galina, 27 ans. Il monta à l’étage et trouva les deux filles du couple, Tatiana, 7 ans, et Valery, 8 ans, endormies dans leur lit. Il les assassina à coups de hache et décapita Valery.
Une heure plus tard, un voisin, Boris Tslak, 28 ans, s’approcha de l’habitation et Onoprienko décida de le tuer lui aussi. Il l’abattit puis découpa son corps avec la hache qu’il avait utilisé pour tuer les enfants. Il laissa la hache sur place.
Les autorités lancèrent alors une vaste opération impliquant plus de 100 000 policiers, agents des services spéciaux et militaires, afin de retrouver le tueur. La plupart des victimes vivaient dans des villages isolés, près de la frontière Polonaise. Le nombre très élevé de victimes avait poussé les médias à surnommer le tueur «Terminator». Pour tenter de mettre fin à la vague de meurtre, l’armée fut appelée et des véhicules blindés se mirent à patrouiller dans l’ouest du pays, 24h/24. Deux mille enquêteurs des polices fédérales et locales travaillèrent sur l’affaire. Des couvre-feux furent imposés et des milliers de soldats patrouillèrent dans les rues glacées chaque nuit. Un cordon de sécurité fut mis en place autour de Bratkovychy et toutes les personnes circulant à pied, à vélo, en bus ou en voiture furent fouillées.
C’était la plus grande chasse à l’homme jamais mise en place en Ukraine.
Sans le moindre résultat.
Le tueur frappa à nouveau. Le 22 mars 1996, Onoprienko se rendit dans le petit village de Busk, à 90 km de Bratkovychy, et y assassina les 4 membres de la famille Novosad. Mikhail, le père, 30 ans, fut attiré vers la porte d’entrée et abattu d’un coup de fusil à la poitrine. Onoprienko abattit ensuite l’épouse, Galina, 30 ans. Il parcourut ensuite la maison, pièce par pièce, et tomba sur la sœur de Galina, Irina, 26 ans, qui se cachait sous la table de la cuisine, et lui fracassa le crâne. Il trouva fille du couple, Ludimila, 10 ans, qui dormait dans sa chambre, et la poignarda. Retournant vers la porte d’entrée, il réalisa que Mikhail Novosad vivait encore et l’égorgea avec le couteau qui avait tué la petite Ludimila. Ensuite, il mit le feu à leur maison.
À la même époque, en mars 1996, un jeune homme de 26 ans, Yuriy Mozola fut arrêté en tant que suspect. Il fut interrogé durant trois jours par six membres du SBU (les services de sécurité Ukrainiens) et un représentant du bureau du procureur, et fut soumis à la torture. Il fut frappé, brûlé et reçu des décharges électriques. Il refusa toutefois d’admettre quoi que ce soit et mourut d’un arrêt cardiaque. (Après l’arrestation d’Onoprienko, les 7 tortionnaires allaient être reconnu coupables de meurtre et condamnés à des peines de prison… puis amnistiés).
En fait, Anatoly Onoprienko allait être arrêté sur un coup de chance, par hasard, grâce à des enquêteurs… qui ne furent même pas félicités par leur hiérarchie.
L’enquêteur Igor Khuney ne travaillait habituellement pas le dimanche de Pâques. Cependant, le matin du 7 avril 1996, il faisait sa ronde dans l’ex-base militaire de Yavoriv, en Ukraine occidentale. Comme tous les policiers de la ville, Khuney connaissait tous les habitants de la petite ville de Yavoriv, qui étaient pour la plupart des militaires à la retraite et leurs familles. Vers midi, il reçut un appel étrange d’un capitaine, Pyotr Onoprienko, qui vivait là avec son épouse et leurs deux enfants. Ce dernier lui expliqua qu’il avait découvert une cache d’armes dans sa maison. Il pensait qu’elles appartenaient à son cousin, qui vivait chez lui, Anatoly Onoprienko, et lui avait ordonné de décamper. Anatoly s’était fâché, réfutant les accusations de son cousin et l’avait même menacé, lui affirmant qu’il « s’occuperait » de la famille de son cousin à Pâques. Craignant pour la sécurité de sa famille, Pyotr avait décidé de porter plainte.
Il ajouta que son cousin avait récemment emménagé avec Anna et ses enfants dans la ville voisine de Zhitomirskaya.
Igor Khuney en parla à son supérieur et ces informations intriguèrent le sous-chef de police Sergei Kryukov, qui venait de lire un rapport de police sur un fusil de chasse Toz-34 calibre 12, utilisé lors du massacre d’une famille à Bratkovychy et qui avait été volé à Zhitomirskaya.
« C’était mince, mais j’ai pensé, nous avons un type armé à Zhitomirskaya, et une arme manquante. Et nous n’avons pas beaucoup de gens de Zhitom’ qui viennent ici », déclara Kryukov par la suite. « Si je n’avais pas reçu le rapport ce matin-là, je ne l’aurais peut-être jamais envisagé. Mais comme je l’avais eu, ça m’a fait réfléchir ». Préoccupé par le nombre d’armes que le suspect pouvait posséder, Sergei Kryukov appela ses supérieurs au siège de la police de Lviv, pour savoir comment procéder. Le chef de la police de Lviv, le général Bogdan Romanuk, pensa immédiatement au « Terminator » et chargea Kryukov de former un groupe d’enquêteurs afin de fouiller l’appartement d’Anatoly Onoprienko.
En une heure, plus de 20 policiers furent rassemblés et le groupe se mis en route dans des voitures banalisées. Le suspect partageait un appartement avec Anna Kozakh, une jeune coiffeuse originaire de Yavoriv, et ses deux enfants. Les issues de l’immeuble furent bloquées par des voitures et deux hommes furent postés aux quatrième et deuxième étages. Les enquêteurs restants encerclèrent le bâtiment. Igor Khuney et Sergei Kryukov s’approchèrent de la porte du suspect.
Kryukov ne savait pas si la compagne d’Onoprienko et ses deux enfants étaient présents. Ils étaient en fait à l’église pour la messe de Pâques, et Anatoly Onoprienko, que les enfants appelaient « Papa », les attendait à la maison d’un instant à l’autre. Quand Sergei Kryukov sonna à la porte, Onoprienko supposa que c’était Anna et ouvrit la porte sans hésitation. À sa grande surprise, il fut rapidement maîtrisé et menotté. Alors que Kryukov regardait autour de lui dans l’appartement, il remarqua une chaine stéréo de marque Akai dans le salon. Elle attira son attention parce que la famille Novosad, récemment assassinée à Busk, une ville voisine, le 22 mars 1996, possédait une stéréo de cette marque. Elle avait été signalée volée par les proches de la famille, peu de temps après les meurtres. « J’avais une liste, que je portais toujours sur moi, de certains objets qui avaient été signalés volés, leurs marques et les numéros de série », déclara Kryukov. « Et la chaine stéréo Akai était bien celle de la scène du crime de Busk. »
Quand la police demanda à Onoprienko ses papiers d’identité, il les conduisit jusqu’à un placard. Alors qu’un enquêteur ouvrait la porte du placard, Onoprienko plongea pour tenter de saisir un pistolet qu’il avait caché à l’intérieur. Mais il fut rapidement maîtrisé et ne put atteindre l’arme. Il allait s’avérer que le pistolet avait été volé sur une autre scène de crime, près d’Odessa.
Conscients de la gravité de la situation, les enquêteurs escortèrent Anatoly Onoprienko au quartier général de la police de Yavoriv et menèrent une fouille en règle de son appartement. À la fin de la journée, 122 objets appartenant à de nombreuses victimes de meurtre non résolus avait été récupérés sur les lieux, y compris un fusil de chasse Toz-34 à canon scié.
Anna revint à l’appartement avec ses enfants. « Elle a compris que quelque chose de grave était arrivé, et m’a demandé ce qui se passait », expliqua Kryukov. « Il n’y avait rien à faire, je l’ai prise à part et j’ai dit : » Vous souvenez-vous de ces meurtres à Bratkovychy ? » Et elle a fondu en larmes ».
Même s’ils avaient une montagne de preuves matérielles, Sergei Kryukov avait besoin d’obtenir des aveux. Mais Onoprienko précisa immédiatement qu’il ne voulait pas parler. Quand Kryukov le confronta aux faits, Onoprienko se contenta de sourire. « Je parlerai à un général, mais pas à vous », dit-il.
L’enquêteur principal de Yavoriv, Bogdan Teslya, n’avait pas été impliqué dans l’arrestation ni la perquisition. Il était chez lui et se détendait en famille pour Pâques. Peu de temps après la fin de la fouille de l’appartement d’Onoprienko, vers 21 h, il reçut un appel téléphonique de Sergei Kryukov lui demandant de venir interroger Onoprienko. Teslya était considéré par Khuney et d’autres enquêteurs comme le meilleur « interrogateur » de la région, en raison de sa personnalité et de sa capacité à parler calmement avec les suspects.
Au siège de la police, Onoprienko avait renoncé à son droit à un avocat et continuait de garder le silence. Bien qu’il ait affirmé qu’il ne parlerait à personne au-dessous du rang de général, Teslya jugeait impératif d’essayer d’obtenir autant d’informations qu’il le pouvait. « J’étais terrifié par le fait que ça se passe mal. Dans ce genre d’affaire, vous ne savez jamais ce qui va se passer, il pourrait se pendre dans sa cellule le lendemain matin, et alors vous ne pourriez jamais vraiment clore l’affaire. Nous devions le faire parler ». À 22 h, Teslya s’assit seul dans une salle d’interrogatoire avec Onoprienko, attendant qu’un général du ministère de l’Intérieur arrive de Lviv et essaie de le faire parler.
Au départ, Onoprienko resta silencieux, mais au bout d’une demi-heure de questionnement, il commença à parler de sa vie, expliquant à Teslya que sa mère était morte lorsqu’il était très jeune et que son père l’avait placé dans un orphelinat.
Onoprienko parla longuement, affirmant qu’il était toujours en colère contre son père qui l’avait abandonné, mais avait gardé son frère aîné. « Onoprienko a dit qu’il pensait que son père et son frère auraient facilement pu prendre soin de lui », déclara Teslya. « Il était ému et bouleversé quand il parlait. » Teslya demanda alors à Onoprienko si, de ce fait, il n’avait jamais ressenti de la rancœur envers les familles. Toutes les familles. Onoprienko hésita brièvement, puis secoua la tête avant de répéter qu’il ne parlerait à personne au-dessous du grade de général.
«À ce moment-là, j’ai essayé quelque chose de nouveau», allait expliquer Teslya. « Je lui ai dit : » Nous allons vous trouver votre général, nous allons même en trouver plusieurs, si vous voulez. Mais à quoi je vais ressembler si je les amène ici et que vous n’avez rien à leur dire ? Parce que peut-être qu’il n’y a rien à dire. De quoi je vais avoir l’air, alors ? Et c’est alors qu’il a dit : «Ne vous inquiétez pas. Il y a incontestablement quelque chose à raconter ».
Peu après 23 h, Teslya quitta la salle et se rendit dans le corridor, où le Général Romanuk l’attendait. Après une courte pause, les deux hommes revinrent dans la salle d’interrogatoire.
Onoprienko avoua alors tous ses crimes.
Il admit d’abord qu’il avait bien volé le pistolet trouvé dans le placard de son appartement. Puis admit l’avoir utilisé dans des meurtres récents. Il avoua avoir assassiné 8 personnes entre 1989 et 1995 et nia avoir commis d’autres crimes. Confronté aux preuves, interrogé jusqu’à 6 heures du matin, il admit finalement avoir tué 52 personnes en 6 ans, la majorité dans les 6 derniers mois.
Le lendemain, Bogdan Teslya et Onoprienko se rendirent à Lviv, où le tueur fut emprisonné. L’enquêteur commença alors un interrogatoire en face à face qui allait durer 5 jours. Il voulait vérifier en détails qu’Onoprienko était bien le « Terminator » qui avait terrorisé le nord de l’Ukraine depuis des mois. Il allait par la suite affirmer qu’Onoprienko était « la personne la plus déroutante qu’il ait jamais interrogé ». Le tueur lui expliqua qu’il avait reçu de Dieu l’ordre de tuer ses victimes, qu’il était capable d’hypnotiser les humains, d’arrêter son cœur par sa simple volonté et de contrôler les animaux par télépathie…
Onoprienko révéla à Teslya qu’il avait été interné à l’hôpital psychiatrique de Kiev pour schizophrénie… ce que Teslya, en tant que policier de Lviv, n’était même pas autorisé à vérifier.
Le vendredi 19 avril 1996, l’enquête fut retirée à Teslya et confiée aux enquêteurs fédéraux du Ministère de l’Intérieur. Teslya déclara alors que, selon lui, Onoprienko était vraiment fou et avait agi seul. «Il y a eu beaucoup de rumeurs selon lesquelles il faisait partie d’un gang, mais je pense que ce qu’il m’a expliqué sur ses mobiles et ses pouvoirs spéciaux, n’a pas été inventé. Je peux me tromper, mais c’est ce que je pense. De plus, en y réfléchissant de manière rationnelle, je ne pense pas que quiconque d’autre qu’un tueur solitaire aurait pu commettre tant de meurtres. Dans une bande, quelqu’un parle, un autre boit, un troisième dit quelque chose à une petite amie, et tout est fini… ».
Les psychiatres déclarèrent toutefois Anatoly Onoprienko sain d’esprit et mentalement apte à être jugé. La procédure ne débuta pourtant qu’en novembre 1998, car les procès en Ukraine ne peuvent pas commencer avant que l’accusé n’ait lu tous les dossiers de preuves contre lui, et dans le cas d’Onoprienko il y avait 99 volumes à parcourir. Le procès fut également retardé par manque d’argent. Ce n’est fut que lorsque le juge en chef du procès lança un appel télévisé que le gouvernement ukrainien accepta d’allouer les fonds nécessaires pour un procès d’envergure.
Le 23 novembre 1998, un tribunal ukrainien statua tout comme les psychiatres qu’Anatoly Onoprienko, 39 ans, était mentalement compétent et pouvait être tenu pour responsable de ses crimes. Le tribunal régional de Zhytomyr déclara qu’Onoprienko, « ne souffre pas de maladies psychiatriques, est conscient et est dans le contrôle des actions qu’il commet, et ne nécessite aucun examen psychiatrique supplémentaire ».
Le procès d’Onoprienko s’ouvrit le 12 février 1999 dans la ville de Zhytomyr, à 145 km à l’ouest de Kiev. Comme Andreï Chikatilo, l’Éventreur de Rostov, l’avait été lors de son procès, Onoprienko fut placé à l’intérieur d’une cage en acier, où le public lui crachait dessus et l’insultait. Des centaines de personnes se rassemblèrent dans la salle non chauffée et réclamèrent de faire justice elles-mêmes. La police présente fouilla les sacs et fit passer les spectateurs par un détecteur de métaux avant qu’ils n’accèdent au tribunal.
Des proches des familles massacrées exprimèrent leur crainte qu’Onoprienko ne soit condamné qu’à 15 ans de prison, la peine maximale prévue par la loi ukrainienne, à l’exception de la peine capitale. Ils réclamèrent qu’il soit exécuté dans la salle d’audience elle-même.
Au départ, Onoprienko parla peu. Interrogé sur sa volonté de faire une déclaration, il haussa les épaules et répondit : « Non, rien ». Informé de ses droits, il grogna : « C’est votre loi ». Lorsqu’on lui demanda d’indiquer sa nationalité, il répondit : « Aucune ». Le juge Dmitry Lipsky lui expliqua que c’était impossible, Onoprienko leva les yeux au ciel et répondit : « Eh bien, selon les forces de l’ordre, je suis Ukrainien ».
Il expliqua finalement qu’il s’était senti comme un robot conduit pendant des années par une force obscure et affirma qu’il ne devrait pas être jugé tant que les autorités n’avaient pu en déterminer la source. « Vous n’êtes pas capable de me prendre comme je suis », cria-t-il au juge Dmytro Lypsky. « Vous ne voyez pas tout le bien que je vais faire, et vous ne me comprendrez jamais. C’est une grande force qui contrôle cette salle aussi. Vous ne comprendrez jamais cela, peut-être que vos petits-enfants le comprendront. »
L’avocat d’Onoprienko, Ruslan Moshkovsky, qui ne contestait pas la culpabilité de son client, critiqua l’incompétence des enquêteurs qui n’avaient pas pu arrêter Onoprienko dès 1989, alors qu’il était soupçonné d’un double meurtre. Il demanda que son enfance à l’orphelinat soit considérée comme une circonstance atténuante.
Mais le Procureur Yury Ignatenko répliqua que les examens de santé mentale d’Onoprienko au cours de l’enquête et un autre test ordonné par le tribunal avaient (à priori) confirmé qu’il n’était pas aliéné et ne souffrait d’aucun traumatisme. Selon le procureur, les motivations d’Onoprienko résidaient uniquement dans sa nature violente. « Dans chaque société, il y a eu et il y a des gens qui, en raison de leur nature innée, peuvent tuer, et il y a ceux qui ne le feront jamais », ajouta-t-il. « Les gens demandent comment il a tué tant de gens. Mais pourquoi pas, si les conditions le permettent ? Onoprienko menait une double vie. Il savait ce qu’il faisait et a pu tromper tout le monde. ».
Onoprienko expliqua qu’il avait été mené par un diable, par des forces supérieures et des voix mystérieuses. Il assura qu’il était bien coupable de tous ses crimes et insista sur le fait qu’il ne ressentait aucun remord. « Je tuerais à nouveau aujourd’hui, en dépit de tout », dit-il. « Aujourd’hui, je suis la bête de Satan ».
Après la lecture des 100 volumes de preuves, composés de dossiers d’enquêtes, mais aussi de nombreuses et abominables photographies des scènes de crime, le procès se termina en avril 1999. Le procureur Yury Ignatenko demanda rapidement une condamnation à mort : « Compte tenu du danger extrême que représente Anatoly Onoprienko en tant que personne, je considère que la punition pour lui doit aussi être extrême, sous la forme de la peine capitale ».
L’avocat d’Onoprienko tenta à nouveau d’attirer la sympathie de la cour. « Mon client a été, dès l’âge de 4 ans, privé de l’amour de sa mère, et de l’absence de soin nécessaire à la formation d’un homme digne de ce nom. Je demande à la cour… d’adoucir la sentence ».
Après seulement 3 heures de délibération, le juge Dmytro Lypsky déclara, sous les applaudissements du public, qu’Onoprienko était condamné à la peine capitale. Le tueur resta la tête penchée, fixant le plancher de sa cage en métal et fit un geste vulgaire en direction du juge. Puis, il traça une croix sur son front.
Dans sa déclaration finale à la cour, Onoprienko affirma : « J’ai volé et tué, mais je suis un robot, je ne ressens rien. J’ai été proche de la mort tant de fois que c’est même intéressant pour moi maintenant de m’aventurer dans l’au-delà, de voir ce qui est là, après cette mort ».
La condamnation à mort mit toutefois l’Ukraine dans une position inconfortable. En vertu de ses obligations en tant que membre du Conseil de l’Europe, le pays s’était engagé à abolir la peine capitale. La population comme les dirigeants soutinrent que l’affaire Onoprienko était une exception. Sa peine fut pourtant commuée en réclusion à perpétuité.
Il resta en prison jusqu’en août 2013, date à laquelle il mourut d’une crise cardiaque.
Il est possible qu’il ait commis d’autres meurtres entre 1989 et 1995, lorsqu’il voyageait en Europe.
Le complice d’Onoprienko dans ses premiers meurtres, Sergei Rogozin, fut condamné à 13 années de prison.
Les victimes d’Onoprienko
Onoprienko a tué plus de 50 personnes entre 1989 et 1996, dont la majorité entre octobre 1995 et mars 1996.
14 juin 1989 : près de Melnikov
Oleg Melnik (31 ans) et Ludmila Melnik (31 ans) dans leur voiture
16 juillet 1989 : dans la région de Koretsky
Viktor Vasylyuk (43 ans) et Anna Vasylyuk (32 ans) dans leur voiture
16 août 1989 : près de Melytopol
La famille Podolak, dans sa voiture
Yevgeny (35 ans)
Olga (25 ans)
Valentina (27 ans)
Paula (22 ans)
Lena (11 ans)
24 décembre 1989 : à Gamarnya
La famille Zaichenko
Nikolai (27 ans)
Julia (25 ans)
Boris (3 ans)
Oleg (3 mois)
29 décembre 1995 : à Bratkovychy
La famille Kryuchkov
Pyotr (27 ans)
Maria (23 ans)
Lesya (18 ans)
Myroslav (18 ans)
et
M. Malinowski (33 ans)
5 janvier 1996 : à Energordar
Sergei Odintsov (37 ans)
Tamara Dolinin (32 ans)
Alexander Rybalko (35 ans)
Sergei Garmash (35 ans)
Victor Kasayev (35 ans)
Anatoly Savitsky (45 ans)
Nadezhda Kochergina (45 ans)
17 janvier 1996 : à Bratkovychy
La famille Pilat
Vladimir (62 ans)
Olga (60 ans)
Oleg (28 ans)
Lesya (26 ans)
Vladimir (6 ans)
et
Galina Kondzyola (29 ans)
Stepan Zakharko (56 ans)
30 janvier 1996 : à Fastova
La famille Marusina
Svetlana (28 ans)
Boris (7 ans)
Denis (6 ans)
et
Sergei Zagranichniy (32 ans)
12 février 1996 : à Olevsk
La famille Dubchak
Anatoly (32 ans)
Julia (30 ans)
Victoria (10 ans)
27 février 1996 : à Malyn
La famille Bodnarchuk
Sergei (31 ans)
Galina (27 ans)
Tatiana (7 ans)
Valery (8 ans)
et
Boris Tslak (28 ans)
22 mars 1996 : à Busk
La famille Novosad
Mikhail (30 ans)
Galina (30 ans)
Irina (26 ans)
Ludimila (10 ans)
Mode opératoire
L’Ukraine est le 2ᵉ plus grand pays d’Europe après la Russie. Pour schématiser, c’est une vaste plaine sans arbres, à l’exception des montagnes de Crimée au sud et des Carpates à l’ouest. De nombreux villages sont disséminés sur tout son territoire et certaines habitations sont particulièrement retirées.
Onoprienko tuait au beau milieu de la nuit. Il choisissait une maison isolée, qui n’avait aucun voisin proche et, souvent, pas de ligne téléphonique.
Il attirait l’attention des occupants en faisant du bruit à l’extérieur.
Il tuait tous les occupants en commençant pas l’adulte masculin, rapidement, avec une arme à feu, avant de chercher et de tuer les autres membres de la famille, en terminant par les enfants.
Il repartait systématiquement avec des objets appartenant aux familles, et possédant plus ou moins de valeur.
Généralement, il mettait le feu à la maison afin de couvrir ses traces.
Il tuait les éventuels témoins qu’il pouvait croiser.
Motivations
Anatoly Onoprienko souffrait à priori d’une maladie mentale, la schizophrénie.
Le psychiatre Halyna Shurenok, directeur en chef de l’hôpital Pavolov à Kiev, a diagnostiqué la schizophrénie d’Onoprienko en 1994.
« J’ai examiné Onoprienko une seule fois. Mais aujourd’hui, en repensant à ma rencontre avec lui, dans ses mimiques, dans son comportement, assis dans son lit, je peux confirmer le diagnostic que j’avais fait. De plus, à cette époque, Onoprienko n’avait aucune raison de prétendre la folie, il n’était accusé de rien. Il s’est comporté naturellement et a réagi de manière appropriée aux médicaments neuroleptiques. Le corps d’une personne en bonne santé mentale réagit de façon complétement différente à de telles injections. Un psychiatre ne peut pas dire catégoriquement qu’Anatoly Onoprienko ne souffre pas de troubles mentaux, même temporaires.
Je ne comprends pas pourquoi la commission d’experts ignore ce qu’il dit sur les voix qui lui parlent, les soucoupes volantes et les forces intergalactiques. Ce type de déclarations a toujours été interprété dans le monde psychiatrique comme des symptômes de la schizophrénie. Les experts devraient prêter attention aux motivations qu’il a données : « J’ai tué les enfants afin qu’ils ne restent pas orphelins ». Je suis également surpris que l’analyse des experts ait eu lieu en présence de la police et de l’armée, durant seulement 28 heures. Selon la loi, un patient doit être maintenu sous surveillance médicale constante pendant un mois. Ce qui soulève également les soupçons est que les experts n’ont pas entendu les psychiatres qui ont traité Onoprienko en 1994. La Commission n’a même pas examiné les dossiers de l’époque ».
Il semble évident que l’abandon subit par Anatoly Onoprienko durant son enfance a eu une grande influence sur son comportement futur. Il s’est senti humilié, rabaissé et il a eu l’impression d’être sans importance.
Il a recommencé à tuer en 1995, après avoir commencé à fréquenter Anna, qui avait deux fils, et avec laquelle il avait formé une famille recomposée.
Lorsque les enquêteurs découvraient les scènes de crime, les photos des familles étaient souvent retrouvées déchirées et éparpillées dans la maison.
Il leur a expliqué : « Oh, vous savez, je les ai tués parce que je les aimais tellement, ces enfants, ces hommes et ces femmes. Je devais les tuer, les voix à l’intérieur parlaient dans mon esprit et mon cœur et me poussaient tellement fort ! »
Lors d’une interview, Onoprienko a affirmé que son abandon à l’orphelinat avait déterminé son destin, et que 60% des enfants élevés dans les orphelinats finissent en prison une fois adultes.
Les vols ont été commis pour revendre certains objets, mais également pour garder des « trophées », avec une tendance à l’accumulation compulsive. Parmi les 122 objets trouvés dans l’appartement d’Onoprienko, les enquêteurs ont par exemple retrouvé la veste d’un petit garçon, du maquillage et des chaussures de femmes.
Onoprienko était un tueur froid et implacable, qui, comme il le disait lui-même, agissait comme un robot. Le surnom que les médias lui avaient trouvé, « Terminator », lui convenait parfaitement : il a assassiné un très grand nombre de personnes, avec un fusil à canon scié, de manière mécanique et sans hésitation.
Ses crimes n’avaient aucune connotation sexuelle. Son but était de tuer pour tuer, le plus rapidement.
Dans son discours, il se décrit par trois images différentes : le disciple de Satan, le suiveur d’ordre de Dieu et le robot faisant partie d’un projet expérimental mené par les forces intergalactiques. Ce qui ressort de ces 3 figures est, comme il l’a dit lui-même, « Je suis naturellement supérieur à tous les autres êtres humains ». Onoprienko se considérait comme un être supérieur. Et tous ses actes étaient justifiés, car il répondait à des ordres supérieurs venus de Satan, de Dieu ou d’une entité extra-terrestre.
Lorsqu’il dit « Je suis comme un lapin dans un laboratoire. Je fais partie d’une expérience pour prouver que l’homme est capable de tuer et d’apprendre à vivre avec ses crimes. Pour montrer que je peux gérer, je peux tout supporter, tout oublier », il démontre une différence entre la compréhension et le sentiment. Anatoly Onoprienko était capable de comprendre la gravité de ses crimes, mais n’avait aucun remord, aucune hésitation.
Il a expliqué qu’après ses premiers crimes, en 1989, il a éprouvé des remords. En ce qui concerne les meurtres de 5 personnes, dont un garçon de 11 ans, qui dormaient dans une voiture, et dont il avait brûlé les corps, Onoprienko allait expliquer par la suite qu’il n’avait tiré aucun plaisir dans l’acte de tuer. « Les cadavres sont affreux. Après avoir tué la famille dans la voiture, je me suis assis dans la voiture avec leurs corps pendant deux heures sans savoir quoi faire avec eux. L’odeur était insupportable. »
Il a alors cherché des justifications à ses meurtres.
« Jusqu’à un certain moment, j’ai regretté les meurtres. Mais quand j’étais en Grèce, j’ai eu une vision. À partir de ce moment, tuer serait mon but, j’agirais comme un automate. À partir de ce jour-là, tout le monde me connaitrait comme un robot capable de tuer sans hésiter ».
Pour entrer dans une maison, massacrer tous les habitants et brûler l’habitation, sans éprouver de remord, il a créé dans son esprit instable un projet, une expérience qui l’utilisait comme un cobaye pour prouver qu’il était « supérieur ». Il allait être un instrument qui démontrerait qu’il était au plus haut niveau de l’évolution. Et que ses victimes étaient faibles.
« C’est très simple », a-t-il dit aux enquêteurs. « Comme un animal. J’ai regardé tout cela (le massacre de la famille Pilat) comme un loup regardait une brebis ».
« Je lui ai dit que je pensais que ses pouvoirs hypnotiques étaient intéressants, et lui ai demandé s’il pouvait les essayer sur moi », a déclaré Teslya. « Mais il a dit que cela ne fonctionnait qu’avec des personnes faibles, et je n’étais pas assez faible. »
Après sa condamnation, Onoprienko a donné une longue entrevue à un journaliste du Sunday Mirror en mars 1999. « J’ai commencé à me préparer à la vie en prison il y a longtemps : je jeûnais, je faisais du yoga, je n’ai pas peur de la mort » dit-il. « La mort pour moi n’est rien. Naturellement, je préférerais la peine de mort, je n’ai absolument aucun intérêt pour les relations avec les gens ».
« La première fois que j’ai tué, j’ai abattu un cerf dans les bois. J’avais une vingtaine d’années et je me rappelle avoir été très bouleversé quand je l’ai vu mort. Je ne pouvais pas expliquer pourquoi je l’avais fait. Je n’ai jamais ressenti cela par la suite ».
« Si on me laissait sortir, je recommencerais à tuer, mais cette fois, ce serait pire, dix fois pire. Le besoin est là. Saisissez cette chance (de le tuer) parce que je suis préparé à servir Satan. De ce que j’ai appris, je n’ai pas de concurrents dans mon domaine. Et si je ne suis pas tué, je vais échapper à cette prison et la première chose que je vais faire est de trouver Kuchma (le président ukrainien de l’époque) et le pendre à un arbre par les testicules… Il ne fait aucun doute que je vais échapper à cette cage. Et quand je vais le faire, les meurtres vont être bien pires. Surtout pour ceux qui m’ont insulté. Je dis toujours que je vais en tuer 360 ».
Il a accepté de donner une dernière interview, un mois avant son décès en 2013. Mais, toujours obsédé par son idée d’être supérieur, il a refusé que le journaliste ukrainien le film : « Je veux que les gens gardent de moi l’image d’un jeune homme ».
Citations
« Je ne suis pas un détraqué. Si je devais le faire, je vous attaquerais ici et maintenant et je vous tuerais facilement. Non, ce n’est pas si simple. J’ai été pris en charge par une plus grande force, quelque chose de télépathique ou de cosmique, qui me contrôle. Je suis comme un lapin dans un laboratoire. Je fais partie d’une expérience pour prouver que l’homme est capable de tuer et d’apprendre à vivre avec ses crimes. Pour montrer que je peux gérer, je peux tout supporter, tout oublier » : Anatoly Onoprienko.
« Il n’est ni humain ni Dieu. Il vient du Diable. Il peut vous sembler tout à fait normal, mais si vous touchez une zone sensible, ses yeux changent complétement et vous voyez le tueur » : Viktor Karbosky, directeur de la prison de Jitomir.
« Je venais de les tuer. Ce n’est pas que ça m’avait donné du plaisir, mais j’ai ressenti cette envie irrésistible… À partir de ce moment-là, c’était presque comme un jeu venu de nulle part » : Anatoly Onoprienko.
« Pour moi, c’était comme chasser. Chasser les gens… J’étais assis, à m’ennuyer, sans rien faire, et soudain, cette idée a pénétré ma tête. J’ai tout fait pour l’en faire sortir, mais je ne pouvais pas, c’était plus fort que moi. Alors je montais dans la voiture ou prenait un train et je sortais pour tuer. » : Anatoly Onoprienko.
Bibliographie / Filmographie
Anatoly Onoprienko, The Terminator
Liens
Des photos de la famille Bodnarchuck : https://verdensglimt.wordpress.com/2013/06/09/the-scene-of-the-crime/
Des photos des armes retrouvées chez Onoprienko : https://web.archive.org/web/20130812011337/http://www.esquireyearone.com.ua:80/post/36