Article mis à jour le 14 septembre 2022
Les professionnels du profilage criminel ont à relever un véritable défi. Alors que les crimes violents augmentent, les profilers usent de toutes les ressources disponibles pour arrêter les agresseurs. L’une de ces ressources est la victimologie, l’étude de la victime du crime.
Comment une victime décédée peut-elle aider les enquêteurs ?
La réponse repose dans une technique appelée « victimologie ».
La victimologie en elle-même est un domaine bien plus large, mais une certaine approche de la victime et du crime (psychologique, criminelle, clinique, etc.) peut permettre de créer une image mentale assez exacte de l’agresseur.
Introduction
Entre 1989 et 1993, dans la province australienne de Nouvelle-Galles du Sud, une douzaine de jeunes touristes disparurent le long d’une des plus grandes autoroutes du pays. Plusieurs corps furent découverts dans la Forêt d’état de Belanglo, dans divers états de décomposition. Certaines victimes voyageaient en couple, d’autres seules. Il y avait des hommes et des femmes, entre 19 et 23 ans. Ils venaient de différents pays, avaient différents passés et différentes destinations.
Malgré ces différences, toutes les victimes partageaient une caractéristique commune : elles étaient toutes auto-stoppeuses et parcouraient le pays grâce à la gentillesse de conducteurs. Ces similitudes offraient aux investigateurs un indice concernant le meurtrier de ces jeunes gens, et fournissaient aux profilers une information vitale au sujet du tueur, mais aussi des victimes. Il y avait de grandes chances pour qu’elles aient été prises en stop par un individu qui possédait donc un véhicule, dans lequel les victimes étaient montées volontairement.
Ces informations sont collectées grâce à l’étude des victimes, la « victimologie » : l’examen de chaque facette du style de vie des victimes, leur passé, leur santé, leurs caractéristiques physiques, leurs habitudes, leur personnalité… En apprenant le plus possible sur les victimes, on peut en savoir un peu plus sur l’agresseur.
Dans cette affaire, l’assassin était Ivan Milat, un fou d’arme à feu qui chassait les voyageurs avec un fusil à lunette…
La victimologie est importante dans le processus d’investigation parce que non seulement elle indique comment était (et qui était) la victime, mais elle fournit également des informations qui aident à comprendre pourquoi elle a été choisie comme victime.
Dans bien des situations, l’agresseur va se retenir jusqu’à ce qu’il rencontre la victime qui correspond parfaitement à ses besoins, lui permettant de réaliser et de satisfaire ses fantasmes et ses désirs. La manière dont est choisie la victime est donc importante et donne un aperçu des pensées de l’agresseur, qui affectent la manière dont il agit.
Si nous sommes capables de déterminer comment l’agresseur a agi, nous serons peut-être capables de déterminer son comportement futur, ce qui pourrait mener à son arrestation. (Ainsi, John Armstrong s’en prenait aux prostituées, surtout droguées. La police avait des soupçons et l’a alors cherché dans le quartier des prostituées de Chicago, en plein milieu de la nuit. Et elle l’a trouvé).
On relie à la victimologie les concepts de :
- « méthode d’approche »
- « méthode d’attaque »
- « évaluation du risque »
Si nous connaissons des détails sur la personnalité de la victime (elle était méfiante, par exemple), nous serons capables de déterminer, en conjonction avec l’analyse de la scène du crime, comment elle a été approchée par l’agresseur.
On procédera de la même manière pour connaître la manière dont elle a été attaquée et « dominée ». Si l’on ne peut pas distinguer cette information à travers la scène du crime, alors une analyse des risques de la victime (c’est-à-dire ses « risques » de devenir une victime) peut nous aider.
Si nous analysons ces données en rapport avec les risques que l’agresseur était prêt à prendre pour « acquérir » une certaine victime, alors nous aurons une image générale de la victime et de ce qui a conduit l’agresseur à choisir cette personne en particulier.
La victimologie
La victimologie dans sa forme la plus simple est l’étude de la ou les victime(s) d’un agresseur unique.
Elle est définie comme « l’étude complète et l’analyse des caractéristiques de la victime » (Brent Turvey), et peut aussi être appelée « profiling de la victime » (R. Holmes).
La raison pour laquelle une bonne victimologie est importante est que près de la moitié des délits criminels sont des agressions ou des meurtres et, comme telle, la victime est un élément du crime, tout autant que les armes utilisées, la scène du crime ou les témoins oculaires. C’est encore plus vrai lorsque la victime est vivante, qu’elle est donc la dernière personne à avoir été témoin du crime, et qu’elle pourrait offrir la meilleure description physique et comportementale de l’agresseur.
En dehors de ces considérations, le passé (« background« ) de la victime peut fournir une information importante au sujet de ses activités passées ou de son style de vie, nous conduisant peut-être directement à un suspect. Par exemple, si elle fréquentait un club de sport, il est possible que son assassin soit également un membre de ce club.
La victime est parfois négligée dans les enquêtes policières, et lorsque les enquêteurs demandent un profil à un spécialiste, ils oublient souvent d’inclure les informations concernant la victime dans leurs rapports. Cela ne veut pas dire qu’aucun service de police n’utilise ces informations, mais que, jusqu’à maintenant, bien des enquêteurs ont négligé de considérer le passé de la victime comme important. Généralement, la meilleure manière d’approcher un profil est de passer par la victimologie, qui est l’un des outils les plus bénéfiques pour classifier et résoudre un crime violent.
Dans un monde parfait, les informations suivantes devraient être disponibles pour les profilers, avant qu’ils ne commencent à travailler sur l’affaire (selon Turvey et Holmes) :
- Description physique
- Statut marital
- Style de vie
- Occupations, loisirs
- Niveau d’éducation
- Santé
- Casier judiciaire
- Dernière activité connue, avec une ligne chronologique des événements
- Journal intime (s’il existait et qu’il est disponible)
- Plan de ses déplacements avant l’agression
- Problèmes de drogue ou d’alcool, s’il y a
- Amis et ennemis
- Famille
- Emplois actuel et passés
Cette liste n’est pas exhaustive en cela qu’elle ne fournit pas un aide-mémoire complet des informations qui devraient être incluses dans la victimologie. Chaque affaire, chaque agresseur et chaque victime nécessite sa propre et unique victimologie.
Il existe des questions importantes qui devraient accompagner chaque étude de la victime, et elles devraient conduire non seulement à des réponses, mais aussi à de nouvelles questions.
En voici quelques-unes :
- Pourquoi cette personne en particulier a-t-elle été choisie par l’agresseur ?
- Cette personne est-elle tombée dans une embuscade ou l’agresseur a-t-il juste saisi l’opportunité ?
- Quelles étaient les risques que cette personne soit victime d’une embuscade (ou au contraire, soit agressée par opportunité) ?
- Quel(s) risque(s) l’agresseur a-t-il pris pour commettre son crime ?
- Comment la victime a-t-elle été approchée, contrainte ou attaquée ?
- Quelle a été la réaction de la victime à l’attaque ?
Les réponses à ces questions vont fournir quelques idées sur les motivations et le mode opératoire de l’agresseur, et peut-être même sur sa signature. À partir de cela, d’autres observations peuvent être faites sur le background de l’agresseur, notamment sa connaissance des techniques policières et médico-légales, son métier, ses caractéristiques physiques et ses habilités sociales (facilité de contact, de parole, charisme…).
Lorsque c’est possible, les hypothèses proposées par le profiler au sujet de l’agresseur devraient être comparées à d’autres données telles que les déclarations des témoins oculaires et les informations disponibles sur la scène du crime. Si l’information « colle », il est probable que les conclusions soient correctes. Si elles ne « collent » pas, alors d’autres possibilités doivent être explorées.
Le « tueur de mamies »
Voici une étude de cas qui vous permettra de mieux comprendre.
L’agresseur était surnommé « le violeur de mamies » par les médias, pour une raison évidente. De fin 1997 à janvier 1998, cet homme s’est introduit dans les maisons de vieilles dames de Brisbane, dans le Queensland, en Australie. La plupart des 11 victimes (59 à 86 ans) ont été violées, mais d’autres sont parvenus à faire fuir leur agresseur. Quand il rencontrait une résistance, il quittait les lieux sans combattre. Ces attaques ont eu lieu entre minuit et quatre heures du matin, et toutes se sont passées dans des résidences de la Housing Commission (les HLM). Toutes les agressions ont été préméditées, suggérant que chaque victime avait été spécialement choisie par le violeur.
Il entrait de différentes manières : une fois, il a coupé un trou dans la moustiquaire pour atteindre l’autre côté de la porte et l’ouvrir. Une autre fois, il a volé un trousseau de clés, fait une copie et replacé l’original à sa place. Le violeur portait toujours plusieurs épaisseurs de vêtements et avait un masque et des gants. Il ne parlait qu’en murmurant.
En examinant la victimologie dans cette affaire, l’âge des victimes et l’endroit où elles vivaient signifiaient qu’elles n’avaient pas été choisies au hasard, mais présélectionnées à l’avance. Les personnes âgées sont plus facilement contrôlables et n’ont pas de visiteurs ou de compagnies à deux heures du matin. Le fait que le violeur ait volé, dupliqué et remit en place le trousseau de clés signalait son intention de revenir dans cette maison-ci.
Alors, comment l’agresseur rencontrait-il ses victimes ? Comme elles louaient toutes leur habitation à la Housing Commission, on pensa que le violeur travaillait probablement pour cette dernière. Il pouvait être un homme d’entretien, un réparateur, un jardinier, un peintre ou un constructeur. Le violeur connaissait l’implantation des propriétés, comme s’il avait déjà été à l’intérieur auparavant. Et s’il tentait de dissimuler son identité (masques, gants, vêtements), c’était sans doute parce qu’il avait déjà rencontré ses victimes dans le passé, et qu’il pensait qu’elles pourraient le reconnaître.
Ces arguments sont assez élémentaires et ne sont qu’un exemple de la manière dont la victimologie peut offrir des informations lors de l’enquête criminelle. Nous pouvons déterminer si les victimes ont été choisies au hasard ou pas, éventuellement par qui, et nous pouvons peut-être même établir certaines caractéristiques de l’agresseur.
Le « Granny Rapist » a été arrêté en 2000 et condamné à la perpétuité : Gilbert Atwell, 47 ans, avait présélectionné ses victimes, était déjà entré chez elle auparavant et était employé par la Housing Commission comme peintre.
Voici trois sujets principaux qui peuvent être fournis par la victimologie :
- le contexte
- les connexions
- l’orientation de l’enquête (voir également plus bas)
Dans le cas de ce violeur en série, il aurait été possible de conseiller à la police d’orienter ses recherches vers un homme qui avait accès aux propriétés, qui était employé par la Housing Commission et qui était sans doute peintre, réparateur ou homme d’entretien.
En comprenant comment et pourquoi les victimes étaient choisies, une « relation » a été établie entre l’agresseur et les victimes. Les autres liens que l’on peut trouver peuvent être les collègues de travail, les liens géographiques (le voisinage), les liens liés aux hobbies (club de loisirs…) ou les liens sociaux (la victime a pu rencontrer son agresseur dans un bar).
Le nombre de liens possible est infini, aussi une bonne victimologie est-elle essentielle pour les resserrer.
La méthode d’approche
La « méthode d’approche » est une expression qui se réfère à la manière qu’a l’agresseur de s’approcher de ses victimes (Turvey). Il est utile d’examiner ce point, car il offre beaucoup d’indications sur l’agresseur, telles que ses habiletés sociales (s’il parle facilement, s’il semble sympathique…), son physique (laid, banal ou séduisant), son habilité à manipuler et à charmer.
Il y a généralement trois méthodes d’approche, décrites comme :
- « l’arnaque »
- « la surprise »
- « l’attaque éclair »
L’agresseur peut utiliser une seule méthode ou une en conjonction avec une autre.
– « L’arnaque » :
L’agresseur trompe sa victime en lui faisant croire qu’une situation imaginaire existe, avec l’intention de l’attirer dans un emplacement qui lui soit plus favorable, ou pour faire baisser la garde de sa victime afin de pouvoir l’attaquer plus facilement.
Par exemple : lorsque l’agresseur se fait passer pour un livreur ou un homme d’entretien afin d’accéder à une habitation. Dans « Le Silence de Agneaux », le personnage de Buffalo Bill emploie cette méthode lorsqu’il feint d’avoir le bras cassé, demande à la jeune femme de l’aider à porter son canapé et l’attire à l’intérieur de son van pour l’assommer. Le comportement de Buffalo Bill a été inspiré de celui d’un vrai tueur en série, Ted Bundy. Grâce à ses études en psychologie, Bundy avait appris que les gens aident plus facilement quelqu’un qui a un handicap physique. Il a alors commencé à porter un faux plâtre au bras pour attirer ses victimes. Il faisait croire qu’il avait du mal à porter ses livres jusqu’à sa voiture, et demandait à des jeunes femmes de l’aider.
– « La surprise » :
L’agresseur attend sa victime, caché, puis la « soumet » (par menace, immobilisation, etc.) rapidement. Il peut attendre que certaines conditions se présentent (permettre à une voiture de le dépasser, laisser la victime s’endormir…) ou peut se moquer de la présence de témoins oculaires. Cette approche peut être combinée avec une « attaque éclair ».
Un exemple : l’agresseur se cache derrière des buissons près d’un parking et attend qu’une femme seule vienne rechercher sa voiture. Alors qu’elle se tient debout à côté de sa voiture et cherche ses clés dans son sac, l’agresseur s’approche d’elle et la saisit par derrière pour l’immobiliser.
– « L’attaque éclair » :
L’agresseur use rapidement et excessivement de la force afin que la victime n’ait même pas le temps de se défendre, pour contrôler la situation. Généralement, « l’attaque éclair » est précédée d’une « surprise », comme dans l’exemple précédent.
Sur la scène d’un crime, il se peut que la manière dont l’agresseur a approché sa victime ne soit pas évidente, bien que des témoins ou la victime elle-même (si elle est vivante) puissent donner cette information. Il est important de le savoir parce qu’un agresseur qui est capable « d’embobiner » une personne suspicieuse et intelligente est probablement « beau parleur », rusé et persuasif. Ted Bundy était un beau jeune homme, étudiant en droit, au sourire charmeur.
Un agresseur qui est capable de « surprendre » ou « d’attaquer » un athlète de 100 kilos peut être décrit comme quelqu’un de costaud ou d’agile.
Un agresseur qui n’utilise pas d’interaction verbale du tout et « attaque » sa victime directement peut indiquer que ses habilités sociales et/ou verbales sont faibles. Ainsi, le « Trailside Killer » se jetait brutalement sur ses victimes dans les parcs nationaux californiens, sans essayer de leur parler. Le profiler Robert Ressler pensa qu’il n’était pas très beau et qu’il avait peut-être un problème d’élocution : David Carpenter était chauve, avec des dents jaunes et il bégayait.
Cela va permettre au profiler de « créer une image » de l’agresseur, de son physique, de ses habiletés verbales et sociales, et – confirmé par d’autres informations – de fournir une piste ou un suspect.
La méthode d’attaque
La méthode d’attaque évoque les mécanismes de l’agresseur pour « dominer » sa victime lorsqu’il a terminé sa phase d’approche (Turvey). Il est inapproprié d’utiliser les termes « d’arnaque » et de « surprise » ici, car ils ne correspondent pas pour décrire l’attaque, mais bien l’approche. Par contre, on peut parler « d’attaque éclair ».
La méthode d’attaque doit être décrite en relation avec le degré de force utilisé et la présence d’armes ainsi que leur rôle dans l’attaque. Le niveau de l’attaque s’échelonne de « douce » (des menaces verbales) à « sévère » (un assaut physique brutal avec l’utilisation excessive d’une arme). La méthode d’attaque peut ne pas immédiatement suivre l’approche, par exemple, si l’agresseur est interrompu par l’arrivée d’un passant ou si la victime parvient momentanément à s’enfuir.
La méthode d’approche et la méthode d’attaque doivent d’abord être étudiées séparément, puis ensemble, pour comprendre l’enchaînement des événements et fournir des informations sur le contexte.
Brian Masters (dans »The Shrine of Jeffrey Dahmer« ) cite l’exemple d’un crime commit par Jeffrey Dahmer pour illustrer la méthode d’approche et la méthode d’attaque. Le 20 mai 1991, Jeffrey Dahmer rencontra Raymond Smith au club « 219 Tavern ». Dahmer engagea la conversation et lui proposa 20 dollars pour poser nu pour des photos, dans son appartement. C’est la méthode d’approche, une « arnaque ». Dahmer a utilisé une ruse pour que sa victime ne se méfie plus et le suive jusqu’à son appartement.
Lorsqu’ils arrivèrent chez Dahmer, vers 3 heures du matin, Smith indiqua qu’il ne resterait pas longtemps si Dahmer ne le payait que 20 dollars. Dahmer lui demanda de rester toute la nuit. Smith répliqua que ça allait lui coûter bien plus cher, mais Dahmer lui assura qu’il aurait le reste de l’argent le lendemain matin. Jeffrey Dahmer alla à la cuisine où il mixa des somnifères dans de l’alcool, qu’il offrit à Smith. Une demi – heure plus tard, Raymond Smith sombra dans l’inconscience et Dahmer l’étrangla immédiatement à même le sol. Bien que la victime soit inconsciente, cela constitue l’attaque et, dans ce cas, elle peut être décrite comme une « attaque éclair ».
La méthode d’attaque est vitale pour comprendre de quoi est capable un agresseur, dans quel environnement il se sent à l’aise et avec quel type de victime.
L’évaluation du risque
L’évaluation du risque consiste à déterminer le risque d’une personne de devenir victime d’un crime. Nous entendons parfois des reportages sur un crime violent expliquant que l’agresseur a été vraiment loin pour « acquérir » sa victime. Dans d’autres cas, nous apprenons que l’agresseur a « acquis » sa victime au hasard, parce que l’opportunité se présentait. Dans ce cas, c’est peut-être quelque chose que la personne a fait, quelque chose dans lequel elle était engagée, qui a élevé son risque de devenir une victime.
Cela ne signifie pas que la personne est responsable d’être devenu une victime, bien sûr, mais que certains facteurs concernant le mode de vie et la situation, ont augmenté le risque de « victimisation ». Cela inclut la prostitution, l’alcoolisme, l’usage de drogue, le fait de voyager seul(e) la nuit dans un quartier connu pour sa criminalité, etc.
L’évaluation du risque peut également inclure un examen du risque que l’agresseur a accepté de prendre pour « acquérir » sa victime.
Le risque pour la victime se divise en trois niveaux : bas, moyen et élevé. Cela réfère au degré de risque pour qu’une personne devienne une victime en vertu de sa vie personnelle, professionnelle et sociale.
Ainsi, l’une des personnes qui ont le plus de chance de devenir une victime est la prostituée, car elle est constamment en contact avec de nombreux étrangers, se retrouve seule avec eux plusieurs fois par nuit, a souvent des problèmes de drogues, n’est pas toujours une priorité pour la police (si elle est agressée ou tuée) et ses proches mettent souvent du temps à réaliser qu’elle a disparu.
Une victime à bas risque serait une personne qui a un emploi stable, beaucoup d’amis, est rarement seul(e) et n’a pas des horaires trop prévisibles (sinon, elle peut être attaquée chez elle, si elle rentre toujours à la même heure).
De nombreux facteurs contribuent au risque subit par une personne.
Le style de vie de la victime se réfère au risque présent dû à la personnalité de la personne et de son environnement personnel, professionnel et social. Le risque du style de vie est affecté par «qui est cette personne ?» et «comment cette personne est-elle concernée par certains risques dans son environnement ?».
Certains facteurs vont augmenter ce risque, dont :
- l’agressivité
- la colère
- les explosions émotionnelles
- l’hyperactivité
- l’impulsivité
- l’anxiété
- la passivité
- une mauvaise image/estime de soi-même
- l’introversion
Par exemple :
Si une personne est encline aux explosions émotionnelles, elle peut sortir d’une maison durant une dispute, pour se calmer, et avoir l’esprit ailleurs. Alors qu’elle est dehors, cette personne rencontre un agresseur qui l’attaque et l’enlève. L’explosion émotionnelle a contribué au fait qu’il ou elle est devenue une victime, car elle l’a placé dans une position dangereuse de faiblesse (dans la position d’être attaquée) et peut conduire les autres à croire qu’il ou elle ne sera pas de retour avant des heures, comme d’habitude… Et l’agresseur a donc plus de temps pour s’enfuir.
Autre exemple :
Une personne vient d’être licenciée et quitte la société où elle travaillait. Cette personne venait justement d’investir une grosse somme d’argent dans l’achat d’une maison, et elle est préoccupée par ses engagements financiers.
Alors que cette personne marche vers son véhicule, elle ne remarque pas un homme qui rode à l’entrée du parking. Le fait que cette personne soit préoccupée par ses futurs problèmes financiers augmente son risque parce qu’elle ne remarque pas les facteurs inhabituels et potentiellement dangereux autour d’elle.
Examinons à présent les risques pris par l’agresseur.
C’est une notion très importante, car elle nous dit quels risques l’agresseur était prêt à prendre pour « acquérir » cette victime particulière, à cet instant particulier, dans cet endroit particulier.
Le premier risque pris par l’agresseur est le risque de son mode opératoire : la nature et l’étendue de son habilité, sa planification et les précautions prises avant, pendant et après le crime. Le risque de son mode opératoire réfère à toutes ces choses que l’agresseur fait pour réduire son propre risque d’être dérangé, contrecarré ou appréhendé.
Le risque du mode opératoire est divisé en deux niveaux : bas (lorsque l’agresseur est très précautionneux et planifie tout) et élevé (lorsqu’il ne prend pas de précautions).
L’agresseur peut également être exposé à un « risque d’incident » : il peut être blessé ou perdre un objet compromettant (Guy Georges a un jour perdu son portefeuille). Le risque d’incident est subjectif, car c’est le risque pour l’agresseur, mais perçu par le profiler.
La perception de la situation par un agresseur peut désinformer un profiler sur le risque qu’il a pris.
Exemple :
Un étudiant se rend à un bal costumé où tout le monde doit venir déguisé en quelque chose commençant par la lettre « D ». Bien qu’il soit hétérosexuel et ait une petite amie, l’étudiant décide de s’habiller en « Drag Queen ». Tard dans la nuit, lorsqu’il quitte la fête, il appelle un taxi, mais on lui dit qu’il devra attendre au moins deux heures. Il décide alors de rentrer chez lui à pied, vu qu’il n’habite pas très loin. Mais alors qu’il marche seul dans la rue, il est accosté par trois hommes qui croient qu’il est réellement un « Drag Queen ». Ils le tabassent et il meurt de ses blessures à l’hôpital.
L’étudiant était déguisé. En temps normal, habillé « normalement », ses trois assassins ne s’en seraient pas pris à lui. Mais comme ils ont perçu ce jeune homme comme « une Drag Queen », ils ont pensé que leur victime ne porterait pas plainte après avoir été battue, et que même s’il le faisait, la police ne lui aurait pas porté beaucoup d’attention à cause de son style de vie.
Dans ce cas, il est important d’examiner le style de vie « normal » de la victime (étudiant), puis d’examiner le risque d’incident des agresseurs en relation avec leur perception du style de vie de la victime (« Drag Queen »). Les assassins ont pu agresser d’autres « Drag Queen » ou des homosexuels dans le passé, et être connus des services de police.
D’autres aspects de la victimologie
Un des aspects les plus importants de la victimologie en relation avec le profilage est le fait qu’elle permet de réduire énormément l’éventail de types d’agresseurs. Chaque question qui obtient une réponse est une fenêtre vers la psyché de l’agresseur et, en retour, répond à des questions au sujet de cet agresseur.
– En évaluant le type de victimes que l’agresseur préfère, les profilers peuvent suggérer des techniques pour inciter le tueur à se dévoiler.
Brent Turvey explique dans un de ces livres sur les violeurs en série qu’en connaissant les préférences de l’agresseur, les enquêteurs vont être capables d’établir où le violeur va être à un certain moment de la journée (s’il n’attaque que les femmes qui rentrent chez elles après le travail, il va être dans la rue entre 17h et 19h30) et quelle victime il aura en tête (et en chasse) pour que ses fantasmes sexuels deviennent réalité (il ne va s’en prendre qu’à des femmes blondes de 20 à 30 ans, par exemple).
– La victimologie permet aux profilers de conseiller les enquêteurs sur des tactiques d’interrogatoires lorsqu’ils parlent avec un suspect.
Bien que la corrélation puisse ne pas sembler évidente au premier abord, elle existe. Le profiler a beaucoup appris sur la victime, ce qui lui a permis de savoir quel genre de personne est l’agresseur. Il va savoir si le suspect ressent ou pas des remords (s’il a couvert le corps avant de partir, par exemple). Il va savoir quelles tactiques seront les plus utiles pour l’amener à avouer.
Par exemple, dans son livre « Mindhunter« , John Douglas (ancien profiler au FBI) expose une affaire où une fille de 12 ans avait été violée et assassinée. Il avait appris tout ce qu’il pouvait sur la victime. Sa réputation, ses loisirs, ses amis, si elle croyait facilement les gens et aurait suivi un inconnu, etc. Ensuite, il avait examiné les indices trouvés sur la scène du crime et avait tenté d’imaginer ce qui s’était exactement passé.
En se basant sur ses résultats, il avait dit aux enquêteurs d’interroger leur suspect la nuit, d’abord pour qu’il se sente « à l’aise » (c’était un noctambule), mais aussi pour qu’il sache que l’enquête était très sérieuse puisque les policiers ne s’arrêtaient même pas pour dormir.
Douglas avait fait quelques autres suggestions. Les enquêteurs devraient placer l’arme du crime (une grosse pierre) sur une table basse, dans un angle de 45° par rapport au suspect, pour qu’il doive tourner la tête s’il voulait la regarder. Il fallait également que les policiers observent les indications non verbales du suspect, tous ses gestes. S’il était bien le tueur, il serait incapable d’ignorer la pierre sur la table. Enfin, Douglas expliqua aux enquêteurs qu’ils devraient bien choisir leurs mots. Il allait falloir qu’ils blâment la victime et non pas le suspect, même si ça les dégoûtait.
Lorsque les policiers interrogèrent leur suspect, il n’ignora pas la pierre, au contraire. Très nerveux, il se mit à transpirer. Les enquêteurs suivirent les conseils de Douglas, et s’en prirent à la victime, l’accusant d’avoir menacé le suspect, de « l’avoir cherché ». Il fallut peu de temps pour que le suspect avoue le viol et le meurtre de la fillette, mais aussi le viol d’une autre.
Parce que Douglas avait appris comment était la victime, qui elle était, il avait également appris comment elle aurait réagi face à cet homme. Il s’était mis à la fois dans la peau de la victime et dans celle de l’agresseur.
– La victimologie aide à savoir qui sera la prochaine victime que le tueur choisira, et permet donc de prévenir le public susceptible d’être visé (homosexuels, prostituées, jeunes femmes blondes…), notamment grâce aux médias.
L’affaire du violeur de Saint-Louis, dans le Missouri (surnommé « le Violeur du Côté Sud ») est révélatrice d’un agresseur qui s’en prend à un type spécifique de victimes. Il choisissait des femmes qui vivent seules, avaient des cheveux foncés, avaient entre 35 et 40 ans et habitaient en appartement. Les autorités, bien que dispersées dans des juridictions différentes, ont été capables d’avertir les victimes potentielles du violeur.
D’autres exemples : les victimes de Ted Bundy étaient toutes des jeunes femmes ayant de longs cheveux, brunes pour la plupart, jolies et pleines de vie.
En 1985, environ dix femmes rousses ont été assassinées sur des autoroutes américaines traversant plusieurs états.
La victime, vivante ou décédée, participe activement à l’enquête. Elle est la seule, excepté l’agresseur, qui sait ce qui s’est réellement passé durant le crime.
Bibliographie
Introduction à la victimologie
Précis de victimologie générale
Sexual Homicide: Patterns and Motives- Paperback: Patterns and Motives
Liens
Journal international de victimologie : http://www.jidv.com