Article mis à jour le 28 septembre 2022
Emprunté à l’araignée venimeuse qui dévore son compagnon après l’accouplement, cette dénomination s’applique en criminologie aux femmes qui assassinent leurs propres époux, amants, enfants ou familles.
Elles sont les plus nombreuses parmi les tueuses en série. Elles peuvent tuer durant de très nombreuses années et certaines sont même des « mamies » a l’air tout à fait respectable.
Les « veuves noires » utilisent souvent le poison pour tuer, comme l’araignée dont est tiré leur surnom.
« Malgré sa taille, son venin neurotoxique compte parmi les plus dangereux du règne animal. Il n’est mortel que pour les personnes les plus sensibles (enfants, personnes âgées, allergiques, etc.) mais il peut « offrir » une bonne semaine de diarrhées et de vomissements à un véritable colosse ». (Wikipedia)
La tueuse en série « type »
Le profit, l’argent, obtenu grâce aux assurances-vie ou aux héritages, est fréquemment le mobile des crimes de ces femmes, bien qu’il puisse ne pas être le seul. Nannie Doss, selon ses propres aveux, a tué ses maris successifs parce qu’elle cherchait « le véritable amour, comme dans les magazines et les romans ».
Lorsque les mères tuent leurs propres enfants (plus particulièrement quand la vie de la victime n’est pas assurée), il y a clairement une motivation psychologique à leur acte. La Sud-Africaine Daisy De Melker a tué ses beaux-enfants parce qu’elle espérait, peu judicieusement, que son époux lui porterait alors plus d’attention.
D’autres, comme Mary-Beth Tinning, souffrent apparemment du « Syndrome de Munchausen par procuration » : elles rendent leurs enfants malades jusqu’à les tuer, dans une recherche pathologique d’attention et de sympathie envers « la pauvre mère si courageuse ».
Tout comme leurs homonymes arachnoïdes, les « veuves noires » utilisent communément le poison pour tuer leurs amis, époux, parents… Quand elles tuent les enfants, elles utilisent le plus souvent l’asphyxie.
Bien sûr, il y a des exceptions à la règle. Une mort par balle peut difficilement passer pour une « mort naturelle », mais cela peut ressembler à un suicide ou à un accident, une technique appréciée par Barbara Stager, de Caroline du Nord.
La robuste Belle Gunness n’a pas seulement matraqué à mort, elle a parfois démembré ses victimes.
Velma Barfield mettait le feu à ses époux pendant qu’ils dormaient.
Au Texas, Betty Beets préférait que ses maris disparaissent entièrement, et elle attendait qu’ils soient légalement déclarés morts pour toucher les assurances-vie.
Les « Veuves Noires », discrètes, douces en apparences, intelligentes, sont sans doute les pires tueuses en série. Elles planifient leurs crimes et peuvent tuer durant des années avant qu’on ne les soupçonne.
Contrairement aux hommes tueurs en série, souvent prétentieux et crâneurs, les femmes tueuses en série sont plus « subtiles » et discrètes. Les scènes de frénésie sanguinaire sont rares. Les « Veuves Noires » utilisent un mode opératoire tel que le poison dans la nourriture (pas de contact physique violent) et les accidents domestiques (qui n’attirent pas l’attention).
Ces femmes portent le tablier de Betty Crocker et le masque de la mère au foyer de June Cleaver pour cacher leurs instincts meurtriers.
Judy Buenoano a utilisé divers pseudonymes durant des années pour brouiller les pistes alors qu’elle tuait deux maris, un fiancé et un de ses fils handicapé (qu’elle a laissé ce noyer), pour l’argent des assurances vie.
Elle a tenté d’assassiner son 3ème et dernier époux en faisant exploser sa voiture…
Elle a été exécutée le 30 mars 1998 au Texas.
Autre Texane, Diana Lumbrera a étouffé ses six enfants entre 1977 et 1990, un à la fois, ainsi que sa fille âgée de 3 mois. Finalement, un docteur est devenu soupçonneux et a réalisé qu’il n’avait pas affaire à une malheureuse mère malchanceuse.
Lydia Trueblood, de Pocatello dans l’Iowa, a empoisonné ses enfants, cinq époux et l’un de ses beaux-pères au début du 20e siècle.
Durant les années 60 et 70, l’Allemande Maria Velten a empoisonné deux maris, un amant, une tante et son propre père.
Une étude menée par l’Université de Virginie montre, toutefois, que la « cible » traditionnelle de la « Veuve Noire » pourrait changer. «Ces dernières années, le nombre de victimes « étrangères » a augmenté».
Les « Veuves Noires », tout comme l’immense majorité des femmes tueuses en série, ne sont pas motivées par des fantasmes sexuels violents, contrairement aux hommes.
Les trois points communs entre certaines femmes tueuses (dont les « Veuves Noires ») et d’autres tueurs en série masculins sont qu’elles :
– sont capables de paraître tout à fait normales et gentilles lorsque c’est nécessaire pour planifier leurs crimes
– qu’elles peuvent être des psychopathes
– qu’elles n’éprouvent aucun remords.
John Douglas, ancien profiler du FBI, a dit lors d’une interview télévisée que la meilleure protection des tueurs en série est qu’ils/elles sont virtuellement impossibles à reconnaître lorsqu’on les voit. «Le grand public croit qu’ils ressemblent tous à Hannibal Lecter», dit-il. «En fait, ils sont comme vous et moi, comme le facteur, la boulangère, le livreur qui vient chez vous». Et, ajoute-t-il, ils et elles sont -pour la plupart- sains d’esprit. «Ils et elles connaissent la différence entre le bien et le mal».
Harold Schecter, co-auteur de « The A-Z Encyclopedia of Serial Killers« , remarque : «Les tueurs et tueuses en série ont des personnalités psychopathiques. Il leur manque les bases des émotions humaines, y comprit le remords. Les autres êtres humains ne sont pour eux que des objets qu’ils utilisent pour leur besoin».
Il existe également des femmes que l’on pourrait qualifier de « Veuves Noires »… si on pouvait expliquer leur mobile.
Audrey Marie Hilley a tué trois membres de sa famille, mais absolument pas pour l’argent. On n’a jamais vraiment su pourquoi, d’ailleurs. Cette femme au foyer de l’Alabama, douce et gentille, a brusquement décidé, à 42 ans, de tuer. Cela a duré quatre ans. Elle a empoisonné ses victimes, mais elle (ni le procureur) n’a jamais pu expliquer le pourquoi de ses actes.
Les films et téléfilms hollywoodiens tendent à nous faire croire que les « Veuves Noires » ont de nombreux maris parce qu’elles sont belles, attirantes.
C’est faux. En réalité, les « Veuves Noires » qui ont le plus de maris (et d’amants et de fiancés) ne sont pas vraiment belles, ni attirantes. La plupart d’entre elles étaient et sont des « ménagères de moins de 50 ans » tout ce qu’il y a de plus banal.
Mais leur « manque de beauté plastique » est remplacé par leur ingéniosité et leur charme. Une « Veuve noire » est capable, en trouvant les bons mots, avec un beau sourire et une forme de charme féminin qui surpasse de loin toutes les beautés physiques, d’envelopper un homme dans ses bras et, ensuite, de l’amener à lui faire totalement confiance… jusqu’à la laisser gérer l’argent du couple.
Tout l’argent.
Généralement, les « Veuves Noires » rencontrent leurs maris grâce aux petites annonces de rencontres, dans des clubs de veufs et veuves, ou grâce à des amis communs qui ne remarquent pas le « quelque chose de bizarre » chez leur amie.
Il n’est pas rare, lorsque le mari décède, que la « Veuve Noire » déménage dans un endroit totalement différent, parfois très loin, où elle change de nom, de personnalité, et se crée un nouveau passé totalement inventé.
Certaines « Veuves Noires » ont des enfants de leurs mariages précédents. Les enfants sont perspicaces, instinctifs, au point de sentir lorsque que quelque chose se trame avec leurs parents. Et pourtant, la plupart des enfants des « Veuves Noires » n’ont jamais rien su des intentions criminelles de leur mère… jusqu’à ce qu’on les arrête.
Le masque des « Veuves Noires » leur est d’une grande utilité dans la société occidentale, qui a toujours loué la vertu de l’épouse dévouée et de la mère aimante.
Les Kellehers, dans « Murder Most Rare« , disent : «Parce qu’elle prend délibérément pour cible ceux qui ont confiance en elle, les crimes de ce genre de tueuses violent nos conceptions fondamentales sur l’amour, la loyauté, la maternité et l’amitié».
La majorité des « Veuves noires » commencent à tuer vers 30-35 ans, même si certaines commencent bien plus tôt.
Elles tuent une moyenne de 6 à 13 victimes aux États-Unis et 10 à 15 dans d’autres pays (en Europe, notamment). Aux États-Unis, les Veuves Noires tuent en moyenne durant 11 ans et, dans d’autres pays, durant 16 ans !
Les Veuves Noires tuent très souvent pour l’argent, et, en de rares occasions, à cause de la colère. Il y a également eu de rares cas où les « Veuves Noires » ont tué quelqu’un dont elle craignait qu’il ou elle ait découvert la vérité au sujet de leur identité et de leurs crimes.
Toutefois, les meurtres sont toujours planifiés méthodiquement.
Insoupçonnables et inconcevables
Voici quelques « Veuves Noires », classées par ordre chronologique :
– Mary Ann Cotton.
Anglaise. De 1852 à 1872, elle a empoisonné 21 personnes, dont 4 époux, ses enfants, ses beaux enfants, sa mère, sa belle-sœur et des amis.
– Belle Gunness.
Américaine. De 1872 à 1893, elle a tué ses 6 enfants, 2 époux et d’innombrables hommes, des soupirants ou des ouvriers de sa ferme.
– Amy Archer-Gilligan.
Américaine. De 1911 à 1914, elle a empoisonné – parfois après les avoir épousés – plusieurs hommes riches et âgés dont elle s’occupait dans sa maison de repos.
– Vera Renczi.
Roumaine. Dans les années 1910, elle a assassiné 2 époux, son fils et 32 amants (dont elle a gardé les corps chez elle), par jalousie maladive.
– Ottilie Gburek.
Américaine d’origine polonaise. De 1919 à 1921, elle a empoisonné 5 de ses époux, dont elle affirmait avoir « vu » la mort « en rêve », ainsi que les enfants d’une voisine.
– Daisy DeMelker.
Anglaise résidente en Afrique du Sud. De 1907 à 1932, elle a assassiné 2 époux, ses 5 enfants, un fiancé et des amis.
– Marie Becker.
Belge. De 1932 à 1936, dépensière et « nymphomane », elle a empoisonné deux époux, ainsi que de nombreuses « amies » riches de l’aristocratie Liégoise.
– Nanny Doss.
Américaine. Des années 1920 aux années 1950, cette douce « mamie » a empoisonné 4 époux, 2 enfants, sa mère, sa soeur et son petit-fils.
– Marie Besnard.
Française. Elle a été acquittée en 1961 par manque de preuves. Mais beaucoup pensent qu’elle a empoissonné 12 personnes de sa famille, dont ses 2 époux, entre 1927 et 1949.
– Janie Lou Gibbs.
Américaine. De 1965 à 1967 cette chrétienne fondamentaliste dévouée à sa famille… a assassiné son époux, ses 3 fils et son petit-fils, pour l’argent.
– Waneta E. Hoyt.
Américaine. De 1965 à 1971, elle a assassiné 5 de ses 6 enfants. Elle a persuadé de nombreux médecins qu’ils étaient décédés du syndrome de la mort subite du nourrisson. Elle n’a été arrêtée qu’en 1994.
– Blanche Taylor Moore.
Américaine. De 1966 à 1989, elle a assassiné son père, sa belle-mère, son époux et son amant. Son second époux a survécu miraculeusement.
Plus nombreuses qu’avant ?
Il semble qu’avec les années soient apparues de plus en plus de « Veuves Noires ». Est-ce parce qu’elles étaient moins nombreuses au début du 20e siècle ? Rien n’est moins sûr…
Trois raisons font que les années précédentes la Seconde Guerre Mondiale sont considérées comme les « meilleures » pour les « Veuves Noires » :
- Les sciences médico-légales étaient encore balbutiantes. Généralement, la technologie utilisée pour tenter de trouver les meurtriers reposait sur des tentatives à l’aveugle : si ça fonctionnait, on avait de la chance et on était heureux. Cette « technique » allait plus tard s’avérer défectueuse. Les mondes de la police et de la science étaient encore séparés, et à des années lumières de ce qu’elles sont à présent.
- La médecine légale n’était pas encore le bras droit de la police. Alors que des morts soudaines entraînent aujourd’hui des tests sanguins et d’ADN ainsi qu’une autopsie, à l’époque, la plupart des médecins étaient des « toubibs de village ». À moins qu’il y ait eu de très bonnes raisons de suspecter un acte criminel, le corps n’était pas examiné et la police pas alertée.
- L’opinion qui prévalait était que « les femmes ne tuent pas ». Il existait bien des femmes de « haute naissance » qui avaient des mœurs douteuses, le genre qui remplissait les pages des romans à deux sous, mais sinon, pensait-on, les femmes n’étaient pas « corrompues par le mal ». Le piédestal sur lequel la féminité était perchée était inébranlable. Si une femme perdait son époux durant la nuit, le piédestal résistait et elle continuait sa vie, avec, au pire, un froncement de sourcils scrutateur si elle s’en allait dans une autre ville.
C’était une époque « civilisée », l’Amérique et l’Europe croyaient en une nature positive et en des vies douces. On savait pertinemment que des choses désagréables avaient lieu dans l’obscurité, mais on les ignorait.
Les vies se déroulaient tranquillement, mais la faim de la « Veuve Noire » s’accroissait. Des maris naïfs et des enfants innocents continuaient de mourir sans que l’on s’en préoccupe.
Après la Seconde Guerre Mondiale, le monde découvrit qu’il était plus enclin à la violence qu’il l’avait cru, et la douce tranquillité des vies en fut éprouvée. Les années 40 et 50 apportèrent des révélations singulières, et les années 60 révélèrent qu’il y avait plus de noirceur dans l’humanité que ce qu’on pouvait penser.
De nouveaux mots comme « sociopathe » émergèrent dans le langage et ajoutèrent encore plus d’obscurité dans le « ça » et le « moi » que Freud en avait déjà placé. Les psychopathes passèrent de l’image du fou monstrueux des films Hollywoodiens à l’homme de la rue.
Et pourtant, alors que le temps passait, le tueur en série devint bien trop banal. Des histoires au sujet des femmes qui avaient assassiné leur époux, et de mères qui avaient étouffé leurs bébés ne faisaient plus les gros titres. La boucherie du groupe de Charles Manson a terrifié tout le monde, mais depuis, on a fait bien pire.
Néanmoins, la conception d’un meurtre commis par une femme continue de hanter le cerveau « normal » qui est habitué à repousser une telle idée. Eric Hickey argumente : «Les femmes tueuses n’inspirent pas la peur comme le font les hommes tueurs», mais les tueurs masculins ne vous révulsent pas autant que lorsqu’on entend qu’une jeune femme au visage d’ange a tiré sur ses trois enfants à bout portant uniquement parce qu’elle considérait qu’ils l’empêchaient de vivre avec son amant : Diane Downs a tué l’un de ses enfants, Cheryl, et en a blessé gravement les deux autres, Stephen et Christie, en mai 1983.
Dans « Deadlier Than the Male », l’auteur Terry Manners présente des statistiques récentes sur les femmes tueuses en série de la seconde moitié du 20e siècle :
- 32% d’entre elles sont des femmes au foyer
- 18% sont infirmières
- 97% sont blanches
- leur moyenne d’âge est de 33 ans
De pire en pire
Il semble y avoir une différence, une tendance, et elle est terrible, chez les dernières « Veuves Noires » de ce siècle.
Elles sont devenues plus froides et plus vicieuses, si c’est encore possible. Leurs proies, qui étaient auparavant uniquement leurs maris et leurs enfants, sont à présent également les enfants du voisinage, les amis, les connaissances, les collègues de travail, tous celles et ceux qui se dressent sur leur chemin.
Les perspectives sont alarmantes et illustrent le fait que la « Veuve Noire » existe toujours et se porte bien, plus active que jamais, dans notre nouveau millénaire.
Les « Veuves Noires » sont même sans doute plus nombreuses de nos jours et elles tuent peut-être plus. Elles ne sont plus aussi mélodramatiques que Mary Ann Cotton, aussi « glamour » que Marie Besnard ou aussi sévère que Blanche Taylor Moore. Beaucoup d’entre elles ne seront jamais arrêtées.
La « Veuve Noire » du second millénaire n’a pas beaucoup changé. Elle manipule toujours. Elle sourit toujours pendant qu’elle verse du poison dans votre café. Elle étouffe encore. Toutefois, son mode opératoire devient plus technique et sophistiqué : Waneta Hoyt a appris à ses pairs les avantages de l’utilisation (à la fois comme arme et comme bouclier) du « syndrome de la mort subite du nourrisson » et d’autres affections difficiles à diagnostiquer.
«Les experts médicaux pensent à présent qu’entre 1 et 20% des 7 000 à 8 000 bébés que l’on pense être morts du « syndrome de la mort subite du nourrisson » chaque année aux États-Unis, sont en fait morts… d’autres causes», écrivent Michael et C.L. Kelleher. «Tristement, beaucoup de ces enfants meurent entre les mains de leurs propres mères».
Bibliographie
Femmes serial killers. Pourquoi les femmes tuent ?, Peter Vronsky
Tueuses en série, de Frédérique Volot