Article mis à jour le 5 mars 2023
Nom : Wayne Bertram Williams
Surnom : Le tueur d’enfants d’Atlanta, le Monstre d’Atlanta
Né le : 27 mai 1958 à Atlanta, Géorgie.
Mort le : toujours en vie, emprisonné dans la prison d’état du comté de Telfair, en Géorgie.
Entre 1979 et 1981, un mystérieux tueur a terrorisé la communauté noire d’Atlanta. Un par un, des enfants et de jeunes adultes noirs ont été enlevés et retrouvés morts des jours ou des semaines plus tard. Une fois connues et reliées entre elles, ces affaires ont été appelées par les médias the Atlanta Child Murders.
La police a finalement arrêté un homme nommé Wayne Williams en relation avec les crimes. S’il n’a été reconnu coupable que de deux meurtres sur les vingt-neuf dont il était soupçonné, deux hommes dans la vingtaine, les autorités locales ont déclaré qu’il avait également tué la majorité des enfants.
Bien que les homicides aient semblé s’arrêter après l’arrestation de Wayne Williams, certains pensent qu’il n’est pas responsable des meurtres d’enfants d’Atlanta – notamment certaines familles des victimes.
Informations personnelles sur Wayne Williams
Wayne Williams est le fils unique des instituteurs Homer et Faye Williams, un couple très respecté dans leur communauté. La famille Williams possédait une maison modeste à Dixie Hills (un quartier modeste, mais bien entretenu d’Atlanta où de nombreuses victimes allaient vivre ou disparaître).
Ses parents l’adoraient et dépensèrent chaque centime de leur salaire pour soutenir ses projets d’entreprise. Dès son plus jeune âge, Williams rêva de réussir dans l’industrie de la radio et du divertissement. Jeune homme talentueux et motivé, il créa sa propre station de radio à l’âge de onze ans, depuis la maison de ses parents, avec deux camarades de classe. La petite station, baptisée WRAP, diffusait à environ un pâté de maisons de chez lui.
En 1973, WRAP devint WRAZ, une station avec un signal plus puissant qui pouvait être capté dans tout le quartier de Dixie Hill. L’audience de la station s’élargit. Williams comprit rapidement qu’il était possible de gagner de l’argent avec ce passe-temps grâce à la publicité. Bientôt, la station déménagea dans de petits locaux d’un immeuble de bureaux et le jeune Wayne embaucha même du personnel.
Le nom de Wayne Williams fut connu de nombreux habitants d’Atlanta, on parla de sa radio dans les journaux et à la télévision. En juillet 1974, le magazine « Jet », basé à Chicago, publia une photo de Wayne Williams assis au tableau de contrôle de sa station, observé par Benjamin Hooks, un leader noir influent de l’époque qui finit par diriger la NAACP (l’association nationale pour la promotion des gens de couleur). Sur son CV, Williams allait se présenter comme directeur de l’actualité à un moment donné, directeur des programmes à un autre et finalement comme vice-président et directeur général à 16 ans…
Ses parents versèrent leurs économies dans la station radio, achetant à crédit du matériel de diffusion coûteux et de première qualité. Les amis et les parents de Wayne investirent eux-aussi de l’argent. Un arrangement fut conclu avec un publicitaire. Deux courtiers en affaires proposèrent même au père de Wayne Williams de lever environ 40 000 $ pour la station, en échange de quoi ils acquerraient une participation dans la station. Monsieur Williams refusa lorsqu’ils lui annoncèrent que son fils de 16 ans ne serait plus aux commandes de la radio.
Les parents de Wayne Williams considéraient que leur fils était un génie qui ne pouvait pas se tromper… Mais la volonté de Wayne de tout diriger devint si autoritaire que les employés démissionnèrent les uns après les autres et la station périclita. Une courtière en immobilier qui avait investi plusieurs milliers de dollars, repris son argent lorsque Wayne Williams refusa de tenir ses engagements de partager le contrôle de la station.
Au printemps 1976, la famille Williams déclara la radio en faillite devant le tribunal de district fédéral, inscrivant des milliers de dollars de dettes. La plupart des problèmes financiers étaient liés à la domination du jeune Wayne sur les affaires de la station de radio, allant de la commande de travaux effectués sans l’autorisation préalable de ses parents au refus de diffuser des programmes religieux potentiellement rentables, parce qu’il remettait en question l’éthique des prédicateurs.
Malgré la fermeture de WRAZ, Wayne obtint son bac au lycée Fredrick Douglas avec mention. Gardant à l’esprit son intérêt pour la musique, il s’inscrivit toutefois à l’université d’État de Géorgie, mais se consacra si peu à ses études qu’il abandonna au bout de la première année : il fit des « piges » dans deux stations de radios locales et se lia avec diverses entreprises, préférant se consacrer à son rêve de “percer dans la musique” en travaillant à son compte.
En avril 1978, il créa la Southern Media Communications Inc. en faisant figurer le nom d’un ancien animateur radio et celui d’un ingénieur du son qu’il avait connu durant son adolescence dans le conseil d’administration, alors qu’il leur avait simplement parlé du projet. Williams était évidement le “PDG” de cette entreprise… et son seul employé.
Utilisant Southern Media comme carte de visite, Wayne Williams créa Omega Entertainment, une entreprise de vidéos dont il était là-aussi le seul employé, dont il changea le nom en Nova Entertainment.
Il parvint à convaincre trois photographes de travailler brièvement dans une troisième entreprise, Metro News, qui cherchait à obtenir des images d’accidents de voiture et d’incendies. Ils travaillaient la nuit et les week-ends, et vendaient les images aux télévisions locales.
Son intérêt pour la photographie avait été favorisé par la deuxième profession de son père, qui était photographe pour “The Atlanta Daily World”, un journal avec un lectorat majoritairement noir.
Il possédait un scanner radio de la police, ce qui lui permettait de se rendre sur les lieux d’accidents, parfois avant même l’arrivée des officiers.
Il lui arrivait occasionnellement de passer une partie de la nuit avec des ambulanciers locaux, les bombardant de questions médicales.
Ce business offrit à Williams l’accès à des lieux et des personnes qui étaient normalement inapprochables, l’aida à comprendre les bases du travail de la police et lui permit de connaître la ville mieux que la plupart des habitants.
En 1979, Wayne Williams passait la plupart de son temps à chercher des talents musicaux, à faire des photos pour financer ses idées et bricoler de l’électronique, son passe-temps.
Les voisins savaient qu’il tyrannisait ses parents et se disputait fréquemment avec eux. Ces derniers le décrivaient comme «l’enfant miracle», mais leurs voisins et leurs proches le trouvaient surtout terriblement gâté. Aussi loin que se souvenaient les gens qui le connaissaient, ses parents investissaient tout ce qu’ils avaient, argent, temps, soutien moral, dans tout ce qui intéressait leur enfant.
Wayne Williams avait une très haute opinion de lui-même. Si un bon nombre de personnes le considérait comme un baratineur, il avait aussi quelques admirateurs, qui furent interviewés après l’arrestation de Williams. Lorsque le New York Times lui apprit qu’une jeune femme de 19 ans qui travaillait occasionnellement pour lui le trouvait « mystérieux et fascinant », il ne put cacher sa satisfaction. Il leur répondit : « Je suis un Gémeau… Par la nature même du signe sous lequel je suis né, je ne suis pas conformiste. Je suis une personne très forte d’esprit.«
Jeune homme intelligent, il était capable de comprendre rapidement certains concepts, ce qui lui permettait de discuter de la plupart des sujets, mais il manquait de profondeur à bien des égards.
Williams était connu pour errer dans la ville la nuit, à la recherche de jeunes talents, des groupes et des chanteurs, leur offrant souvent une audition dans un petit studio qu’il louait. Il se présentait comme “un jeune homme très énergique dont les activités couvraient tous les quartiers de la ville à toute heure du jour et de la nuit”.
Le rêve de Wayne Williams était de trouver les prochains Jackson Five et d’accompagner leur talent vers la gloire et la richesse en tant que promoteur et manager. Il passait une grande partie de son temps à repérer les talents parmi les jeunes noirs d’Atlanta et à enregistrer les œuvres des garçons qu’il jugeait prometteurs. Malheureusement, il n’avait pas l’oreille pour sélectionner les musiciens réellement talentueux. Il continuait néanmoins à dépenser l’argent de ses parents (qui le soutenaient jusqu’à l’endettement) en enregistrant de coûteuses démos de chanteurs aux piètres capacités musicales. Il cherchait de manière obsessive la perfection, mais ne parvenait jamais à la trouver.
Malgré cela, il affirmait à qui voulait l’entendre qu’il avait des relations et des contrats avec de grandes maisons de disques, ce qui était faux. Wayne Williams était connu dans toute la ville comme un menteur pathologique et un baratineur, laissant entendre qu’il avait de gros contrats d’enregistrement en préparation et qu’il connaissait “les bonnes personnes pour réussir dans la musique”. Contacté par les journalistes après l’arrestation de Williams, plusieurs de ces “personnes” répondirent qu’elles connaissaient à peine Williams, voire n’avaient jamais travaillé avec lui.
Il parlait à qui voulait l’entendre d’un groupe, Gemini (les gémeaux), qui aurait été aussi doué que les Jackson Fives et qu’il était “presque” parvenu à créer après un dur travail de quatre ans de recherche de talents. En réalité, ce groupe n’existait pas.
Wayne Williams avait fait circuler un dépliant dans les écoles et les centres communautaires, proposant d’auditionner des garçons comme chanteur. Selon ses propres estimations, il avait rencontré 4 000 enfants entre novembre 1980 et mai 1981 avant qu’il ne trouve “un talent qui le satisfasse”…
Wayne Williams s’imaginait – et se présentait – comme un jeune producteur expérimenté, doué et perspicace, alors que la plupart des professionnels locaux du secteur le considérait comme “un amateur insignifiant”.
Williams vivait toujours chez ses parents et avait peu d’amis. C’était un solitaire, peu de gens le connaissait réellement, car il gardait toujours ses distances. Aucune de ses “relations d’affaire” n’était proche de lui. Ceux qui le connaissaient le considéraient toutefois comme un jeune homme sympathique et gentil.
Comme d’autres tueurs en série, il lui était arrivé de se faire passer pour un officier de police. Cette pratique lui valut des ennuis en mai 1976, lorsqu’il fut arrêté (mais jamais condamné) pour « usurpation de l’identité d’un agent de police et utilisation non autorisée d’un véhicule« . Le véhicule en question avait été illégalement équipé d’un gyrophare bleu sur le tableau de bord. Lorsque sa Plymouth bleue fut saisie, fin décembre 1979, divers équipements de police furent trouvés à l’intérieur, notamment une sirène de police, trois éclairages de secours, un scanner de police, une radio CB et des feux rouges sous la calandre.
Des rumeurs affirmaient que Wayne Williams était un homosexuel qui ne s’assumait pas, mais rien n’existait pour les étayer.
Crimes et châtiments
Atlanta abrite certaines des universités noires les plus prospères et les plus renommées d’Amérique : Spelman University, fondée en 1881 ; Morehouse College, fondée en 1867 et Clark-Atlanta University, fondée en 1865. La présence d’institutions noires aussi prestigieuses permit aux afro-américains d’accéder à des statuts économiques et sociaux plus élevés, à partir du 19e siècle. Une “élite” noire d’Atlanta ayant accès à l’éducation et à la richesse, elle devint peu à peu une force avec laquelle il fallait compter.
Cependant, à Atlanta comme dans de nombreuses régions du sud des États-Unis, la majorité de la communauté noire était contrainte de vivre dans des collectivités à faible revenu en dehors de la ville ou dans les quartiers les plus pauvres du centre-ville, tandis que les Blancs vivaient dans les quartiers résidentiels de la ville. Le nord-est d’Atlanta était majoritairement blanc tandis que le sud-ouest d’Atlanta était majoritairement noir.
À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la ville d’Atlanta était devenue une puissance économique du sud des États-Unis. Important centre de transport, la ville accueillait également un certain nombre de grandes sociétés, telles que Coca Cola, Delta Airlines et Cox Communications. La population noire de la ville, de plus en plus nombreuse, avait élu en 1973 un afro-américain à la mairie, un jeune avocat nommé Maynard Jackson. Pour Jackson, il était essentiel de maintenir un équilibre entre ses électeurs noirs et la structure de pouvoir blanche existante. Sinon, les blancs fuiraient vers les banlieues, emmenant avec eux leurs impôts locaux et leurs dépenses…
L’équilibre que Maynard Jackson tentait de trouver était perçu comme une trahison par une grande partie des afro-américains d’Atlanta, d’autant plus que, malgré la forte croissance économique, la population noire de la ville restait très pauvre. Atlanta possédait des ghettos, comme n’importe quelle grande ville, et il était très difficile pour les minorités pauvres qui y vivaient de s’en échapper. La tension raciale était présente dans toute la ville, la criminalité montait en flèche, alarmant le monde des affaires qui craignait que les entreprises fuient la ville. Cette crainte se transforma en crise lorsque commença une série de meurtres d’enfants et d’adolescents noirs. Les autorités se soucièrent avant tout du fait que les meurtres, que l’on croyait être l’œuvre d’un groupe raciste blanc, faisaient fuirent les touristes autant que les opportunités commerciales.
Le ou les tueurs allaient pouvoir s’en prendre à de jeunes victimes noires avec d’autant plus de facilité que la mort était, malheureusement, une chose assez courante dans le ghetto.
En 1979, il y eut 269 homicides à Atlanta, le plus grand nombre de meurtres pour une ville américaine cette année-là. Les victimes allaient être les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables de la ville.
Le 28 juin 1979, un jeune médecin blanc assistant à une convention fut assassiné par deux voleurs noirs. Le 17 octobre 1979, un homme noir mentalement instable abattit une secrétaire juridique blanche le jour de son anniversaire. Tout le monde fut scandalisé et ces deux terribles meurtres firent la une des journaux, qui exigèrent de la police qu’elle réprime les crimes.
Mais les deux meurtres suivants, ceux de deux adolescents noirs, passèrent quasiment inaperçu.
Edward Smith, un passionné de football de 14 ans, vivait dans l’un des HLM du sud-ouest d’Atlanta, l’un des plus délabrés de la ville. Sa famille résidait dans un quartier aux rues couvertes de détritus où les perspectives d’avenir étaient quasi inexistantes. Juste après minuit, au petit matin du 21 juillet 1979, Edward quitta une patinoire où il avait passé la soirée avec sa petite amie et commença une longue marche pour rentrer chez lui, seul et à pied. Il n’y arriva jamais.
Quelques jours plus tard, son ami Alfred Evans, 13 ans, qui vivait de l’autre côté de la ville, quitta la maison pour regarder un film de karaté dans le centre-ville d’Atlanta.
Les deux adolescents étaient très sportifs. Edward était un fanatique de football, il s’entraînait pour être accepté dans l’équipe du lycée à l’automne et Alfred jouait au basket-ball et pratiquait la boxe. Le sport pouvait leur ouvrir les portes d’un avenir meilleur. Ils avaient des rêves qu’ils poursuivaient avec enthousiasme.
Mais Edward ne rentra jamais de la patinoire cette nuit-là et Alfred ne parvint pas jusqu’au cinéma. Les corps des deux amis furent retrouvés le 28 juillet par une dame âgée dans une zone boisée, dans la partie sud-ouest de la ville. Edward avait été tué d’une balle dans le dos avec un pistolet de calibre .22 et Alfred par un moyen indéterminé – le médecin légiste songea à une asphyxie, peut-être due à un étranglement. Les adolescents étaient vêtus de noir, mais Edward ne portait plus ni ses chaussettes ni son maillot de football. Et Alfred portait une ceinture qui n’était pas la sienne. Edward fut rapidement identifié grâce à ses dossiers dentaires, mais on douta longtemps de l’identité du second corps.
La police décida que les deux garçons avaient “un rapport avec la drogue” et s’étaient certainement rendu ensemble à une soirée pour fumer. Un appel anonyme affirma qu’Alfred avait tiré sur Edward et qu’un troisième garçon avait étranglé Alfred dans une crise de rage. Bien que les deux amis n’aient pas disparu le même jour et que l’appelant ne fut jamais identifié, la police se contenta de cette hypothèse et ne fit aucune enquête approfondie. Elle conclut qu’Edward et Alfred avaient été impliqués dans une “histoire de drogue”, qui avait mené à leurs meurtres. C’était triste, mais cela arrivait souvent.
Les forces de l’ordre ne s’imaginaient pas le moins du monde que ces deux décès étaient le début d’un cauchemar dans lequel Atlanta allait être plongé dans les années à venir.
L’hypothèse de “l’histoire de drogue” ne put être avancée pour la mort de Milton Harvey, 14 ans. Pour le protéger, ses parents étaient parvenus à déménager dans un agréable quartier de classe moyenne au nord-ouest d’Atlanta. Il avait de bons résultats scolaires. Il n’avait absolument aucun lien avec la drogue ni avec aucune des autres victimes à venir. Le 4 septembre 1979, il devait faire sa rentrée au collège, mais Milton ne s’y rendit pas, parce que sa mère lui avait acheté des chaussures “ringardes” et qu’il ne voulait pas être moqué. Il emprunta un vélo jaune et amena un chèque à la banque afin de payer une facture pour sa mère. Après avoir quitté la banque, il disparut avec le vélo, qui fut retrouvé une semaine plus tard sur un chemin de terre isolé, Sandy Creek Road. Le squelette de Milton ne fut découvert qu’à la mi-novembre dans une décharge de la banlieue d’East Point, une juridiction en dehors des limites de la ville d’Atlanta, et à plusieurs kilomètres de la maison de l’adolescent. Au départ, sa mort ne fut pas considérée comme un homicide, car il n’y avait aucune trace visible de violence.
La police d’East Point travailla sur le meurtre de Milton de manière indépendante, sans établir de rapport avec Edward Smith ou Alfred Evans.
Quelques semaines avant la découverte du cadavre de Milton, le 21 octobre 1979, Yusuf Bell, un talentueux garçon de neuf ans qui aimait les mathématiques et l’histoire, disparut alors qu’il se rendait au magasin pour acheter du tabac pour une voisine âgée qu’il aimait beaucoup.
Une femme témoigna l’avoir vu monter dans une voiture bleue avec un homme qu’elle pensait être l’ancien mari de la mère de Yusuf. La police douta de ce témoignage au point de l’écarter.
Contrairement aux trois meurtres précédents, la disparition de Yusuf retint l’attention des médias alors que sa mère suppliait le ravisseur de libérer son fils bien-aimé. Sa famille et son quartier se rassemblèrent autour d’elle pour la soutenir.
Les espoirs de madame Bell s’évanouirent lorsqu’un concierge découvrit le cadavre de Yusuf dans une école abandonnée, le 8 novembre 1979. Le corps avait été coincé dans un trou de béton dans le sol. Yusuf avait été frappé à la tête et étranglé. Il s’était rendu pieds nus au magasin et était toujours pieds nus quand son corps fut retrouvé, mais la plante de ses pieds avait été lavée.
Cette affaire attira enfin l’attention des habitants d’Atlanta. Nombreux furent ceux qui se rendirent aux funérailles de Yusuf. Les autorités de la ville et les politiciens de l’opposition se pressèrent pour présenter leurs condoléances à Camille Bell, la mère de Yusuf, et pleurer la mort tragique de ce garçon prometteur. Le maire Jackson promit une enquête approfondie, mais la police ne considérait pas que les quatre meurtres étaient liés. Ils étaient juste des actes de violence aléatoires qui « se produisaient » dans des quartiers pauvres et noirs.
Camille Bell et ses proches réalisèrent pourtant que ces meurtres étaient différents des crimes habituels liés à la drogue ou aux gangs. Elle contacta les mères d’enfants disparus et assassinés, qui se réunirent dans une sorte de groupe de soutien. En discutant, elles réalisèrent qu’aucune d’entre elle n’avait réussi à convaincre la police de rester en contact. Aucune n’avait été rappelée pour être tenue au courant d’une éventuelle enquête.
Elles exprimèrent publiquement leur mécontentement face au travail bâclé de la police et de l’administration de la ville. Mais elles n’étaient pas seulement mécontentes. Elles craignaient que ces meurtres n’aient été motivés par la haine raciale et que le Ku Klux Klan soit responsable.
Aucun corps d’enfant noir ne fut retrouvé entre la mi-novembre 1979 et début mars 1980. Mais, lorsque les meurtres recommencèrent, les victimes ne furent plus uniquement des garçons.
L’accalmie prit fin le 4 mars 1980 lorsqu’Angel Lenair, douze ans, termina ses devoirs avant de quitter son appartement du sud-ouest d’Atlanta pour se rendre chez une amie. Quand elle ne rentra à la maison pour son émission de télévision préférée, sa mère, Venus Taylor, appela la police. Des garçons commençaient à tourner autour d’Angel, alors qu’elle approchait de la puberté, et sa mère s’inquiétait de plus en plus.
Les pires craintes de Venus Taylor furent malheureusement confirmées le 10 mars 1980 lorsque la police trouva le corps d’Angel attaché à un arbre avec un câble électrique autour du cou et une culotte (qui n’appartenait pas à la jeune fille) enfoncée dans sa bouche. La cause du décès était l’asphyxie par étranglement avec le câble électrique. Bien qu’il y ait eu des ecchymoses dans la région génitale, le médecin légiste ne les considéra pas comme des preuves d’agression sexuelle. Cette décision allait être contestée et il est tout à fait possible Angel a été victime d’un viol.
Cette affaire était différente des précédentes, car la victime était une jeune fille et son corps avait été retrouvé dans des circonstances différentes de celles des garçons. La police arrêta deux suspects, qui furent finalement innocentés. L’un d’eux avait été arrêté pour avoir tenté d’agresser un enfant et portait une ceinture faite de cordes électriques. Il vivait à quelques centaines de mètres de la maison d’Angel.
Le lendemain de la découverte du corps d’Angel, Jeffery Mathis, onze ans, quitta son domicile dans le quartier de West End pour acheter des cigarettes à sa mère. Le père de Jeffery, qui avait été employé comme veilleur de nuit dans un cimetière, avait été assassiné par des voleurs en 1974. Jeffery était un garçon entreprenant, qui gagnait de l’argent de poche en transportant des courses pour les clients de son quartier.
Il salua un coiffeur sur sa route vers l’épicerie, puis disparut.
Comme Yusuf Bell, Jeffery ne reviendrait jamais de sa course, qui n’était située qu’à quelques pâtés de maisons de chez lui.
Sa mère Willie Mae Mathis s’inquiéta quand, au bout d’une heure, il ne fut toujours pas revenu et envoya ses autres fils le chercher. Plus tard dans la nuit, un policier répondit à Madame Mathis d’appeler le service des personnes disparues si le garçon n’était toujours pas rentré le lendemain matin.
Ce que Willie Mae Mathis ne comprit pas immédiatement lorsqu’elle contacta ce service le lendemain, c’est qu’à Atlanta – et dans de nombreuses grandes villes américaines – ce département ne faisait quasiment aucune enquête lorsque les disparitions concernaient des adolescents ou des enfants. Non seulement le service manquait cruellement de personnel, mais on supposait presque systématiquement qu’ils étaient des fugueurs et non d’éventuelles victimes d’actes criminels (raison pour laquelle John Wayne Gacy put faire 33 victimes à Chicago…).
Même avec une vigilance accrue dans la communauté, les enfants continuait de disparaître. Quelques jours plus tôt, Willie Mae Mathis avait regardé les informations avec Jeffery, lorsqu’ils avaient vu un sujet sur les meurtres. Elle avait recommandé à son jeune fils de ne pas parler avec des hommes qu’il ne connaissait pas. Le garçon lui avait répondu qu’il ne le faisait jamais…
Jeffery avait été vu par un ami alors qu’il montait à l’arrière d’une voiture bleue.
Cette voiture bleue était très similaire à la description d’une voiture qui allait être aperçue par un autre témoin lors de la disparition ultérieure d’un garçon nommé Aaron Wyche. Les deux frères de Jeffery rapportèrent par ailleurs avoir vu une Buick bleue dans l’allée d’une maison que Jeffery fréquentait.
Fait intéressant, peu de temps après la disparition de Jeffery, des garçons de son école se plaignirent à leur directeur que, peu de temps avant la disparition de Jeffery, deux hommes noirs dans une voiture bleue avaient tenté de les faire sortir de l’enceinte de l’école. Les jeunes mémorisèrent la plaque d’immatriculation et la signalèrent à la police, mais cette piste ne fut apparemment pas suivie.
Le corps de Jeffery ne serait découvert qu’en février 1981, à l’état de squelette, dans un endroit boisé. Il serait impossible de déterminer la cause de son décès.
En mars 1980, six jeunes victimes noires avaient disparu ou avaient été assassinées. Il devenait de plus en plus clair pour les afro-américains des quartiers pauvres que leur communauté était en grave danger. Les parents commencèrent à imposer des couvre-feux à leurs enfants. Mais cela ne suffit toujours pas.
Eric Middlebrooks avait 14 ans, mais était petit pour son âge, ne mesurant qu’1m25 pour 40 kilos. Il vivait avec ses parents adoptifs sur Howell Drive, car sa mère biologique l’avait abandonné à l’âge de quatre mois. Eric avait un demi-frère aîné qui était officier de police et il aimait nager au club des garçons du quartier. Au printemps 1980, il avait été témoin oculaire d’un vol et avait témoigné contre trois mineurs.
Après avoir reçu un appel téléphonique vers 22 h 30 le soir du 18 mai 1980, il saisit ses outils et dit à sa mère adoptive qu’il allait sortir pour réparer son vélo. Tôt le lendemain matin, son corps fut retrouvé quelques pâtés de maisons plus loin, dans le garage arrière d’un bar. Son vélo était à proximité.
Ses poches étaient retournées. Il présentait des coupures au couteau à la poitrine et aux bras, mais la cause du décès était un traumatisme contondant à la tête.
Les policiers soupçonnèrent qu’Eric avait été témoin d’un vol et avait été tué pour ne pas dénoncer les voleurs, mais les preuves étaient insuffisantes pour accuser qui que ce soit.
Les funérailles d’Eric eurent lieu le 24 mai 1980. Il fut enterré au Kennedy Memorial Gardens à Ellenwood. Sa mère biologique, qui vivait en Caroline du Nord, n’assista pas à la cérémonie.
Juste aux limites de la ville d’Atlanta, à Decatur, Christopher Richardson, douze ans, vivait dans un joli quartier de classe moyenne avec ses grands-parents et sa mère. Durant l’après-midi du 9 juin 1980, Christopher partit nager dans un centre de loisirs local, le Midway Recreation Center. Il n’y arriva jamais. Le squelette de Christopher n’allait être retrouvé qu’en janvier 1981, dans des bois, par un résident qui promenait son chien. Il serait vêtu d’un maillot de bain qui ne lui appartenait pas. Son squelette allait être retrouvé à côté de celui d’Earl Terrell, qui allait disparaître quelques mois après Chris. Des cartouches de fusil de chasse, des magazines Gallery et Penthouse, un mégot de cigarette et une bande magnétique allaient être retrouvés près des corps. La cause du décès allait rester incertaine et, en fait, le médecin légiste allait d’abord déclarer que les dents du squelette ne correspondaient pas aux dossiers dentaires de Chris.
Comme Eric Middlebrooks, Chris allait être enterré au Kennedy Memorial Gardens à Ellenwood.
Quelques semaines plus tard, au petit matin du 22 juin 1980, eut lieu le crime le plus surprenant de tous lorsque la petite LaTonya Wilson, sept ans, fut enlevée à son domicile. Vêtue d’une nuisette et de sous-vêtements, elle dormait à côté de sa sœur dans une chambre où dormait également son frère. Son ravisseur a dû grimper sur le lit de son frère pour arracher Latonya de son lit, puis porter l’enfant devant la chambre de ses parents avant de sortir par la porte arrière.
Une voisine de l’immeuble Hillcrest Heights affirma avoir vu un homme noir retirer la vitre d’une fenêtre de l’appartement Wilson, entrer dans la chambre de LaTonya et repartir avec la petite fille dans ses bras. Selon elle, il s’était arrêté pour parler à un autre homme dans le parking. Mais la police douta de son témoignage, car le kidnappeur aurait dû marcher sur le lit où dormaient les deux autres enfants Wilson, alors qu’aucun des deux ne s’est réveillé. Il était a priori sorti par la porte arrière, la laissant ouverte, mais les parents ne l’avaient pas entendu.
Un autre témoin raconta que la veille, il avait vu un vieux modèle de camionnette avec deux hommes et une femme à l’intérieur, dans la zone située derrière l’appartement des Wilson.
Plusieurs jours avant l’enlèvement, un homme d’entretien avait remplacé la vitre de la fenêtre de l’appartement Wilson et, quelque temps plus tard, cet homme avoua un autre meurtre.
Le squelette de Latonya allait être été retrouvé le 18 octobre 1980 dans une zone boisée au bout de sa propre rue. La cause du décès ne pourrait être déterminée. Malgré la proximité de l’homme d’entretien avec Latonya et ses aveux pour un autre meurtre, il ne fut pas inculpé et cette affaire est toujours considérée comme non élucidée par la police d’Atlanta.
Des enfants disparaissaient les uns après les autres, mais ce n’était qu’un début. Le carnage ne faisait que commencer.
Le lendemain de l’enlèvement de La Tonya Wilson, Aaron Wyche, dix ans, disparut à son tour devant une épicerie, après être entré dans une Chevrolet bleu et blanc de la fin des années 1970 conduites par deux hommes noirs. Une femme se souvint avoir vu Aaron être conduit de l’épicerie jusqu’à la voiture par un homme noir d’environ 1m80 avec une barbiche. Elle salua Aaron, qu’elle connaissait, et il lui dit bonjour, sans donner de quelconques indications qu’il était effrayé ou inquiet. Elle le regarda monter dans la voiture et s’asseoir sur le siège passager. Selon la police, Aaron fut aperçu le même jour vers 18 heures au centre commercial de Moreland Avenue.
Son corps fut retrouvé le lendemain sous un pont d’autoroute qui passait au-dessus de voies ferrées, en dehors de la ville. Son cou était brisé, mais sa mort avait été causée par une asphyxie, “il a atterri d’une manière qui l’empêchait de respirer”. Sa mort ne fut pas initialement considérée comme un homicide, car les policiers supposèrent qu’Aaron était accidentellement tombé du pont, bien que les garde-corps furent presque aussi grands que le garçon. Selon sa famille, Aaron avait une peur panique des hauteurs et n’aurait jamais escaladé le garde-corps de son plein gré à moins de fuir quelqu’un. L’enquête s’orienta pourtant vers une piste accidentelle.
Anthony Carter était un enfant de 9 ans qui vivait avec sa mère et faisait des petits boulots autour du supermarché local. Dans la nuit du 6 juillet 1980, il jouait à cache-cache avec son cousin autour de sa maison lorsqu’il disparut.
Il fut retrouvé poignardé à mort le lendemain derrière un entrepôt, à peine à un kilomètre de chez lui, sur Wells Street. Son meurtre est toujours considéré “non élucidé”.
Alors que les enfants mourraient et disparaissaient, la police d’Atlanta maintenait que les affaires n’étaient en aucun cas liés entre elles. Selon les autorités, Atlanta avait -malheureusement, mais simplement- “un taux élevé” d’enfants assassinés. La communauté afro-américaine d’Atlanta et des environs était terrifiée, mais elles étaient aussi extrêmement frustrées.
Camille Bell, la mère de Yusuf, fit appel au commissaire à la sécurité publique Lee Brown. Il lui répondit qu’il ne voulait “pas alarmer tout le monde », alors que huit enfants étaient alors morts ou portés disparus.
L’inefficacité apparente ou perceptible de la police d’Atlanta à résoudre les disparitions et meurtres d’enfants incita alors trois des mères des victimes – Camille Bell, Willie Mae Mathis et Venus Taylor – à se joindre au révérend Earl Carroll pour former le “Comité Stop pour mettre fin aux meurtres d’enfants”. Le groupe encouragea la population des quartiers noirs à la plus grande vigilance, fit pression sur la mairie d’Atlanta et chercha le soutien d’entreprises privées blanches.
Contre toute attente, cela fonctionna. Le comité attira l’attention des médias, et en conséquence la mairie céda à la pression, annonçant la formation d’un groupe de travail (une “Task Force”) pour concentrer les efforts d’enquête et augmentant le montant total des récompenses pour des informations.
Le 30 juillet 1980, Earl Terrell, dix ans, se rendit avec des amis à la piscine de South Bend Park. Son frère Anthony aurait dû l’accompagner, mais il était resté à la maison pour s’occuper de leurs deux petits frères, en l’absence de leur mère qui travaillait. Earl adorait les pompiers au point de se précipiter à la fenêtre dès qu’il entendait les sirènes, et rêvait de devenir un soldat du feu à l’âge adulte.
Mais cet été, Earl n’avait que 10 ans, un âge où l’on fait des bêtises, au point que le maître nageur le chassa de la piscine. Il fut aperçu pour la dernière fois assis à l’extérieur de la piscine.
Il aurait ensuite été aperçu à l’extérieur de la maison d’un ami, ou achetant des glaces dans une épicerie à un pâté de maisons de chez lui, ou pleurant dans un coin de la ville voisine de Jonesboro.
Le lendemain, la tante d’Earl, qui habitait juste à côté, reçut un appel téléphonique d’un homme qui, selon elle, était “un blanc d’âge moyen avec un accent traînant du sud”. « J’ai Earl. N’appelle pas la police« . Peu de temps après, l’homme rappela : « J’ai Earl. Il est en Alabama. Il vous en coûtera 200 $ pour le récupérer. Je rappellerai vendredi. » Il ne rappela jamais.
La police apprit peu de temps après qu’un réseau de pornographie juvénile opérait juste en face de la piscine de South Bend Park. Un homme dénommé John Wilcoxen fut arrêté lorsque des enquêteurs trouvèrent chez lui des milliers de photos pédopornographiques, mais la police considéra qu’il n’existait pas de lien entre Wilcoxen et Earl Terrell parce que les photos représentaient uniquement des garçons blancs. Pourtant, un témoin affirma qu’Earl s’était rendu plusieurs fois au domicile de Wilcoxen.
La tante d’Earl ayant reçu un appel indiquant qu’Earl avait été emmené en Alabama, le FBI fit irruption dans l’enquête, car, contrairement au meurtre, l’enlèvement et le transport d’une personne d’un état à un autre sont des crimes fédéraux relevant de la compétence du FBI.
Le squelette d’Earl allait être retrouvé en janvier 1981, aux côtés d’un autre squelette qui serait identifié comme étant Christopher Richardson (bien que cette identification reste discutable à ce jour). La cause du décès d’Earl ne put pas être déterminée. Earl, comme Chris Richardson et Eric Middlebrooks, serait inhumé au Kennedy Memorial Gardens à Ellenwood.
L’été se termina par la mort d’un enfant supplémentaire, qui allait donner un nouveau visage à l’enquête. Originaire de Cleveland, Clifford Jones, 12 ans, était venu rendre visite à sa grand-mère à Atlanta. Il était petit pour son âge (1m22) et pouvait paraître plus jeune qu’il ne l’était. Il avait pris l’habitude de ramasser des canettes avec son frère pour les revendre chez le ferrailleur contre quelques cents.
Clifford fut aperçu pour la dernière fois le 19 août 1980 aux intersections de St. James et Lookout Avenue, à la recherche de canettes à vendre. Le lendemain, son corps fut retrouvé dans l’enceinte du centre commercial Hollywood Plaza, à côté d’une benne à ordures, derrière une laverie automatique. Il était vêtu d’un short de jogging rouge et bleu qui n’était pas le sien, ainsi que de chaussures de tennis blanches. Il ne portait aucun sous-vêtement. Il présentait des coupures et des ecchymoses autour de la bouche et était décédé des suites d’un étranglement par ligature. On allait également trouver sur le corps de l’adolescent des fibres vertes et trilobées.
La découverte du corps de Clifford Jones, cet adolescent “de bonne famille” qui ne vivait pas à Atlanta, poussa enfin l’administration municipale à l’action. Des années plus tard, Camille Bell, amère, allait dire à un journal local : “Lorsque Clifford Jones a été tué et que cela a fait la une des journaux, cela a menacé la pierre angulaire d’Atlanta, le secteur des congrès… Les gens ne viennent pas aux conventions dans les villes où ils ne se sentent pas en sécurité… Et ça a enfin bougé.«
Les habitants des quartiers pauvres s’armèrent de battes de baseball, se portèrent volontaires pour patrouiller dans la ville, se joignirent aux recherches pour retrouver les enfants disparus ou pour découvrir des indices qui pourraient aider à résoudre les affaires.
Cinq des meilleurs enquêteurs du pays, spécialisés dans les homicides, furent recrutés en tant que consultants. Et deux fonctionnaires du ministère américain de la Justice furent dépêchés dans la ville pour apporter leur soutien.
La police identifia un suspect sérieux du meurtre de Clifford en la personne de James Brooks, le jeune propriétaire de la laverie derrière laquelle le corps de l’adolescent avait été découvert. Selon les différentes rumeurs, il était homosexuel ou pédophile.
Trois adolescents avaient vu Brooks entrer dans la pièce arrière de la laverie avec un garçon noir. L’un des témoins, Freddie, affirma avoir vu le manager “étrangler et battre” le garçon, puis porter son corps jusqu’à la poubelle. James Brooks passa au “détecteur de mensonge” et, selon le FBI, il échoua à deux reprises. Il admit qu’il connaissait Clifford Jones et que l’adolescent était effectivement dans sa laverie le soir du 20 août 1980, mais assura qu’il ne lui avait fait aucun mal. Les experts médicaux-légaux avaient déterminé que l’heure de la mort de Clifford se situait entre quatre et six heures avant la découverte de son corps, ce qui signifiait que le responsable de la laverie était avec le garçon à peu près au moment de sa mort.
Un autre témoin déclara qu’il avait vu un homme sortir de la laverie en portant un gros objet enveloppé de plastique et le placer près des bennes à ordures la nuit précédent la découverte du corps de Clifford.
Un autre témoin affirma enfin qu’il avait entendu des rumeurs selon lesquelles Clifford avait été emmené chez le gérant. Ce témoin avait rencontré le gérant au Silver Dollar Saloon et avait passé la nuit avec lui.
Les autorités décidèrent cependant de ne pas inculper ce suspect parce que Freddie, le jeune témoin qui assurait l’avoir vu étrangler Clifford Jones, était mentalement retardé. Les policiers craignant de faire reposer leur affaire sur les témoignages d’adolescents, James Brooks ne fut jamais inculpé pour le meurtre de Clifford Jones !
Il allait par la suite être accusé d’agression et de tentative de viol dans une autre affaire, sans rapport avec les meurtres d’enfants à Atlanta, mais n’allait être condamné qu’à une peine légère. Il allait mourir plus tard des suites du SIDA.
Une fois la Task Force constituée, la police dut décider quelles affaires inclure dans son enquête. Les meurtres qui présentaient des caractéristiques particulières et similaires furent compilés dans une liste. Cette liste fut rapidement connue des médias et, de nos jours, est toujours source de controverses. Elle conduisit à une mauvaise compréhension des faits, à cause d’informations inexactes et incomplètes recueillies sur chacune des victimes, souvent causées par la négligence, l’ignorance et la mauvaise gestion des autorités. Dans de nombreux cas, les rapports de police étaient en conflit les uns avec les autres, les corps avaient été mal identifiés, les rapports avaient parfois été modifiés ou perdus, et des scènes de crime avaient été détruites.
Beaucoup de victimes qui auraient dû figurer sur la liste n’y apparurent jamais. Des centaines de meurtres avaient eu lieu à la fin des années 1970 et au début des années 1980, et au moins quatre-vingt-dix d’entre eux partageaient un lien géographique et / ou social. Lien qui fut ignoré par les autorités dans plus de soixante des quatre-vingt-dix meurtres. La Task Force ignora ses affaires parce qu’elles ne correspondaient pas aux caractéristiques communes (alors que la police modifiait constamment ces caractéristiques) et parce que les enquêteurs ne prirent pas en compte le lien géographique et social entre les victimes, à la fois sur et en dehors de la liste. Certaines victimes, qui ne figuraient pas sur la liste à un moment donné, auraient pu y figurer après la modification des caractéristiques. Ainsi, de nombreuses victimes passèrent à travers les mailles du filet.
Darron Glass avait 10 ans et vivait sur Memorial Drive avec sa mère adoptive. Le 14 septembre 1980, il descendit d’un bus après un match de baseball des Atlanta Braves et disparut à son tour. Ce soir-là, sa mère adoptive reçut un appel téléphonique d’urgence d’une personne prétendant être Darron, mais qui raccrocha presque immédiatement.
La police ne fit aucune enquête sur sa disparition, car le garçon avait déjà fait plusieurs fugues auparavant. Son corps ne fut jamais retrouvé. Le frère adoptif de Darron a affirmé savoir où se trouvait Darron et a déclaré qu’il avait reçu des appels téléphoniques de sa part jusqu’en novembre 1980. Darron est toujours porté disparu et on ne sait pas où il se trouve actuellement.
Les dirigeants noirs, les églises et la communauté afro-américaine dans son ensemble se mobilisaient sur plusieurs fronts pour faire face au massacre. Ils organisaient des veillées de prière, mettaient en place des programmes d’éducation à la sécurité et lançaient des recherches régulières pour tenter de retrouver les enfants disparus. Le conseil municipal fit même venir la voyante Dorothy Allison, qui avait prêté main forte dans certaines affaires très médiatisées. Cette dernière proposa à la police les noms de 42 hommes différents qui pouvaient être le meurtrier, dont aucun ne s’avéra intéressant.
L’avocat Chester “Chet” Dettlinger fut le premier à comprendre qu’il existait un lien géographique entre les victimes. Un certain nombre d’entre elles se connaissaient et vivaient dans les mêmes quartiers, avaient été vues pour la dernière fois ou leurs corps avaient été retrouvés dans plusieurs quartiers communs de la ville. Detlinger tenta d’expliquer le schéma qu’il voyait émerger, afin que l’enquête puisse concentrer ses efforts dans ces quartiers spécifiques, mais la police n’accueillit pas favorablement ses théories.
Pour sa défense, la police était aux prises avec des affaires pour lesquelles il existait de nombreuses causes de décès, modes opératoires et signatures différents, dont seuls quelques-uns semblaient avoir un point commun. Habituellement, un tueur en série sélectionne un type particulier de cible, masculin ou féminin, majeur ou mineur, rarement les deux. Alors que le mode opératoire peut changer en fonction de l’expérience ou de l’opportunité du tueur, la signature (la « carte de visite » psychologique que le tueur laisse sur chaque scène de crime) ne change pas (selon Robert Keppel, “Signature Killers”).
Une partie du problème résidait dans “la liste » des victimes elle-même. Il était peu probable qu’un individu ou un groupe d’individus soit responsable de tous les meurtres et disparitions. La comparaison de l’enlèvement de LaTonya Wilson avec la mort au couteau de Clifford Jones suggérait des assassins différents. Par contre, pour certaines affaires, il était très probable qu’un ou plusieurs tueurs en série agissaient à Atlanta.
Charles Stephens était un garçon de 12 ans qui vivait avec son père, sa mère et sa sœur lorsqu’il disparut le soir du 9 octobre 1980. Il regardait la télé et dessinait à la maison, puis décida d’aller voir un ami à Carver Homes. Un voisin le vit en train de jouer sur son skateboard.
Avant sa disparition, il avait été accusé de vol et de trafic de drogue. Il était connu pour traîner au grand magasin Zayre du centre commercial Stewart-Lakewood, parfois avec un homme qui conduisait une Ford LTD rouge avec un intérieur rouge.
Il fut retrouvé assassiné le lendemain matin sur une colline, près de l’entrée d’un parc de mobilhomes. Charles était mort asphyxié par un objet inconnu, il ne portait plus son t-shirt et le légiste remarqua des égratignures sur son nez et sa bouche. Sur les lieux du crime, les preuves furent malheureusement contaminées par un policier lorsqu’il posa une couverture sur le cadavre du garçon. Les fibres de la couverture furent mélangées avec les fibres déjà présentes sur le cadavre, qui provenaient sans doute des sièges rouges d’une Ford LTD.
Des poils de chien et deux cheveux d’un homme caucasien furent trouvés sur le corps. Trente mètres plus loin, les policiers retrouvèrent le caleçon de Charles, sur lequel on allait découvrir deux poils pubiens.
Un dealer contacta la police le lendemain de la découverte du corps de Charles Stephen. Il déclara que le jour de la disparition de Charles Stephens, il était monté dans la voiture d’un de ses clients pour lui vendre de la drogue. Lorsqu’il avait regardé sur le siège arrière de la voiture, il avait eu la surprise d’y trouver un jeune garçon étendu, la tête tournée vers le coffre et enveloppé dans un drap. Lorsque le dealer avait posé des questions sur ce garçon, le conducteur de la voiture s’était mis en colère et lui avait affirmé que le garçon était simplement drogué et s’était évanoui.
Excepté que le garçon ne semblait pas drogué, mais plutôt mort. Le conducteur lui avait recommandé d’oublier ce qu’il avait vu et l’avait menacé de le tuer s’il en parlait à qui que ce soit, mais le dealer s’était quand même rendu dans un commissariat. Il assura aux policiers que le conducteur était un pédophile et qu’il lui avait offert de l’argent à plusieurs reprises pour lui trouver de jeunes garçons avec qui il pourrait avoir des relations sexuelles.
La police, sans doute décontenancée par les affirmations et le casier judiciaire de ce témoin, choisit de ne pas le croire et ne mena pas d’enquête sur ses allégations.
À la mi-octobre 1980, le squelette de LaTonya Wilson fut retrouvé au nord-ouest d’Atlanta, non loin de chez elle. Il fut impossible de déterminer la cause du décès ou si elle avait été abusée sexuellement compte tenu de l’état de décomposition de son corps.
À peu près à la même époque, une équipe d’ABC News se pencha sur l’affaire, diffusant plusieurs reportages qui allaient faire découvrir au pays entier les meurtres d’enfants d’Atlanta. L’équipe affirma que le groupe de travail de la police d’Atlanta ne prenait pas note ou ne suivait pas toutes les pistes qu’ils recevaient via la “ligne directe” de la police qui avait été mise en place.
Avant la fin du mois, le maire d’Atlanta décréta un couvre-feu à l’échelle de la ville. On craignait que le ou les tueurs ne frappent durant Halloween, ciblant les enfants alors qu’ils parcouraient les rues de la ville. Les patrouilles de police furent renforcées dans le but d’empêcher un autre meurtre. Malheureusement, toutes ces précautions ne servirent à rien : un autre corps fut découvert lors de la première semaine de novembre.
Aaron Jackson, neuf ans, vivait avec son père et ses frères et sœurs, tandis que sa mère résidait à Washington, D.C. avec deux autres frères et sœurs. Il avait été ami avec Aaron Wyche, qui avait disparu en juin. Il aimait nager au centre de loisirs de Thomasville Heights. Le 1er novembre 1980, Aaron disparut du centre commercial sur Moreland Avenue. Son corps fut retrouvé sous un pont, dans la rivière South, en novembre 1980, non loin de l’endroit où le corps d’Aaron Wyche avait été découvert. Comme pour Charles Stephens, la victime précédente, le légiste pensa qu’Aaron Jackson avait été étouffé.
Dans le laps de temps où l’on pensait que Jackson avait été tué, une femme avait vu un homme près de l’endroit où le corps avait été découvert. Bien que la femme contacta la Task Force, aucun policier ne reprit contact avec elle. Et par la suite, les éléments de l’enquête sur le meurtre d’Aaron Jackson allaient être constamment confondus avec ceux de son ami, Aaron Wyche, parce que les deux garçons portaient le même prénom et se connaissaient.
Aaron Jackson allait ultérieurement être relié à « Pat Man » Rogers, avec qui lui et Wyche étaient amis et voisins. « Pat Man » avait eu le béguin pour la sœur de Jackson. Patrick « Pat Man » Rogers fut le suivant à disparaître.
Patrick « Pat Man » Rogers, 16 ans, était un fanatique de karaté et de chanson. Il allait souvent au cinéma pour regarder les films de Bruce Lee et aimait chanter avec son ami Junior Harper. Il était très connu dans son quartier. Il vivait dans les lotissements de Thomasville Heights, à proximité de l’endroit où Aaron Jackson aimait nager. Patrick connaissait non seulement Aaron Jackson et Aaron Wyche, mais avait un lien avec quinze autres victimes (dont certaines ne figuraient pas sur la liste « officielle »). Il transportait des courses au centre commercial Moreland Avenue, où Aaron Jackson avait disparu.
Le 10 novembre 1980, Patrick conduisit son jeune frère à un arrêt de bus avant de se rendre chez un ami, où il informa la mère de celui-ci qu’un homme voulait enregistrer ses chansons. Une semaine plus tôt, un homme noir supposé être Wayne Williams avait été vu en train de distribuer des dépliants dans ce quartier et il est possible que l’homme qui devait “gérer la carrière de chanteur” de Patrick ait été Wayne Williams.
Patrick Rogers disparut peu après. Comme d’autres victimes, dont Darron Glass, on pensa qu’il avait fugué. Il ne fut donc pas ajouté à la Liste avant un bon moment.
Le corps de Rogers fut retrouvé le 21 décembre 1980, sur le ventre, dans la rivière Chattahoochee. Il était mort d’un coup violent à la tête.
Après la mort de Patrick Jackson, plus aucun garçon ou préadolescent ne fut ajouté à la Liste, mais les meurtres ne cessèrent pas pour autant. Leur géographie sembla toutefois évoluer, les meurtres s’éloignèrent du centre de la ville vers les banlieues.
Lubie Geter, 14 ans, comme plusieurs des victimes précédentes, transportait des courses pour se faire de l’argent de poche. Il travaillait aussi dans un lave-auto où il vendait des désodorisants pour voiture.
On le vit pour la dernière fois au centre commercial Stewart Lakewood le 3 janvier 1981, alors qu’il vendait des désodorisants pour voitures à l’extérieur de l’épicerie « Big Star », après que son frère l’y a conduit.
Même s’il correspondait à tous les critères requis par les autorités à l’époque pour apparaître sur la Liste, aucune enquête ne fut menée sur sa disparition jusqu’à ce qu’un homme, se présentant comme le tueur, appelle la police à plusieurs reprises. Les appels furent retracés jusqu’à des téléphones publics sur l’avenue Stewart, non loin du centre commercial Stewart-Lakewood (l’endroit où Charles Stephens avait, lui aussi, disparu en octobre 1980). Les policiers ne parvinrent pas à identifier l’homme qui avait appelé.
Et malgré cela, il fallut deux jours avant que la police ne commence son enquête après la découverte du corps de Lubie, le 5 février 1981. Un homme promenant son chien dans les bois était tombé par hasard sur le corps de l’adolescent dans un état de décomposition avancé. Il ne portait plus qu’un slip. On retrouva son jean bleu et sa ceinture dans un sac deux kilomètres plus loin, sa chemise et ses chaussures étaient à 300 mètres. Le médecin légiste considéra que Lubie était mort par strangulation manuelle.
Différents témoins rapportèrent que Lubie, pour vendre ses désodorisants pour voiture, était monté dans un pick-up rouge, puis un pick-up blanc et un coupé blanc et noir. Une autre témoin allait plus tard témoigner qu’elle a vu Lubie avec Wayne Williams à l’extérieur du magasin Sears au centre commercial.
Lubie Geter fut relié à deux hommes blancs (John David Wilcoxen, le pédophile qui avait également un lien avec la victime Earl Terrell, et un homme non identifié, qui allait plus tard être lié à la victime William Barrett). Une connaissance de Lubie l’avait vu discuter avec Wilcoxen à plusieurs reprises.
Bien que cet agresseur d’enfants reconnu coupable d’agression ait eu – semble-t-il – des liens avec, au moins, deux victimes de meurtre, Wilcoxen ne fut jamais considéré comme un suspect dans le meurtre de Lubie Geter.
Terry Pue avait quinze ans lorsqu’il disparut le 7 janvier 1981. Son frère le vit monter dans un bus sur Hollywood Road vers 15 heures. Terry avait demandé à un voisin de jouer au basket avec lui, mais, à cause de la pluie, le voisin avait refusé. Terry avait alors récupéré l’argent de la consigne de bouteilles dans une épicerie près de Memorial Drive, puis avait utilisé cet argent pour s’acheter un burger dans un fast-food voisin.
Terry était un ami de Lubie Geter.
Le lendemain, un appel anonyme informa la police de l’endroit où des officiers pourraient trouver le corps de l’adolescent. Les policiers n’y trouvèrent rien. L’homme appela de nouveau, affirmant avoir placé un autre corps à cet endroit, avant d’y laisser celui de Terry.
Le 22 janvier 1981, le corps de Terry a été retrouvé près de l’Interstate 20 sur Sigman Road dans le comté de Rockdale, non pas par la police, mais par un passant. Il avait été étranglé par ligature, il présentait des écorchures sur un coude et des ecchymoses sur la tête.
Des années plus tard, le squelette de la deuxième victime dont avait parlé l’appelant anonyme fut finalement localisé, mais jamais identifié. Il est possible qu’il s’agisse du squelette de Darron Glass, toujours porté disparu.
Alors que Terry Pue a été ajouté à la Liste, ce corps non identifié ne l’a jamais été.
Le profileur du FBI Roy Hazelwood, de l’unité des sciences du comportement, se rendit à Atlanta comme consultant sur les meurtres. Des enquêteurs l’emmenèrent dans les quartiers où avaient vécu les victimes et où leurs corps avaient été retrouvés. Hazelwood comprit immédiatement que le ou les tueurs étaient noirs : tout le monde le dévisageait où qu’il aille, alors que le tueur devait se fondre dans les quartiers afro-américains, devenir invisible.
Il fut suivi quelques mois plus tard par son collègue John Douglas (qui avait mené peu auparavant des entretiens avec 25 tueurs en série et tueurs de masse avec le profiler Robert Ressler), qui arriva à Atlanta début janvier 1981 pour développer un profil psychologique du ou des tueurs.
Douglas parcourut les bois du sud d’Atlanta, où cinq des corps d’enfants avaient été retrouvés, et examina les dossiers. Lui aussi conclut rapidement que le tueur était très probablement un Afro-Américain, car une personne blanche ne pouvait pas se promener à toutes heures dans les quartiers noirs pauvres sans créer de suspicion, sans être remarquée. Douglas caractérisa l’individu comme étant d’intelligence moyenne ou supérieure à la moyenne, il parlait avec aisance et se présentait possiblement comme une figure d’autorité, peut-être un policier. Il suivait de près la couverture médiatique des meurtres et avait peut-être changé d’emploi à plusieurs reprises ou travaillait à son compte.
La police fit également appel à des experts en hypnose, des chiens d’intervention qui suivirent des pistes ou cherchèrent des corps, réalisa de nombreux tests avec un “détecteur de mensonge” et des examens d’empreintes digitales. Le laboratoire criminel de l’état de Géorgie et des experts de l’unité d’analyse microscopique du laboratoire du FBI passèrent des heures à travailler sur les fibres et les poils collectés sur les corps.
Pendant ce temps, les meurtres continuaient.
Avant sa disparition, Patrick Baltazar, 12 ans, vendait des journaux, faisait la vaisselle au Papa’s Country Buffet, nettoyait le restaurant Fisherman’s Cove et vendait de la barbe à papa à l’Omni (son père travaillait au Fisherman et à l’Omni). Le 6 février 1981, son père lui donna un peu d’argent, qu’il dépensa sur des bornes d’arcade à l’Omni jusqu’à minuit. Puis, il disparut.
Un homme de ménage découvrit le corps de Patrick dans un quartier de bureaux d’affaire quelque heures après sa disparition. Le garçon avait été étranglé et la corde qui était sans doute l’arme du crime se trouvait près de son corps, qui présentait des écorchures et des ecchymoses. Des poils de chien furent trouvés sur le corps, ainsi que des cheveux humains à l’intérieur du t-shirt de Patrick.
Dans les jours précédant sa disparition, le garçon avait appelé la Task Force pour prévenir les policiers qu’il croyait que le tueur le suivait. Malheureusement, la Task Force n’avait pas répondu. Après la disparition de Patrick, son institutrice avait affirmé qu’elle avait reçu un appel téléphonique d’un garçon qu’elle pensait être Patrick, mais qui n’avait rien dit, il avait simplement pleuré.
Le 11 février 1981, un garçon fut enlevé dans les rues d’Atlanta et jeté à l’arrière d’une voiture. Il réussit heureusement à s’échapper lorsque le véhicule s’arrêta à un feu rouge. Il fournit une description de son ravisseur qui correspondait, en grande partie, à celle de Wayne Williams.
À la fin de l’année 1980, un journal d’Atlanta rapporta que les enquêteurs avaient trouvé des fibres et des poils de chien sur le corps de plusieurs victimes, sujet qui fut repris dans d’autres journaux dans les mois qui suivirent. Le tueur modifia-t-il son mode opératoire pour effacer d’éventuelles preuves ou un autre tueur fit-il son apparition ? Toujours est-il que les corps des victimes suivantes ne furent plus retrouvés sur la terre ferme, mais dans les rivières voisines, nus ou quasi-nus.
Curtis Walker, 13 ans, résidait autrefois à Thomasville Heights, où vivait la victime Patrick Rogers, avant de se rapprocher de Bankhead Highway avec sa mère, son oncle et ses frères et sœurs. Il adorait dessiner des animaux, il le faisait avec beaucoup de talent, et espérait travailler plus tard dans le cinéma.
Son jeune frère et lui ramassaient souvent des ordures près de cette autoroute pour de l’argent. Le 19 février 1981, malgré la demande de sa mère de ne pas sortir par crainte du tueur, il se rendit dans une armurerie pour y proposer ses services, puis se dirigea vers un centre commercial près de l’intersection de Hightower Road, avec l’espoir de gagner quelques dollars en proposant aux personnes âgées de porter leurs courses jusqu’à chez elles.
Il ne revint jamais à la maison.
Il fut immédiatement ajouté à la Liste. Des chiens pisteurs détectèrent son odeur derrière l’école Center Hill sur l’autoroute Bankhead, puis la perdirent, comme s’il était monté dans un véhicule.
Après la disparition de Curtis, le révérend Earl Paulk de l’église de Chapel Hill Harvester reçut des appels téléphoniques d’une personne prétendant être l’assassin de Curtis.
Le corps de l’adolescent fut retrouvé le 6 mars 1981 dans la rivière South. Un pompier traversant la rivière avait découvert le corps accroché à une bûche, à moins d’un kilomètre de l’église Chapel Hill Harvester. Curtis était nu à l’exception de son slip. La mort de Curtis, comme beaucoup d’autres, était due à une asphyxie, probablement un étranglement avec une cordelette.
Le même jour, des agents du FBI retrouvèrent le squelette de Jeffery Mathis, disparu depuis près d’un an.
Dans une triste coïncidence, l’oncle de Curtis, Stanley Murray, fut abattu plus tard cette année-là, à l’âge de 21 ans.
Joseph “Jo-Jo” Bell avait déjà enduré des épreuves avant 1981. Sa mère était en prison pour avoir tué son père et Jo-Jo vivait avec sa grand-mère. L’adolescent de 15 ans fréquentait le John Harland Boys Club et travaillait dans un restaurant de fruits de mer quand il n’allait pas à l’école.
Il avait dit à ses amis, alors qu’ils discutaient des meurtres d’Atlanta, qu' »aucun voleur d’enfant ne m’attrapera ».
Il disparut le 2 mars 1981 après avoir joué au basket avec un ami à l’école Agnes Jones, que la victime Latonya Wilson avait fréquenté. Cet ami, âgé de 21 ans, allait déclarer avoir vu Jo-Jo monter dans un break avec Wayne Williams sur Westview Drive. Le même jour, Wayne Williams aurait été vu à près de la rivière South.
Deux jours plus tard, un de ses collègues du restaurant déclara à son manager que “Jo-Jo” l’avait appelé et lui avait dit qu’il était « presque mort ». “Jo-Jo” avait supplié son collègue de l’aider, avant de raccrocher brusquement. Le gérant signala l’appel à la police. Le 7 mars, la grand-mère de Jo-Jo reçut un appel d’une femme affirmant qu’elle avait enlevé Jo-Jo. La même femme rappela et parla avec les deux autres enfants de Mme Bell. Cette dernière appela immédiatement la Task Force, qui ne la recontacta jamais. Frustrée, elle contacta alors le FBI, mais il était trop tard.
Le 19 avril 1981, le corps de Jo-Jo fut retrouvé par deux motards se promenant sur un nouveau sentier pour les cavaliers dans le comté de Rockdale, au bord de la rivière South. Comme Curtis Walker, Jo-Jo n’était vêtu que de son slip. La cause du décès était l’asphyxie.
“Jo-Jo” fut relié à plusieurs victimes qui figuraient sur et hors de la Liste :
- Sa mère s’était liée d’amitié avec une codétenue qui se trouvait être la sœur d’Alfred Evans.
- Jo-Jo était allé dans un centre de loisirs avec Cynthia Montgomery, une victime assassinée qui ne figurait pas sur la Liste, mais pouvait être liée à de nombreuses autres victimes.
- Jo-Jo était également amis avec Timothy Hill, un jeune homme tourmenté aux tendances violentes, qui disparut onze jours après Jo-Jo.
Un camarade de classe affirma que Jo-Jo et Timothy Hill fréquentaient une maison de Grey Street dont le propriétaire était un homme de soixante-trois ans nommé Thomas Terrell, connu pour avoir un intérêt particulier pour les jeunes garçons.
Timothy Hill, 13 ans, connaissait bon nombre des victimes précédentes. Outre Jo-Jo Bell, il fréquentait également Patrick Baltazar, Patrick Rogers, Anthony Carter et peut-être Alfred Evans et Jeffery Mathis. Des membres de sa famille vivaient en face de chez Eric Middlebrooks.
Il disparut donc ce même mois. Le 11 mars 1981, après avoir joué avec sa nièce, Timothy quitta son jardin. La nièce expliqua plus tard qu’il était parti en taxi et qu’un homme lui avait mis de la « boue » sur le visage…
Le voisin de Thomas Terrell assura avoir vu Timothy sur Grey Street la veille de sa disparition. Un jeune homme qui avait aussi connu Timothy et Thomas Terrel déclara à la police que Terrel payait régulièrement Timothy pour des faveurs sexuelles. Interrogé par la police, Terrell confirma. Un troisième témoin rapporta à la police que Timothy avait passé la nuit chez Terrell après avoir raté son bus la veille de sa disparition. Ce même témoin fut le dernier à voir Timothy.
Le corps de Timothy fut retrouvé le 30 mars 1981 dans la rivière Chattahoochee par des pêcheurs. Il ne portait que son slip. La cause du décès était une asphyxie.
Timothy fut le dernier enfant à être ajouté à la Liste. La cause de son décès était une asphyxie. Tom Terrell ne fut jamais soupçonné ni du meurtre de Timothy ni de celui de Jo-Jo.
L’horrible série de meurtres continuait, mais les victimes devenaient plus âgées. Et l’on trouvait à présent des cadavres dans les rivières.
Soudainement, il n’y eut plus d’enfants victimes. Les goûts du meurtrier avait-il changé ? Les programmes d’éducation à la sécurité et le couvre-feu fonctionnaient-ils enfin ? Les autorités de la ville avaient établi un couvre-feu de 19 h à 6 h du matin, du lundi au dimanche, pour empêcher les enfants et les adolescents de sortir après le coucher du soleil.
Mais ce couvre-feu ne s’appliquait pas aux jeunes âgés de 17 ans et plus. Les nouvelles victimes étaient-elles par conséquent des jeunes hommes adultes noirs de petite taille ?
Au printemps 1981, les résidents d’un projet de logement nommé Techwood Homes descendirent dans la rue pour protester contre le fait que la police ne faisait pas son travail pour protéger la population.
Décidés à prendre les choses en main, ils formèrent une “patrouille armée” composée de résidents armés de battes de baseball qui patrouillaient dans leur communauté. Malheureusement, les tentatives de ces résidents, comme celles des autorités, ne parvinrent pas à empêcher les meurtres.
Le jour exact où les résidents avaient commencé leur « patrouille armée » et dans le projet d’habitation même dans lequel elle avait été formée, un jeune homme nommé Eddie (Bubba) Duncan disparut.
Eddie Duncan eut la malheureuse distinction d’être le premier adulte ajouté à la liste des victimes. À 21 ans, il vivait avec sa mère dans le quartier de Techwood. Il travaillait dans une épicerie locale et faisait de petits boulots juste à côté, dans un salon de coiffure et une supérette. Eddie avait plusieurs handicaps physiques et intellectuels, et il avait purgé un an de prison pour des vols. Il était ami avec Patrick “Pat Man” Rogers et, semble-t-il, Timothy Hill.
Le 20 mars 1981 après-midi, il aurait dû passer du temps avec un ami dans un centre de loisirs où il lui arrivait de travailler. Mais il ne s’y rendit pas et ne vit pas non plus sa petite amie plus tard dans la journée. Un ami rapporta avoir vu Eddie vers 19 heures alors qu’il se dirigeait vers son appartement en mentionnant qu’il allait jouer au billard. Le frère d’Eddie allait déclarer qu’Eddie lui avait dit qu’il allait gagner 200 $ en aidant quelqu’un à déménager en Caroline du Sud.
Selon les différents témoins, Eddie fut aperçu pour la dernière fois près du centre de loisirs ou en train de monter dans une voiture avec un homme à la peau claire au coin de Techwood Drive et North Avenue.
Le 31 mars 1981, le corps d’Eddie fut retrouvé dans la rivière Chattahoochee, à quelques mètres de l’endroit où Timothy Hill avait été retrouvé 24 heures plus tôt. Son corps n’était vêtu que de son caleçon. Une fois de plus, le médecin légiste conclut à une asphyxie probable.
Après le décès d’Eddie, les paramètres de la Liste furent modifiés pour englober les victimes plus âgées. Avant cette période, d’autres jeunes adultes n’avaient pas été inscrits sur la Liste parce qu’ils étaient considérés comme « trop âgées ». Ces jeunes victimes adultes ne furent jamais ajoutées à la Liste, même après la modification des paramètres.
D’énormes sommes d’argent furent offertes en récompense pour aider à retrouver le ou les tueurs. Une grande partie de l’argent fut donnée ou collectée par des entreprises et des célébrités, telles Mohammed Ali, Burt Reynolds, Frank Sinatra ou Gladys Knight and the Pips. En 1981, le président Reagan lui-même remit plus de deux millions de dollars à la ville d’Atlanta et à la Task Force tant pour l’enquête que pour les citoyens qui avaient besoin d’être accompagnés face au stress provoqué par les meurtres. Les autres fonds collectés furent principalement utilisés pour aider les familles des victimes de Liste, mais seules quelques-unes d’entre elles reçurent effectivement de l’argent, car la ville et les organisations à but non lucratif éprouvèrent de grandes difficultés à gérer cette manne financière. Une grande partie de l’argent passa entre les mailles du filet du système, fut égaré temporairement, voire totalement perdu. Et malgré le flux massif d’argent offert à la ville pour aider à mettre fin aux meurtres, ceux-ci continuèrent.
Le commissaire à la sécurité publique Lee Brown assurait que la Task Force examinait à présent chacune des 1000 pistes qu’elle recevait chaque jour et que “la technologie informatique à sa disposition (était) la plus sophistiquée jamais utilisée dans une enquête criminelle”.
En 1981, cette technologie n’en était en réalité qu’à ses balbutiements.
Quant à la Task Force, un groupe d’hommes principalement issus des rangs de la police d’Atlanta, elle était donc complètement submergée d’informations, et manquait cruellement d’enquêteurs expérimentés en homicides.
Le second adulte qui fut ajouté à la tristement célèbre Liste était Larry Rogers, vingt ans (aucun lien avec Patrick Rogers). Larry vivait avec son père adoptif et était mentalement retardé.
Des témoins affirmèrent avoir vu Larry soit dans l’après-midi du 30 mars 1981, montant dans un break Chevrolet vert avec un homme à la peau claire, soit le 1er avril 1981 à l’intersection de Simpson Road et West Lake Avenue.
Une femme allait plus tard déclarer qu’elle fréquentait une église baptiste située en face de la résidence de Wayne Williams, et que, selon elle, l’homme dans le break Chevrolet vert était Wayne Williams.
Larry fut retrouvé mort plus de deux semaines plus tard, non pas dans une rivière, comme les trois victimes précédentes, mais dans un appartement d’un immeuble abandonné. Sa cause de décès, comme souvent, était « une asphyxie probable, par strangulation ». Il portait des vêtements qui n’étaient pas les siens. Des poils de chien furent récupérés sur son corps.
Larry Rogers fut l’une des quelques victimes directement reliées à Wayne Williams. Celui-ci avait caché le jeune frère de Larry de la police. Ce jeune frère avait été impliqué dans une violente bagarre et Wayne Williams, qui avait entendu parler de l’altercation par hasard sur son scanner de police, avait emmené le frère à l’hôpital. Wayne Williams était ensuite allé chercher la mère des deux garçons et l’avait emmenée dans un appartement où se cachait le jeune Rogers.
Mme Rogers témoignerait plus tard contre Wayne Williams lors de son procès : l’appartement où Williams l’avait emmenée était proche de l’endroit où son fils aîné avait ensuite été retrouvé mort.
Michael McIntosh, un ancien détenu de vingt-trois ans, avait purgé une peine de 1976 à 1979 pour cambriolage, vol à main armée, recel de biens volés, possession de marijuana et tentative de viol.
Le 25 mars 1981, le jeune homme entra dans un magasin en pleurant, expliquant au gérant qu’il avait été tabassé par deux hommes noirs. Il quitta ensuite le magasin et se dirigea vers la rivière Chattahoochee. Il ne fut jamais revu vivant.
Michael McIntosh avait vécu en face du restaurant où “Jo-Jo” Bell avait travaillé. D’ailleurs, ils se connaissaient et boxaient ensemble. Comme Jo-Jo, Michael traînait avec de jeunes homosexuels et l’était peut-être lui-même. Il avait été vu plusieurs fois chez Tom Terrell, dans la maison que Jo-Jo Bell et Timothy Hill fréquentaient.
Michael McIntosh fut retrouvé dans la rivière Chattahoochee le 20 avril 1981 par un agriculteur. Il était nu et lui aussi était mort d’une “asphyxie probable”. Il connaissait une autre victime qui disparaitrait un mois plus tard, Nathaniel Cater.
Le 13 avril 1981, le directeur du FBI, William Webster, causa une réaction épidermique des autorités locales lorsqu’il annonça que la police d’Atlanta avait identifié les différents assassins quatre des enfants tués, sans nommer les victimes. Mais qu’ils n’avaient pas encore suffisamment de preuves pour les inculper.
Selon Webster, ces affaires n’avaient aucun lien avec les autres meurtres et n’étaient pas l’œuvre du ou des tueurs en série qui avait “commis 12 à 16 des 23 meurtres”. « Nous sommes raisonnablement sûrs des raisons et des auteurs”.
Le FBI annonçait donc officiellement qu’il existait un, voire plusieurs tueurs en série, mais que plusieurs des meurtres, peut-être la moitié, n’étaient pas reliés à la série, et étaient sans doute l’œuvre d’assassins “classiques” qui n’avaient fait qu’une seule victime. Cet avis était partagé par nombre de journaux locaux et nationaux.
Toutefois, les habitants d’Atlanta attendirent des inculpations qui ne virent jamais, car les procureurs des alentours voulaient se concentrer sur les meurtres de la liste et désiraient des preuves plus solides contre les quatre assassins. Si le FBI dut officiellement faire marche arrière, de nombreux enquêteurs et médecins légistes d’Atlanta partageaient l’avis du Bureau : seuls certains des meurtres étaient le résultat de crimes en série.
John Porter, comme Michael McIntosh, était un ancien détenu. Le jeune homme de 28 ans passait la plus grande partie de son temps avec sa grand-mère avec qui il résidait parfois, mais elle l’avait chassé à plusieurs reprises à cause de son comportement erratique. Il souffrait de graves problèmes mentaux et avait fait plusieurs séjours dans un hôpital psychiatrique. Elle l’avait chassé de chez elle peu de temps avant sa disparition parce qu’elle l’avait surpris alors qu’il caressait un garçon de 2 ans dont elle s’occupait.
Il avait alors emménagé avec sa mère près du stade du comté, bien qu’il ait également des désaccords avec elle.
Il fut retrouvé mort en avril 1981. Il avait été poignardé à six reprises et abandonné sur le trottoir d’un terrain vague. Initialement, John Porter ne fut pas inscrit sur la Liste, mais il le fut peu avant le procès de Wayne Williams, lorsque des fibres trouvées sur son corps furent liées à Williams.
Jimmy Ray Payne, 21 ans, avait disparu le même mois que John Porter. La petite amie de Payne l’avait vu le jour même de sa disparition, car il l’avait accompagnée jusqu’à un arrêt de bus le matin du 22 avril. Elle s’était inquiétée lorsqu’il n’était pas venu la chercher à ce même arrêt de bus, puisqu’ils avaient prévu de s’y rencontrer. Jimmy avoir souffert d’épisodes de dépression, en particulier pendant son incarcération pour un cambriolage. À un moment donné, il avait même tenté de se pendre avec ses draps, mais un assistant social l’en avait empêché. Il souffrait de dépression. Au moment de sa disparition, il était suivi par un médecin.
Le corps de Jimmy Ray Payne fut retrouvé par des pêcheurs moins d’une semaine après sa disparition, flottant dans la rivière Chattahoochee. Le médecin légiste ne parvint pas à déterminer la cause de son décès, car il était resté trop longtemps dans l’eau. Son corps ne portait qu’un short rouge et dans la poche se trouvait un numéro de téléphone qui fut retracé jusqu’à une adresse où vivait la toute première victime signalée, Edward Smith.
Un homme du nom de Fred Wyatt fut arrêté en possession de la carte d’identité de prison de Jimmy. Il prétendit l’avoir trouvé près du stade du comté, où vivait la mère de John Porter.
William “Billy Star” Barrett était un délinquant juvénile de dix-sept ans qui disparut le 11 mai 1981. Son casier judiciaire comprenait des voies de fait graves, des infractions en matière de drogue, des vols et de recel de biens volés. Il avait fait un passage dans un centre pour jeunes délinquants en octobre 1980 et avait été admis au Département de réadaptation des délinquants de Géorgie. Peut-être pas par hasard, le corps d’Eric Middlebrooks avait été retrouvé à côté du bâtiment du Département de réadaptation.
William disparut alors qu’il allait payer une facture pour sa mère au McDaniel-Glenn Housing Community Centre, le même centre communautaire où Patrick Rogers, l’un de ses amis, traînait souvent. Un témoin allait affirmer avoir vu l’adolescent à quelques pâtés de maisons de son domicile monter dans une voiture blanche avec un homme noir.
Le 12 mai 1981, lendemain sa disparition, le corps de William fut retrouvé près d’une zone boisée proche d’une autoroute, non loin de chez lui, par des agents du FBI. Il avait été étranglé avant d’être poignardé. Le corps était entièrement habillé, il ne manquait que sa veste en jean. Des poils d’animaux blancs venant du col d’un vêtement furent prélevés sur le corps.
Des rapports de police indiquaient que William Barrett avait été menacé par un “tueur à gages”. Un élève de primaire aurait été approché par un homme qui lui aurait offert 3 000 $ pour tuer William Barret.
Un numéro de téléphone fut trouvé dans la poche de son pantalon. La police remonta jusqu’à un homme blanc (reconnu coupable de pédophilie), qui avait été vu plusieurs dans le centre de loisirs fréquentés par plusieurs victimes, alors qu’il cherchait à attirer des garçons. Selon des témoins, William Barret et Lubie Geter se seraient tous deux rendu au domicile de cet homme avant leur mort. William et Lubie fréquentaient le même magasin de quartier.
Nathaniel Cater, un ex-detenu de vingt-sept ans, devint la dernière victime à figurer sur la Liste. Jusqu’au 24 avril 1981, il avait vécu avec son père dans le même immeuble que la jeune Latonya Wilson. Il avait travaillé dans une entreprise d’interim d’ouvriers où Michael McIntosh avait également trouvé du travail.
La police ne sut jamais réellement quand Nath Cater avait disparu, mais elle savait qu’il dealait et qu’il était alcoolique. Ouvertement homosexuel, il lui arrivait de se prostituer au Silver Dollar Saloon sur Spring Street, le même endroit fréquenté par le gérant de la laverie près de laquelle Clifford Jones avait été tué. Selon un témoin, il vendait son sang, son corps et de la drogue pour de l’argent.
Le 21 mai 1981, le réceptionniste de l’hôtel Falcon le croisa vers 15 heures. Un jardinier, Robert Henry, rapporta avoir vu Nathaniel tenir la main de Wayne Williams à l’entrée du théâtre Rialto sur Forsyth Street. Nathaniel aurait également été aperçu en train de quitter le Cameo Lounge, en direction de la gare routière, près de Central City Park.
Des amis rapportèrent quant à eux avoir vu Nathaniel le 23 mai.
Le corps nu de Nathaniel Catter fut découvert le 24 mai 1981, flottant dans la rivière Chattahoochee. Le médecin légiste détermina que Nathaniel était mort des suites d’une asphyxie, mais ne fut pas en mesure de dire précisément depuis combien de temps le corps était resté dans l’eau.
Voici une carte des meurtres d’Atlanta créée par The Atlanta Journal-Constitution. En bleu, les lieux où les victimes ont disparu ; en rouge, les lieux où elles ont été retrouvées ; en orange, les établissements scolaires qu’elles fréquentaient. Les maisons représentent les endroits où elles vivaient. La maison de Wayne Williams est figurée par une étoile sur un cercle bleu.
Chet Dettlinger, un ancien officier de police, commissaire à la sécurité publique et consultant pour le ministère de la Justice, mena une enquête personnelle sur les meurtres d’Atlanta à partir de 1980. Dettlinger offrit d’abord ses services à la police qui la refusa. Il se tourna alors vers les mères des victimes, qui acceptèrent son aide pour tenter de mettre fin aux meurtres. Aidé de plusieurs bénévoles, Dettlinger s’associa à Dick Arena, un ancien analyste du crime, et aux détectives privés Bill Taylor et Mike Edwards. Dettlinger et son groupe de volontaires effectuèrent en réalité une grande partie du travail de terrain que la police n’avait pas fait, notamment du porte-à-porte dans les quartiers où les victimes vivaient et avaient disparu, en posant des questions et en cherchant des pistes et des liens entre les meurtres. Ce que Dettlinger découvrit, c’est un schéma précis incluant toutes les victimes de la Liste et de nombreuses victimes qui n’avaient jamais figuré sur la liste.
Les conclusions de Dettlinger étaient significatives dans la mesure où elles reconnaissaient des points communs sociaux et géographiques entre les victimes. Au plus fort des meurtres d’Atlanta, il fut capable de prédire avec une certaine précision où les victimes allaient disparaître et être retrouvées. Les agents de la Task Force et la police, qui refusaient de reconnaître tout lien entre les affaires, qu’il soit géographique ou social, finirent même par soupçonner Dettlinger d’être impliqué dans les meurtres. Cependant, il fut rapidement relâché lorsque les autorités réalisèrent que les informations et les connaissances que Dettlinger possédait -et qui leur faisaient défaut- provenaient en fait de leur mauvaise assimilation des informations et d’une mauvaise gestion de l’enquête. Lorsqu’il réalisa que Dettlinger connaissait plus de faits essentiels concernant l’enquête que le service de police, le FBI fit même appel à lui en tant que consultant expert.
Au cours de l’été 1980, Dettlinger commença à dresser la carte des victimes de meurtre qui avaient initialement figuré sur la Liste. Cependant, il découvrit rapidement qu’il existait de nombreuses victimes que la police avait laissées de côté et dont les meurtres méritaient d’être examinés. La liste des victimes de Dettlinger était bien plus longue que celle de la Task Force. Plusieurs de ces victimes qui avaient d’abord été ignorées par les agents de la Task Force, comme Aaron Wyche et Patrick Rogers, avaient été inscrits sur la liste de Dettlinger peu après leur disparition. Certains de ces noms furent ensuite ajoutés par les agents de la Task Force en raison de la pression croissante exercée par Dettlinger, qui avait pu leur fournir les informations qui leur manquaient leur permettant de relier ultérieurement les affaires. Dettlinger cartographia avec précision les endroit où les victimes avaient vécu, où elles avaient disparu et où elles avaient été retrouvées. Ce faisant, il découvrit que les victimes étaient reliées à Memorial Drive et à onze autres grandes rues situées à proximité. Dettlinger constata également que les meurtres “se déplaçaient” en direction de l’est.
Après la mort de Patrick Rogers, les victimes retrouvées étaient plus âgées et leurs corps avaient été abandonnés en dehors des limites de la ville, mais toujours sur les mêmes rues. Même les découvertes de cadavres de la Chattahoochee et de la South River se produisaient au niveau des ponts portant les noms d’une des rues de la carte. Les paramètres restaient fondamentalement les mêmes, malgré l’âge grandissant des victimes.
À la suite d’une proposition d’un agent du FBI, des équipes de surveillance furent créées le 27 avril 1981 pour couvrir les douze ponts qui traversaient la rivière Chattahoochee et deux qui traversaient la rivière South. Puisque le tueur avait modifié son mode opératoire, abandonnant les corps de ses victimes non plus dans des terrains vagues, mais dans des rivières, il fallait surveiller les ponts. Chaque équipe comprenait de jeunes policiers d’Atlanta, positionnés sous le pont qui leur était assigné, ainsi qu’un agent du FBI et un officier de la police d’Atlanta, postés au-dessus, à chaque extrémité du pont.
Après presque quatre semaines de surveillance nocturne des ponts du crépuscule à l’aube sans activité suspecte, la surveillance des ponts touchait à sa fin. Un peu avant 3h du matin, le vendredi 22 mai 1981, sur le pont James Jackson Parkway qui traverse la rivière Chattahoochee, des policiers étaient postés autour du pont.
L’officier Freddie Jacobs était en faction du côté du comté de Fulton, sur la partie sud du pont. Le policier Bob Campbell était posté sous le pont, du côté nord du comté de Cobb.
Campbell s’ennuyait, se demandait quand on allait enfin le remplacer, lorsqu’il entendit un bruit dans la rivière, l’éclaboussure de quelque chose jeté dans l’eau. Campbell se tourna vers la rivière et, y remarquant de fortes ondulations, pensa qu’on y avait jeté quelque chose de lourd. Il ne distingua rien de particulier, mais contacta ses collègues par radio quand il réalisa qu’une voiture, phares allumés, s’éloignait doucement sur le pont.
L’agent Jacobs vit les phares de la voiture roulant sur le pont en direction du sud. Il put détecter que la voiture était un break Chevrolet blanc de 1970. La voiture traversa le pont dans le comté de Fulton en direction d’un magasin d’alcools de l’autre côté, puis fit demi-tour et retraversa le pont.
Au magasin d’alcools, un policier chevronné d’Atlanta, Carl Holden, était à l’affût d’activités suspectes lorsqu’il aperçut le break blanc. Il décida de le suivre alors qu’il traversait le pont pour entrer à nouveau dans le comté de Cobb.
Il contacta par radio l’agent du FBI Greg Gilliland, qui arrêta la voiture blanche à quelques centaines de mètres du pont. Carl Holden suivait toujours la voiture lorsqu’elle fut arrêtée.
Le conducteur du break était un jeune homme du nom de Wayne Williams.
Williams, vingt-trois ans, se montra nerveux et agité, il ne cessa de regarder autour de lui en frottant ses mains. Il surprit les policiers en lâchant : « Je sais que c’est à cause de ces garçons ».
Interrogé sur la raison de sa présence sur le pont à cette heure, il déclara qu’il traversait le pont pour se rendre au domicile d’une cliente potentielle. Cette cliente s’appelait Cheryl Johnson et il avait l’intention de l’auditionner comme chanteuse.
Il s’était rendu à la station-service en haut de la rue, y avait appelé Cheryl Johnson, avec qui il avait rendez-vous plus tard dans la journée, et était en train de conduire pour localiser son domicile. Sa voiture, dit-il, appartenait à son oncle.
Après vérification, les officiers de police ne crurent pas son histoire : le numéro de téléphone de Cheryl était incorrect et l’adresse n’existait pas. Wayne Williams autorisa les agents à fouiller sa voiture. Pendant plus d’une heure, il fut interrogé sur ce qu’il faisait sur le pont et sur la raison de sa présence dans la région. Wayne Williams répéta son histoire… Les policiers finirent par la laisser partir, car ils n’avaient rien contre lui, mais lui firent comprendre qu’ils reviendraient vers lui.
Plusieurs heures plus tard, les agents draguèrent la rivière Chattahoochee autour du pont, mais ne trouvèrent aucune trace de corps.
Le lendemain, la police interroge à nouveau Williams et réalisa peu à peu qu’elle avait affaire à un homme tout à fait inhabituel. Elle décida de contacter ses voisins, ses anciens camarades de lycée, les personnes qui avaient travaillé avec lui dans le domaine de la radio et des médias… Presque tous déclarèrent que Wayne Williams était un sympathique jeune homme, ambitieux et intelligent. C’était aussi un solitaire qui n’avait pas d’ami, pas de petite amie, et qui exagérait beaucoup sa prétendue réussite.
Des voisins des Williams allaient expliquer à Chet Dettlinger que, dans les jours qui suivirent l’événement sur le pont, Wayne Williams et son père « firent un grand travail de nettoyage dans leur maison. Ils sortirent des boîtes et les transportèrent dans le break, on ne sait où. Ils brûlèrent des négatifs et des tirages photographiques dans le barbecue ». Wayne Williams passa également un long moment à nettoyer son break blanc.
Le 24 mai 1981, le corps nu de Nathaniel Cater, qui avait disparu quelques jours plus tôt, fut découvert dans la rivière Chattahoochee, pas très loin de l’endroit où le corps de Jimmy Ray Payne avait été retrouvé.
Le médecin légiste établit une fois de plus que la cause du décès était une asphyxie, peut-être une strangulation. Comme il ne fut pas en mesure d’établir l’heure du décès de Nath Cater, on ne sut pas vraiment comment ni quand le jeune homme était mort, mais seulement qu’il avait cessé de respirer pour une raison inconnue. Le médecin légiste déclara malgré tout que Nathaniel Cater était mort juste assez longtemps pour que Wayne Williams ait pu le jeter du pont plusieurs jours auparavant.
Sur la base de la découverte du corps et de l' »éclaboussure » du pont, la police émit la théorie que Williams avait tué Nathaniel Cater et l’avait jeté du pont la nuit où ils l’avaient arrêté.
La police surveilla Wayne Williams en permanence, tout en obtenant les mandats de perquisition nécessaires pour fouiller le domicile de ses parents et ses voitures. Tout au long de la série de meurtres, un grand nombre de fibres avaient été prélevés sur les corps des différentes victimes. Le FBI voulait déterminer si l’une des fibres provenant de l’environnement de Wayne Williams correspondait à celles prélevées sur les victimes des meurtres. En outre, on avait retrouvé des poils de chien sur certaines des victimes. Des échantillons de poils du chien de Williams furent prélevés pour comparaison.
Lorsque le FBI interrogea Williams sur ses activités la nuit de l’incident du pont, le jeune homme leur répondit qu’il avait joué au basket-ball cet après-midi-là au Ben Hill Recreation Center, puis qu’il était rentré chez lui. Plus tard dans l’après-midi, Williams expliqua qu’il avait reçu l’appel d’une femme qui disait s’appeler Cheryl Johnson et qui voulait passer une audition. Elle lui aurait donné un numéro de téléphone et une adresse à Smyrna et aurait convenu de rencontrer Williams à son appartement à 7 heures le lendemain matin. Il affirma être resté chez lui jusqu’à ce qu’il se rende au Sans Souci Lounge après minuit pour récupérer son magnétophone auprès du gérant. Il avait quitté le Sans Souci, car le gérant était trop occupé pour le recevoir. Il expliqua ensuite au FBI qu’il avait cherché l’appartement de Cheryl Johnson et avait conduit autour de Smyrna à la recherche des appartements Spanish Trace dans lesquels elle disait vivre. Ne trouvant pas les appartements, il s’était arrêté dans un magasin de spiritueux et avait appelé le numéro de téléphone qu’elle lui avait donné, mais le numéro était occupé. Plus tard, il s’était à nouveau arrêté pour l’appeler, mais cette fois le téléphone avait sonné sans qu’elle réponde.
Wayne Williams s’était alors rendu sur le pont de Jackson Parkway puis dans un fast food/station service pour appeler de nouveau Cheryl Johnson. Cette fois, selon Williams, quelqu’un avait répondu, mais en expliquant que c’était un mauvais numéro. Williams était alors retourné vers le pont, et c’est là que les officiers l’avaient arrêté pour l’interroger.
L’histoire racontée par Williams ne tenait pas… Ses affirmations selon lesquelles il était au Ben Hill Recreation Center et au Sans Souci avant l’incident du pont étaient des mensonges. Lorsque les policiers vérifièrent ses dires, ils ne trouvèrent ni Cheryl Johnson, ni appartements Spanish Trace, et le numéro de téléphone de la jeune femme était faux.
Le FBI fit passer à Wayne Williams trois tests polygraphiques distincts (“détecteur de mensonges”), qui indiquèrent tous que Williams n’était pas honnête dans ses réponses.
Williams surprit tout le monde lorsqu’il convoqua soudainement une conférence de presse à son domicile et remit aux journalistes un long curriculum vitae – dont une grande partie était exagérée, trompeuse ou mensongère. Voire délirante.
Le CV de Waynes Williams indiquait par exemple qu’il avait travaillé pour la ville d’Atlanta dans «l’identification d’incendie criminel» et qu’on lui avait demandé de «créer une unité d’identification d’incendie criminel» pour le Bureau des services d’incendie d’Atlanta. Lorsque les responsables affirmèrent qu’ils n’avaient jamais travaillé pour eux, Williams déclara qu’il l’avait fait principalement de manière officieuse, et seulement à quelques reprises. C’était faux.
Il assurait avoir piloté des jets F-4 à proximité de la base aérienne de Dobbins, mais interrogé par les journalistes, il déclara qu’il avait toujours volé en binôme en tant qu’élève-pilote. C’était faux.
Il assurait avoir travaillé avec des artistes de la scène locale en tant qu’assistant de studio ou ingénieur, mais qu’il ne nommait personne en dehors de sa propre “écurie” illusoire de talents.
Le CV “officiel” de Waynes Williams présentait par ailleurs un vide pour la période de juin 1977 à janvier 1979, le dernier élément daté. Selon lui, il avait travaillé “dans le secteur des films d’information indépendants”. Il n’y avait aucune mention du fait qu’il n’avait pas terminé ses études à l’université…
Quand les journalistes l’interrogèrent sur les victimes, ses réponses furent terriblement désinvoltes. Il accusa les victimes et leur famille de « l’avoir cherché » : « Certains de ses gamins se sont retrouvés dans des endroits où ils n’auraient pas dû être à certains moments de la nuit ou de la journée, certains ne sont pas surveillés par leurs parents et ils sont tout le temps dans la rue. Et tout ce que je dis, c’est que quand vous faites ça, vous ne donnez pas à quelqu’un l’autorisation de tuer, mais vous vous ouvrez à toutes sortes de choses« .
Très détendu, Williams déclara aux médias qu’il était innocent et que les autorités essayaient simplement de trouver un bouc émissaire. Il se permit même de critiquer les journalistes et la manière dont ils traitaient cette affaire, leur offrant quelques conseils ! Ce moment marqua le début d’un cirque médiatique devant le domicile des Williams, qui dura durant plusieurs semaines.
Wayne Williams ne fut ni ému ni déstabilisé par toute l’excitation provoquée autour de cette affaire, alors même que ses parents – qui continuaient de le soutenir – en subissaient les conséquences : son père perdit son second emploi de photographe et sa mère, qui était déjà en mauvaise santé, tomba malade.
Pendant ce temps, les laboratoires du FBI affirmèrent qu’ils avaient trouvé un certain nombre de correspondances entre les fibres découvertes sur les corps de Carter et Payne et les fibres provenant de la maison et des voitures de Wayne Williams. Les laboratoires assurèrent qu’il existait une similitude entre les poils de chien trouvés sur les victimes et les poils du chien de Williams. Par ailleurs, des fibres de tapis de nylon vert avaient été prélevés sur de nombreux corps retrouvés sur la terre ferme.
Le FBI pensait posséder des preuves solides avec les fibres et les poils de chien, mais le procureur du comté de Fulton, Lewis Slaton, ne fut pas de cet avis. Il ne voulait pas poursuivre un suspect sur la seule base des fibres. Il s’agissait d’une affaire très importante et les fibres pouvaient ne pas convaincre un jury. Slaton voulait des preuves plus traditionnelles, comme des témoins oculaires, des empreintes digitales, etc. Il est tout à fait possible que le procureur n’ait simplement pas apprécié que le FBI lui dise comment diriger une enquête criminelle dans son propre comté. Après tout, c’est le maire d’Atlanta, Maynard Jackson, qui, en désespoir de cause, avait fait appel aux fédéraux, et non Slaton.
Cependant, plusieurs éléments contribuèrent finalement à persuader Slaton d’inculper Wayne Williams :
- Un certain nombre de témoins jurèrent avoir vu Wayne Williams avec plusieurs des victimes et il était « lié » à certaines des victimes (il utilisait par exemple le restaurant où travaillait Jo-Jo Bell comme boîte postale).
- Deux personnes du studio d’enregistrement affirmèrent avoir vu des coupures et des éraflures sur les bras de Williams, laissant penser qu’il s’était battu avec les jeunes victimes. Kathy Andrews, qui avait travaillé avec Williams au début de l’année 1980, avait remarqué des traces de griffures profondes sur tous ses avant-bras. Williams lui avait assuré qu’il était « tombé dans un buisson », mais les marques étaient si nombreuses que Kathy Andrews en avait été terrifié et n’avait plus travaillé avec lui.
- Le gouverneur de Géorgie, George Busbee, fit pression sur le procureur pour qu’il collabore avec les fédéraux.
Le 21 juin, l’avocate de Wayne Williams, Mary Welcome et deux policiers du comté, se rendirent au domicile de Williams avec un mandat d’arrêt. Il était alors inculpé des meurtres de deux adultes, Jimmy Ray Payne et Nathaniel Cater, les victimes les plus récentes pour lesquelles il existait les preuves les plus solides. Cependant, la loi de Géorgie permet à l’accusation d’apporter au tribunal des preuves provenant d’autres affaires s’il peut être prouvé que ces autres affaires faisaient partie d’un « schéma ». Slaton allait par la suite établir un lien avec les meurtres des enfants et des adolescents – un choix qui allait créer la controverse pendant des années.
Dans le cas de Jimmy Payne, le médecin légiste du comté de Fulton avait écrit que la cause du décès était « indéterminée ». C’est-à-dire qu’il n’avait pas été déterminé que Payne avait été assassiné. Reconnaissant la difficulté de poursuivre Williams pour une mort qui n’était pas clairement un homicide, le médecin légiste avait modifié son rapport pour y indiquer « homicide ».
Chet Dettlinger souligna que, confronté à sa modification du certificat de décès, le médecin légiste déclara avoir « coché la mauvaise case » sur le certificat de décès. » Or, il n’y a pas de case à cocher sur un certificat de décès, seulement un endroit où taper le mot « indéterminé » ou « homicide ».
La populaire avocate noire Mary Welcome, ancienne avocate de la ville, choisit Tony Axam, un avocat expérimenté dans les grandes affaires, pour l’accompagner, mais Wayne Williams le renvoya. Mary Welcome le remplaça par Alvin Binder, un avocat blanc du Mississippi, compétent, mais corrosif. Chet Dettlinger se joignit ensuite à eux.
Le juge Clarence Cooper, premier juge noir élu à la magistrature du comté de Fulton, avait été assistant du procureur de district pendant plusieurs années. Il allait présider les débats.
Le procureur Jack Mallard (qui fut procureur des comtés de Fulton, Cobb et Forsyth) mena l’équipe d’accusation.
Le procès de Wayne Williams débuta le 28 décembre 1981. Le jury était composé de neuf femmes et de trois hommes ; huit jurés étaient noirs et quatre blancs. Ils furent isolés pendant toute la durée du procès.
L’équipe de défense fut sévèrement défavorisée par le manque de fonds et le manque de temps pour interroger les centaines de témoins présentés par l’accusation. Elle n’avait pas les moyens d’employer des témoins experts de qualité pour réfuter les conclusions des laboratoires du FBI. La pierre angulaire du dossier de l’accusation reposait sur les comparaisons de fibres, qui était hautement technique et avaient été réalisées par les prestigieux laboratoires du FBI. Pour réussir à mettre en doute ces “preuves par fibres”, il aurait fallu faire témoigner un expert de très haut calibre, qui ne travaillerait pas gratuitement. L’équipe de défense de Williams n’avait tout simplement pas assez d’argent.
En outre, même si l’équipe de défense savait que l’accusation allait présenter d’autres affaires que les décès de Cater et Payne, elle ne savait pas combien et quelles affaires seraient mises en avant. Pour une équipe de défense qui manquait de temps et d’argent, c’était un vrai problème. Chet Dettlinger, déclara qu’il dure travailler en aveugle : « Pendant le procès, nous ne savions pas qui serait le prochain témoin présenté par l’État – ni sur quoi il ou elle témoignerait. »
Depuis un arrêt de 1963, la police et les experts médico-légaux aux États-Unis sont censés recueillir toutes les informations qui tendent à prouver la culpabilité, mais aussi l’innocence de l’accusé. Selon la loi, l’accusation doit remettre ces informations à la défense avant le début du procès. Le procureur doit divulguer les preuves ou les informations qui prouveraient l’innocence de l’accusé ou qui permettraient à la défense de mettre en doute plus efficacement la crédibilité des témoins du procureur. Dans la pratique, cette doctrine s’est souvent avérée difficile à appliquer. Le juge Clarence Cooper décida de ce qui devait être inclus dans ces dossiers et de la date à laquelle ils devaient être remis à la défense. Les avocats de Wayne Williams ne les reçurent qu’à la dernière minute.
Ainsi, Jimmy Anthony, un voisin de Nathaniel Cater, affirma l’avoir vu le matin du 23 mai – le lendemain du jour où Wayne Williams avait été arrêté pour avoir jeté le corps du jeune homme du haut du pont. Jimmy Anthony expliqua que Cater lui avait dit qu’il avait trouvé un nouveau travail. Anthony avait-il pu se tromper sur le jour ou l’heure à laquelle il avait vu Cater pour la dernière fois ? Trois autres témoins, dont un qui connaissait bien Nathaniel Cater, l’avaient également vu après l’incident du pont. Aucun de ces témoins n’eut l’occasion de témoigner durant le procès de Williams. Le jury ne fut pas informé de l’existence de ces quatre témoins qui avaient vu Nathaniel Cater, ainsi que de nombreux autres suspects et témoins importants liés à l’affaire qui auraient mis en doute la culpabilité de Wayne Williams.
Concernant l’heure de la mort de Nathaniel Cater, la défense fit intervenir son propre expert… qui perdit toute crédibilité lorsqu’il annonça que Cater s’était trouvé dans l’eau depuis au moins deux semaines. Nathaniel n’avait même pas été porté disparu pendant deux semaines. Un autre expert de la défense fit la même erreur dans l’estimation de la mort de Jimmy Payne.
L’avocat Alvin Binder tenta de discréditer le jeune policier Bob Campbell (qui avait entendu l’éclaboussure sous le pont James Jackson Parkway) en lui demandant s’il avait dormi ou s’il avait reçu la visite de sa femme pendant son service. Campbell réfuta calmement. Puis Binder voulut savoir comment Bob Campbell avait pu faire la différence entre l’éclaboussure d’un corps humain frappant l’eau et l’activité des castors dans la rivière. Le policier Campbell répondit que non seulement il avait fait partie d’une équipe de natation au lycée, mais qu’il avait été nageur-sauveteur pendant trois ans. Selon lui, un corps frappant l’eau “fait un bruit de »bam” bien consistant », tandis que les »castors font un petit bruit de frappe dans l’eau ».
Finalement, à bout d’arguments, Binder accusa le policier d’être »un alcoolique ».
Le commissaire à la sécurité publique d’Atlanta, Lee Brown, avait toujours maintenu, tout au long de l’enquête, qu’il n’existait pas de points communs entre les meurtres. Ironiquement, c’est pendant le témoignage de Brown que Jack Mallard exposa le “schéma” (les points communs) qui permettrait de présenter des preuves dans dix autres affaires, en plus des preuves dans les décès de Nathaniel et Jimmy. Ce « schéma » devint le principal outil permettant à l’État d’utiliser des preuves contre Wayne Williams, surtout lorsqu’il s’agit de relier des fibres similaires. Il n’existait en réalité pas de dossier solide contre Williams pour les meurtres de Nathaniel Cater et Jimmy Payne mais l’introduction de preuves provenant de chacun des dix affaires inclues dans le “schéma” renforça le dossier en fournissant, entre autres, des témoins oculaires et, plus important encore, des connexions de fibres pour certaines des victimes.
Les dix meurtres inclus dans le “schéma” furent ceux de :
- Alfred Evans
- Eric Middlebrooks
- Charles Stephens
- William Barrett
- Terry Pue
- John Porter
- Lubie Geter
- Joseph Bell
- Patrick Baltazar
- Larry Rogers
Les caractéristiques qui formaient le « schéma » parmi les victimes furent énumérées par l’accusation comme étant les suivantes :
- Jeune homme noir
- Vêtements manquants
- Pas de voiture
- Familles pauvres
- Aucune preuve d’enlèvement
- Famille désunie
- Pas de raison apparente pour la disparition
- Le suspect affirme n’avoir eu aucun contact avec lui
- Asphyxie par strangulation
- Aucun objet de valeur
- Corps retrouvé près d’une bretelle d’autoroute ou d’une grande artère
- Prostitution homosexuelle / rapport avec l’homosexualité
- Le corps a été disposé d’une manière inhabituelle
- Transporté avant ou après le décès
- Fibres similaires
Le « schéma » de l’accusation suscita de nombreuses controverses. Si l’on examine de près chacune des affaires, on constate que plusieurs d’entre elles ne correspondent pas au « schéma » de l’accusation. Toutes les victimes n’ont pas été retrouvées près d’une bretelle d’autoroute ou d’une grande artère, on ne sait pas si toutes les victimes ont été transportées avant ou après avoir été tuées et seuls six des meurtres du « schéma » présentaient des preuves évidentes de strangulation. Ils n’étaient pas tous issus de foyers brisés. Ils n’étaient pas tous des homosexuels. Même si le “schéma” décrit par l’accusation n’était pas exempt de questions, le juge Cooper accepta qu’il soit présenté aux jurés.
L’accusation concentra alors ses efforts sur quatre domaines clés :
- le caractère et la crédibilité de Wayne Williams,
- ce qui s’était passé sur le pont de Jackson Parkway,
- les témoins oculaires du comportement de Wayne Williams et de son interaction présumée avec les victimes,
- les preuves matérielles, principalement basées sur des fibres, des cheveux et des taches de sang trouvés sur les victimes qui correspondaient à des éléments de l’environnement de Wayne Williams.
Bien que Wayne Williams n’eut pas de casier judiciaire, son caractère n’était pas vraiment irréprochable aux yeux de ceux qui le connaissaient. Wayne Williams mentait presque systématiquement sur ses réalisations ou les exagérait largement. Eustis Blakely, un prospère homme d’affaires noir, et son épouse étaient des amis de Williams. Le jeune homme avait affirmé à Blakely qu’il pilotait des avions de chasse à la base aérienne de Dobbins. Blakely savait que c’était un mensonge, car il avait été dans l’armée de l’air et lui-même ne pouvait pas piloter des avions parce qu’il portait des lunettes et la vue de Wayne Williams étaient bien pires que celle de Blakely.
Mais le véritable coup d’éclat du procès fut ce que madame Blakely expliqua à propos de Wayne Williams. Elle avait demandé à Williams, après qu’il soit devenu un suspect, « S’ils ont assez de preuves, tu avoueras avant qu’il t’arrive problème ?« . Selon elle, Williams avait répondu « oui« . Elle ajouta à la barre que Williams lui avait dit « qu’il pouvait rendre inconscient des enfants noirs des rues en quelques minutes en mettant sa main sur leur cou« .
En contre-interrogatoire, Binder lui demanda si elle laissait entendre que Wayne Williams avait tué quelqu’un. Elle répondit : « Oui, je le pense. J’ai vraiment l’impression que Wayne Williams a tué quelqu’un, et je suis désolée.«
On demanda à Gino Jordon, qui dirigeait le club San Souci, si Wayne Williams était venu dans son club avant l’incident du pont, comme Williams l’avait expliqué aux policiers. Jordon affirma qu’il n’était pas venu récupérer son magnétophone durant la nuit de l’incident du pont, mais la nuit suivante. Le caissier du club confirma la déclaration de Jordon.
Lorsqu’on demanda au responsable du centre de loisirs Ben Hill si Wayne Williams jouait au basket le soir de l’incident du pont, comme Williams l’avait affirmé, la réponse fut une nouvelle fois négative.
Wayne Williams avait menti sur ce qu’il faisait avant l’incident sur le pont. Cette absence d’alibi joua en faveur de la théorie de l’accusation selon laquelle Williams était avec Nathaniel Cater ce soir-là et avait jeté son corps depuis le pont.
Et les tentatives infructueuses pour retrouver la mystérieuse Cheryl Johnson conduisirent la plupart des gens à croire qu’elle n’existait pas.
Un agent du FBI, Phillip Michael McComas, déclara qu’environ une demi-heure après que la voiture a traversé le pont, il avait regardé à l’intérieur du break. Il avait d’abord découvert des vêtements de femmes (appartenant a priori à la mère de Williams) et des vêtements de basket. Mais surtout, il y avait trouvé un cordon en nylon blanc tressé d’approximativement 40 cm “comme une corde de remorquage de ski nautique”, ainsi qu’une paire de gants en daim et une lampe de poche. Ces éléments pouvaient être l’équipement d’un étrangleur (comme Ted Bundy avec son kit de meurtre), comme ils pouvaient être un fourbi sans importance (comme les vêtements), mais les mensonges de Williams firent ans doute pencher la balance vers la première théorie dans l’esprit des jurés.
La suite fut une bataille de témoins et d’experts, certains accusant Wayne Williams et d’autres l’innocentant. La technologie ADN étant inexistante, les experts médico-légaux débattirent longuement sur des techniques de comparaison et d’analyse qui, de nos jours, nous paraissent presque archaïques.
L’accusation présenta plusieurs témoins oculaires qui assurèrent avoir vu Wayne Williams avec diverses victimes ou qui jurèrent que Nath Cater était vivant l’après-midi de l’incident du pont.
Parmi ces témoignages oculaires, citons celui de Lugene Laster, qui avait vu Jo-Jo Bell monter dans un break Chevrolet conduit par un homme qu’il identifia comme étant Wayne Williams. Robert Henry, qui connaissait Nath Cater, affirma avoir vu Cater et Williams se tenir la main le soir de l’incident du pont. Et deux adolescents expliquèrent que Williams leur avait fait des avances sexuelles.
L’un d’eux, un adolescent de 15 ans, témoigna que Wayne Williams lui avait offert de l’argent en échange de relations sexuelles alors qu’il le conduisait dans sa voiture. L’adolescent jura avoir vu l’un des garçons assassinés, Lubie Geter, monter dans la voiture de Wayne Williams, apparemment le jour de sa disparition.
L’un des moments les plus importants et les plus controversés du procès se produisit lors des témoignages concernant le lien entre des fibres similaires parmi les dix meurtres du « schéma » et les meurtres de Cater et Payne. Les enquêteurs avaient découvert sur les corps des victimes assassinées des fibres d’apparence semblable aux fibres de tapis trouvées dans la maison et l’automobile de Wayne Williams. Au total, vingt-huit types de fibres différents furent associés à dix-neuf objets provenant de la maison, de la chambre et des véhicules de Wayne Williams. L’accusation s’intéressa particulièrement aux fibres trilobées, soulignant qu’elles étaient d’une variété peu commune. Les spécialistes des fibres expliquèrent que les fibres trouvées sur les victimes avaient très probablement été transférées par contact avec l’environnement de Williams, le reliant ainsi aux meurtres. L’accusation soutint qu’il existait tellement de correspondances de fibres entre la maison de Williams et les victimes qu’il était statistiquement impossible que les victimes ne se soient pas trouvées dans la maison ou les voitures de Williams.
Parmi les objets saisis lors de la perquisition de la maison figurait un grand couvre-lit provenant du lit de Wayne Williams. Ce couvre-lit présentait des fibres d’acétate violet clair (correspondant à celles trouvées sur dix-huit des victimes), ainsi que des poils de chien blancs avec des pointes noires du chien de la famille (semblables à ceux trouvés sur neuf victimes) et des fibres grossières de tapis vert jaunâtre provenant de la moquette murale (qui présentaient les mêmes caractéristiques que celles trouvées sur treize des victimes).
L’accusation aurait pu rétorquer (mais elle n’avait pas pu embaucher un spécialiste) que la plupart des fibres trouvées sur les victimes n’étaient pas d’une variété rare. On pouvait trouver de telles fibres de moquette dans de nombreux complexes d’immeubles, appartements, entreprises et maisons résidentielles dans toute la région d’Atlanta. Il n’était donc pas si surprenant que les victimes aient été en contact avec des fibres de type trilobé. L’accusation soutenait que les fibres avaient été transférées directement de l’environnement de Williams aux victimes. Par conséquent, des fibres provenant des vêtements ou du milieu de vie des victimes auraient dû être retrouvées sur Williams ou, au moins, dans sa maison ou ses voitures, surtout si elles avaient été tuées dans sa maison ou transportées dans sa voiture. Et pourtant, on avait trouvé aucun cheveu ou fibre provenant des victimes, ni dans la maison, ni dans la voiture de Wayne Williams.
Si l’argument est solide, ce n’est en réalité, pas tant les fibres que leur quantité et leur variété qui étaient accablantes. Si une ou deux fibres similaires avaient été retrouvées sur les victimes, on aurait pu parler de coïncidence et d’une profusion de sources.
Mais, sur le corps et les cheveux de Payne avaient été retrouvé des fibres violettes en acétate semblables à celle du couvre-lit de Wayne Williams, des fibres vertes “trilobées” semblables à celle de la moquette de la chambre de Williams, des fibres de rayonne bleu gris semblables à celles des tapis du break de 1970 de Wayne Williams, des fibres jaunes semblables à celle du couvre-lit de Wayne Williams, des fibres bleues en acrylique semblable au tapis de salle de bains des Williams.
Et sur le corps et les cheveux de Nathaniel Cater avaient été retrouvées des fibres violettes en acétate semblables à celle du couvre-lit de Wayne Williams, des fibres vertes “trilobées” semblables à celle de la moquette de la chambre de Williams, une fibre de polypropylène verte qui avait les mêmes caractéristiques microscopiques et optiques que les fibres de la moquette du bureau de la maison des Williams, des fibres de nylon semblables à celles retrouvées dans le break de 1970 de Wayne Williams, des fibres jaunes provenant d’une couverture de la chambre de Wayne Williams et des poils de chien similaires à ceux du chien des Williams.
Les experts avaient passé de nombreuses journées pour découvrir que la moquette verte de la maison familiale provenait d’une série limitée de tapis « Luxaire » d’une couleur appelée « English Olive ». Les fibres trilobées inhabituelles avaient été fabriquées par Wellman Corporation et la moquette elle-même avait été fabriqué par West Point Pepperell pendant une courte période d’un an entre 1970 et 1971. Pour déterminer la quantité de moquette vendue dans la région d’Atlanta, les experts en fibres témoignèrent que la probabilité de trouver au hasard une habitation avec cette moquette était de 1 sur 7 792. Pour lexexperts en fibres du FBI, les preuves reliant Williams aux victimes de meurtre étaient accablantes.
La défense soutint que cette moquette de la maison des Williams avait été acheté en décembre 1968, trois ans avant que les experts en fibres de l’accusation n’aient déclaré qu’une telle moquette avait été fabriquée. Mais le procureur fit témoigner un entrepreneur, Wayne Gano, qui déclara s’être rendu au domicile des Williams trois semaines avant le procès pour vérifier qu’il y avait installé la moquette. Il avait reconnu sa signature sur la facture datée du 7 décembre 1971. Un autre témoin, Luce Speert, propriétaire de la Southern Prudential Corp. qui avait vendu la moquette aux Williams, déclara qu’il n’avait créé sa société qu’en novembre 1971.
Pour les 12 autres affaires mises en évidence, la plupart des fibres trouvées correspondaient au couvre-lit de la chambre de Wayne Williams, au tapis de sa chambre, au break, à la couverture jaune ou au bureau. Ces affaires, bien que non résolues, aidèrent l’accusation à créer un “schéma” afin de convaincre le jury.
Ensuite, l’accusation informa les jurés que cinq taches de sang avaient été trouvées dans la voiture familiale conduite par Williams. Les procureurs affirmèrent que les gouttelettes de sang correspondaient, par leur type et leur enzyme, au sang des victimes William Barrett et John Porter. Il y eut une controverse parmi les experts quant à l’âge exact des gouttelettes de sang trouvées dans la voiture. Si les gouttelettes étaient apparues au cours d’une période de huit semaines, ce que croyait l’un des experts, alors il était probable que le sang provenait de Barrett et de Porter qui étaient morts au cours de cette période.
Cependant, un autre expert déclara qu’il était pratiquement impossible de dater les taches.
Sur la question du mobile, l’accusation argua que Wayne Williams détestait les adolescents Noirs, même si Nathaniel Cater avait 27 ans – pas vraiment un adolescent. Plusieurs personnes témoignèrent de remarques que Williams avait faites au fil des ans et qui critiquaient le comportement des Noirs et des adolescents noirs en particulier.
Mais l’accusation insinua également que les meurtres avaient pu avoir un caractère sexuel car certaines victimes avaient été retrouvées nues. Floyd Fowler., un ancien employé de West End News, une boutique de magazines, déclara que Wayne Williams était entré dans son magasin « plusieurs fois » et avait acheté de la littérature sur « le karaté, l’électronique et les nus masculins ». Le propriétaire du magasin lui avait demandé de surveiller de près Wayne Williams parce qu’il le soupçonnait de vol à l’étalage.
De son côté, la défense appela un grand nombre de témoins. Elle fit ainsi témoigner un hydrologue qui avait déterminé qu’il était « hautement improbable » que le corps de Nathaniel Cater ait été jeté du pont de la Parkway, compte tenu de l’endroit où le corps du jeune homme a été retrouvé.
La défense présenta en outre un expert qui déclara que rien n’indiquait que Cater ou Payne avait été assassiné. L’une des deux victimes avait une hypertrophie du cœur et aurait pu mourir de causes naturelles. Les deux hommes, ou l’un d’entre eux, auraient pu simplement se noyer, vu que Cater était un alcoolique et un consommateur de drogues…
La défense appela ensuite à la barre un certain nombre de témoins qui réfutèrent ce que les témoins de l’accusation avaient dit sur l’endroit où Williams se trouvait à un moment donné, ou témoignèrent que le comportement de Williams était “réglo” avec les garçons qu’il espérait transformer en stars de la musique. Le dessinateur de portraits-robot de la police vint expliquer qu’aucun des dizaines de suspects qu’on lui avait demandé de dessiner ne ressemblait à Wayne Williams.
Un étudiant recruté par Williams comme chanteur témoigna que Williams n’aimait pas les homosexuels et “s’attendait à ce que son client ait un haut niveau de moralité” (ce qui peut néanmoins rappeler le comportement de John Wayne Gacy).
Un adolescent de 17 ans, Sheldon Kemp, voisin des Williams, déclara que son jeune frère et lui avaient été témoin d’une terrible dispute un jour d’été 1979 entre Wayne Williams et son père. Lorsque ce dernier avait refusé de lui faire un chèque, Wayne Williams avait “commencé à maudire son père, à le frapper et à le bousculer« . Quand sa mère avait tenté de s’interposer, il l’avait giflée. Les deux hommes avaient fini par se battre et le père de Wayne avait saisi un fusil de chasse, le pointant sur son fils pour qu’il s’arrête.
Ce témoignage fut sans doute l’un de ceux qui altéra le plus fermement l’image que la défense de Wayne Williams voulait donner de lui, celle d’un jeune homme heureux et insouciant qui ne portait aucune hostilité envers qui que ce soit.
Wayne Williams fut donc appelé à la barre pour se défendre contre les accusations et certains des récits des témoins oculaires.
Il voulut d’abord faire remarquer au jury qu’il n’aurait pas pu arrêter rapidement la voiture sur le pont, ouvrir l’arrière de la voiture et jeter le corps de Nathaniel Cater, qui était beaucoup plus grand et plus lourd que lui, par-dessus le garde-corps à hauteur d’épaule sur le pont.
L’agent Nichols, de l’unité d’identification de la police, allait plus tard déclarer qu’il avait mesuré la hauteur du garde-corps sur le pont et qu’il mesurait 87 cm de haut, et non 1m22, comme l’avait affirmé la défense. Les jurés demandèrent finalement à se rendre sur le pont pour mesurer eux-mêmes la hauteur de ce garde-corps. En se tenant sur le marchepied, la hauteur était effectivement de 87 cm.
Le but du témoignage de Wayne Williams était de démontrer au jury qu’il était simplement un jeune passionné de musique et qu’il n’avait pas le tempérament “brutal” pour commettre les meurtres. Cependant, le procureur Jack Mallard, qui interrogea longuemen l’accusé, parvint à plusieurs reprises à mettre Williams très en colère, au point qu’il moqua, et finalement insulta, avec hargne, les policiers et juristes chargés de l’affaire. Sa démonstration eut, au contraire, un impact négatif sur le jury.
L’équipe d’avocats de Williams ne put réparer les dommages causés, à la fois par le dossier de l’accusation et par la mauvaise préparation de son propre dossier. L’accusation avait fourni au jury de très nombreux témoignages contre Wayne Williams et une montagne de preuves. Même si la qualité des preuves présentées par l’accusation était parfois douteuse, la simple quantité de ces preuves convainquit les jurés.
Le 27 février 1982, Wayne Bertram Williams fut reconnu coupable du meurtre de Jimmy Ray Payne et Nathaniel Cater. Il fut condamné à deux peines de prison à vie.
Peu de temps après, le 1er mars 1982, les polices des différents comptés d’Atlanta annoncèrent que vingt-trois des vingt-neuf meurtres avaient été résolus avec la présomption que Wayne Williams était responsable. Sans jugement, ni procès. Les affaires furent considérées comme résolues. (Les autorités ont déclaré que les sept autres affaires étaient toujours sujettes à des enquêtes, mais depuis, personne n’a été inculpé pour aucun de ces meurtres).
Cette précipitation amena de nombreux habitants d’Atlanta à penser que Wayne Williams, s’il était sans doute responsable de certains meurtres, était aussi un coupable bien commode pour les autorités locales, qui pouvaient affirmer qu’elles avaient mis fin aux activités du tueur d’Atlanta.
De nombreux afro-américains d’Atlanta pensèrent même que le gouvernement avait fabriqué des preuves contre un bouc-émissaire dans le seul but de clore l’affaire. Les meurtres avaient été une mauvaise publicité pour la ville en pleine croissance, qui en 1981 avait été couronnée du triste titre de “capitale du meurtre des États-Unis”, et fermer le livre sur cette affreuse période était un soulagement pour tous.
Les rumeurs enflèrent, de la corruption politique à la dissimulation de réseaux de prostitution enfantine en passant par le Ku Klux Klan assassinant les enfants pour provoquer une “guerre des races”. Selon ces théories, Williams n’était soit que l’un des nombreux tueurs opérant dans la ville à l’époque, soit un “pigeon” tout désigné.
Les avocats de Wayne Williams firent évidement appel : comme l’affaire reposait en grande partie sur des preuves matérielles, elle pouvait être remise en question. Chet Dettlinger, accompagné d’un groupe d’anciens officiers de police, enquêtèrent de manière indépendante sur l’affaire. Dettlinger en tira un livre, “The List”, qui fut longtemps le seul livre publié sur l’affaire. L’avocat constata que les fibres avaient été présentées comme des preuves attestées, solides et irréfutables alors qu’en réalité, elles étaient sujettes à caution. Ainsi, une seule fibre de coton rouge ayant été découverte au domicile des Williams était similaire aux fibres présentes dans les sous-vêtements de la victime Michael McIntosh. Mais on pouvait aussi trouver cette fibre rouge en abondance dans les supermarchés de la région.
La fameuse fibre rouge avait également été découverte sur Clifford Jones, qui n’avait pas été inclus dans la liste des 10 victimes présentés durant le procès, car le FBI et le policier chargé de l’enquête pensaient que Clifford Jones avait été tué par quelqu’un d’autre que Williams. L’affaire Jones n’avait pas été présentée au procès : Clifford Jones avait été tué dans l’arrière-salle d’une laverie automatique, un endroit où l’on trouve des milliers de fibres mélangées.
Si Dettlinger ne considérait pas Wayne Williams comme innocent par nature, il était avant tout un homme de Loi qui considérait qu’un procès devait reposer sur des preuves irréfutables. En “droit pur”, il aurait par exemple fallu prendre en compte que Wayne Williams ne vivait pas seul dans la maison et n’était pas le seul à utiliser la voiture. Les procureurs n’avaient pas tenu compte du fait que tous les Williams, et tous les visiteurs réguliers de la maison, amis, famille, voisins, vivaient dans le même environnement.
Malheureusement, Wayne Williams était son pire ennemi. Il ne put jamais donner de raison crédible pour s’être retrouvé sur le pont de Jackson Parkway aux premières heures du matin et ses alibis avaient facilement été démolis.
Pendant la procédure d’appel, le juge Richard Bell, un ancien procureur, écrivit que Wayne Williams n’avait pas bénéficié d’un procès équitable et que sa condamnation pour meurtre aurait dû être annulée. Les procureurs n’auraient pas dû être autorisés à présenter cinq des dix autres meurtres que les deux pour lesquels Wayne Williams était jugé car “il n’y avait aucune preuve plaçant Williams avec ces cinq victimes avant leurs meurtres”.
Cette conclusion fut cependant rejetée et le juge Bell accepta de la re-écrire, on fit pression sur Bell pour qu’il change son vote, et l’opinion majoritaire – qui confirmait la condamnation – fut publiée en décembre 1983.
Dans un numéro de septembre 1986 du magazine musical “Spin”, un article rapporta que le bureau du FBI de Georgie avait mené une très discrète enquête sur l’implication potentielle du Ku Klux Klan dans les crimes. Selon l’article, le bureau avait conclu que des membres de ce groupe raciste étaient peut-être impliqués dans le meurtre de Lubie Geter, et qu’ils étaient peut-être liés aux meurtres de quatorze autres victimes.
Lors d’une audience en 1991 pour une demande de nouveau procès de Waynes Williams, des enquêteurs des services de police d’Atlanta et de Géorgie témoignèrent qu’ils avaient peu ou pas de connaissance de cette enquête du Bureau de Géorgie. Lors de la même audience, un informateur du Bureau signala qu’en 1981, Charles Sanders, “colonel” du Ku klux Klan, avait admis avoir tué Lubie Geter devant un agent sous couverture.
Tout au long de l’enquête, la communauté noire avait craint que le Ku Klux Klan ne soit responsable des meurtres d’Atlanta. Charles Sanders aurait dit à l’informateur du Bureau que le Klan essayait de déclencher une guerre raciale en tuant des enfants noirs.
Le Klan avait déjà tué des enfants noirs : en 1963, par exemple, un attentat à la bombe dans une église dans l’Alabama avait tué quatre petites filles noires et blessé 20 personnes. Les explosifs sont un moyen très efficace de blesser et tuer rapidement un grand nombre de personnes tout en prenant peu de risques. Mais les meurtres en série ne sont pas un moyen très “efficace” d’éradiquer un grand nombre de personnes, surtout si l’on considère les risques d’être surpris en flagrant délit par une communauté noire qui était alors dans un état d’angoisse et d’alerte absolu. Il semble peu probable qu’un ou plusieurs hommes blancs aient pu commettre tous ou la plupart de ces meurtres, surtout sans attirer l’attention durant deux ans.
Dans l’un de ses livres (Mindhunter), l’ancien profiler du FBI John Douglas déclara que, bien qu’il pense que Williams a commis plusieurs des meurtres, il ne pensait pas qu’il est responsable de tous. Douglas ajouta qu’il était persuadé que les forces de police d’Atlanta avaient une idée de l’identité des autres tueurs.
En 2004, le chef de la police du comté de DeKalb, Louis Graham, annonça qu’il prévoyait de rouvrir l’enquête sur les meurtres de cinq garçons et adolescents, commis entre juin 1980 et mai 1981 dans son comté. Ceux d’Aaron Wyche, 10 ans; Patrick Baltazar, 11 ans ; Curtis Walker, 13 ans; Joseph Bell, 15 ans ; et William Barrett, 17 ans.
Louis Graham, qui avait été enquêteur sur l’affaire à l’époque, expliqua qu’il pensait Wayne Williams complétement innocent et que le Ku Klux Klan était peut-être impliqué.
En juin 2006, un juge fédéral rejeta la dernière tentative de Wayne Williams de contester son incarcération. Ses avocats n’avaient pas été en mesure de trouver des preuves reliant l’affaire et un agresseur d’enfants non identifié (qui purgeait à l’époque une peine dans une prison pour de multiples accusations d’agression) qui travaillait dans les environs où de nombreux corps de victimes avaient été retrouvés.
Le service de police du comté de DeKalb abandonna alors son enquête sur les cinq affaires de meurtre après la démission de Louis Graham. Il n’existait tout simplement pas assez de preuves pour justifier une enquête plus approfondie.
Selon plusieurs articles de journaux locaux, au moins deux témoins à charge se seraient rétractés, l’un soulignant la pression de la police pour identifier Williams et un autre admettant à un journaliste qu’elle n’avait en réalité “jamais vu Wayne Williams auparavant dans ma vie” avant le procès.
Le 29 janvier 2007, les procureurs de l’État de Géorgie acceptèrent d’autoriser des tests ADN sur les poils de chien qui avaient été utilisés lors du procès de Wayne Williams, dans le cadre d’une possible procédure d’appel.
Le 26 juin 2007, les résultats des tests démontèrent que les poils qui avaient été découverts sur les corps contenaient la même séquence d’ADN mitochondrial que le chien de Williams – une séquence qui n’apparaît que chez un chien sur 100 environ. Le Dr Elizabeth Wictum, directrice du laboratoire de l’Université Davis qui avait effectué les tests, déclara que si les résultats étaient « assez significatifs », ils « ne permettent pas de conclure que le chien de Williams est à l’origine des poils », car le laboratoire n’avait pu tester que l’ADN mitochondrial (celui de la mère) qui, contrairement à l’ADN nucléaire (celui des deux parents), ne peut être considéré comme propre à un seul chien.
Quelques mois plus tard, le FBI effectua des tests ADN sur deux cheveux humains qui avaient été trouvés sur Patrick Baltazar. La séquence d’ADN mitochondrial contenue dans les cheveux permettait d’éliminer 99,5 % des personnes ne correspondant pas à cet ADN et, plus précisément, 98 % des personnes afro-américaines ne correspondant pas à cet ADN. Dans les 0,5% et les 2% restant se situait l’ADN de Wayne Williams. Cela ne prouve pas qu’il est coupable des meurtres, mais il est probable que les cheveux soient les siens.
Williams a non seulement nié avoir tué Patrick Baltazar, mais a déclaré qu’il n’avait jamais rencontré le garçon. Durant son procès, les experts en sciences médico-légales avaient établi que diverses fibres trouvées sur les vêtements Patrick Baltazar pouvaient être attribuées à la moquette de la chambre de Wayne Williams, son couvre-lit, une couverture jaune trouvée sous ce lit, une veste en cuir accrochée dans le placard de Wayne Williams et un gant gris dans son break.
(Les scientifiques considéraient à l’époque que les cheveux et les fibres prélevés sur Patrick Baltazar représentaient les preuves parmi les plus solides pour prouver son meurtre par Williams. Pourquoi, alors, ne pas avoir accusé Wayne Williams de son meurtre en 1982 ? Les procureurs ont répondu que le procès s’est déroulé devant les tribunaux du comté de Fulton, qui comprend la plus grande partie d’Atlanta. Le corps de Patrick avait été retrouvé juste à côté, dans le comté de DeKalb. Inclure son meurtre parmi les accusations du comté de Fulton aurait soulevé des problèmes juridiques insolubles…)
Le 21 mars 2019, la maire d’Atlanta, Keisha Lance Bottoms, et la chef de la police d’Atlanta, Erika Shields, annoncèrent que les autorités locales allaient tester à nouveau les preuves des meurtres, qui seraient rassemblées par la police d’Atlanta, le bureau du procureur du comté de Fulton et le bureau du FBI de Géorgie. Lors d’une conférence de presse, la maire déclara : « Il se peut qu’il n’y ait plus rien à tester. Mais je pense que l’histoire nous jugera sur nos actes et nous pourrons dire que nous avons essayé.«
Cette nouvelle fit remonter les souvenirs de nombreux habitants d’Atlanta, en particulier ceux qui étaient enfants ou adolescent durant cette terrible période. La police municipale a reçu de nombreux appels de personnes qui souhaitent partager des souvenirs et des informations.
Une semaine après l’annonce, le 29 mars 2019, Tim Thomas, un habitant d’Atlanta affirma à une télévision locale qu’il aurait survécu à une rencontre avec Wayne Williams en 1976.
Il aurait mis de côté cet événement terrifiant jusqu’à ce que la ville d’Atlanta et les responsables de la police annoncent qu’ils allaient examinent de nouveau l’affaire Williams.
Tim Thomas était en terminale au lycée Harper d’Atlanta et rentrait chez lui après les cours lorsqu’un homme au volant d’un break blanc s’était arrêté à côté de lui et lui avait proposé de le reconduire. Tim était monté dans la voiture, mais avait presque immédiatement senti que quelque chose n’allait pas. L’homme conduisait si lentement que l’adolescent lui avait demandé d’arrêter la voiture afin qu’il puisse rentrer à pied. L’homme avait répondu : “Je ne peux pas faire ça.”
Le chauffeur lui avait ensuite offert de l’argent contre des relations sexuelles et, lorsque Tim avait refusé, il avait refusé de le laisser sortir du véhicule. Saisi par l’angoisse, Tim Thomas avait ouvert la portière côté passager, alors que la voiture roulait, à l’intersection de Fairburn et Cascade. Le chauffeur avait attrapé sa chemise pour l’empêcher de s’enfuir, mais l’adolescent était parvenu à sortir du break en traînant le conducteur derrière lui. L’homme tenait un chiffon qu’il cherchait à poser sur le visage de l’adolescent, peut-être du chloroforme.
Tim Thomas avait couru jusque chez lui. Il avait par la suite continué son existence et avait oublié cette agression jusqu’en 2010, lorsqu’il avait vu des images de Williams à la télévision et avait immédiatement reconnu les lunettes épaisses et la coupe afro de son agresseur.
Quelques mois plus tard, le 19 août 2019, Derwin Davis, un autre homme originaire d’Atlanta, contacta les médias pour leur expliquer que Wayne Williams avait tenté de l’enlever durant l’été 1979, alors qu’il avait 14 ans. Dans le sud ouest de la ville, Derwin allait prendre un bus pour aller travailler à la patinoire Greenbrier lorsqu’une voiture s’était approchée de lui. Le chauffeur, un jeune homme noir avec une coupe afro et de grosses lunettes, lui avait demandé son chemin. Puis, il lui avait proposé de le conduire au travail. L’adolescent avait accepté. Il avait engagé la conversation, lui demandant où il allait au lycée, mais les questions étaient rapidement devenues étranges. Le conducteur voulait savoir s’il avait beaucoup de petites amies et lui avait assuré, de but en blanc, qu’il devait avoir un gros sexe. Derwin était abasourdi. Soudain, l’homme avait tendu la main pour l’attraper et l’adolescent, par réflexe, lui avait donné un coup de coude au visage et s’était enfui. Ne désirant pas inquiéter sa famille, il ne leur en avait jamais parlé. Les meurtres n’avaient pas encore commencé et il se sentait idiot d’être monté dans la voiture d’un inconnu.
Peu de temps après, le 21 juillet 1979, Edward « Teddy » Smith, la première victime, avait été vu pour la dernière fois après avoir quitté la patinoire où travaillait Derwin Davis.
Trois ans plus tard, lorsque Williams avait été arrêté, Derwin Davis l’avait vu à la télévision et l’avait reconnu : c’était l’homme qui avait tenté de l’agresser.
En juillet 2021, les enquêteurs d’Atlanta ont pu extraire de l’ADN pour deux des meurtres d’enfants afin de mener des analyses supplémentaires dans un laboratoire privé qui possède une grande expérience dans l’analyse de l’ADN détérioré.
Les fibres sont également réanalysées pour toutes les victimes supposées (29 au total), et les enquêteurs ont également étendu la période de 1970 à 1985 pour s’assurer que d’autres enfants ou victimes n’ont pas été oubliés.
En octobre 2021, des enquêteurs de la police d’Atlanta se sont rendus dans un laboratoire privé de Salt Lake City, spécialisé dans l’analyse d’ADN ancien ou détérioré, pour remettre en mains propres des preuves ADN associées à la série de meurtres.
Les analyses sont toujours en cours.
Wayne Williams a-t-il tué toutes les victimes ?
Les gens qui ont une opinion sur Williams ont tendance à se diviser en trois camps : ceux qui croient qu’il a tué les 23 victimes qui lui ont été attribuées, ceux qui croient que Williams est totalement innocent et ceux qui pensent qu’il a tué de nombreuses victimes, mais pas toutes.
Mon opinion personnelle est que Williams a peut-être tué plusieurs des victimes, mais sûrement pas toutes, et au moins deux d’entre elles me semblent très différentes : les jeunes filles. Le BSU du FBI a dressé plusieurs profils de tueurs lorsque les agents ont été invités sur les enquêtes et ils ont clairement souligné qu’Angel Lanier et LaTonya Wilson ont été assassinées par un autre tueur.
Angel Lanier, 12 ans, a disparu de chez elle en mars 1980 et a été retrouvée dans les bois près de Campbellton Road. Les garçons ont disparu dans des lieux publics, pas de chez eux. Contrairement aux garçons, les mains d’Angel étaient liées avec du fil électrique.
LaTonya Wilson, 7 ans, a été enlevée à son domicile alors que sa famille dormait une nuit en juin 1980 et, selon Mallard, a été ajoutée à la liste pour la même raison qu’Angel.
Au procès, l’accusation a dépeint Williams comme un pédophile attiré par les garçons, ce que Williams a nié. Mais si l’accusation avait raison, alors pourquoi Williams s’en serait pris à des jeunes filles ?
Angel avait 12 ans, elle a disparu à pied après avoir quitté la maison d’un ami et a ensuite été retrouvé attaché à un arbre, très probablement agressé sexuellement et étranglé avec un cordon électrique. Elle a été emmenée à près de 9km de chez elle, certainement par un véhicule.
Latonya avait 7 ans, elle a été enlevée de chez elle pendant qu’elle et sa famille dormaient. Elle a été retrouvée en bas de la rue de sa résidence, ce qui pourrait indiquer que son ravisseur et assassin était à pied. La personne qui l’a emmenée savait sans doute que la vitre de la fenêtre avait été remplacée et que la petite fille se trouvait à l’intérieur de la maison, car il savait exactement où la trouver.
Il serait donc surprenant que le même individu ait assassiné Angel et LaTonya. Angel a sans doute été enlevée “par opportunité” alors que l’enlèvement de Latonya était planifié et réfléchi (l’homme d’entretien qui a remplacé la vitre de la fenêtre aurait avoué un autre meurtre, il était peut-être son assassin).
Pour en revenir aux victimes masculines, il faut garder à l’esprit que les tueurs en série ont souvent une préférence pour tel ou tel type de victimes. Cela ne signifie pas pour autant qu’un tueur va se cantonner à un seul type de victime. Albert DeSalvo est passé de victimes d’âge mûr à des jeunes femmes. Ted Bundy s’en est pris à des jeunes femmes et des adolescentes, mais sa dernière victime, alors qu’il sombrait, n’avait que 12 ans.
Cependant, un pédophile qui s’intéresse aux enfants n’est pas attiré par les jeunes hommes.
Les victimes masculines étaient âgées de 9 à 27 ans. Si certains des adolescents étaient petits et pouvaient paraître plus jeunes que leur âge, un tueur pédophile ne s’en serait pris qu’aux garçons et peut-être aux adolescents pré-pubères, mais sûrement pas aux adultes.
L’ancien profiler John Douglas ne pense pas que Williams a commis tous les crimes. En 1995, il écrivait dans son livre Mindhunter : « Malgré ce que soutiennent ses détracteurs et accusateurs, je crois qu’il n’y a aucune preuve solide le liant à tous ou même à la plupart des décès et disparitions d’enfants dans cette ville entre 1979 et 1981.”
Si je ne suis pas persuadée que les différents modes opératoires soient forcément significatifs (les victimes ont été tuées de différentes manières et retrouvées dans des endroits différents) car le MO d’un tueur peut varier, il est plus intéressant de noter que certaines victimes étaient entièrement vêtues, alors que certaines étaient presque nues et/ou affublées de vêtements qui ne leur appartenaient pas. Le fait de déshabiller puis rhabiller ces victimes est une “signature” de la part de leur assassin.
Teddy Smith, première victime de la liste, a été tué par balles. Peu après, son ami Alfred Evans a été tué, a priori, par strangulation. Et puisqu’Alfred était mort par strangulation, son meurtre a été attribué à Williams, mais pas celui de Teddy, même si leurs corps ont été retrouvés l’un à côté de l’autre… C’est illogique.
Et en suggérant que Wayne Williams était responsable de quasiment tous les crimes, les enquêteurs ont choisi d’ignorer les liens évidents entre de nombreuses victimes.
Le centre commercial de Moreland Avenue.
Aaron Jackson a disparu à cet endroit.
Patrick Rogers y transportait des courses.
Aaron Wyche y a été repéré le jour de sa disparition.
Et Wayne Williams a affirmé avoir trouvé un garçon pour y distribuer sa publicité.
Les immeubles Thomasville Heights.
Aaron Jackson fréquentait le centre de loisirs de cet ensemble d’immeuble.
Curtis Walker y avait vécu. Patrick Rogers y résidait au moment de sa mort.
Le centre commercial Stewart-Lakewood.
Charles Stephens traînait dans un magasin de ce centre.
Lubie Geter a été vue pour la dernière fois au centre.
Le restaurant de fruits de mer “Cap’n Peg’s”.
Non seulement Jo-Jo Bell et Michael McIntosh travaillaient tous les deux dans ce restaurant, mais Michael vivait derrière. Fred Wyatt y a été arrêté, en possession de la carte d’identité de Jimmy Payne.
Wayne Williams a utilisé cette adresse (325 Georgia Avenue) sur ses dépliants comme “bureaux” pour ses affaires.
John David Wilcoxen.
Earl Terrell a disparu après avoir été vu pour la dernière fois en face de la maison de Wilcoxen et des témoins l’ont placé dans cette maison avant sa disparition et son meurtre.
Lubie Geter a été vu plusieurs fois en compagnie de Wilcoxen avant sa propre disparition et son meurtre.
Wilcoxen était un pédophile qui avait été arrêté à cause des dizaines de photographies pédophiles trouvées chez lui (mais considéré “peu intéressant” par la police car les photos représentaient des enfants blancs).
Tom Terrell et la maison sur Grey Street.
Timothy Hill aurait été fréquemment invité chez Terrell avant sa mort, Terrell lui-même admettant qu’il avait payé l’adolescent pour des relations sexuelles. Timothy aurait passé la dernière nuit de sa vie chez Terrell.
Jo-Jo Bell et Michael McIntosh auraient également passé du temps dans la maison de Grey Street.
Le lien de Timothy Hill avec sept des victimes pourrait aussi les lier à la propriété de Terrel, qui a brûlé dans un incendie.
Leurs vies sont superposées d’une manière qui ne peut tout simplement pas être ignorée. Beaucoup étaient amis. Beaucoup avaient des petits boulots. Certains se seraient prostituées pour de l’argent ; beaucoup de ceux qui l’ont fait étaient liés à la maison de Grey Street. Si le Ku Klux Klan a fait couler beaucoup d’encre et a mené à plusieurs investigations, il ne semble pas que les points communs entre les victimes aient réellement été pris en compte, notamment par les enquêteurs.
Les différentes forces de police d’Atlanta étaient sous-payées, en sous-effectifs, peu formées aux crimes graves ou aux techniques médico-légales. La police et les autorités d’Atlanta ont été totalement dépassés par les événements.
Dans certains cas, on peut parler d’erreur à répétition, voire d’incompétence et, pire, d’indifférence.
Dans plusieurs des meurtres, des preuves et des témoignages pointaient vers des suspects très intéressants et les autorités ont choisi de ne pas les inculper et/ou de rejeter des témoignages qui leur paraissaient confus ou erronés, mais ont accepté des témoignages à peine plus solides lors du procès de Wayne Williams.
Il est possible que Wayne Williams ait tué certaines des victimes, mais la plupart des victimes ont sans doute été tuées par un ou d’autres tueurs, quelqu’un qu’elles connaissaient ou pensaient connaître. Une fois que la communauté noire d’Atlanta a appris que des enfants avaient été enlevés, il semble peu probable que les victimes se soient laissé approcher ou soient montés dans la voiture de quelqu’un en qui ils n’avaient pas un minimum de confiance. La plupart de ces enfants étaient intelligents et connaissaient les dangers de leurs quartiers. Malheureusement, ils étaient également issus de milieux pauvres. Non seulement leurs meurtres n’ont pas été considérés avec toute l’attention nécessaire, au moins pour un temps, mais certains d’entre eux se prostituaient pour vivre, risquant de mauvaises rencontres.
On peut se demander si tous les meurtres ont fait l’objet d’une enquête suffisamment approfondie.
Les autorités d’Atlanta voulaient clairement se “débarrasser” de cette terrible affaire, y mettre un point final et permettre à la ville de retrouver un climat de sécurité qui permettrait de relancer les affaires… Le maire Jackson mettait beaucoup de pression sur la police.
Mais il faut aussi se souvenir que, lorsque les meurtres commencèrent, en 1979, à peine 15 ans s’était déroulé depuis la fin de la ségrégation (1964-1968). Si les enfants avaient été blancs et aisés au lieu de pauvres et noirs, les autorités auraient-elles classé l’affaire aussi rapidement en considérant que Williams était responsable de tous les meurtres ? Auraient-elles clôt les affaires des meurtres d’enfants sans peser pleinement la possibilité qu’il y ait eu plusieurs tueurs ?
La classe politique majoritairement noire d’Atlanta – y compris le maire, Maynard Jackson, le chef de la police, George Napper, et le président du conseil municipal, Marvin Arrington – affirmait qu’Atlanta, capitale montante du “Nouveau Sud”, était une sorte d’Eldorado pour la classe moyenne noire. Les meurtres avaient terni l’image d’Atlanta, dont la devise était une «ville trop occupée pour détester» (to busy to hate), suggérant un modèle des droits civiques, un endroit où les relations raciales s’amélioraient constamment et les Noirs étaient à l’abri du racisme blanc et de la terreur. Mais il est impossible d’oublier que les victimes étaient noires et pauvres, de ne pas soupçonner un racisme institutionnel qui expliquerait le manque de réaction et l’apathie des forces de l’ordre, qui avaient historiquement des liens avec le Ku Klux Klan. L’arrestation de Williams, pour les responsables de la ville, a fait disparaître toute cette horreur… qui menaçait les revenus de la ville.
Il semble plus probable que tous les meurtres n’ont pas été commis par une même personne, mais par plusieurs assassins et peut-être deux autres tueurs en série.
Il est déjà arrivé que, durant une même période de temps, différents tueurs en série n’ayant aucun lien entre eux, assassinent leurs victimes dans la même zone géographique.
Quelques années avant les meurtres d’Atlanta, Ed Kemper et Herbert Mulin avaient assassiné leurs victimes à Santa Cruz entre 1972 et 1973.
À Los Angeles, dans les années 1970 et 1980, quatre tueurs en série, John Floyd Thomas, Lonnie David Franklin, Chester Turner et Louis Craine, s’en sont pris à des dizaines de femmes, pour la plupart noires et/ou pauvres, et le LAPD n’a jamais réellement enquêté sur leurs morts.
Dans les années 1970, le sud de la Californie était un véritable cimetière pour les jeunes hommes assassinés par Patrick Kearney, Randy Kraft et Vaughn Greenwood.
Espérons que les résultats des tests ADN mené depuis 2021 apporteront enfin des réponses et permettront d’identifier les assassins de tous les enfants, adolescents et adultes assassinés durant cette sombre période.
Les victimes
Edward Smith (14 ans)
Disparu le 21 juillet 1979
Abattu d’une balle dans le dos
Affaire considérée « non élucidée ».
Alfred Evans (13 ans)
Disparu le 25 juillet 1979
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Milton Harvey (14 ans)
Disparu le 4 septembre 1979
A priori étranglé
Affaire considérée « non élucidée ».
Yusuf Bell (9 ans)
Disparu le 21 octobre 1979
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Angel Lanier (12 ans)
Disparue le 4 mars 1980
Étranglée
Affaire considérée « non élucidée ».
Jeffery Mathis (11 ans)
Disparu le 11 mars 1980
A priori étranglé
Affaire considérée « non élucidée ».
Eric Middlebrooks (14 ans)
Disparu le 18 mai 1980
Crâne fracassé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Christopher Richardson (12 ans)
Disparu le 9 juin 1980
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
LaTonya Wilson (7 ans)
Disparue le 22 juin 1980
A priori étranglée
Affaire considérée « non élucidée ».
Aaron Wyche (10 ans)
Disparu le 23 juin 1980
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Anthony Carter (9 ans)
Disparu le 6 juillet 1980
Poignardé à plusieurs reprises
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Earl Terrell (10 ans)
Disparu le 30 juillet 1980
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Clifford Jones (12 ans)
Disparu le 20 août 1980
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Darron Glass (10 ans)
Disparu le 14 septembre 1980
Son corps n’a jamais été retrouvé
Affaire considérée « non élucidée ».
Charles Stephens (12 ans)
Disparu le 9 octobre 1980
Suffoqué
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Aaron Jackson (9 ans)
Disparu le 1er novembre 1980
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Patrick Rogers (16 ans)
Disparu le 10 novembre 1980
Crâne fracassé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Lubie Geter (14 ans)
Disparu le 3 janvier 1981
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Terry Pue (15 ans)
Disparu le 22 janvier 1981
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Patrick Baltazar (12 ans)
Disparu le 6 février 1981
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Curtis Walker (13 ans)
Disparu le 19 février 1981
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Joseph Bell (15 ans)
Disparu le 2 mars 1981
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Timothy Hill (13 ans)
Disparu le 13 mars 1981
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Eddie Duncan (21 ans)
Disparu le 20 mars 1981
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Larry Rogers (20 ans)
Disparu le 22 mars 1981
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Michael McIntosh (23 ans)
Disparu le 25 mars 1981
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Jimmy Ray Payne (21 ans)
Disparu le 23 avril 1981
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
John Porter (28 ans)
Disparu le 23 avril 1981
Poignardé à plusieurs reprises
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
William Barrett (17 ans)
Disparu le 11 mai 1981
Étranglé
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Nathaniel Cater (27 ans)
Disparu le 22 mai 1981
Asphyxié
Son meurtre a été attribué à Wayne Williams.
Mode opératoire
Il est possible que le ou les tueurs se faisaient passer pour un policier, mais il est également probable que les victimes enlevées par le ou les tueurs en série… n’ont pas été enlevées. Les garçons et les adolescents ont suivi leur tueur, sont montés dans sa voiture volontairement, l’ont accompagnés de leur plein gré. Sans doute leur a-t-il promis un petit boulot qui allait leur permettre de se faire de l’argent de poche, voire de ramener un petit pécule à la maison.
Les garçons cherchaient à se faire de l’argent, mais ils étaient intelligents, habitués à la rue et à la possibilité d’y faire de mauvaises rencontres. Ils ne suivaient pas quelqu’un qui ne leur inspirait pas confiance.
Le tueur pouvait non seulement se promener dans les quartiers des victimes sans attirer l’attention, mais, sans doute, les mener à baisser leur garde et à lui faire confiance.
Le tueur (l’un des tueurs…) possédait sans doute une voiture, car les corps de certaines victimes ont été retrouvés à plusieurs kilomètres de l’endroit où elles ont disparu.
La majorité des victimes étaient de jeunes noirs, mignons et intelligents, âgés de 7 à 15 ans. La plupart ont été étranglés, certains ont été déshabillés et tous sauf un ont disparu dans la rue en plein jour.
Plusieurs présentaient des hématomes sur le visage. Les garçons ne se sont pas laissé faire, ils se sont défendus.
Motivation
Les meurtres d’Atlanta étaient-ils motivés par “la haine des Noirs” ? Le fait que toutes les victimes soient noires me semble reposer sur les préférences plutôt que les préjugés. Bien qu’il y ait peu ou pas de preuves d’agression sexuelle, plusieurs des victimes avaient des activités homosexuelles, soit pour gagner de l’argent, soit parce que c’était tout simplement leur préférence sexuelle. Même s’il n’existait pas de preuve évidente de mutilation ou de violence sexuelle, il est possible que certains des meurtres aient eu une motivation sexuelle.
Les descriptions des corps semblent d’ailleurs fournir un indice. Nombre de victimes ont été étranglées, les unes après les autres. La strangulation est une manière très particulière, très cruelle, de tuer. Le psychologue Krafft-Ebing a rapporté une affaire qui a eu lieu dans les années 1870, celle d’un jeune Italien nommé Vincent Verzeni qui a commis deux meurtres par étranglement et a agressé d’autres femmes. Krafft-ebing note : « Dès qu’il a saisi sa victime par le cou, il ressent des sensations sexuelles (…) accompagnées d’érection et d’éjaculation. Habituellement, les étouffer simplement le satisfait, il a donc permis à la plupart de ses victimes de vivre… »
Au départ, la plupart des garçons ont été tués durant l’été et l’automne, période durant laquelle il fait souvent très beau et très chaud à Atlanta. Pour supporter la chaleur humide, ils étaient peu vêtus, portaient des shorts, étaient parfois torses nus. Pour un pédophile, ils étaient “attirants”.
Certains des garçons ont été déshabillés puis rhabillés avec des vêtements qui n’étaient pas les leurs, certains ont été lavés, au moins en partie. Leur assassin a fait d’eux ce qu’il voulait, il les a utilisés comme des jouets.
Le tueur devait être capable de gagner la confiance de ces jeunes victimes. Il devait être capable de désamorcer les inquiétudes qu’une victime potentielle pourrait avoir. Les pédophiles ont fait du contrôle des jeunes une forme d’art. Celui qui était responsable de la mort de ces jeunes devait se déplacer et vivre et gagner sa vie parmi eux. Et il est presque certain que ce tueur était un homme noir, afin de ne pas attirer l’attention ou éveiller les soupçons.
On peut également remarquer qu’à partir de novembre, le rythme des meurtres à Atlanta s’est accéléré. Des jeunes noirs ont été assassinés de plus en plus souvent.
En ce qui concerne Wayne Williams, c’était une personnalité qui avait soif de contrôle et de succès, ce qu’il avait bien du mal à obtenir à l’âge adulte. Alors qu’il était « promis à bel avenir » et avec même acquis une célébrité locale dans sa jeunesse, il avait subi échec après échec à partir de 16 ans, obligeant même ses parents à renoncer à leurs économies.
Au dire de tous, Williams était un jeune homme intelligent. Il n’avait que douze ans lorsqu’il a interviewé le politicien Andrew Young dans l’émission de radio qu’il diffusait depuis son sous-sol. Il espérait percer dans la musique ou la radio, mais n’y parvenait pas. Quand on regarde le CV qu’il a offert aux journalistes peu avant son arrestation, on y lit les délires de grandeur d’un jeune homme désespérément avide de réussite et d’attention.
Il avait fréquenté l’Université d’État de Géorgie, y étudiant les affaires et la finance, mais n’avait jamais obtenu son diplôme. On pourrait penser qu’il ne s’intéressait pas aux études car il rêvait de musique, un ancien professeur a même expliqué qu’il devait “s’ennuyer” à l’Université parce qu’il était “trop intelligent”…
Lors du procès, le procureur du comté de Fulton a demandé des conseils à John Douglas pour interroger Wayne Williams lorsque ce dernier a pris la parole. Douglas lui a conseillé de garder l’accusé à la barre le plus longtemps possible pour se concentrer sur les échecs de sa vie. Il ne le supporterait pas. Effectivement, alors que le procureur posait question après question, Williams a perdu son sang-froid. D’abord sur la défensive, il a fini par devenir extrêmement hostile.
Je ne sais pas si Wayne Williams a assassiné toutes les victimes qui lui ont été attribuées. Je sais par contre qu’il rêvait de devenir célèbre, qu’il cherchait presque maladivement la gloire et la notoriété. Lorsque l’on regarde les photographies de Williams durant le procès, on est surpris par son regard qui se fixe sur les caméras et les appareils photos, par son sourire. Sur l’une des photos, il se tourne même vers les photographes pour être pris de face !
Derrière la façade élaborée du jeune homme intelligent et ambitieux que Wayne Williams présentait, rôdait une personnalité confuse qui affirmait tout et n’importe quoi pour impressionner les gens.
Williams est un égocentrique et un égoïste, il s’est comporté comme un adolescent en manque d’attention et n’a montré aucune empathie pour les jeunes victimes assassinées.
« Wayne Williams, selon toute probabilité, pensait qu’il apprécierait vraiment ce procès », a écrit Douglas alors que l’accusation clôturait son affaire. « L’attention personnelle qu’il allait obtenir était quelque chose qu’il n’a jamais vécu auparavant. Il a fait de piètres tentatives pour devenir célèbre en étant disc-jockey, ambulancier, dénicheur de talents et policier. Tous ces postes représentent le pouvoir – en particulier le pouvoir sur les autres. Wayne Williams, comme de nombreux tueurs en série, ne peut jamais s’imaginer être reconnu coupable de ses crimes. Les tueurs en série pensent qu’ils sont trop intelligents pour se faire prendre.«
Le profil de Douglas était basé sur des caractéristiques communes aux plus de 25 meurtriers en série et de masse interrogés par l’unité des sciences du comportement, basée à Quantico, en Virginie.
Le rapport de Douglas indiquait également que les tueurs en série d’enfants, en particulier, ont souvent été choyés et surprotégés dans leur jeunesse et peuvent se focaliser sur les garçons ou les filles.
« Les meurtres d’enfants à Atlanta ont commencé lorsque le stress dans la vie de Wayne Williams est devenu insupportable », a écrit Douglas. « Il vivait seul avec des parents assez âgés pour être ses grands-parents, et il n’appréciait probablement pas ça. Ses parents, diplômés à l’université et enseignants à la retraite, étaient respectés et avaient accompli de grandes choses. Entre 21 et 23 ans, bien qu’assez brillant et s’exprimant bien, Williams n’a rencontré qu’échec après échec, allant même jusqu’à obliger ses propres parents à perdre leurs économies en obtenant un prêt pour l’entreprise personnelle de leur fils et à provoquer plus tard leur faillite.”
« Wayne Williams est un jeune homme en colère en quête de pouvoir, qui porte un masque pour couvrir ses insuffisances personnelles. L’affaire du meurtre en série d’Atlanta a été son premier succès, et cela lui a donné un sentiment de pouvoir. Wayne Williams a orchestré cette affaire selon sa volonté. Il a défié les autorités, les a intimidées et a joué son propre scénario. Il a impliqué presque toutes les juridictions policières dans cette affaire, puis a créé des scénarios où toutes les juridictions policières seraient impliquées.”
Durant le procès, Douglas a observé que Williams avait été “piégé dans des mensonges” et que des témoins avaient témoigné avoir eu des expériences homosexuelles avec lui. “Williams ne se considère probablement pas comme un homosexuel ; cependant, le tueur John Gacy de l’Illinois pensait de même. Gacy a agressé sexuellement et tué 33 adolescents et jeunes hommes… Alors que l’accusation clôt son dossier, il est, pour la première fois, concerné.”
Le profil de Williams est vraiment proche du profil de « tueur inconnu » que Douglas avait dressé bien avant l’arrestation de Wayne Williams. Au cours de sa visite de janvier 1981 à Atlanta, Douglas a visité les scènes de crime des victimes Alfred Evans, Edward Hope Smith, Milton Harvey, Christopher Richardson et Earl Lee Terrell, qui ont tous été retrouvés dans des zones boisées du sud d’Atlanta.
Il a conseillé à la police d’utiliser le profil qu’il avait développé comme « guide » pour évaluer les suspects au fur et à mesure qu’ils apparaissaient dans l’enquête. Lorsque Wayne Williams est devenu un suspect, tout dans le profil ne correspondait pas, mais il y avait des similitudes très intéressantes.
Voici des extraits de ce rapport et des données sur Williams extraites des dossiers d’enquête :
> « Votre agresseur connaît les zones de la scène du crime parce qu’il vit ou a résidé dans cette zone. De plus, son occupation actuelle ou passée l’a amené à traverser ces zones en voiture à différentes occasions… Les sites où les défunts ont été trouvés ne sont pas aléatoires ou des zones choisies « par hasard ». Il se rend compte que ces zones sont éloignées et peu fréquentées par d’autres. »
En travaillant à la pige pour WAGA-TV en 1978, Williams a tourné un reportage à Redwine Road et un autre à l’Interstate 285 et Washington Road, près de Redwine Road. Les corps de Richardson et Terrell ont été retrouvés sur Redwine, et le corps de Harvey a été retrouvé à proximité.
La même année, Williams a tourné une vidéo sur les routes Boat Rock et Campbellton, non loin de Suber Road, où le corps de Jeffery Mathis a été retrouvé. Williams avait également travaillé sur Niskey Lake Road, où les corps de Smith et Evans, les deux premières victimes, ont été retrouvés en juillet 1979. Même lorsqu’il savait qu’il était sous surveillance policière, Williams s’est rendu à plusieurs reprises sur Niskey Lake Road pour récupérer un de ses protégés, supposément membre du groupe Gemini.
> « Une tactique fréquente (pour enlever des enfants « intelligents qui ont l’habitude de la vie dans la rue » sans être vu) est de se faire passer pour un agent de sécurité ou un policier qui se soucie de la sécurité de la victime, le place dans son véhicule personnel et promet de ramener la victime à la maison. Il peut à l’inverse réprimandez la victime pour avoir marché dans les rues tard dans la nuit et menacez de l’arrêter. »
Un voisin qui a déclaré connaître les Williams depuis plus de 20 ans a affirmé aux agents du FBI que les enfants du quartier pensaient que Williams était un policier parce qu’il conduisait des voitures ressemblant à celles des detectives, portait un badge et donnait des ordres aux enfants. « Beaucoup d’entre eux pensaient qu’il avait commencé à agir bizarrement, il y a deux ou trois ans… Il s’approchait des enfants dans des véhicules d’apparence officielle, leur disant de quitter la rue ou il les enfermerait.«
Un autre voisin a déclaré aux enquêteurs qu’environ deux ans plus tôt, Williams avait menacé de « l’arrêter », en lui montrant une sorte de badge.
Williams a été arrêté par la police d’East Point en 1976 pour avoir tenté de se faire passer pour un policier.
Lorsque la voiture de Williams de type “police banalisée” a été saisie le 31 décembre 1979 – cinq mois après le début de la série de meurtres – on y a trouvé une sirène de police, des lumières clignotantes bleues et rouges et un scanner de police.
> « Selon toute probabilité, votre agresseur est noir. Généralement, les agresseurs de ce type sont obsédés par les victimes de même race. »
Wayne Williams est noir. Toutes les victimes qu’il est accusé d’avoir tuées étaient noires.
Des témoins ont déclaré que Wayne Williams faisait souvent des remarques désobligeantes sur les enfants noirs pauvres et a déclaré qu’il ne les aimait pas. Il aurait dit que les statistiques montraient que “tuer un enfant noir empêcherait la reproduction de nombreux autres”. Ces témoins l’avaient également observé alors qu’il montrait comment faire sombrer une personne dans l’inconscience en appliquant une pression sur le cou et l’artère carotide.
> « Votre agresseur a, selon toute probabilité, des antécédents criminels de comportement agressif et/ou violent… Il portera toujours une arme quelconque sur lui et a menacé de l’utiliser sur d’autres dans le passé. »
Les seuls délits figurants sur le casier judiciaire de Williams concernaient l’usurpation d’identité d’un officier, l’utilisation non autorisée d’équipement d’urgence et le dépôt d’un faux rapport de vol de voiture à la police. Au moment de son arrestation pour les deux premières accusations, il avait un fusil de chasse de calibre 12 dans sa Plymouth à quatre portes.
Des employés de Southern Ambulance Services, que Williams visitait parfois, ont témoigné que Williams aimait « se bagarrer » avec eux et un employé a déclaré qu’il l’aspergeait parfois avec un aérosol de défense au poivre.
> « Ses couleurs préférées sont le noir, le bleu foncé et le marron. Cela s’observe particulièrement dans les vêtements qu’il choisit de porter et la couleur de la voiture qu’il conduit.”
La garde-robe de Williams privilégiait les bruns ternes. Selon les dossiers du groupe de travail et les témoignages au procès, il a conduit de nombreuses voitures, louées et possédées, entre 1979 et 1981. Leurs couleurs étaient d’un blanc délavé ; bordeaux ; bleu clair ; gris argent ; brun ; marron jaunâtre ; blanc et bleu.
> « Ce criminel, selon toute probabilité, est célibataire. Il a toujours eu des difficultés à établir des relations avec des membres du sexe opposé. Dans sa jeunesse, il a été abusé sexuellement… Il y a de fortes chances qu’il ait passé du temps dans des centres de détention pour mineurs, ainsi que d’autres formes d’incarcération. »
Williams était célibataire et des connaissances ont déclaré aux enquêteurs que Williams était rarement vu avec des femmes et n’avait pas de petite amie. Une femme qui travaillait pour Williams dans son entreprise de musique a témoigné lors de son procès qu’elle avait eu des relations sexuelles avec lui, mais elle avait insisté auprès des enquêteurs lors d’entretiens antérieurs sur le fait que cela n’était jamais arrivé…
Par contre, les enquêteurs n’ont découvert aucune preuve que Williams avait été abusé sexuellement et qu’il n’avait jamais passé de temps en détention pour mineurs.
Les informations sur l’identité sexuelle de Williams étaient mitigées. Plusieurs connaissances ont dit qu’elles pensaient qu’il était efféminé, qu’il avait une voix haut perchée et qu’il affichait des tendances homosexuelles. Cependant, aucun des jeunes qui travaillaient avec lui n’a déclaré qu’il les avait approchés sexuellement.
Deux témoins à charge ont témoigné de l’homosexualité présumée de Williams. Un adolescent a déclaré que Williams l’avait caressé. Un homme a déclaré avoir vu Williams marcher dans la rue en tenant la main de Nathaniel Cater peu de temps avant la disparition de ce dernier. Wayne Williams a nié.
Citations
« Wayne n’était qu’un bouc émissaire. Ils ont dû trouver quelqu’un à mettre en prison parce que la ville était comme un baril de dynamite.” : Willie Mae Mathis, mère de Jefferey Mathis
“Qu’il soit coupable de ces crimes ou non, Wayne a gagné. Il a toujours voulu attirer l’attention, et il l’a fait.” : une connaissance de Wayne Williams
“J’ai couru hors de la maison comme une folle, je criais et hurlais si fort. Je savais juste que c’était lui. Mon esprit m’avait quitté… Je voulais me couper les poignets parce que je sentais que je n’avais plus de raison de vivre. Je ne pouvais pas dormir la nuit. Je ne pouvais pas manger. Je ne pouvais rien faire. Je voulais savoir qui avait fait ça à mon fils. Je voulais savoir.” : Catherine Leach, mère de Curtis Walker, lorsqu’elle a reconnu le corps de son fils à la télévision
“Nous n’étions pas une priorité. Pour qu’un enfant soit porté disparu et que ce soit important, il fallait qu’il soit l’enfant de quelqu’un. Nous ne savions pas que d’autres enfants avaient disparu jusqu’à ce qu’ils trouvent un corps.” : Camille Bell (mère de Yusuf)
Filmographie
La minisérie “The Atlanta Child Murders” (avec Morgan Freeman en enquêteur) a été diffusée en 1985 sur CBS. Centré sur les meurtres et l’arrestation du suspect, la série se concentre sur les conséquences des meurtres et se questionne sur la culpabilité de Wayne Williams.
En juin 2010, CNN a diffusé un documentaire, “The Atlanta Child Murders” avec des interviews d’enquêteurs, de juristes et de Wayne Williams lui-même. Le documentaire de deux heures invitait les téléspectateurs à voter pour savoir si Williams était coupable, s’il était innocent ou si l’affaire n’était « pas prouvée ».
En janvier 2018, le réalisateur de documentaires Payne Lindsey a commencé à publier un podcast intitulé “Atlanta Monster”, couvrant les meurtres avec des interviews des familles des victimes, d’enquêteurs et juristes, de personnes vivant dans la région d’Atlanta au moment des meurtres et de Wayne Williams.
“The Atlanta Child Murders”, une série documentaire en trois parties, a été diffusée sur Investigation Discovery en mars 2019.
La seconde saison de la série “Mindhunter” (août 2019) couvre (de manière plus ou moins fictionnelle) les meurtres d’Atlanta. Le personnage de l’agent Ford (inspiré de John Douglas) insiste sur le fait que les meurtres sur lesquels ils enquêtent sont l’œuvre d’un seul tueur en série, et que pour gagner la confiance des victimes, il doit être Afro-américain lui-même.
En avril 2020, HBO a diffusé un documentaire en 5 parties intitulé “Atlanta’s Missing and Murdered: The Lost Children”. Recréant l’époque, il se concentre sur les parents des victimes, l’enquête et les appels déposés par les avocats de Wayne Williams, rejetés à deux reprises.
Bibliographie
The List, de Chet Dettlinger et Jeff Prugh (1983)
The Atlanta Youth Murders and the Politics of Race, de Bernard Headley, Bernard (1998).
Le FBI a mis ses centaines de pages de dossiers sur cette affaire sur Internet grâce à la loi du Freedom of Information Act. Elles sont disponibles librement (mais parfois caviardées) : Freedom of Information Act
On peut trouver de nombreux articles dans les archives en ligne de l’Atlanta Constitution et du Atlanta Journal (qui ont fusionné en 1982).
Child Killer: The True Story of The Atlanta Child Murders, de Jack Roswood
The Atlanta Child Murders: the Night Stalker, de Jack Mallard
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